Révélation de Jésus Christ

ou Apocalypse de Jésus le messie

                                                         par abouna Elias-Patrick, higoumène du sanctuaire du prophète Elie à Montpeyroux (F 34150)

 

Notre époque est dure, il semble que la violence des hommes l'emporte sur la philanthropie divine. Les journaux sont remplis de bruits de guerres, de brutalité individuelle, d'injustice sociale, de racisme ethnique ou religieux, de désespoir de la jeunesse. C'est l'apocalypse! la crise de la fin de notre second millénaire. Notre vocabulaire a fait du mot apocalypse un synonyme de catastrophe.

Pourtant, l'Apocalypse est un livre de notre Bible. Comme tous les écrits de la Bible, il veut raconter l'Alliance de Dieu avec les hommes, être lumière dans la nuit, changer l'état d'esprit de ses lecteurs et "rendre heureux ceux qui écoutent la Parole et gardent fidèlement son contenu. "

 

 

Peu de livres bibliques ont suscité une curiosité comparable à l'apocalypse et autant de commentaires et interprétations. Il est aussi le grand méconnu des chrétiens. La liturgie l'utilise peu: le lectionnaire "oecuménique" propose la lecture de quelques péricopes à l'office divin pendant le temps pascal et les jours qui précèdent le carême de noël. Dans notre église copte orthodoxe, le samedi saint,  appelé aussi le "samedi de la joie", après sexte,  le livre de l'apocalypse est lu en entier sur sept lampes remplies d'huile d'olive parfumée. Après la procession avec le livre de l'apocalypse honoré d'un voile blanc, les fidèles sont oints avec l'huile nommée "huile d'Abou Ghalumsis" qu'ils peuvent emporter chez eux pour l'utiliser en diverses circonstances.

 

L'apocalypse est une révélation pour nous aider à affronter le tragique de l'histoire, c'est une flamme qui, comme le montre les lampes de l'abou Ghalumsis, consume les ténèbres.

 

Son message, alors que l'actualité semble trop contredire l'Economie (le dessein) de Dieu est résolument optimiste: Dieu est déjà vainqueur, la fin des temps est déjà arrivée dans la nuit de Pâque. Celui qui était mort est revenu à la vie. L'agneau immolé règne dans le ciel, et les fidèles qui s'attachent à sa personne et à ses préceptes n'ont rien à craindre du mauvais pour leur sort final .

Tout le livre tend à rassurer dans les temps d'épreuves, de persécutions, de mal-être; la figure centrale est le Christ vainqueur, le messie mort et ressuscité; curieusement la pointe de l'écrit  fut souvent détournée au profit d'un intérêt démesuré et malsain pour les visions tragiques de l'histoire de l'humanité et la puissance de la bête.

 

1995, Mil neuf centième centenaire de l'écriture de l'Apocalypse.

 

Au témoignage de saint Irénée, l'apôtre Jean aurait reçu ce message d'espoir "vers la fin du règne de l'empereur Domitien", Eusèbe, on ne sait sur la base de quelles informations, place le bannissement de Jean à Patmos  la quatorzième année de Domitien, ce qui donne la datation de 94/95.

 

Il est donc intéressant de relire l'apocalypse aujourd'hui. Pour ne pas s'égarer dans son langage qui, il faut le reconnaître, déconcerte du fait qu'il emploie un style et des images étrangères à notre culture moderne, je propose avec l'aide de savants exégètes, de tenter d'entrer dans  ce témoignage apostolique et d'offrir quelques clefs pour ouvrir un livre que quelques uns malmènent par une compréhension fondamentaliste (qui prend chaque image au pied de la lettre) et que d'autres tiennent pour irrémédiablement scellé. Il sera inutile de faire référence aux amateurs de symbolique occulte. Il suffit de montrer comment chaque vision et image se moulent dans le vocabulaire et la grammaire du judéo-christianisme de la primitive église. Parfois, bien sûr, tout ne sera pas clair, c'est le lot de ce type d'écrit, toutefois le sens profond apparaîtra évident et sera source de joie.

Bien entendu, il n'est pas question de faire dans nos pages un commentaire, mais de donner quelques éléments pour éclairer le message, inviter à le lire et relire.  A mi-chemin entre l'étude savante et la vulgarisation de la science herméneutique, ce travail d'initiation ne comportera pas de référence aux Ecritures (sauf l'appel par des caractères en italiques) ni de notes en bas de page; pour ceux qui souhaitent prolonger l'étude, une bibliographie des ouvrages les plus mis à contribution sera présentée.

 

                                  

               

 

 

L'auteur et la canonicité du livre:

 

Le visionnaire ouvre son message par ces mots: "Dieu a fait connaître <l' apocalypse> à son serviteur Jean en lui envoyant son ange. Jean atteste comme parole de Dieu tout ce qu'il a vu"

L'apocalypse est attribuée à l'apôtre Jean, dès la première mention qui en est faite par saint Justin qui a séjourné à Ephèse où il a reçu la foi vers 135.

Denys d'Alexandrie croyant discerner une différence avec la langue et les idées de l'auteur de l'Evangile, pense que c' est un autre Jean que l'apôtre. L'historien Eusèbe de Césarée prétendait  que Papias distinguait deux Jean, l'apôtre et un presbytre d'Ephèse. Il ne faut pas se laisser obnubiler par ce distingo. Jean l'apôtre ou Jean le presbytre, l'auteur de l'apocalypse est bien un témoin véridique qui transmet à la fin du premier siècle des paroles sûres et vraies.  Sa langue est celle d'un sémite qui traduit sa pensée araméenne en un grec parlé.

                             

              

          

Le livre de l'apocalypse a toujours été considéré comme inspiré et de ce fait introduit dans le canon des Ecritures. Il figure dans le "canon de Muratori" document qui recense la collection des livres de la Bible reçue par l'Eglise de Rome vers 170. En Orient, notre Père Athanase l'apostolique dans sa 39è. lettre festale ( lettre pastorale annonçant les dates du carême et de la fête de Pâque) range l'apocalypse parmi les livres canonique de l'Eglise d'Alexandrie.

 

Apocalypse, un titre révélateur:

 

L'introduction situe exactement le but de l'ouvrage. " Apocalypsis de Jésus Christ. Dieu l'a donnée pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt..."

Ce mot grec veut dire littéralement écarter le voile= dévoiler= révéler. Le grec de la septante utilise le verbe apocaluptein pour signifier l'épiphanie de Dieu, "C'est à Silo que le Seigneur se révélait à Samuel" 1 Samuel 3, 21 , pour la révélation de son Economie,

"Le Seigneur Adonaï ne fait rien qu'il n'ait révélé son secret à ses serviteurs les prophètes" Amos 3, 7, pour exprimer sa justice et son salut, "Observez le droit et pratiquez la justice; car mon salut est près d'arriver et ma victoire de se révéler." Isaïe 56,1.

Sous la plume de saint Paul , le mot a souvent une connotation eschatologique et devient synonyme de parousie "Vous ne manquez d'aucun don, dans l'attente que vous êtes de la révélation de notre seigneur Jésus Christ" 1 Corinth. 1, 7.

La parousie, la venue, est aussi une épiphanie; si elle est l'attente du jour du Seigneur, elle est aussi la tension des communautés qui savent que le ressuscité est d'ores et déjà au milieu d'eux. L'Esprit Saint rend manifeste cette présence mystérieuse.

 

La majorité des commentateurs projette la révélation dans l'avenir et comprend "révélation de Jésus Christ"= révélation issue de Jésus Christ. Le génitif peut aussi se traduire révélation au sujet de Jésus Christ ou révélation concernant Jésus Christ. Les deux options sont grammaticalement possibles, vous comprendrez que je penche pour la seconde, sans écarter définitivement la première.

 

L'objectif de l'auteur est de dévoiler la richesse de la personne du messie et la signification de sa mort et de sa résurrection pour l'avenir de la création. Il lui faut aussi confirmer ses frères,  ranimer l'espérance dans les épreuves. Son message d'espérance n'est pas coupé de la réalité de l'histoire, il est lucide et n'occulte pas les conflits, la cruauté des persécutions, la tiédeur de beaucoup de chrétiens, les déchirures des Eglises et la déformation du bon Message. Il  oriente ses lecteurs sur la figure du Christ, détenant les clés de la mort et de l'enfer car il est le Vivant, lui qui a subi la mort pour nous.

 

L'Eglise du Seigneur

 

Lire Apocalypse  chap 2 & 3

 

Les sept Eglises

 

Le Seigneur se révèle à Jean dans une vision inaugurale qui évoque celles des prophètes de la première Alliance. Nous reviendrons sur cette présentation pascale du Seigneur de l'Eglise.

 

La première partie de l'apocalypse se présente comme une série d' épîtres adressées à sept églises d'Asie mineure.  Césaire d'Arles entend par ces sept églises, " l'unique Eglise catholique, en raison de l'unique esprit septiforme".

Ce qui veut dire que nous ne devons pas rechercher dans chacune de ces sept églises, une période de l'histoire de l'Eglise selon la théorie des âges du monde, ou, un schéma à imposer sur la réalité des différentes communautés chrétiennes d'Orient ou d'Occident.

 

L'Eglise catholique n'est pas un bloc homogène dirigé par une autorité centrale à qui le Messie aurait confié sa place de chef de l'Eglise, elle est l'union des Eglises locales présidées chacune par son "ange" , celui que le Seigneur "envoie" pour être le double signe de sa présence et de l'unité des fidèles et des communautés: c'est l'évêque.

L'Eglise catholique n'est pas non plus une abstraction idéale, elle est communautés locales bien réelles aux prises avec la sainteté et le péché, la paix intérieure et la lutte spirituelle ou  la persécution. Les Eglises locales sont pleinement incarnées dans leur cité avec leur vie quotidienne.

 

L'apocalypse utilise les événements concrets comme un signe et un appel pour une communauté particulière et pour toutes les Eglises. 

Elle donne l'impression de redites fréquentes, notamment pour ce qui est des septénaires: Sept Eglises, sept sceaux, sept trompettes, sept coupes, les sept lampes, les sept esprits. De la constatation de ces apparentes répétitions est née le "système de récapitulation" qui est une clé essentielle de la compréhension de l'ouvrage. On propose de voir dans les septénaires non pas une série continue d'événements, mais la description réitérée des mêmes faits sous des formes diverses. Les commentateurs des quatre premiers siècles ont adopté le système de récapitulation.

 

L'appel à la conversion

 

Chaque lettre est bâtie sur le même modèle:

1. Une adresse du Seigneur à une Eglise locale par l'intermédiaire de son évêque appelé l'ange de l'Eglise de N. 

2. Une présentation du Seigneur de l'Eglise avec ses attributs messianiques mis en rapport avec le contenu de la lettre.

3. Un diagnostic sur l'état de la communauté avec un bilan positif ou négatif.

4. Un appel à la conversion ou à la fidélité.

5. Des perspectives , sanctions ou récompenses.

 

On doit remarquer que celui qui délivre le message de la lettre est le Christ, mais, à la fin de l'épître, il laisse l'Esprit Saint prolonger sa parole en nos coeurs, la lettre s'adresse à une Eglise et ce sont toutes les Eglises qui doivent l'entendre.  "Celui qui a des oreilles entende ce que l'esprit dit aux Eglises."

Ce qui est dit à une Eglise n'est pas sans importance pour les autres, chacune doit le prendre pour soi.. Chaque Eglise est au prise à un danger particulier, leur attitude en face de ce danger  engage leur avenir. La menace n'est pas seulement extérieure avec les persécutions, elle se dissimule au sein même des Eglises en masquant son caractère démoniaque sous des traits apparemment chrétiens. D'où l'appel à la métanoia, à la conversion. "Change d'état d'esprit". 

 

L'esprit d'idolâtrie guette toujours les hommes, l' hérésie déforme la révélation divine et conduit par des solutions de facilité au dérèglement de la vie. Etre chrétien, c'est s'opposer avec intransigeance à toute intelligence avec le mauvais. Comme le messie, ce refus d'entrer dans le jeu du prince de ce monde, nous fait prendre la croix pour devenir à sa suite et par sa grâce, vainqueur.

 

Ephèse,  est la première ville de la province d'Asie. Sur le plan politique, elle mène un rude combat pour garder son importance menacée par la désaffection de son port. Sur le plan religieux, le culte à Artémis, déesse de la fécondité est important., elle est aussi "gardienne du temple", ce qui met en valeur son statut de métropole du culte impérial. La constance n'a pas manqué à l'Eglise d'Ephèse et elle a souffert sans se lasser pour le Nom du Seigneur. Il lui est reproché "d'avoir perdu son amour d'antan". L'amour est l'essence même de la révélation.

L'amour de Dieu pour les hommes a été la raison de l'incarnation du Logos, le motif de la croix et la joie de la résurrection. Pour rendre compte du mystère pascal, les chrétiens doivent montrer envers Dieu et envers les hommes le même amour. Il semble que l'Eglise hésite dans sa fidélité et sa consécration sans partage au message de la Bonne Nouvelle et accepte par fatigue des compromis. L'amour doit engager tout l'être sans partage. Les relations sont alors identiques à celles d'Adam avec son créateur dans le jardin de Dieu. 

"Au vainqueur, je ferai manger de l'arbre de vie placé dans le paradis de Dieu" Désormais, il n'y a plus d'interdiction, les fruits de l'arbre de vie sont offerts à l'humanité. Pour notre Eglise en marche vers l'accomplissement du Règne, rien n'empêche de voir dans cet arbre de vie la sainte croix distribuant ses fruits dans les mystères.

