Le Grand Origène

une courte biographie

                                                                     

Nous sommes parfaitement renseigné sur la biographie d’Origène:

Eusèbe  évêque de Césarée de Palestine vers 313, y consacre quasiment tout entièrement son livre 6 de son "Histoire Ecclésiastique".

 Eusèbe a certainement recueilli ses sources dans la bibliothèque de son évêché et a eu le bonheur de consulter quasiment tous les ouvrages d'Origène.

 

Origène naît en Égypte dans une famille chrétienne vers l'an 185. Nous ignorons si son pronom dérive de l'égyption Horus, signifiant fils d'Horus, ou de l'hébreu Or, fils de lumière?

 

En 202, sous le règne de Septime Sévère, l'Église d'Alexandrie est persécutée et son père  saint Léonidès meurt en martyr. Il est fêté dans le synaxaire le 16 avril.

 

Eusèbe rapporte qu' Origène voulut le suivre dans le martyre, mais sa mère réussit à l'en empêcher en cachant ses vêtements. La mort de Léonidès laissait sans ressources une famille de neuf personnes car ses biens avaient été confisqués.

 

Origène, cependant, devint le protégé d'une femme riche mais, comme elle abritait déjà chez elle un hérétique du nom de Paul, Origène qui professait la plus stricte orthodoxie refusa de rester dans sa maison. Il doit alors travailler comme professeur de lettres pour faire vivre ses nombreux frères et sœurs.

 

En 215, bien que très jeune, dix-huit ans,  en pleine persécution, il prend en charge le didascalée, l'École théologique d'Alexandrie.  Il prend donc la suite de saint Clément.

 

Il n'hésite pas à assister de ses encouragements les fidèles en prison pour la foi et les accompagner au supplice "usant de la plus grande hardiesse et s'exposant ainsi aux dangers".

Il accompagna ainsi parmi d'autres, la grande martyre d'Alexandrie sainte Potamiène (au synaxaire le 7 juin).

Pour être entièrement indépendant, Origène vendit sa bibliothèque pour une somme qui lui rapportait un revenu quotidien qui lui suffisait en raison de son extrême frugalité.

 

Enseignant toute la journée, il consacrait à l'étude des Ecritures la plus grande partie de ses nuits menant une vie d'ascète rigide.

Il portait si loin ce souci que, puisqu'il enseignait à des femmes aussi bien qu'à des hommes, on racconte qu'il craignit que cette situation pût donner lieu au scandale pour les païens et il aurait suivi à la lettre Matthieu 19:12 : "Il y a des eunuques qui se sont faits eux-mêmes eunuques pour le Royaume des cieux " et aurait eu un"geste hardi" comme l'écrit  Eusèbe  dans le chapitre 8 de son histoire ecclésiastique.

Depuis les biographes de la vie d'Origène propagent sans critique ce "geste hardi" et y devinent une atteinte à sa virilité.  

Pourtant dans son enseignement donné à Césarée maritime, il stigmatisera l'erreur que constitue la lecture littérale des Écritures. On ne sait pas très bien quel fut "son geste". 

La divulgation d'une hypothétique mutilation fut le fait d'ennemis d'Origène qui s'efforçaient de réduire son importance ou de souiller sa réputation. Il n'est pas impossible que l'évêque Démétrius en soit à l'origine. Eusèbe écrit:

 

"Demétrius admira  Origène pour son audace, approuva son zèle et la sincérité de sa foi […] mais peu de temps après, voyant Origène réussir et devenir illustre, éprouva des sentiments humains et essaya de l'accuser d'une action tout à fait déraisonnable […] n'ayant pas d'autre sujet d'accusation, il lui fit un mauvais grief de l'action qu'il avait commise…"

 

Origène continue à étudier, notamment auprès du philosophe  Ammonius Saccas dont on ne sait pas grand-chose sinon qu'il fut le maître de Plotin et probablement fondateur de l'école néo-platonicienne. 

Origène donna pour l'Eglise d'Alexandrie un grand nombre d'homélies et de commentaires de l'Ecriture sainte. Sa vertu et sa rigueur morale lui valurent le surnom d'Adamantius (l'homme d'airain) en raison de son énergie à prêcher  la Parole de Dieu et son zèle à la mettre en pratique.

L'étude des textes sacrés le conduit à étudier l'hébreu et les commentaires rabbiniques avec un rabbin qu'il appelle "l'hébreu".

Son désir de parfaire ses connaissances le  conduisit vers "la très ancienne Eglise des romains" où il rencontra saint Hippolyte.

De retour à Alexandrie, Origène reprend son enseignement; il convertit de l'hérésie un certain Ambroise qui providentiellement riche, met à la disposition du maître alexandrin des tachygraphes qui ont recueilli pour nous ses paroles prononcées parfois devant un grand auditoire, parfois devant une poignée de fidèles.

Origène effectua aussi des voyages, appelé par les évêques ou par les gouverneurs pour s'entretenir de la foi chrétienne. C'est à son retour d'Arabie qu'il quitta Alexandrie pour la Palestine, en raison principalement de l'édit de Caracalla qui ferma les écoles et dissout les associations philosophiques et aussi probablement pour des querelles de personnes. Il est rappelé par l'évêque d'Alexandrie en Egypte. Mais en raison de l'attitude de l'évêque, il retourne en Palestine

En 230, il est ordonné prêtre en Palestine par saint Alexandre, l'évêque de Jérusalem (au synaxaire au 7 avril).  

Démétrius, l'évêque d'Alexandrie, est très fâché et  malgré le soutien apporté à Origène par de nombreux évêques, il prend en Conciel la décision de le bannir du sol égyptien, puis un peu plus tard, il  refuse de reconnaitre l'ordination d'Origène.

