La Jérusalem céleste

" Il est digne et juste, convenable et nécessaire de te louer, de te chanter, de te bénir, de t'adorer, de te glorifier, de te rendre grâces, à toi, l'auteur de toutes les créatures visibles et invisibles, <..>. Toi que chantent les cieux et les cieux des cieux et toutes leurs puissances, le soleil et la lune et tout le cortège des étoiles, la terre, la mer et tout ce qu'elle contient, la Jérusalem céleste, l'assemblée des élus, l'Eglise des premiers nés qui sont inscrits au ciel, les esprits des justes et des prophètes, les âmes des martyrs et des apôtres"

                                         

chante la liturgie syriaque dans l'anaphore selon saint Jacques.

La Jérusalem céleste, depuis sa description dans le livre de l'apocalypse, est un thème cher aux mystiques, ce qui ne veut pas dire qu'il s'agit d'une notion éthérée sans réalité d'ici bas.

Jean Cassien dans sa quatorzième conférence nous propose un sujet de réflexion:

"Au sens historique Jérusalem sera la cité des Juifs; au sens allégorique, l'Eglise du Christ; au sens mystique, la cité céleste qui est notre mère à tous; au sens moral, l'âme humaine que nous voyons souvent louée ou blâmée par le Seigneur sous ce nom".

La Jérusalem céleste ne doit pas être mise en opposition avec la Jérusalem historique et terrestre mais en continuité.

La Jérusalem d'Israël

est la cité de Melkisedeq, le prêtre roi qui bénit Abraham, figure du sacerdoce éternel et aussi du Messie divin, unique médiateur de Dieu avec l'humanité en raison de sa parfaite nature divine et complète nature humaine.

Jérusalem, conquise par David qui y fixa le sanctuaire devint par la construction du temple par Salomon le signe concret de l'unité du peuple de Dieu. Le Seigneur lui-même réside par ses énergies et ses signes dans le temple qui est le "lieu de Dieu", le germe de la sanctification du cosmos.

                               

Le prophète Isaïe 1,26 la voit comme la "ville de justice et de paix".

Ezéchiel 48,35 décrit minutieusement la ville sainte et son temple et lui donne pour le "jour du Seigneur" un nom nouveau "Dieu est là".

Malgré les infidélités et les trahisons, Isaïe 25, 6-8 fait de Jérusalem et de la montagne de Sion le théâtre du festin eschatologique offert à toute l'humanité. "Adonaï Seigneur des armées, fera, en cette montagne, à tous les peuples, un festin de choses grasses, un festin de vins vieux, de choses grasses moelleuses, de vins vieux bien épurés. Et il détruira en cette montagne la face du voile qui couvre tous les peuples, et la couverture qui est étendue sur toutes les nations. Il engloutira la mort en victoire ; et Adonaï Seigneur essuiera les larmes de dessus tout visage, et il ôtera l’opprobre de son peuple de dessus toute la terre ; car Adonaï Seigneur a parlé".

                                    

Les Evangiles et les Actes donnent une grande place à Jérusalem dans la mission du Sauveur. En effet, si l'histoire de Jésus s'achève dans Jérusalem par la croix, la mort, le tombeau, la résurrection, les apparitions et l'ascension, c'est aussi de là que tout repart, la descente du Saint Esprit et le témoignage des apôtres. Ici se tient le collège des douze, l'Eglise de Jérusalem avec Pierre, Jacques et les autres, joue le rôle d'instance de reconnaissance d'ecclésialité des autres communautés.

                                        

Dans les Actes des apôtres, nous voyons bien par le récit du diacre Philippe en Samarie, puis par l'anxiété de Paul à faire reconnaître ses communautés par celle de Jérusalem, que ce qui importe dans la communion avec Jérusalem, pour qu'une communauté locale soit vraiment Eglise, c'est la communion avec les apôtres.

Après la mort des apôtres, Jérusalem perdra son rôle unique de centre de l'unité au profit des grands sièges apostoliques qui avec le temps deviendront les cinq patriarcats traditionnels: Rome, Alexandrie, Jérusalem, Antioche, Ephèse (qui sera remplacé par Constantinople).

A l'image de Pierre qui sera le paradigme de tout évêque, chaque Eglise locale est directement sacrement de la Jérusalem céleste aux dépens de la Jérusalem terrestre.

La Jérusalem céleste, notre Mère à tous:

elle est présentée dans le livre de l'apocalypse: (voir: http://coptica.free.fr/apocalypse_031.htm ) Rien ne nous autorise à conclure qu'on se trouve devant une réalité appartenant de soi à un autre monde: En Christ, tous les hommes ont en puissance un statut céleste. Le Salut les rend dès maintenant citoyens du monde nouveau, la Jérusalem des saints.

Toutefois, cette citoyenneté n'est pas un acquis définitif, dit Origène, le chrétien doit tourner son regard vers "la terre" qui contient la Jérusalem d'en-haut. C'est là l'objet de son espérance -Hom 17,1 sur Josué- . Cette "terre" lieu de la sainteté est une icône du Royaume, comme lui, elle est d'ici et au-delà, présente et à venir.