 

L'Eglise de Smyrne est pauvre. L'est-elle en raison de son importance numérique ou de l'origine sociologique de ses membres? Peu importe. Si on tient compte que le Christ se présente comme "celui qui vit après avoir connu la mort ", elle est surtout pauvre d'esprit aux yeux des savants et des gnostiques. Elle croit avec simplicité à la réalité de la passion, de la mort et de la résurrection du sauveur. Elle est riche de la vraie richesse: la foi. Que l'Eglise reste toujours fidèle à cette donnée de la prédication apostolique: Pour nous et pour notre salut, le christ est mort et ressuscité.

 

"Le vainqueur n'a rien à craindre de la seconde mort."

Selon l'explication de saint Irénée et des pères apologètes, la seconde mort, en opposition avec la première, celle de notre corps de chair, est la mort eschatologique, le contraire de la vie éternelle. C'est une possibilité de la liberté de l'homme.

La première mort n'est pas à redouter, la vie véritable communiquée par le ressuscité est plus forte que la mort.

 

La Pergame païenne possède un sanctuaire célèbre consacré à Asclépios Soter, dieu guérisseur représenté souvent par un serpent. De plus, Auguste, a autorisé l'érection d'un temple consacré à Rome et au culte de l'empereur. D'où la mention du trône de Satan. L'Eglise de Pergame tient fermement le Nom. Mais le Seigneur a littéralement quelques broutilles à reprocher: elle tolère en son sein quelques hérétiques, les tenants de la doctrine de Balaam. On peut rapprocher Nombres 31, 16 où à l'instigation de Balaam, les femmes madianites ont entraîné Israël à l'infidélité qui a consisté probablement à la participation aux festins sacrificiels et à la prostitution sacrée.

Le sanctuaire d'Asclépios avec ses bains, ses incubations, sa foule de pèlerins devait être un endroit qui ne manquait pas de charme. Quelques chrétiens de Pergame ont pu s'autoriser des paroles de Saint Paul pour banqueter sans retenue. Le Seigneur demande le repentir.

 

Le vainqueur recevra la manne cachée et la pierre blanche.

Selon le judaïsme, la manne est cachée, c'est à dire réservée, au ciel pour les élus qui en jouiront pendant l'ère messianique. Pour le judéo-christianisme, elle symbolise le pain eucharistique. Les fidèles reçoivent dès maintenant le pain à venir.

Comme l'Eglise d'Ephèse, celle de Pergame et toutes les Eglises partagent les biens du monde à venir. Le futur commence dans le présent de la vie liturgique.

 

La pierre blanche (on peut traduire aussi caillou, mais alors il faudrait appeler Simon, Caillou et non Pierre!) est peut-être selon l'usage antique la pierre d'invitation aux banquets officiels. Cette interprétation va bien avec les reproches du Seigneur et la promesse de la manne. Comme le baptême introduit à l'eucharistie, la pierre blanche est le signe, de l'appartenance au monde nouveau, à la nouvelle création. La suite de l'apocalypse dévoilera le nom nouveau: Parole de Dieu, Seigneur des Seigneurs, Roi des rois. C'est celui du Messie Jésus.

 

A Thyatire, l'Eglise a su garder son premier amour, il lui est reproché de laisser faire Jézabel. La communauté semble indifférente à la fausse prophétie qui s'installe.

Toutes les Eglises doivent être attentives aux révélations privées qui entraînent les fidèles à délaisser la source de Vérité pour se désaltérer à des citernes impures pour finalement mélanger la doctrine de vie aux discours humains.  Mais le Fils de Dieu sonde les reins et les coeurs, il appelle au discernement, il promet au vainqueur, le pouvoir de mener les nations avec un sceptre de fer comme un maître de doctrine pure. Il recevra l'Etoile du matin. Le Messie, selon 2 Pierre 1, 19, est en nos coeurs l'Etoile du matin.

Etre chrétiens c'est communier totalement à l'être du Christ, participer à sa propre nature divine par grâce.

 

La communauté de Sardes semble vivante, mais cette apparence masque une mort effective, car ses oeuvres ne sont pas parfaites, littéralement pas pleines, remplies. Elle fonctionne apparemment parfaitement, il lui manque d'être remplie de l'Esprit Saint, d'être vigilante à conserver la Parole. Bref, il faut en plus des oeuvres, l'intériorisation.

 

Le vainqueur recevra le vêtement blanc,

celui du baptême: la gloire, la lumière, la vie. Il vivra à jamais, son nom est inscrit sur le livre de vie. Les Eglises doivent prendre garde de mettre en cause cette inscription en oubliant l'acquisition de l'Esprit de Vie pour se contenter d'une organisation institutionnelle.

 

L'Eglise de Philadelphie a peu de moyens comme celle de Smyrne. Elle se montre pourtant fidèle. Le Seigneur a mis devant elle une porte ouverte. Celle du Royaume qui appartient aux pauvres des béatitudes. Quand viendra l'heure de l'épreuve finale à laquelle personne n'échappera, à cause de sa persévérance, le Seigneur la gardera et fera du vainqueur une colonne dans le temple de la Jérusalem céleste. Les fidèles qui vivent en communion avec le Messie peuvent être regardés dès à présent et à jamais dans le temple, signe de la présence de Dieu avec son peuple. Comme les colonnes, indispensables à la stabilité du bâtiment, ils sont inséparables du temple, ne peuvent y être arrachés .

 

La lettre à Laodicée atteint le maximum de sévérité. L'Eglise est fade, ni chaude, ni froide: tiède. Elle se croit riche, elle est pauvre, aveugle et nue. Il y a beaucoup de beaux parleurs sans l'or de la charité.

L'Amen  fait pourtant à cette église minable, l'invitation la plus sublime:

Il se tient à la porte pour entrer et manger avec le vainqueur la Cène avec lui, un avec l'Unique..

Lors de son retour, le Bien-aimé éveillera l'épouse pour entrer dans l'intimité des noces mystiques. Je vous invite à en goûter l'anticipation dans l'eucharistie de l'Oblation mystique.

 

 

Le Seigneur de l'Eglise

 

Lire Apocalypse, 1, 13-19

 

Le caractère liturgique du livre de l'apocalypse est exprimé par la vénération du Dieu saint et tout puissant. A cette vénération qui n'est en rien exceptionnelle pour un juif monothéiste, s'ajoute un fait nouveau: On associe à la célébration le Messie.

L'auteur a la conviction que le messie doit recevoir même honneur, même gloire et adoration que le Père des cieux. C'est vraiment un bouleversement de la connaissance de la divinité. Adonaï est un mais pas seul.

La révélation du mystère est toute imprégnée de l'expérience pascale:

 

Le Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité.

 

Il est vainqueur de la mort et prémices du monde nouveau. La résurrection du messie illumine la liturgie de l'apocalypse; mais si Jésus est le vivant, on se garde d'oublier qu'il fut mort. L'événement le plus important du ministère en Palestine du messie, est sa mort et sa résurrection. La croix n'est pas séparée des apparitions glorieuses. De même, le baptême revêt le croyant du Christ par l'expérience simultanée de la mort et de la résurrection, symbolisée par l'immersion et l'émergence des eaux sanctifiantes.

 

Le logos s'est fait chair. La chair est le lieu où le salut se réalise, car le Logos est véritablement devenu homme parfait.

C'est sur la terre qu'il est venu mourir et ressusciter, ceux qui veulent prendre la croix et le suivre doivent comme lui sur la terre s'engager sans partage et aller jusqu'au comble de l'amour: mourir à soi-même, déposer sa propre volonté pour se livrer à la volonté du Père. C'est sur la terre que nous devons le suivre par les chemins d'épreuves et de joie. Pour recevoir la grâce et la paix, nous devons écouter la parole et garder fidèlement son contenu. En fait pour être fidèle, il nous faut mieux connaître le Christ, c'est à quoi nous invite l'apocalypse.

Le livre saint est le premier document de christologie. En offrant une collection importante de titres christologiques, il nous révèle différents aspects de l'unique personne du messie et de sa mission.

 

Celui qui est, qui était, qui vient.

 

Cette formule est sans aucun doute la paraphrase d'exode 3, 14 ou Adonaï à la question impertinente de Moïse sur son nom répond pour ne pas définir le mystère de son être " je suis qui je suis". D'autres versions traduisent "Je serai qui je serai".  Un targum palestinien développe Deut. 32, 39 " Voyez maintenant que c'est moi qui suis moi et qu'il n'est point de Dieu à côté de moi" par la glose suivante: " Quand le Logos (en hébreu Memra = Parole) du Seigneur sera révélé pour racheter son peuple, il dira à toutes les nations: voici,  maintenant que je suis celui qui est, et celui qui était et je suis celui qui sera et il n'y a pas d'autre Dieu que moi".

 

Dès le début le nom secret de Dieu est donné, il n'est pas seulement l'Eternel, il est celui qui vient dans le temps. Il est le Nom de celui par qui Jean donne la grâce et la paix de sa part. C'est le Nom du grand Dieu mais aussi celui de son envoyé. Grande audace dans la bouche d'un sémite de l'an 96, Jésus, le messie est associé à la divinité.

En 325, les 318 pères de Nicée exposeront la foi de l'Eglise:

Nous croyons <> en un seul Seigneur Jésus Christ, le Fils de Dieu, engendré du Père, unique engendré <>Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel au Père...

 

Les sept esprits.

 

Sept anges?  Je ne crois pas. Apoc. 3, 1 & 5, 6 donnent à celui qui écrit aux églises la possession des sept esprits. Il est plus plausible que les sept esprits soient plutôt la plénitude de l'Esprit Saint qui repose sur le messie.

Isaïe 11, 2, énumère les sept esprits: esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de vaillance, esprit de science et de crainte du Seigneur, esprit de piété.  Sept et un , il est l'unique et septiforme Esprit du Seigneur. 

 

Jésus a reçu la divinité de son Père, il n'est pas séparé de l'Esprit saint qui repose en lui depuis toujours. L'Esprit et le Fils sont les deux mains du Père dit saint Irénée. saint Grégoire de Nysse précise

"Tout ce qu'a fait le Père, le Fils en est inséparé et coauteur; et ce qu'accomplit le Fils ou l'Esprit Saint, le Père y coopère absolument et indivisiblement. Le Fils ne fait donc rien  de lui-même et par lui-même sans le Père, ni le Père absolument rien sans le Fils et l'Esprit, ni l'Esprit à son tour n'entreprend rien sans le Fils et le Père. "

 

Premier né d'entre les morts.

 

Nous avons aussi la possibilité de lire dans les trois premiers titres la révélation de la Trinité sainte:

-celui qui est = le Père,

-les sept esprits = L'Esprit saint septiforme c'est à dire qui remplit tout et est partout présent,

-le premier né des morts = le Logos incarné.

 

Il est aussi certain que les premiers titres sont aussi attribués à Jésus le témoin fidèle des choses d'en haut. Il est le premier né d'entre les morts, le souverain des rois de la terre.

 

 La réalité des événements de la vie de notre Jésus n'est pas comme le voudraient les gnostiques ou les rationalistes un mythe naturiste où la végétation meurt à l'automne pour renaître au printemps à la façon du culte d'Osiris et d'Horus. Notre messie n'est pas une divinité céleste personnifiant quelque force de la nature, il est un homme réel, inséré dans l'histoire, il est né semblable à nous en toutes choses excepté le péché, a été soumis à l'éducation, aux fonctions naturelles, au travail, il a expérimenté la souffrance et la mort sur la croix.

Des témoins,  qui d'abord avaient douté, affirment qu'il est vivant. Il s'est laissé voir à quelques uns pour que tous, par la foi, fassent l'expérience spirituelle de sa mystérieuse présence.  Pierre résume cette expérience:

 

"Et nous, nous sommes témoins de tout ce qu'il a fait dans le pays des juifs et à Jérusalem, lui qu'ils ont mis à mort en le suspendant au gibet. Mais lui, Dieu l'a ressuscité le troisième jour, et il lui a donné de se montrer, non pas à tout le peuple, mais aux témoins choisis d'avance par Dieu, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d'entre les morts. Et il nous a prescrit de proclamer au peuple et d'attester qu'il est, lui, établi par Dieu, juge des vivants et des morts. " (Actes 10, 39-42)

 

Ainsi l'espérance d'Israël sur la résurrection des morts est accomplie. Le messie par sa résurrection inaugure le Règne de Dieu . Il est le premier-né car après lui, de nombreux frères passeront à la vie éternelle. La puissance de l'enfer est réduite à néant pour ceux qui sont délivrés de leur péché par le sang de Jésus le messie.  Par l'événement unique de la croix, ils sont déliés du péché, ils sont devenus un royaume, et  les prêtres de Dieu son Père.

Tous les fidèles réunis en un seul corps forment l'unique royaume vainqueur du mauvais. Cette capacité de vaincre en eux le mal les rend capable de faire remonter une louange parfaite vers Dieu le Père par le Christ grand prêtre de l'Alliance nouvelle et éternelle.

 

L'Alpha et l'Oméga.  A + W

 

 

Il semblerait qu'ici en Apoc. 1, 8, nous entendions la voix du Père, car le titre de tout-puissant qui suit, serait réservé au Père. Tout-puissant ou pantocrator en grec de la septante traduit l'hébreu Sabaot = des armées. Pourtant en 22, 13, L'alpha et l'oméga , le premier et le dernier , le commencement et la fin  sont les titres de Jésus le descendant de David.

                                           

L'apocalypse affirme ce que Grégoire de Nysse expliquait plus haut, l'identité d'être et de l'action des trois personnes de la Trinité. On ne peut prononcer le Nom et chanter la gloire du Père sans que résonne dans l'Esprit le Nom du Fils.