A Césarée de Palestine, Origène continue d'expliquer l'Écriture où une nouvelle école prend corps autour de lui avec les élèves les plus remarquables dont saint Grégoire le Thaumaturge qui écrivit une "apologie d'Origène"..

En 250, sous le règne de Dèce, Origène subit la persécution et, bien qu'emprisonné et torturé, il ne cesse d'écrire pour encourager ses compagnons. Après son retour à la liberté, il meurt en 254, probablement des suites de ses blessures.

Selon Jérôme, il serait mort à Tyr, et aurait été enterré dans la cathédrale.

Après sa mort son œuvre fut l'objet de controverses dues premièrement à l'exagération de ses disciples et aussi à la précision de la pensée dogmatique bien postérieure à l'époque de sa vie.

Son seul ouvrage véritablement spéculatif, le "Des  principes", a le caractère d'une recherche ouverte à l'époque où aucune doctrine n'a encore été fixée par aucun concile, aussi contient-il des propositions hasardeuses.

Toute sa vie, il s'est voulu orthodoxe, fils de l'Eglise catholique, il se définissait comme "Homme d'Eglise", non dans le sens d'ecclésiastique mais dans celui de "toute ma vie est consacrée pour l'Eglise".

Un  concile byzantin à Constantinople au 6è siècle condamna l'origénisme (et non Origène) et aujourd'hui beaucoup restent sur cette condamnation et sans avoir lu les oeuvres du grand alexandrin, ou rapidement et encore sans bienveillance, et sans critique historique,  s'arrêtent aux diatribes de  l'acrimonieux Jérome et aux accusions d'Epiphane de Chypres grand pourchasseur d'hérésies réelles ou supposées.  

Les promoteurs de l'affirmation d'un Origène hérésiarque falsifient consciemment ou non l'histoire en englobant Origène dans la condamnation des Origénistes qui prenaient pour doctrine les "exercices de recherches" de leur maîre.  

On l'accusait, en particulier,  d'avoir soutenu la croyance en la réincarnation et la pré-existence de l'âme avant la naissance.

Pour la réincarnation, Origène lui même, à plusieurs reprises et notamment  dans son Commentaire sur l’évangile de Matthieu, qualifie la réincarnation d'erreur. c'est donc un faux procès.

Quant'à  la préexistence des âmes, il propose cette opinion, à propos de la chute, comme une hypothèse à vérifier et non un enseignement de l'Eglise. Son explication de la chute de l'âme dans la matière du corps relève d'une confiance surprenante au platonisme, surtout qu'Origène a commenté parfaitement le livre de la Génèse. 

 

Il fournit aussi l'idée que dans le Logos éternel, toute la création est en préfiguration, opinion suivie aujourd'hui par les melleurs théologiens

 

Origène pense que le Salut final n'adviendra que lorsque toute la création et donc toute l'humanité aura été réintégrée dans le Christ. Cette doctrine est connue sous le nom d'apocatastase, elle sera reprise plus ou moins nuancée  par les plus grands Pères de l'Église que sont Grégoire de Nazianze, Basile de Césarée et surtout Grégoire de Nysse. La mystique orthodoxe prend garde de présenter cette doctrine comme vérité de foi mais d'une espérance des saints, comme la propose saint Isaac le syrien.

Origène est un penseur en mouvement, curieux, prolifique mais jamais un doctrinaire obtus.

 

Le Pape de Rome Benoît XVI dans ses catéchèses du mercredi, le  25 avril 2007, écrit:

 

"Origène fut véritablement un " maître", et c’est ainsi que ses anciens élèves en gardaient le souvenir, avec nostalgie et émotion: non seulement celui d’un théologien brillant, mais d’un témoin exemplaire de la doctrine qu’il transmettait.

" Il enseigna, écrit son biographe enthousiaste Eusèbe de Césarée, que la conduite doit correspondre exactement à la parole, et ce fut surtout par cela que, avec l’aide de la grâce de Dieu, il en amena un grand nombre à l’imiter. " (Hist. ecclés. 6, 3, 7). […]

Faire de la théologie était pour Origène  essentiellement expliquer, comprendre l’Écriture; ou, pourrions-nous dire encore, sa théologie est la symbiose parfaite entre la théologie et l’exégèse.

En vérité, la marque propre de la doctrine origénienne semble résider justement dans cette invitation incessante à passer de la lettre à l’esprit des Écritures afin de progresser dans la connaissance de Dieu.

Je terminerai en vous invitant à accueillir dans le cœur l’enseignement de ce grand maître dans la foi.

Dans un intime transport de joie, il nous rappelle que dans la lecture priante de l’Écriture et dans l’engagement cohérent de la vie, l’Église se renouvelle et rajeunit sans cesse. La Parole de Dieu, qui ne vieillit jamais et jamais ne s’épuise, est le moyen privilégié pour atteindre cette fin. C’est en effet la Parole de Dieu qui, par l’action du Saint-Esprit, nous guide toujours à nouveau vers la vérité tout entière."    

        

Je reprends à mon compte cette invitation.

                                                                                                                            + E.P.

 

un exemple de la catéchèse d'Origène sur ce site: l'incarnation du Logos

 

Bibliographie:

- Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, livre VI, SC N° 41, 1955

-  Hans von Balthazar, le mystérion d'Origène, in Recherches de sciences religieuses, 1936

- Jean Daniélou, Origène, Paris la table ronde, 1948

- Pierre Nautin, Origène, sa vie, son oeuvre, Paris Beauchesne 1977

- Abbé Freppel, Origène, Paris 1878

 

© Lettre aux amis du sanctuaire du prophète  Elie   

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