Jérusalem signifie vision de paix. Origène ajoute:

"Si nous avons construit Jérusalem dans notre cœur, c'est-à-dire, si nous avons établi dans notre cœur une vision de paix et que nous contemplions et conservions toujours dans notre cœur le Christ qui est notre paix, si vraiment nous sommes tellement fermes, tellement inébranlables dans cette vision de paix, nous pourrions dire que nous sommes dans Jérusalem et que seuls les saints habitent avec nous".

-Origène, Homélie sur Josué 21,2 –

Jérusalem, Eglise du Christ:

Origène dans sa neuvième homélie sur Jérémie reconnaît dans l'Eglise la cité sainte:

"Le Logos s'adresse aux habitants de Jérusalem, il s'agit de l'Eglise, car l'Eglise est la ville de Dieu, la vision de paix, c'est en elle que grandit et se voit la paix qu'il nous a apportée, si du moins nous sommes des enfants de paix".

                                 

Saint Ambroise répète saint Paul lorsqu'il affirme que l'ensemble des chrétiens sont déjà les familiers de Dieu et les concitoyens des saints. Eph 2, 10. "En appartenant à l'Eglise, on se trouve en même temps membres de la cité d'en haut". -sur le psaume 118-

Dans la mesure où la Jérusalem céleste s'identifie avec l'Église, les fidèles non seulement la reconnaissent comme leur patrie, mais ils en font déjà partie. Cela ne les empêche pourtant pas de demeurer, sur la terre, des exilés.

Le cours de la vie présente est étroitement lié, pour Ambroise, à la suite de saint Irénée, à l'idée de progrès spirituel, lequel, à son tour, implique pour chacun de vivre selon l'Esprit et non selon la chair.

L'évêque de Milan sait pourtant que tous ne s'agrippent pas jusqu'à la fin à cet idéal. Il n'ignore pas que "certains abandonnent le combat et partent pour l'étranger". Au sujet de l'enfant prodigue qui a quitté sa maison, il distingue pourtant entre distance et distance; "celle qui importe à ses yeux ne tient pas à l'espace ou à la géographie, mais bien aux mœurs, aux aspirations et à la conduite. L'exilé le plus éloigné de son pays, c'est le pécheur, séparé du Christ, qui abandonne sa vraie patrie pour devenir citoyen du monde".

Origène est probablement la source de saint Ambroise: la Jérusalem céleste est "une sorte de lieu dans lequel résident les esprits unis à Dieu dans le Logos, la communauté des âmes avec Dieu dans la foi et la charité".

                                                 

Jérusalem, image de notre âme:

Le grand Origène interprète l'Entrée du Seigneur à Jérusalem : il compare alors cette fête des rameaux comme "le Logos de Dieu, qui, pour entrer dans l'âme appelée Jérusalem, monte l'ânesse délivrée par les disciples." Jérusalem est l'image de l'âme fidèle qui reçoit deux moyens pour être délivrée de ses liens: "l'un, la lettre simple des Ecritures, élucidée par l'adaptation du texte à la guérison de l'âme par les allégories, l'autre, la claire vision des biens à venir à travers ceux qui sont dans l'ombre". Commentaire sur saint Jean, X,174

                                               

Le croyant est un temple où réside le Dieu caché. L'âme est comme la Jérusalem du monde à venir quand le fidèle a conquis et reçu de Dieu l'hésychia, la paix et la tranquillité de l'homme intérieur, dit saint Ambroise. L'évêque de Milan propose aussi une autre analogie entre Jérusalem et l'âme qui toutes deux doivent ouvrir au Christ lorsqu'il frappe à la porte:

"De même que nous sommes temple de Dieu, dans lequel sont célébrées les fêtes du Seigneur, ainsi la porte de notre bouche et de notre cœur doit rester fermée pour empêcher l'ennemi d'y entrer, mais si le Christ y frappe, elle n'écarte pas celui qui maintient fermes les barres de tes portes, o Jérusalem."

Saint Didyme l'aveugle parle de Jérusalem et de Sion, d'abord au sens littéral, non comme des lieux, mais comme de l'assemblée des élus qui y habitent, puis dit-il, au sens spirituel, de l'âme qui est la véritable Jérusalem:

" Au sens spirituel, Sion et Jérusalem, c'est l'âme qui contemple les choses invisibles et éternelles et aussi l'âme qui voit la paix"

in Zachariam, II,234

La tradition ecclésiastique n'a pas retenu une interprétation originale du juste Origène tout à fait dans la continuité avec la mystique juive: la Jérusalem céleste est aussi l'image du mystère de Dieu comme lieu de Vie; son commentaire de la Parole du Seigneur "Je suis issu de Dieu" dit:

"Le Logos, lui qui existe sous la forme de Dieu dans les cieux, a quitté [pour nous] son Père et sa mère, la Jérusalem d'en haut." -sur Jérémie, X,7.

Quoi qu'il en soit, nous, ici et maintenant, nous sommes les concitoyens de la Jérusalem d'en haut et ceci autant que nous pensons et agissons en "enfants de Dieu", ce qui concrètement veut dire, haïr les œuvres du mauvais, regarder toutes choses avec hauteur de vue et bienveillance, et surtout nous garder de l'ingratitude en rendant grâces à Dieu pour tout et en tout.

                                                               + E-P

Lettre aux amis du sanctuaire du prophète Elie N°264 novembre 2010

Jérusalem céleste