 

En partant de l'Alpha pour arriver à l'Oméga, il nous faut parcourir tout l'alphabet. L'allégorie suggère la présence de Dieu à chaque instant de l'histoire de la création.

Dieu est là à la création, il est là maintenant, il est là à la fin de ce temps. Il est celui qui était, à l' origine du monde, celui qui est, qui conserve toute la création dans sa main, qui vient, qui achèvera lui-même son oeuvre de salut quand il sera temps de montrer la gloire du ciel nouveau et de la terre nouvelle.

Nous goûtons par anticipation à la nourriture de la Jérusalem céleste dans les mystères de la sainte Oblation. Gardons-nous d'être privés de l'héritage réservé aux vainqueurs, par l'absence, la distraction ou la communion indigne.

 

 

Le Vivant pour les siècles des siècles

 

 Lire: Apocalypse, chapitre 4 & 5

 

Ce jour, le Seigneur l'a fait; soyons dans la joie et dans l'allégresse.

La liturgie pascale met dans notre bouche ce verset 24 du psaume 117.

C'est le jour du Seigneur, celui de la résurrection où Jésus le messie manifeste sa seigneurie, c'est le jour de la Pâque grande et sacrée, où les disciples célèbrent l'Eucharistie en attendant sa venue. Chaque dimanche est le jour du Seigneur, Jean place sa grande vision dans le contexte liturgique du jour du Seigneur. Il fut inspiré par l'Esprit pour voir le Fils de l'homme debout au milieu des sept chandeliers d'or. 

                                                

                

 

Les sept luminaires

 

Le verset 1, 21 explique que les sept chandeliers sont les sept églises. Nous retenons toujours le chiffre sept comme désignant non un nombre mais la plénitude.

D'ailleurs, si nous regardons la vision de Zacharie 4, 2-10, il s'agit plutôt d'un unique chandelier pourvu de sept lampes qui représentent la force de l'esprit du Seigneur. 

Car l'unique Eglise répandue par tout l'univers trouve sa vie et la force de son unité dans l' Oblation mystique qui est communication de l'Esprit Saint. La communion du Saint Esprit ouvre nos yeux de l' homme intérieur pour rendre compte de la présence du ressuscité.

Il se tient au milieu des chandeliers, le Christ ressuscité n'est pas au dessus, en dehors mais bien au milieu des Eglises. La vie des églises est sa vie, Il est impossible se séparer la tête du corps. La foi qui s'adresse à lui et qui vient de lui permet seule d'être uni en lui sans rupture. (Origène)

 

Le Fils de l'homme

 

La description du Fils d'Homme est à rapprocher de la vision de Daniel 7, 9- 14 où est dépeint l'Ancien des jours; L'apocalypse n'hésite pas à appliquer au Christ ce que la première Alliance attribuait à Dieu. Pour cette raison , je le répète, on doit considérer la Révélation comme le tout premier document exprimant la foi apostolique en matière de Christologie.

 

Le Fils de l'Homme qui dans le livre de Daniel venait sur les nuées du ciel et à qui fut donné domination, gloire et royaume, est la figure tant attendue du messie.

Le judaïsme l'entendait comme un être céleste, dont l'aspect humain signifiait,  malgré son mystère,  sa condition de créature. Le judaïsme tardif ne veut y voir qu'une personnalité collective représentant les saints du Très-Haut (Dan. 7, 18).

Le Christianisme attribue volontiers le titre de Fils de l'Homme à Jésus, venu dans la chair exercer la royauté de Dieu son Père, et son jugement sur les nations.

Ce Fils de l'homme possède les attributs de la divinité. Sa tête et ses cheveux blancs montrent qu'il est plus âgé et plus sage que n'importe quel vieillard, l'éternité lui appartient. Ses yeux comme une flamme ardente signifient la connaissance du regard divin qui pénètre et dévoile; en Daniel, le feu environne le trône de Dieu. Une fois de plus ce qui est dit de Dieu est appliqué à Jésus le Christ.

                                                     

                  

Il est vêtu d'une longue tunique avec une ceinture d'or. Il porte les insignes du grand prêtre, car par son sacrifice il est le médiateur entre Dieu et les hommes, il a brisé le mur de séparation qui par le péché s'était élevé entre le Saint et l'humanité révoltée.

 

A l'inverse de la statue de Dan. 2, 33 qui représentait la puissance orgueilleuse du roi de Babel, avec des pieds d'argile, le Fils de l'homme a des pieds semblable à un bronze précieux  qui marquent son caractère stable et puissant. Nous pouvons aussi entendre par la description de sa tête le caractère divin, et par celle de ses pieds foulant la terre, le caractère humain. Toute la majesté du Fils de l'homme exprime la confession de saint Cyrille "une seule nature du Logos fait chair" ; nature jusis / physis devant être entendu comme synonyme d'unité d'être = hypostase

 

Le concile d'Ephèse présidé par saint Cyrille, proclamait Marie mère de Dieu en vertu de l'union hypostatique. Il eut le bonheur d'une formule  christologique équilibrée mais qui ne fut pas l'objet d'un symbole de foi par respect pour celle du concile de Nicée: "Union sans confusion du divin et de l'humain dans le Christ, consubstantiel à son Père selon la divinité, consubstantiel à nous selon l'humanité;"

 

Saint Cyrille dit encore "le Logos n'est pas venu dans un homme, mais il est devenu lui-même homme, sans cesser pour autant d'être Dieu".

 

Par sa résurrection, le Christ est devenu le prêtre éternel; saint Cyrille attribue le sacerdoce, ni au Logos seul, ni à l'homme seul mais au Logos devenu chair. "Le Logos s'est inséré dans la chair comme la force vivifiante de Dieu, en même temps qu'il y a enraciné en toute vérité la grâce du Saint Esprit".

Le grand Origène a saisi lui aussi l'unité inséparable des deux natures du Christ après l'incarnation: " Le Fils n'est pas simplement un comme l'est une chose, ni multiple comme sont les parties, mais il est un comme il est tout".

 

Dans sa main droite sept étoiles, dans sa bouche un glaive acéré. Les sept étoiles montrent son autorité sur le monde céleste et cosmique. Le glaive sortant de sa bouche est la Parole qui sépare sans hésitation ni erreur,  le bien du mal, qui au jour de la résurrection universelle, séparera jusque dans les jointures de l'âme de chaque homme, les intentions et les pensées du coeur (Héb. 4.12) pour jeter les mauvaises dans le feu et louer les bonnes, en reconnaissant les oeuvres des enfants du Royaume.

                                           

 

Le Vivant

 

Les Evangiles narrent les faits qui ont suivis la mort  de Jésus sur la croix. Ils nous expliquent comment celui que tous ont vu remettre l'esprit, se laisse voir par les disciples ,

Vivant. Le tombeau est vide, voici que deux messagers disent aux femmes: Pourquoi cherchez-vous le vivant parmi les morts, il n'est pas ici, il est ressuscité.

Elles ne savaient que penser. Pierre lui aussi regardant le linceul, quitte le tombeau, tout étonné. Puis Jésus prend l'initiative, il se laisse voir par les disciples, toucher par Thomas, mange le poisson grillé; Il envoie les disciples proclamer la Bonne Nouvelle.

 

Les évangiles nous donnent le point de vue de la terre, l'expérience des témoins. De l'incrédulité, ils passent à la foi. Devant l'évidence de la résurrection, ils relisent toute la vie du messie comme une montée vers la glorification qui passe par l'exaltation sur la croix et la présence corporelle du ressuscité.

 

L'Apocalypse révèle le point de vue céleste de la victoire de Pâque:

Jean tombe comme mort aux pieds du fils de l'homme qui pose sur lui sa main droite en disant: Sois sans crainte, je suis le premier et le dernier, je suis le vivant,  je fus  mort mais me voici vivant pour les siècles des siècles, je détiens les clés de la mort et de l'enfer.

De sa main qui tenait fermement les sept étoiles, le Christ maître du monde, relève tendrement son serviteur écrasé par la vision du visage du ressuscité éblouissant comme le soleil. Le Christ embrasse la plénitude des mondes et se penche sur chaque homme! C'est là toute la pointe de l'apocalypse: Le ressuscité est "le principe de l'univers et l'achèvement de tout" (Origène), il est aussi  présent à chaque homme pour lui adresser le message de toute la Bible: Ne crains pas, Je suis.

 

Le Logos est toujours, il  ne fait jamais défaut à sa création, même dans les pires épreuves. Il est le premier et le dernier, non pas dit Origène,  par le temps, mais parce qu'il apporte principe et achèvement.

 

Je suis le Vivant. Voici  un titre donné par la première Alliance exclusivement à Dieu, le Logos incarné est le Dieu présent et agissant parmi les hommes et pour eux. Mais si le messie peut être appelé le vivant à l'égal de Dieu, il ne faut pas occulter qu'il fut mort.

Ce Jésus glorieux est le même qui a vécu parmi nous, Il est mort sur la croix le grand vendredi, pour nous et notre Salut.  Depuis cette pâque il est le vivant, il n'est pas simplement revenu à la vie, il est le vivant aux siècles des siècles.

 

" Le Logos qui est vie par nature est devenu mort pour nous; après avoir mis fin à la douleur de la mort, il est vivant pour les siècles des siècles. Nous confessons qu'il est devenu mort, mais pas qu'il est devenu vie,  car il est la Vie". (Origène)

 

Par l'union hypostatique du Logos fait chair,  Dieu a subi dans sa chair la mort pour nous.

Par sa mort, Christ brise le pouvoir de la mort.

 Mourir avec et pour le Christ, c'est passer de la vie à la Vie. La plénitude de la résurrection est offerte aux croyants, à eux de la recevoir et,  dès cette vie terrestre,  de vivre comme étant passés par la mort avec le Christ, morts au péché et vivants pour Dieu. (Rom. 6, 11)

                                         

 

 

Le ressuscité a  les clés de  la mort et de l'enfer. Il les a conquis par l'instrument de la croix. Par elle, n'ayant pas trouvé Adam sur la terre, il est descendu le chercher dans les enfers. Il a brisé les verrous d'airain; L'enfer ne peut plus conserver ses prisonniers. Le pouvoir du ressuscité ne peut être arrêté par rien, la mort même doit céder devant lui.

 

le Christ est le Seigneur des Eglises, pour elles, il a subi la croix, il est le vainqueur de la mort, celui qui est le Vivant et donne sa Vie.

 

La Liturgie céleste

                              &  l'Agneau immolé

 

 Lire Apocalypse, chapitres 6, 8, 9, 11 v 15sq., 15 & 16

 

Le ressuscité est le vivant aux siècles des siècles. Il annonce au sujet du vainqueur de l'église de Laodicée, " je le ferai siéger près de moi sur mon trône, comme moi-même, après ma victoire, je suis allé siéger près de mon Père sur son trône".

 

Le ressuscité n'appartient plus au monde de la chair. Rendu à la vie, son corps pénétré de l'Esprit entre dans la gloire du Père. L'ascension marque la fin des apparitions aux apôtres. Le messie s'élève dans les hauteurs par l'ascension annoncée par les psaumes. "le Seigneur s'élève parmi les acclamations<> il siège sur son trône sacré. ps. 46. Tu es monté au ciel emmenant la captivité libérée (littéral: la captivité captive) Ps. 67.

 

Jean voit une porte ouverte dans le ciel. Et cette porte ouvre à la vision du trône de Dieu. Le Christ s'élevant dans les hauteurs laisse ouverte la porte du ciel pour que les hommes puissent contempler les mystères et recevoir l'Esprit. Jean est saisi par l'Esprit et contemple ce que nul mortel ne peut voir sans mourir: Dieu siégeant dans sa gloire. Il se tient à la porte du ciel et reçoit dans l'Esprit, c'est à dire, non par le ravissement de l'extase mais par un passage du temps à l'éternité, mémoire de Dieu, la grâce pour connaître le secret de la providence et suivre du point de vue de l'Economie divine (=dessein divin) le déroulement de l'histoire du monde. Mais avant même de voir ce qui doit arriver  il est appelé à être le témoin de la liturgie céleste qui se célèbre devant le trône divin sans interruption.

 

Sur le trône siégeait quelqu'un. Nous n'apprendrons pas grand chose sur l'aspect de celui qui siège sur le trône et c'est bien ainsi. Nous savons par la première Alliance qu'il s'agit du créateur. Isaïe, les psaumes, Ezéchiel, aiment parler du ciel comme trône de Dieu. Inutile d'essayer de donner une explication et même d'identifier les pierres précieuses qui relèvent la majesté de l'occupant du trône. Jean n'est pas un peintre figuratif, il signifie, évoque une réalité inacessible au langage et à la représentation picturale. L'art chrétien antique respecte son incapacité à montrer le créateur et représente Dieu par un trône vide où repose parfois le livre des Ecritures. Jean voit en couleurs, mais la gloire autour du trône, comme une vision d'émeraude cache plus qu'elle  ne montre; en fait ces couleurs ne disent pas plus que le psaume cosmique 103: Le Seigneur est revêtu de splendeur et de majesté, drapé de lumière comme d'un manteau.  Saint Paul  écrit à Timothée 1 Th. 6, 16: Dieu habite une lumière inaccessible.

 

Autour du trône divin, vingt -quatre autres trônes occupés par vingt -quatre anciens.

 

 

                                  

Le vêtement blanc et la couronne justifient leur identification à des hommes glorifiés; leur nom d'ancien évoque le ministère des responsables de communautés juives ou chrétiennes (ancien = presbytre d'où nous avons tiré le mot prêtre). Nous n'en savons pas plus.

Leur nombre a permis de supposer une identité plus précise. Je livre pêle-mêle les interprétations en laissant la responsabilité aux auteurs, la liberté aux lecteurs de les accepter ou de les laisser de côté: vingt-quatre, comme les 24 classes de prêtres au service du temple,  comme les 24 écrivains des 24 livres de la Première Alliance, comme les 24 étoiles du système astrologique ancien, douze patriarches de la première Alliance + douze apôtres de la Nouvelle Alliance. Rien dans le texte ne permet de trancher pour l'une ou l'autre solution. Acceptons notre ignorance. 

 

La mer de verre, devant le trône, semblable à du cristal symbolise à la fois le contact entre Dieu et sa création et la distance infinie entre le Créateur inacessible et la créature fragile.

En face du trône, les quatre vivants. Ezéchiel (chapitre 1) nous a déjà offert une vision du trône porté par quatre vivants. La mystique juive a développé le thème de la merkaba, le char divin porté par les chérubins qui ne cesse de visiter le monde.

Malgré les différences de morphologie entre les animaux d'Ezéchiel et ceux de Jean, on peut assurer la similitude de l'idée théologique. Leur nombre suggère un rapport avec les quatre directions fondamentales de l'univers, les quatre points cardinaux; la gloire de Dieu remplit l'univers étant simultanément présente en tous lieux. Si les vivants d'Ezechiel sont perpétuellement en mouvement, ceux  de Jean  ne sont plus porteurs du trône, mais ses veilleurs stables dans leur magnificence. Ils ouvrent la liturgie céleste en ne cessant de proclamer jour et nuit le trisagion angélique: Saint, saint, saint, le Seigneur tout-puissant, qui était, qui est et qui vient.

Pour marquer le caractère permanent et répétitif de la louange le texte grec emploie le futur pour exprimer l'adoration perpétuelle: les vivants rendront gloire, les anciens se prosterneront, adoreront... (hélas les traductions françaises, sauf Osty , utilisent le présent ou l'imparfait).

        

            

Les veilleurs mènent la prière. Bien entendu il s'agit de la prière angélique mais aussi de celle de l'univers qui reconnait les mains de son créateur et lui adressent la doxologie (= rendre gloire) et l'eucharistie (= rendre grâces). A l'adoration des anges et du cosmos tout entier, répond la glorification des hommes représentés par les vingt-quatre anciens. Ils se prosterneront et jetteront leurs couronnes devant celui qui est assis en disant : tu es digne de recevoir la gloire, l'honneur et la puisssance...

 

Avons-nous vraiment conscience de participer à cette doxologie universelle, vraiment catholique, quand nous sommes réunis en Eglise pour célébrer l'office divin et plus encore offrir la sainte Oblation? Nos oreilles entendent-elles notre bouche emprunter la langue des anges pour dire sans crainte ni tremblement le trisagion céleste?

Déjà le culte solennel de la synagogue bénit l'Eternel par le triple Saint (=trisagion), la liturgie chrétienne utilise aussi cette acclamation. Elle montre par là qu'elle a sa source dans l'éternelle liturgie céleste. Elle a sa fin dans le sang de l'Agneau répandu pour la vie du monde. Notre liturgie est en toute vérité anticipation du Royaume et de la parousie.

 

Car celui qui siège sur le trône a dans sa main un livre écrit au-dedans et au-dehors <> que personne n'avait été trouvé digne d'ouvrir. Et voici, que se tient au milieu des quatre vivants et des anciens un agneau debout, comme égorgé. 

Le livre est entre les mains de Dieu, il contient un message pour les hommes, sa volonté, et peut être aussi les événements qui en découlent. Ce qui est certain c'est qu'il est message, parole de Dieu. Saint Hippolyte et Origène y voit le texte de la première Alliance inintelligible tant que le messie ne l'éclaire comme il a fait avec les pèlerins sur la route d'Emmaüs expliquant dans les Ecritures tout ce qui le concernait.

 

" Comme la première Alliance, avant sa venue, était d'une profonde obscurité, elle était scellé de sept sceaux. Mais ils sont devenus si clairs après la résurrection du sauveur que ceux à qui, par expérience, furent ouvertes les Ecritures, disent de l'Agneau égorgé: "notre coeur n'était-il pas brûlant en nous, lorsqu'il nous ouvrait les Ecritures"  (Origène).

 

Ce verset nous autorise à lire la première Alliance selon l'interprétation christologique qui seule ouvre le coeur au feu divin, sans dédaigner le sens immédiat expliqué par l'exégèse savante.

 

Un des anciens annonce la victoire du lion de Juda, on s'attend à le voir apparaître et voici un agneau! Le lion vainqueur est l'agneau immolé. Les sept cornes notent la plénitude de sa puissance, les sept yeux, l'Esprit qui illumine toutes les nations.

Aussi bien le lion que l'agneau, dans l'attente d'Israël, représentent le messie. Pour ce qui concerne l'agneau , il est évident de se référer à deux textes importants:  Isaïe 53,7 décrit le Serviteur du Seigneur qui offre sa vie en sacrifice de purification: Il n'ouvre pas sa bouche, comme un agneau traîné à l'abattoir. Exode 12 réclame l'immolation de l'agneau pascal dont le sang protège les hébreux lors de la première pâque d'Egypte. Saint Jean Baptiste avait certainement en tête l'une ou l'autre ou les deux citations quand il a désigné Jésus comme l' Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde.

                                           

L'agneau se tient debout. Cette position devant le trône de Dieu indique son éminente dignité; vainqueur mais comme égorgé, il porte les marques de son sacrifice.

Sans aucun doute, l'agneau debout montre que son sacrifice n'a pas mis fin à sa mission. La résurrection et l'ascension du Sauveur introduisent dans le sanctuaire le grand prêtre éternel  entré pour nous en précurseur. Au prix de son sang, il a fait<> de nous, pour notre Dieu un royaume et des prêtres, et nous régneront sur la terre.  De tout l'univers, l'adoration monte pour unir dans une même doxologie Dieu  et l'agneau. A celui qui  siège sur le trône et à l'Agneau, bénédiction, honneur, gloire et domination pour les siècles de siècles. Amen.

Ainsi l'apocalypse révèle l'unité consubstantielle de Dieu le Père avec son Logos devenu homme pour notre salut. Adorons en silence avec les Vivants et les Anciens.                                                                         

                                         

Le bouleversement des temps messianiques

 

 Lire Apocalypse chap. 12 & 13

 

Après avoir contemplé la liturgie céleste et la gloire de l'Agneau, le messie immolé, Jean quitte le monde céleste pour poser son regard sur l'histoire de l'humanité. Il entend clairement un des quatre vivants tonner: "Viens . Et voilà un cheval blanc". A chaque sceau ouvert, un des vivants répétera ce "viens".

 

Au premier abord on pourrait penser que ce viens à l'impératif est un ordre donné au cheval, pourtant, si nous sommes attentif à l'emploi du verbe venir dans l'apocalypse, nous constatons qu'il est plutôt une prière adressée au Christ, le point final de la révélation sera d'ailleurs: marana tha, Amen, viens Seigneur Jésus.

 

Si les visions de l'histoire de l'humanité sont tragiques, elles conduisent à l'appel de la venue du Sauveur pour mettre fin à la désolation de ce monde qui est dominé par la violence de la nature dans l'attente de sa pleine rédemption,  et la méchanceté des hommes sous le joug du péché par l'abandon du créateur. Après la vision de la célébration pascale dans les cieux, de la victoire du messie, il est naturel,  avant même d'examiner l'état du monde que le vivant souhaite sa parfaite manifestation à toute la création.

 

Jean n'a pas une vision béate du temps de l'Eglise, il sait déjà par les premières persécutions, par les premières déchirures dans les communautés, par les premières trahisons du Bon Message et son affadissement (en 95!) que la venue du Règne se fera comme un accouchement avec ses douleurs et ses joies, que la voie royale du Salut est encombrée d'oppositions, d'épreuves, de souffrances.

Le messie est passé par la mort, ses disciples prendront le même chemin,  mais grâce à la passion et à sa résurrection du Maître de Vie, libérés de l'angoisse de mort, sûrs de la victoire finale de la vie sur la mort.

                                                

Donc, voici qu'apparaissent quatre chevaux et cinq cavaliers.

 

Le premier cheval, blanc, monté par un cavalier couronné, sortant en vainqueur et pour vaincre encore, doit être mis à part des trois suivants. Il désigne certainement "le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs" (de 19, 11-16), qui remporte la victoire finale. Notre cavalier avant même la description des malheurs du monde anticipe sur la victoire pour répondre au viens  du vivant. Christ est vainqueur par sa croix.

Malgré les catastrophes naturelles et les adversités dues aux hommes, il a déjà pris le contrôle du cours des choses. La création dit "viens", il arrive , il est déjà à l'oeuvre pour manifester ce qui est déjà accompli une fois pour toutes. Le manque de foi, d'amour, le mauvais usage de la liberté retarde pourtant sa venue.

 

Laissant de côté le premier cavalier qui n'appartient pas au même monde allégorique, avant d'examiner ce qui arrive après l'ouverture des sept sceaux, il est nécessaire de se rappeler que les événements rapportés par l'apocalypse ne sont pas à prendre comme une succession mais comme la répétition de mêmes signes.

                                   

Les sept sceaux, les sept trompettes et les sept anges avec les sept coupes ont une seule et même structure narrative répétitive.

 

7 sceaux

 

sept trompettes

7 anges et sept coupes

1. Cheval blanc=

le vainqueur

 

 

1.2. cheval feu= guerre

1.grêle & feu

1. ulcère

2. cheval noir= inflation, famine

2.raz de marée

2. sang sur la mer

3. cheval vert livide=mort

3.l'étoile tombe sur la terre

3. sang sur l'eau des fleuves

4. le même cheval avec second cavalier:

le  shéol

4.soleil & lune s'obscurcissent

4. brûlure par le soleil

5. le sang des martyrs sous l'autel

5.la fumée monte de l'abîme

5. obscurité

6. signes des temps

6.cavalerie de mort

sécheresse + miracles du démon

7. liturgie céleste

7.règne du Seigneur & du Christ

C'est la fin. Chute de Babylone des blasphémateurs

 

Le tableau , malgré les différences de détails montre bien l'unité des septénaires -sceaux, -trompettes, -coupes.

Grégoire de Rome dans une homélie sur la femme aux sept démons (P.L. 71,col.1239sq.) explique "Puisque en effet le temps est tout entier renfermé en sept jours, le nombre sept figure bien l'universalité".

Le Logos a pris chair, il a assumé parfaitement la nature humaine sans tricher, c'est à dire qu'il a subi les vicissitudes de la vie de l'homme incarné dans un lieu, une histoire, une culture, il  a connu les tourments de la mort, puis la gloire de la résurrection. Ses disciples, s'ils reçoivent par le baptême et l'eucharistie de la sainte oblation les prémices de la gloire de la résurrection ne sont pourtant pas dispensés de la fatigue de la chair; sans être du monde, ils sont dans le monde et connaissent les humiliations de la haine, de la maladie, du déchaînement des éléments.

 

Le christianisme n'engendre pas des sur-hommes mais des hommes accomplis  selon la parole de saint Paul reprise par saint Irénée, cet accomplissement étant la réception de l'Esprit Saint,  l'esprit de l'homme se conformant à la vie de l'Esprit saint.

L'Esprit saint est humble et l'homme humble ne se soustrait pas à sa condition sauf pathologie de l'âme. L'Eglise doit attendre avec confiance le retour du messie et saisir les malheurs du temps à la lumière de l'incarnation et de la croix.

 

                                      

Le cheval  feu et son cavalier  personnifie la guerre comme constante, hélas, de l'histoire des hommes, et aussi comme phénomène accompagnateur du temps messianique.

La victoire du messie est déjà remportée (chevalier blanc) mais elle entraîne un tel bouleversement que les forces du mauvais se déchaînent.

Les guerres sont suivies de rationnement et de famine, le cheval noir et son cavalier, mais la voix du vivant demande que l'on ne change pas le prix de l'huile et du vin.

On a le droit de voir dans ces deux denrées des signes sacramentels, on reste étonné que le pain, type du corps mystique,  n'échappe pas à l'inflation, on peut donc se limiter à en faire, par référence à la parabole du samaritain, le symbole de la miséricorde divine qui apporte réconfort et Salut.

Le cheval vert livide, porte deux cavaliers, la mort et le séjour des morts, l'hadès, conséquence de la guerre, des épidémies et des famines. Les quatre cavaliers n'ont pouvoir que sur un quart de la terre, ainsi la vie continue.

Les catastrophes dues aux désordres de l'homme ou de la nature affectent toute l'humanité, les disciples du Christ ont à affronter aussi d'autres douleurs: Ils doivent être prêts à témoigner jusqu'au sang de l'espérance qu'ils portent en eux comme "les âmes sous l'autel  qui ont été immolés à cause de la parole de Dieu et le témoignage qu'ils portaient". 

Avoir le témoignage de Jésus, c'est posséder en soi le témoignage que l'Esprit rend à Jésus, c'est être accordé à la Parole et l'exprimer en toute sa vie quelques soient les circonstances. Le témoignage n'est pas seulement un acte d'héroïsme isolé, mais le comportement de tous les jours dans la stabilité du fidèle  docile à l'Esprit.

L'Esprit Saint, à la Pentecôte, est descendu non pas sur les disciples pour les accompagner comme pour les prophètes, il est descendu en eux pour faire d'eux le temple de la Trinité Sainte.

 

Le cri de vengeance des martyrs apparaît bien peu chrétien! Il montre surtout leur état d'insatisfaction: leur martyr n'a pas eu le résultat qu'ils pouvaient en attendre, la conversion des persécuteurs à la loi de l'Esprit. Ils demandent au Seigneur de hâter le jugement afin que l'humanité sache où sont la vraie vie et les véritables valeurs.

 

Pour ce qui concerne le sixième sceau, les six premières trompettes et coupes, je renvois à l'étude des "signes des temps" au N° 25, décembre 1990 de la lettre de saint Elie, (voir excursus 1)  où est examiné le style dramatique de l'annonce de la parousie.

Ces signes ambigus, susceptibles de significations multiples, n'ont d'autres raisons que de faire découvrir à chaque habitant de la terre, sa fragilité pour ne pas dire son inconsistance face à la plénitude de Celui qui remplit tout.

                                           

Le septième sceau, la septième trompette, la sixième coupe, donnent le spectacle de l'accomplissement: L'Agneau a inauguré par son immolation et par sa résurrection sa royauté sur le monde. L'Eglise, la foule immense que personne ne peut dénombrer, a lavé par le baptême ses vêtements après être passé par la grande tribulation, l'épreuve de la foi contre les raisonnements.

 

La femme & le dragon

 

 lire Apocalypse 14, 1-5.

 

La vision de la femme ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles est assez connue. Une dévotion assez récente dans le monde latin y voit l'image de Marie, Mère de Dieu. Nous verrons que cette intuition a un fondement mais qu'il ne faut surtout pas limiter la portée de ce signe à une seule interprétation mariale. 

Elle était enceinte et elle criait torturée par les douleurs de l'enfantement. Devant elle se tenait le dragon prêt à dévorer l'enfant dès sa naissance. 

 

Les pères avec toute la tradition liturgique - à partir d'Isaïe 66.7 " avant d'être en travail, elle a enfanté, avant que lui viennent les douleurs elle a accouché d'un fils mâle" - ont mis en relief la naissance sereine du messie par la Vierge-Mère. Notre vision n'est donc pas adéquate à exprimer la naissance dans la chair du Logos.

 

Le signe de la femme et celui du dragon  apparaissent dans le ciel . Dans tout le livre de l'apocalypse, nous devons garder en mémoire que le ciel ou la terre ne sont pas des lieux mais des niveaux de réalité. Les réalités spirituelles décisives et définitives qui s'inscrivent dans l'éternité, mémoire divine, sont inscrites dans le ciel, réceptacle invisible de la gloire divine.  Les réalités, les événements qui n'engagent pas le destin des êtres et qui ne sont que péripéties dans l'histoire du Salut restent au niveau des apparences, la terre. 

Par terre nous pouvons intégrer tout le cosmos, champ d'intervention des cavaliers, des anges aux sept trompettes et ceux aux sept coupes; ce qui arrive sur la terre est la conséquence de l'égarement des hommes qui sont sourds à la Parole de Dieu et qui obéissent plus ou moins consciemment aux suggestions du diable.

 

Dans le ciel, se livre pour  ainsi dire un plus rude combat: celui du bien contre le mal, de la vérité contre le mensonge, de la vie éternelle contre l'abîme. Ce grand combat a eu lieu, il a déjà un vainqueur, l'Agneau immolé. Satan n'est plus le même, il est réduit à l'impuissance par la croix et la résurrection du sauveur; il n'a plus de pouvoir dans le ciel, il en a été précipité par Mikael.

 

Le combat se poursuit pourtant sur la terre, dans l'âme de chaque homme soumis à la tentation du choix entre la parole de Dieu, exigeante, juste,  sans détours, ou celle du mauvais proposant la facilité contre le droit du prochain, l'enfermement dans l'autonomie égoïste; le péché s'oppose à la volonté divine.

La femme dans les douleurs est une des images de la première alliance qui servent à exprimer l'avènement du règne de Dieu. Isaïe 13. 8 annonce le jour du Seigneur: "Ils sont épouvantés en proie aux douleurs et aux transes, comme celle qui enfante ils frémissent". Osée 13. 13 prédit la libération d'Ephraïm lorsque "les douleurs de l'enfantement lui surviendront".

 

La femme est donc l'Eglise qui prend ses racines dans le peuple d'Israël qui enfante le Christ; Le Christ total comme l'appelle Augustin d'Hippone: le Christ total, le grand corps du Christ qui incorpore au Théanthropos (=Dieu-homme) toute l'humanité sauvée constituée par ceux qui revêtent le Christ par le mystère du baptême dans la mort et résurrection du Sauveur.

L'Eglise enfante son nouveau-né, le Christ total,  dans les douleurs car la conversion exige du courage et des efforts. Jamais rien n'est acquis avant le terme, le dragon est là, prêt à dévorer l'homme nouveau qui veut se libérer du péché et de la mort.

 

                                           

 

La femme est donc la Mère-Eglise dans sa double dimension, d'une part céleste, revêtue du soleil,  des étoiles, couronnée, car la première naissance du messie dans les douleurs est celle de la nuit de Pâques où le crucifié remporte la victoire sur la mort, et d'autre part, encore plongée dans les douleurs de l'existence de nos communautés dispersées mais unes; Eglise où cohabitent la sainteté des mystères et les petitesses des coeurs rétrécis par l'incompréhension de l'ampleur de l'amour de Dieu et aussi, il faut bien le dire, l'esprit de puissance et d'égoïsme des communautés ou des personnes.

 

La première naissance, celle de la résurrection affirmée par Actes 13, 33 "Nous vous annonçons la bonne nouvelle: la promesse faite à nos pères, Dieu l'a accomplie pour nous, leurs enfants, en ressuscitant Jésus, tout comme il est écrit au psaume 2: Tu es mon Fils, c'est moi qui t'engendre aujourd'hui", n'aurait pas de réalité si le Logos, le Fils de Dieu  éternellement dans son sein, n'avait pas pris en toute vérité la chair dans les entrailles de Marie la vierge. Le Fils de Dieu est devenu fils de l'homme en naissant de Marie, consubstantiel à son Père selon la divinité, consubstantiel à nous selon l'humanité, parfaitement un sans confusion du divin et de l'humain (concile d'Ephèse).

 

Marie Théotokos a mis au monde la tête du grand corps (= Jésus le messie), l'Eglise donne le jour au corps total ( =les saints et les fidèles unis dans la communion de l'Esprit), Marie et l'Eglise sont mères du Christ, mais aucune des deux, ne l'enfantent sans l'autre. On peut penser que la femme de l'Apocalypse est bien l'Eglise qui dans la douleur, purifie ses enfants et que cette description se réfère à Marie, en tant qu'icône de l'Eglise, qui la première au pied de la croix de son fils a eu l'âme transpercée (Luc 2, 35) par les douleurs  de la passion.

 

 

Son enfant fut emporté vers Dieu et vers son trône. Ce verset nous confirme bien que l'enfantement douloureux est bien celui de la Pâque de la mort à la vie. Le terme des apparitions pascales est l' ascension et le siège à la droite de Dieu.

La victoire du messie est celle des chrétiens; ils doivent aussi savoir que les disciples ne sont pas plus grand que le maître, qu'ils seront attaqués par le dragon, ils savent qu'ils sont la belle Eglise du Christ qui dans les douleurs de la passion donne naissance à l'homme nouveau. Le ressuscité est maintenant dans les cieux, le dragon lui, a été jeté sur la terre, il poursuit la femme. Il s'agite vainement même au moment où dans les soubresauts de la haine, il semble proche de la victoire sur le reste de la descendance de la femme.  Il  garde la puissance de nuire, terriblement, mais cette nuisance s'épuise d'elle même car le salut, la puissance et le règne de Dieu sont présents  à l'humanité.

 

Le dragon est l'ennemi du créateur, de sa créature et de toute l'Economie qui doit conduire l'humanité à la déification par grâce.

Le dragon rouge feu avec ses attributs, sept têtes et dix cornes, donne une première impression d'intelligence multiforme, de puissance brutale, en fait c'est un agité, un perturbateur, il balaie le tiers des étoiles de sa queue. Michel et ses anges finissent par l'expulser du ciel, alors est révélée son identité: serpent, l'antique serpent, celui qu'on appelle diable et le satan.

Il est l'agresseur permanent, mais voici que depuis la naissance de l'humanité nouvelle par la croix et la résurrection du Christ, il est précipité du ciel; le messie vainqueur ne daigne même pas l'affronter, les anges le jettent du ciel. S'il reste un troublion sur la terre, sa sphère d'action se rétrécit, il ne peut plus mettre en cause la plan divin sur l'humanité. Mis en colère contre la femme, il s'en va mener un combat d'arrière garde.

Dans sa lutte contre la  descendance de la femme, le dragon a à sa disposition deux bêtes: la bête de la mer et la bête de la terre.

La première bête vient de la mer et concentre sur elle les signes des pouvoirs politiques à prétention religieuse. Les commentateurs anciens ont reconnu notamment la Rome impériale, d'autres plus récents, les régimes totalitaires. Il suffit de savoir qu'il s'agit d'une lutte acharnée contre les saints qui reconnaissent à Dieu seul l'adoration et la vérité et, exigent le respect de la personne humaine, icône de Dieu. 

Le pouvoir représenté par cette bête blasphème en réclamant les honneurs dus au créateur, il est même capable en plus de l'élimination physique,  de séduction intellectuelle, d'endoctrinement. Un seul remède: la constance et la foi. Que le coeur ne soit pas troublé par l'apparente victoire du mauvais, les chrétiens dans les épreuves sont invités à affronter avec courage la perpective de la mort, la foi assure la victoire sur la mort.

 

La bête de la terre se présente avec des cornes semblables à un agneau. Elle est servante de la première bête. Elle semble devoir persuader par ses signes et ses "miracles" ceux que la force de la première bête n'a pas convaincus.  Comment ne pas penser au loup déguisé en pasteur des brebis. La deuxième bête est la spiritualité dévoyée, elle a un petit air de l'Agneau, ses sacrements, elle ne veut que notre bien, n'a à la bouche que piété, paix, justice. En fait tout cela ne sont que "tchache"  et langue de bois, elle n'a qu'une ambition: le pouvoir et l'asservissement des malheureux qui lui font confiance.

Laissons de côté toutes les spéculations sur son chiffre 666. C'est un chiffre d'homme; n'est-ce pas simplement l'homme qui a à la bouche les commandements et qui , dans sa vie,  fait cause commune avec les violateurs de la Thora? Ps.49 (H. 50)

Courage, le dragon et ses épiphénomènes, les deux bêtes sont déjà jugées.

Dans le ciel est déjà réalisée la Parole du Seigneur au serpent de la Genèse (3, 15) "Je mettrai de l'inimitié entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance: Celle-ci t'écrasera  la tête et toi tu la viseras au talon".

 

 

L'Agneau sur le mont Sion

 

 lire Apocalypse chapitres  19, 6 à 16 & 20, 1 à 15

 

 

Les deux bêtes gardent pour quelque temps une influence redoutable sur le cours de l'histoire. Il semble bien qu'elles sont le principe qui régit l'ambition de l'homme de dominer sur l'homme et celui de toute économie basée sur la croissance de la richesse pour la richesse. Les petits et les grands, les riches et les pauvres portent la même ambition et par là sont marqués du chiffre de la bête. Mais il en est bien quelques uns appartenant à la descendance de la femme qui résistent à la violence de la domination de l'homme par l'homme.

Jean, après avoir décrit la montée terrifiante des deux bêtes nous montre ce qu'il en est de ceux qui refusent de participer à l'idolâtrie ambiante et ne cèdent ni à la séduction, ni à la menace. 

      

L'Agneau est debout sur le mont Sion et avec lui cent quarante quatre mille qui portent son nom et le nom de son père écrits sur leurs fronts.

L'Agneau debout est le ressuscité, il est le Vivant qui par la croix a ouvert aux hommes la vie éternelle. Il se tient sur la montagne de Sion, le lieu du salut, c'est là que par la croix,  la Vie nous a donné la vie, c'est là que se manifestera la joie de la Jérusalem céleste. L'Agneau n'est pas seul, il est accompagné de cent quarante quatre mille fidèles qui écoutent les voix de la liturgie céleste célébrée devant le trône, les quatre animaux et les anciens.

 

        

  

                               

L'identification des cent quarante quatre mille pose question. Faut-il y voir des vivants dans la chair ou des vivants dans l'Esprit ayant traversés les portes de la mort ?  Leur physionomie spirituelle ne permet pas de répondre définitivement à cette question mais nous donne une piste de réflexion.

Ils ont été rachetés de la terre.  Ils ont été acquis par le sang de l'Agneau, ils sont donc les bénéficiaires du sang de la croix, de la rédemption. Ils peuvent ainsi représenter tous les chrétiens morts et vivants et non une sélection parmi les croyants, ni une élite d'élus.

144 000 est bien sûr un nombre symbolique et non  un chiffre absolu. Au  chapitre 7, il est décrit comme le carré de douze, chiffre sacré représentant la totalité dans l'espace et dans le temps (le cube a douze arêtes, l'année douze mois, le zodiaque douze constellations, Israël douze tribus, l'Eglise est fondée sur la tradition des douze apôtres) , porté à la plénitude par la multiplication par mille. Il est le chiffre de l'extension indéfinie et par là signifie la totalité des élus.

Toutefois, comme la maison du Père comprend plusieurs demeures, l'Eglise des sauvés n'est pas une masse impersonnelle mais une assemblée composée de familles à l'image des douze tribus d'Israël formant un seul peuple de Dieu.

 

Ils ne se sont pas salis avec des femmes. La souillure évitée est celle du vêtement blanc, il ne s'agit pas a priori de sexualité ou de virginité écartant le mariage comme une souillure, mais de la virginité au sens large: la fidélité et l'intégrité de l'Eglise qui se garde de toute contamination avec l'idolâtrie.

Dans la première Alliance, l'idolâtrie est souvent présentée comme une prostitution se moquant de l'amour d'Adonaï qui accepte le rôle de l'époux d'Israël.

Ils suivent l'Agneau partout où il va. Le vrai disciple a toujours en mémoire les Paroles du Logos et les met en pratique, il  fait sienne la parole adressée par le Maître à Pierre " Toi, suis-moi". 

Ceux-là ont été achetés en prémices pour Dieu et pour l'Agneau.  Commentant ce verset, les pères l'ont compris comme relatif aux martyrs. Ainsi ils entendent les cent quarante quatre mille comme l'assemblée des martyrs. La liturgie de notre Eglise copte-orthodoxe les mentionne dans la bénédiction qui clôture l'office de l'oblation de l'encens  parmi les intercesseurs, elle y voit aussi le paradigme des saints innocents:

"Que le Seigneur ait pitié de nous, qu'il nous bénisse, illumine sa face sur nous et nous couvre de sa miséricorde.

O Dieu sauve ton peuple et bénis ton héritage, pais ton troupeau et exalte-le éternellement.

Exalte la puissance du nom de chrétien par la vertu vivifiante de la croix,

et par les prières que ne cessent de t'adresser pour nous, notre souveraine la Mère de Dieu, la vierge Marie, les trois grands esprits lumineux, Michel, Gabriel, Raphaël, les vingt-quatre anciens, tous les choeurs des anges et toutes les armées célestes; saint Jean Baptiste, les cent quarante quatre mille, et nos seigneurs et pères les apôtres,<>Que leur sainte bénédiction à tous, leur grâce, leur puissance et leur secours soient toujours avec nous.<>

 

O Christ Dieu, roi de la paix donne-nous ta paix, confirme-nous dans ta paix et remets nos péchés.

La paix de Dieu soit avec tout son peuple. <>"

 

*Remarquons au passage que, dans l'état de la documentation,  la sainte tradition alexandrine est la seule Eglise chrétienne depuis l'origine de sa liturgie à mettre dans la bouche de ses prêtres la grande bénédiction sacerdotale transmise à Aaron par Moïse sur l'ordre exprès d'Adonaï. (Nombres 6, 22.26). *

 

Pour les 144 000, nous pouvons nous situer dans une voie moyenne et dire que,  comme Marie est la figure de l'Eglise, ils sont la troupe des martyrs figurant tous les chrétiens. Nous en sommes d'autant plus assurés si nous ne faisons pas de contre sens sur le mot prémices qui ici  n'a probablement pas le sens de premiers fruits annonçant la totalité, mais celui de lot de Dieu comme l'indique le mot "aparch aparché=prémice" souvent traduit dans la septante pour l'hébreu " oblation, part consacrée".

 

Ils étaient esclaves de la mort, l'Agneau les rachète par son sang répandu sur l'arbre de la croix et les rend irréprochables. Non que ces gens aient toujours dit la vérité mais parce que dans leur bouche on n'a pas trouvé le mensonge  c'est à dire la vanité de l'idolâtrie (Cf jean 8, 44.45). Par leur confession de la foi, ils adhèrent littéralement au Christ et, par son sang,  sont irréprochables. c'est en cela aussi que l'on dit qu'ils sont vierges, n'ayant aucune part avec le prince du mensonge.

 

 

La première résurrection

 

 lire Apocalypse  20, 11 à 15 & 21, 1 à 8

 

 

Nous arrivons au terme de l'histoire du salut et du livre de la révélation des choses qui doivent arriver.  L'Eglise, comme une épousée est préparée pour ses noces avec l'Agneau. Elle se revêt des oeuvres de justice des saints.

En fait, le lin fin, éclatant et pur est le signe du vêtement blanc remis aux fidèles par la grâce du baptême, les oeuvres de justice sont donc la réception et la garde du don généreux par l'obéissance quotidienne à la volonté du Père.

Toute l'Economie divine tend vers ses noces mystiques où le créateur exalte sa créature lui communiquant par l'union et la communion du Saint Esprit sa divinité. Il s'agit bien de l'union parfaite et définitive, eschatologique, du Messie et de son Eglise. Heureux ceux qui  en ce jour, jour du Seigneur, sont appelés au repas de noce de l'Agneau.  

 

Aujourd'hui dans le mystère de la sainte Oblation, le messie nous invite à recevoir les prémices de notre participation à ses noces. Il nous appelle, nous attend. Aujourd'hui, tous sont appelés, et beaucoup déclinent l'invitation et ne sont,  par leur négligence, pas comptés parmi les élus. Saint Cyrille d'Alexandrie dans son commentaire sur l'évangile de saint Jean commente les paroles du Seigneur "Je suis le pain de vie<> celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle.

 

" Puisent-ils comprendre, ces fidèles baptisés qui ont goûté la grâce divine que par leur négligence à venir dans les églises, par leurs délais à s'approcher de l'Eulogie du Christ<> ils s'excluent de la vie éternelle en refusant d'être vivifiés. " <> "Ceux qui reçoivent en eux le pain de vie, auront pour récompense l'immortalité <> ceux qui auront reçu le Christ dans la communion goûteront quand même la mort charnelle à cause de leur nature, mais cela ne doit pas les affliger. Ils seront soumis comme les autres à la fin commune de tout homme, mais selon la parole de saint Paul, ils sont vivants pour vivre éternellement à Dieu."

 

 Le vainqueur arrive sur un cheval blanc,  revêtu d'un manteau trempé de sang.

Le Logos fait chair, le Théanthropos siège pour juger. Ceux qui n'ont rien en eux de la bête et qui ont été décapités à cause du témoignage de Jésus et à cause de la Parole de Dieu, reprirent vie pour régner avec lui pendant mille ans. Telle est la résurrection, la première. Heureux et saint qui a part à la résurrection, la première, sur ceux là la seconde mort n'a pas de pouvoir. 

En précisant que ce premier règne du messie durera mille ans, l'apocalypse nous présente les temps messianiques inaugurés par la résurrection;   en limitant le règne au chiffre allégorique de mille ans pour signifier une durée indéterminée, le texte nous avertit que le Salut est inauguré sur terre par la victoire de l'Agneau, mais que la victoire n'est pas encore inconditionnelle, sans ombre ni menaces. Les chrétiens doivent rester vigilants à la pratique sérieuse des commandements évangéliques et ne pas ignorer  que la puissance du mauvais, même restreinte, est toujours à l'oeuvre.

Ceux qui nourris du corps et du sang du messie, passent par les portes de la mort, possèdent une demeure céleste dans les cieux, le corps du Ressuscité. Dès l'heure du trépas, ils s'incorporent à la chair spirituelle du Christ et vivent de Lui et en Lui.

C'est ici la première résurrection mystérieuse. Ceux qui y auront part, ressusciteront à la parousie sans craindre le jugement.

 

Le monde nouveau

 

 lire Apocalypse 21, 9 à 27

 

 

Avant de poser le regard sur le monde nouveau, il est nécessaire de s'attarder sur la première résurrection  puis sur le jugement. Devant le grand trône et Celui qui y siège, je vis tous les morts, grands et petits, debout devant le trône<> et les morts furent jugés <> selon leurs oeuvres.  Si donc, le croyant, par son baptême reçoit la promesse de la première résurrection qui est l'assurance d'être uni au Christ sans crainte d'être séparé de lui , même par la mort, il sait que l'accomplissement de cette promesse est conditionné par le sérieux avec lequel il accueille la Bonne Nouvelle.

Il doit savoir aussi qu'il est un racheté du royaume de la mort et qu'il y a un juste juge dans le ciel qui jugera, non selon les apparences et les conditionnements, mais en toute connaissance, les pensées qui montent du coeur de l'homme.

Parmi les livres ouverts, le livre de vie, celui de l'Agneau , le jugement s'établira sur la conformité de la vie à la pratique de l'Evangile et non sur les discours pieux  mêlés d'arrogance ou d'irresponsabilité pour ne pas parler d'hypocrisie. A la question du scribe de Luc 10, 27 sq.  Que dois-je faire pour gagner la vie éternelle?  Jésus répond "qu' est-il écrit dans la loi, qu'y lis-tu? Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta force et de tout ton esprit; et ton prochain comme toi-même. Fais cela et tu vivras."  

 

Pour hériter du royaume, il convient de manifester par ses actes l'amour de Dieu et du prochain. Le jugement viendra séparer ceux pour qui l'amour de Dieu et du prochain est un simple sujet de discours académique et ceux qui, même sans tout à fait discerner la présence de l'image de Dieu dans l'humanité, ont montré de la compassion pour les humbles et les malheureux. Je renvois mon lecteur aux assises du jugement dernier annoncés par le Seigneur en Mathieu 25, 31 à 46.

Le christianisme ne se résume pas à une sorte de philanthropie universelle, mais il n'est pas non plus théorie abstraite; sans amour concret et qui coûte, pas de vrai disciple du Christ, Fils de Dieu, lui que les pères ont appelé le Philanthropos, l'ami de l'homme.

 

Par la grâce divine, l'amour de Dieu et du prochain montre sans aucun doute la présence dans le croyant du très Saint Esprit.

Les prières et les mystères célébrés dans les églises doivent avoir pour objet de louer, bénir et faire monter par Jésus le messie, l'adoration vers le Père des lumières, et, en retour recevoir la grâce de la communion à l'Esprit de vie.

Nous conservons cette divine communion autant que nous nous éloignons du péché et que nous nous rapprochons de notre prochain. Souvenons-nous toujours que le terme qui désigne l'élément de l'Eucharistie sacrée (Oblation ou Offrande) est Qorban dont la racine sémantique signifie rapprochement. Par la Sainte Oblation nous nous rapprochons de Dieu et de notre prochain. Que rien ne nous en sépare.

 

Au moment du jugement donc chacun sera jugé selon ses oeuvres. Il est intéressant de remarquer que Jean ne dramatise pas ce jour du jugement par des descriptions de catastrophe cosmique, il se contente de dire sobrement devant le trône s'enfuirent la terre et le ciel, il ne se trouva plus de place pour eux . 

La figure du monde ancien passe, la mort et l'enfer s'en vont vers la mort. Le messie de Dieu donne sa vie sur la croix et par sa mort, la vie éternelle, Christ est ressuscité des morts, par sa mort il a vaincu, détruit la mort. Celui qui, après la résurrection universelle, ne se trouve pas inscrit dans le livre de vie, suivra le sort de la mort et de l'enfer, la seconde mort...

 

Mais avant même la parousie, le vieux monde usé, celui qui est le domaine du prince de ce monde n'est plus. " C'est maintenant le jugement du monde, c'est maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors. Et une fois élevé de terre, j'attirerai tous les hommes" Jean 12, 31.32 . 

La croix et la résurrection ont bouleversé l'ordre des choses, la croix et le crucifié embrassent tous l'univers qui  échappe à la dictature du mauvais et reçoit la capacité de se déterminer librement à la réception de la grâce divine.

 

               

    

                                               

La Ville, la ville sainte , la Jérusalem nouvelle, descendait du ciel, d'auprès de Dieu, prête comme une épousée... Le monde nouveau engendré par la Pâque vient vers nous comme une cité envoyée du ciel par le Seigneur, il ne s'agit pas d'une réalisation parfaite de l'humanité, d'aboutissement d'efforts pour construire une cité idéale, mais d'une nouvelle création offerte au pèlerin mystique. Jérusalem est la cité bâtie par le Seigneur pour accueillir toutes les nations, tous les peuples, tous les hommes,  pour les unir entre eux par la sécurité et la paix. La paix céleste conduira à la sanctification pour l'union des hommes avec le créateur.

 

L'image des noces que nous avons déjà rencontrée est tout à fait adaptée à expliquer la déification, l'union de la divinité avec l'humanité: Comme les époux deviennent de deux une seule chair, c'est à dire une seule réalité spirituelle, de même chaque individu  sans rien perdre de sa personne s'unit au Seigneur et ne fait avec lui qu' un seul esprit (1 Corint. 6, 17) sans séparation, ni mélange.

 

 

La Jérusalem nouvelle dévoile la véritable nature de l'Eglise mais il ne convient pas d'affirmer qu'elle est réduite à ne représenter que l'Eglise connue par nos sens terrestres et même par les sens de l'homme intérieur. Bien entendu, Jean décrit les notes de la cité de Dieu avec les mots du prophète Isaïe: plus de pleurs, plus de cris  Is.65,19, la mort ne sera plus  Is. 25,8, mais sa perspective est d'annoncer la venue du royaume dans la personne du Messie. Les derniers temps sont là, la pointe de la vision du monde nouveau  consiste justement en la nouveauté. Je fais toutes choses nouvelles, dit l'A et W, voici le séjour de Dieu avec les hommes, il séjournera avec eux et eux seront ses peuples.

La nouveauté est le fort accent universaliste de la présence de Dieu. Il faut remarquer le pluriel ses peuples; c'est la caractéristique de l'Alliance nouvelle, dans la première Alliance Lév. 26,11.12 la shekina (=présence de Dieu) est donnée à Israël: je mettrai ma demeure au milieu de vous <> pour vous, je serai Dieu, et pour moi, vous serez le peuple.

Les derniers temps sont là, Dieu passe Alliance avec tous les peuples, toutes les nations, l'éternité de Dieu est présente dans le temps des hommes, ils continuent à mener une existence terrestre, mais Dieu les reçoit comme ils seront à jamais: par le sang de la croix, les cohéritiers du Fils unique.

Le vainqueur héritera cela, je serai pour lui Dieu et lui sera pour moi  fils.

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Je disais que l'Eglise n'était pas la Jérusalem céleste pour ne pas tomber dans l'illusion de confondre le moyen comme un but, considérer nos communautés ecclésiales comme accomplies et immuables, pétrifiées dans leurs structures de chair, n'ayant pas à progresser dans la sainteté, ni la recherche de la plénitude de la vérité.

La Vérité est une personne qui se révèle par la tradition apostolique à toute génération avec le langage et la maturité de cette génération, elle n'est pas du domaine de l'intellect,  elle est tendresse divine qui comble les coeurs.

La sainteté est un don de l'esprit qui comme un feu doit être entretenu par l'amour de Dieu et du prochain pour ne pas s'éteindre.

L'Eglise, c'est à dire nous, ne doit pas s'accommoder de petites habitudes, de tiédeur qui affadissent la vie de l'esprit, d'infidélités qui diminuent le témoignage et sclérosent les coeurs. Elle est appelée par son Seigneur à être le règne eschatologique, à témoigner la réalité de l'existence nouvelle, céleste et éternelle parce qu' elle est la nouveauté merveilleuse sortie du côté du nouvel Adam lorsqu'il s'est livré pour nous et notre Salut sur la croix. Elle doit être que cela, consciente de sa dignité, acquise, non par ses efforts mais par la pâque bénie du Messie Jésus. Nous rendons grâce avec étonnement de la belle Eglise avec l'anaphore de saint Jacques:

 

Il est digne et juste, convenable et nécessaire de te louer, de te chanter, de te bénir, de t'adorer, de te glorifier, de te rendre grâces, à toi, l'auteur de toutes les créatures visibles et invisibles, le trésor des biens éternels, la fontaine de la vie et de l'immortalité, le Seigneur et Dieu de toutes choses.

Toi que chantent <> la Jérusalem céleste, l'assemblée des élus, l'Eglise des premiers nés qui sont inscrits au ciel, les esprits des justes et des prophètes, les âmes des martyrs et des apôtres, les anges, les archanges,<> tous acclament, en se répondant les uns les autres, sans jamais cesser, en louant Dieu sans fin....

 

Le vainqueur est déjà citoyen de la Jérusalem céleste. Quand nous célébrons la divine eucharistie, en toute vérité elle descend vers nous, nous nous élevons vers elle, en attendant qu'elle soit sur l'ordre de Dieu,  manifestée à tous. Mais attention, pas d'illusion, nous ne sommes pas encore des résidents permanents, nous sommes dans l'attente de la plénitude de la manifestation. Saint Paul (héb. 12, 22. 24) dit bien: "Vous vous êtes approchés <> vers la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des milliers d'anges en fête et vers l'assemblée des premiers nés <> vous êtes venus vers Jésus le médiateur d'une Alliance nouvelle."

 Que le pain et le vin sanctifiés de l'Alliance  soient pour nous le gage de l'introduction sans retour dans la Jérusalem céleste.

 

    

 

La gloire de la Jérusalem céleste

 

 Lire Apocalypse  chap. 22

 

Il est parfaitement inutile de chercher à localiser la Jérusalem céleste sur des coordonnées géographiques ou à l'identifier à une communauté. "L'ange <> me montra la Ville, la ville sainte, Jérusalem, qui descendait du ciel d'auprès de Dieu, avec la gloire de Dieu."

 

La gloire de Dieu révèle le véritable caractère de la ville sainte, figure eschatologique de l'Eglise. Nous nous souvenons bien sûr, que l'eschatologie, les temps messianiques ont commencé avec la croix et la résurrection du Sauveur. En Christ, tous les hommes ont en puissance un statut céleste. Le salut les rend citoyens du monde nouveau.

La nouveauté est dans la nouvelle Alliance entre le créateur et la créature: dans l'Esprit, la créature peut dire à l'Infini: Abba, Père. Certains manuscrits portent en 21, 3 en première variante "Et lui sera le Dieu-avec-eux " d' autres la seconde variante: Le Dieu-avec-eux sera leur Dieu. Nous retrouvons le mot inouï de la prophétie d'Isaïe cher à la tradition liturgique d'Alexandrie: Emmanuel (=Dieu avec nous) notre Dieu et notre roi.

 

                                    

Avec la Jérusalem céleste, descendait la gloire de Dieu. La gloire de Dieu est la manifestation de sa présence. La gloire est nuée lumineuse, elle montre autant qu'elle cache (voir en excursus 2, lettre de St. Elie N°33 "nous avons vu sa gloire"). 

 

Son éclat est semblable à une pierre très précieuse. Le visionnaire est ébloui : le jaspe en 4,3 c'est l'évocation de Dieu sur son trône pendant la liturgie céleste. Nul ne peut voir Dieu et vivre, sauf si Dieu lui-même se contemple en l'homme avec les yeux de l'homme intérieur. Alors la lumière divine enveloppe tout, le voyant semble faire un avec la divine clarté, se perdre dans la joie ineffable jusqu'à ce qu'il entende son nom et prenne conscience de son hypostase.

La description architecturale de la Jérusalem d'en haut fait référence essentiellement aux prophéties d'Isaïe 54, 11.12 qui annonce la Jérusalem future dont les créneaux, les portes et les murs seront de pierres précieuses et Ezéchiel chap. 47 & 48 qui mesure la ville avec son plan carré ouverte de trois portes sur chaque côté. La ville est ceinturée d'une muraille grande et haute dans laquelle on peut voir le symbole de la protection divine contre les assauts du mauvais comme l'attestent de nombreux psaumes.

 

                      

 

La muraille de la ville a douze assises, et sur elles douze noms, ceux des douze apôtres de l'Agneau.  Sur les portes, sont inscrits les noms des douze tribus d'Israël. Nous discernons la continuité de l'oeuvre du salut, la première Alliance n'est pas annulée par la Nouvelle,  elle est portée à sa perfection par l'extension de la promesse faite à Abraham à toutes les nations, et la remise par Jésus sur la croix,  de l'Esprit à son Père pour le communiquer lors de la Pentecôte aux disciples et par eux, à nous.

 

Pour aller vers le Père, il faut recevoir en nous l'Esprit qui seul nous permet d'accomplir en vérité la Thora. Et l'Esprit est communiqué dans la sainte Eglise qui repose sur la fondation assisée par les douze apôtres. Tu es Pierre (caillou) et sur cette pierre, (rocher) je bâtirai mon Eglise dit Jésus en Math. 16,18.

Pierre le premier, mais aussi les onze ont porté au monde entier la pierre du témoignage: Jésus est le Fils du Dieu vivant. A partir de cette confession, la cité sainte est édifiée. Le collège des apôtres la porte ensemble, leurs successeurs sont les gardiens légitimes de la Parole de vérité.

 

Nous n'avons pas de lumières particulières sur la question des matériaux de la cité ni sur l'allégorie des mesures. La liste des pierreries évoque les pierres précieuses du pectoral du grand prêtre, avons-nous le droit d'associer les matériaux précieux du grand prêtre et ceux de la ville comme un écho à l'épître de saint Pierre 2, 4: "Avancez-vous vers lui <Jésus>, Pierre vivante rejetée par les hommes, mais élue précieuse devant Dieu, et vous-mêmes, comme des pierres vivantes, laissez-vous bâtir en maison spirituelle pour un sacerdoce saint"; Peut-on y voir l'image de la cité construite en pierres vivantes dont chacune et toutes exercent le sacerdoce en vue d'offrir des sacrifices spirituels?

 

Saint Macaire dans sa 34è. homélie spirituelle (collection II, traduction P. Placide Deseille) parle du grand corps du Christ, monde véritable et terre vivante:

 

" La gloire <de la divinité> est cachée aux yeux du corps, mais elle est clairement révélée à l'âme croyante, que le Seigneur ressuscite de la mort du péché, de même qu'il  relève les corps morts, pour qui il prépare un ciel nouveau, une terre nouvelle et un soleil de justice, en lui donnant toutes choses, tirées de sa propre divinité. <.> Il est venu pour ressusciter l'homme, maintenant, dès ce monde, le vivifier, le purifier de toute noirceur, l'éclairer de sa propre lumière et le couvrir des vêtements célestes de sa propre divinité. Lors de la résurrection des corps dont les âmes sont ressuscitées à l'avance et déjà glorifiées, les corps seront glorifiés et illuminés avec les âmes qui le sont dès maintenant. Car le Seigneur est leur maison, leur tente et leur cité. Ils sont revêtus d'une demeure céleste qui n'est pas faite de main d'homme <> tous et toutes sont un dans le Christ".

 

Dieu sera si immédiatement présent qu'il ne sera pas besoin d'un temple pour localiser la shekina. Plus besoin de bâtiment pour aller vers le Seigneur, les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité Jean 4, 23.

 

"Je n'y vis pas de sanctuaire car le Seigneur, le tout-puissant est son sanctuaire, ainsi que l'Agneau".  Notons encore une affirmation de l'unité du Père et du  Sauveur. Jean pose l'égalité de Dieu et de l'Agneau en les réunissant dans le signe visible du sanctuaire de la Jérusalem céleste. L'agneau, le messie qui a livré sa vie pour la vie du monde est l'icône du Dieu invisible, il est en quelque sorte la visibilité du Père. "Qui me voit, voit le Père" répond Jésus à Philippe qui demandait " Seigneur, montre nous le Père, et cela nous suffit". Jean 14, 8.9.

Si nous pouvons voir l'icône du Père, le Logos, c'est parce qu'il a pris chair de Marie, la Vierge et du Saint Esprit. Il  l'a fait un avec sa divinité, sans mélange, sans confusion, sans changement ni séparation; il a livré ce corps pour nous sur l'arbre de la sainte croix. (prière de communion de la liturgie copte-orthodoxe).

 

Le corps de Jésus, instrument de communication (car on a dans ce monde de connaissance de la personne de l'autre que par l'intermédiaire du corps, qu'il soit de chair ou spirituel) est le véritable sanctuaire. Déjà, le prologue de l’Evangile de Jean (I, 14), annonce : le Logos s’est fait chair, il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire”.

Dans le mystère de sa mort et de sa résurrection, le ressuscité,  à travers les temps et les lieux, devient le lieu de rencontre entre Dieu et les hommes, le principe par la communication de l'Esprit,  de toute sanctification.

Il est le nouveau sanctuaire de l'Alliance éternelle. (Voir en excursus 3, lettre de saint Elie N°30, le sanctuaire de son corps).  Il parlait du sanctuaire de son corps” dit Jean 2, 19 en commentant l'annonce de la destruction et la reconstruction du temple en trois jours.

 

La ville n' a pas besoin du soleil ni de la lune pour l'éclairer, car la gloire de Dieu l'a illuminée, et sa lampe s'est l'Agneau.<> Jamais n'y entrera rien de souillé, ni celui qui pratique abomination et mensonges, mais seulement ceux qui se trouvent inscrits dans le livre de vie de l'Agneau. 

Quand nous posons le regard sur le monde nouveau et la Jérusalem céleste, nous ne devons jamais perdre de vue notre comportement quotidien aujourd'hui. Nous ne devons pas attendre l'accomplissement sans que cela ait des implications dans notre conduite.

On n'attend pas la fin comme on attend la fonte des neiges ou les crues du Nil. Nous ne pouvons pas rester spectateurs inactifs ou englués dans nos bassesses. D'autant plus que les choses nouvelles sont déjà commencées. Isaïe (52, 1) est présent dans notre texte: Réveille-toi, réveille-toi, revêts-toi de ta force,  Sion! revêts tes plus beaux habits, Jérusalem, ville sainte car désormais n'entreront plus chez toi l'incirconcis et l'impur.

L'incirconcis et l'impur deviennent ici  celui qui pratique abomination et mensonges.

Il s'agit bien évidemment d'une conduite qui entraîne la souillure de l'idolâtrie comme il en été mis en garde dans les lettres aux sept Eglises. L'idolâtrie n'est pas exclusivement l'adoration des faux dieux et fausses valeurs mais aussi et surtout pour nous, tous les mensonges de notre vie par rapport  aux paroles de notre bouche qui prétend annoncer l'Evangile.

 

Nous sommes inscrits au Livre de vie  et nous devons avec la grâce de Dieu, vivre comme des enfants de l'Evangile, des Fils de la lumière illuminés  dans nos coeurs et notre comportement par la gloire de Dieu  qui ne supporte pas l'ombre ni du péché, ni de la mesquinerie de l'âme. La Jérusalem céleste est accessible dès maintenant en aimant sans compter.      

 

Le paradis céleste

lire Apocalypse  chap. 22

 

 

L'histoire de l'humanité commence dans le jardin d'Eden,  arrosé par un fleuve, où Adonaï  fit pousser du sol toutes sortes d'arbres désirables à voir et bons à manger (Genèse 2, 8-10), là se trouvait aussi l'arbre de vie et celui de la connaissance du bien et du mal.

Après la vision du monde nouveau et celle de la Jérusalem céleste, nos saintes Ecritures se terminent par la vision du paradis eschatologique. On pourrait être tenté de ne pas tenir compte des accidents de l'histoire et d'affirmer que le salut consiste au simple retour au paradis originel. Ce serait une erreur qui diminuerait, et l'action de la grâce divine, et l'accueil de cette grâce par l'homme.

Le paradis est l'accomplissement de l'Alliance, il est riche de toutes les promesses annoncées par les prophètes. Ce n'est plus le paradis terrestre perdu par la désobéissance, c'est le paradis céleste où Dieu est présent au lieu de passer de temps à autre et, où les élus verront, non plus seulement la gloire mais la face de Dieu. Tout est accompli, les saints se reposent en la divinité et Dieu remplit tout et se repose parmi les saints.  

 

<L'Ange> me montra un fleuve d'eau de la vie <>qui sortait du trône.<> Au milieu de la place, un arbre de vie <> et le feuillage de l'arbre sert à la guérison des nations.  L'ange et Jean ne nomment pas l'espace ainsi décrit mais sa présentation en s'inspirant du paradis de la genèse et du temple des temps accomplis d'Ezéchiel 47, 1.12 indique bien qu'il s'agisse du paradis de félicité des élus.

 

Le fleuve d'eau vive sort du trône de Dieu et de l'Agneau. Jean dans son Evangile (7, 37) nous a déjà dit que le fleuve d'eau vive désigne l'Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en <Jésus>. Le paradis céleste tire sa réalité de la sainte Trinité, le Père, le Messie-Agneau, et l'Esprit de vie. Le salut et la vie coulent en abondance dans le jardin des délices et sa source, l'Esprit ne peut se tarir. Ainsi les élus sont assurés de la permanence du salut. Le Règne de Dieu est accompli. Saint Jean Chrysostome pose équivalence entre le paradis et le Royaume des cieux:

 

" Sous le nom de paradis, Jésus nomme le royaume des cieux, utilisant le nom courant pour s'adresser au larron<> puisque le retour du larron à la perdition n'était plus à craindre, il est dit entrer au paradis".

 

La difficulté pour notre intelligence limitée par notre expérience de l'espace-temps est de comprendre pourquoi le Christ a dit au larron: "Aujourd'hui même tu seras avec moi au paradis" et non "aujourd'hui tu seras avec moi au ciel". Comment entrer au Paradis avant la résurrection du Christ et la résurrection universelle? Il nous est impossible de résoudre parfaitement cette question sauf à poser des échappatoires qui méritent pourtant une réflexion. Le jardin d'Eden pour beaucoup de pères est une allégorie, des Ecritures saintes, de la Vierge-Mère, de la patrie céleste, de la vision du Christ, de l'Eglise. 

Il est certainement tout cela mais par-dessus tout il est, par l'Economie du Père mise en oeuvre par le Logos et l'Esprit, espace spirituel accompli et à venir. Il n'est pas soumis à nos catégories physiques et intellectuelles.

 Lors de la première résurrection de l'âme, selon l'expression de saint Paul nous entrons dans une demeure préparée dans les cieux;   Les pères y voient le corps du ressuscité. Saint Ambroise écarte les faux problèmes de localisation dans l'espace et le temps du paradis:

 

" <>Le Seigneur accorde toujours plus qu'on ne lui demande. <Le larron> en effet demandait que le Seigneur se souvînt de lui quand il viendrait dans son royaume. Mais le Seigneur lui dit: Amen, amen, je te le dis: Aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis. La vie, c'est d'être avec le Christ, car où est le christ, là est le royaume".

 

Donc Ambroise, comme Jean Chrysostome pose l'équivalence du Royaume et du Paradis, il ne s'encombre pas de considération; par la foi et la grâce, il pose la véritable question: être avec le Christ, voilà ce qui importe.

 

De part et d'autre du fleuve un arbre de vie<>pour la guérison des nations. Ezéchiel (47, 1à 12) dans sa grande vision de la nouvelle terre sainte décrit le fleuve qui a sa source dans le sanctuaire du temple, au bord du fleuve, sur ses rives, toutes sortes d'arbres fruitiers dont les fruits ne s'épuiseront pas. L'apocalypse, comme la génèse ne présente qu'un seul arbre de vie. Si nous regardons bien la description, ce seul arbre est du part et d'autre du fleuve, il embrasse tout l' espace.

 

 

La liturgie de l'Eglise décrit un arbre de vie qui embrasse tout l'univers: La croix vivifiante. Par les souffrances du messie, elle est devenue croix glorieuse à cause de la résurrection, signe de l'extension universelle de la rédemption et de l'attente/présence eschatologique. Le signe de la croix montre l'amour éternel et universel du créateur envers sa créature. Son fruit nourrit et ses feuilles guérissent dès maintenant et demeureront sans fin, car, même au paradis, l'homme reste une créature qui reçoit la vie éternelle. Il ne sera, même déifié, jamais source de sa propre vie. Pour saint Irénée, l'immortalité n'est pas une acquisition déterminée de la nature mais communion à Dieu; si le don de la vie et sa libre réception devaient  cesser, l'homme serait anéanti.

 

                                          

                              

Il n'y aura plus de malédiction  puisque le tentateur ne sera plus. Dans le jardin sera la vrai paix, il n'y aura plus de nuit ni besoin de lumière de lampe, ni de lumière du soleil, car le  Seigneur brillera sur eux.

La vision du paradis eschatologique se termine sur ces mots.

 

Jean dans les versets suivants revient dans l'aujourd'hui des Eglises. Heureux ceux qui lavent leurs robes, pour qu'ils aient le pouvoir sur l'arbre de vie et entrent dans la ville (de la Jérusalem céleste) par les portes.

Maintenant par le baptême et l'entrée dans l'Eglise, notre Christ , A & W,  nous purifie, nous revêt de la robe blanche et nous offre le fruit de l'arbre de vie. Il est pour ceux  qui recoivent la foi sans mélange, l'étoile resplendissante du matin  du salut.

 

Notre vie dans l'Eglise est l'aurore de notre vie dans le royaume, sans discontinuité, où le Seigneur sera notre soleil. L'Esprit travaille la création à ce jour sans fin, c'est lui qui prépare l'épousée pour ses noces mystiques et lui fait dire "Viens". Oui je viens dit le témoin fidèle, l'Amen.

 

La grâce du Seigneur Jésus soit avec vous tous. La liturgie de notre Eglise copte-orthodoxe met cette bénédiction dans la bouche du prêtre à la fin des Offices divins. Elle dit par là que nous avons accès à la vie éternelle par la croix du Sauveur en accueillant le saint Esprit en nous. Il n'y a pas d'autre bien désirable.

Nous pouvons conclure notre brève étude de l'apocalypse par la quinzième ode de Salomon, hymne du 2è. S.

 

Le Seigneur est mon soleil

 


Comme le soleil est la joie

de ceux qui recherchent son jour, ainsi ma joie c'est le Seigneur,

car il est mon soleil.

Ses rayons m'ont ressuscité,

sa lumière a dissipé toute ténèbre devant mon visage.

 

Grâce à lui, j'ai acquis des yeux,

et j'ai vu son Jour Saint;

j'ai eu des oreilles

et j'ai entendu sa vérité;

j'ai eu la pensée de la science

et par son moyen je me suis réjoui. J'ai abandonné la route de l'erreur,

je suis allé vers lui,

et j'en ai reçu généreusement le salut.

Selon sa bienveillance, il m'a donné,

selon sa munificence, il m'a traité.

En son nom j'ai revêtu l'incorruptilité,

et j'ai abandonné la corruption par sa grâce.

 

La mortalité a disparu de devant mon visage,

le schéol a été anéanti par la Parole,

une vie immortelle est montée en la terre du Seigneur.

Elle est révélée à ses croyants

et départie sans réserve à tous ceux qui se confient en lui.

 

Alleluia.

 


Oui, le Seigneur est mon soleil. Loin d'être un ouvrage pessimiste, l'Apocalypse est le sceau des Ecritures de la Bonne Nouvelle du Seigneur.

Elle nous entraîne dans la joie de la résurrection même quand elle ne nous cache pas les difficultés.

 

L'Amen demande de prendre au sérieux  les exigeances de la vie nouvelle du baptisé en nous montrant la gloire à venir.

L'apocalypse est lumière pour ceux qui veulent bien faire l'effort d'ouvrir les yeux intérieurs. 

             

                                             Elias-Patrick, higoumène au sanctuaire du prophète Elie, 1995                                      

 

Bibliographie:

- B. Allo, article apocalypse, in supplément au dictionnaire de la Bible, 1, 1928

- Etienne Charpentier, au fil de l'apocalypse, in  Cahiers Evangile n° 11: une lecture de l'apocalypse, 1975

-Jean-Pierre Prévost, pour lire l'apocalypse, Cerf 1991

- Pierre Prigent, l'apocalypse de saint Jean, Labor et fides, Genève, 1988

- Denis Marion, l'apocalypse, in Esprit & Vie n° de février à septembre 1992

- Origène, Scholies sur l'apocalypse. traduction Solange Bouquet, in collection les Pères dans la foi, Desclées 1989

 

 

excursus 1:

 

 

LA VENUE SUR LES NUEES EN GLOIRE

 

+

 

Au début du carême de Noël, que nous appelons Avent, le lectionnaire occidental nous propose de lire pendant quelques jours le discours de Jésus sur la ruine du Temple.

On le trouve dans les évangiles synoptiques en Mathieu, chapitre 24 et 25, Marc, chapitre 13 et Luc 21. Nous suivrons le texte de Luc.

 

En utilisant la méthode d’exégèse inaugurée par le grand Origène, qui consiste à expliquer le texte des Ecritures par l’Ecriture elle-même, nous allons essayer de commenter ce passage difficile de l’enseignement du Sauveur.

 

Luc 21, v.5 à 7. “Comme certains disaient du temple qu’il était décoré de belles pierres et d’offrandes votives Jésus dit, De ce que vous contemplez, des jours viendront où il ne sera pas laissé pierre sur pierre : tout sera détruit. Alors ils lui demandèrent : “Maître, quand donc cela aura-t-il lieu, et quel sera le signe”.

Viendront les faux prophètes, les guerres, les bouleversements, les tremblements de terre, les famines, les pestes ; avant tout cela les persécutions puis Jérusalem sera investie par les armées.

“Et il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles... Alors on verra le Fils de l’Homme arriver dans une nuée avec beaucoup de puissance et de gloire. Quand ces choses commenceront à arriver, prenez confiance et relevez la tête, car votre délivrance est proche”. (Luc 21 v.25 à 28).

 

Nombreux entendent ces derniers versets comme l’annonce des signes avant courreurs de la fin des temps et du second avênement du Messie.

Dans cette perspective, la ruine de Jérusalem et la fin du monde sont unies mystérieusement, le premier évènement étant le symbole du second. Jésus, à la question des apôtres “quand donc cela aura lieu ?”, aurait donné une double réponse, deux prophéties successives, celle de la ruine de Jérusalem puis celle de la fin du monde et de sa venue en gloire.

Cette interprétation est assise sur la question des apôtres sur le Mont des Oliviers dans le récit de St-Mathieu 24 v.3 : “Dis-nous quand cela (la destruction du temple) aura lieu et quel sera le signe de ton avênement et de la consommation du monde ?” Elle est donc légitime, mais elle ne peut occuper tout le champ de l’exégèse.

 

D’autres commentaires, aussi avec raison, montrent que la triste banalité des évènements annoncés par Jésus n’ont pas vraiment le caractère de signes. Il y a hélas toujours des bruits de guerres, des tremblements de terre, quant aux signes cosmiques, nous verrons plus loin.

Christ veut détourner ses disciples de l’angoisse et des illusions apocalyptiques. “Ne vous souciez pas du lendemain.” En revanche, Il veut mettre en garde ses fidèles contre l’illusion de l’installation du royaume terrestre du messie. Jésus prophètise sur le temple alors que déjà “les grands prêtres et les scribes cherchent moyen de le supprimer” (Luc 22).

 

Avant sa Pâque, Il veut faire comprendre aux siens que leur participation à ses souffrances est essentielle au développement du Royaume et qu’ils ne doivent pas attendre la Gloire sans passer par là où passe le Maître.

 

 

Votre délivrance est proche (v.28). Jésus compare les épreuves avec les douleurs de l’enfantement. Quand la femme enfante, elle est dans la tristesse, quand l’enfant est né, elle est dans la joie. Les épreuves et les calamités sont la souffrance de la parturition d’un monde nouveau.

Michée 4 v.9 à 5 v.4 utilise la même image pour promettre à Sion la délivrance. Il conclut par la fameuse prophétie, “Et toi Bethléem... de Toi sortira pour moi celui qui doit être souverain en Israël et ses origines remontent aux temps anciens, aux jours antiques...”

 

 

Les signes cosmiques terrifiants ne doivent obligatoirement être pris à la lettre.

Ils faut tenir compte du style du genre prophétique.

A.Feuillet (1) propose deux exemples qui se rapportent à notre discours : Jérémie (4, 23-24) écrit à propos des malheurs de Jérusalem “Je regarde la terre, et voici qu’elle est informe et vide, les cieux, et leur lumière ont disparu. Je regarde les montagnes et voici qu’elles sont ébranlées, et toutes les collines chancellent.

 

Ezéchiel (32, 7 & 8) fait participer la terre entière au deuil de pharaon : “En t’éteignant, je voilerai les cieux et j’obscurcirai leurs étoiles, je couvrirai de nuages le ciel et la lune ne donnera plus sa lumière. Je vêtirai de deuil tous les astres qui brillent dans le ciel.”

On peut ajouter Isaïe 34, 4 où l’univers entier paraît s’associer à la ruine d’Edom “toute l’armée des cieux sera réduite en poussière, les cieux roulés comme un livre...

Il est évident que les évènements ne se sont pas passés exactement comme ci-dessus décrit.

Toutes ces images veulent marquer un tournant important dans l’histoire, mais pas la fin de l’histoire. Elles signifient surtout que l’univers est mystérieusement solidaire de l’homme.

 

Dans le temple réside la Gloire du Seigneur. Elle va bientôt apparaître dans la nuée lorsqu’on verra le Fils de l’homme. (Luc 21v.27)

Le temple de Jérusalem est le signe de l’unité d’Israël, le peuple de Dieu. Le sanctuaire fait de mains d’hommes va disparaître pour laisser la place au sanctuaire non fait de main d’homme (Héb.9v.11). Le Christ est le centre invisible de rassemblement des croyants. En lui réside la gloire, lui qui est le rayonnement et l’empreinte de la substance du Père (Héb.I v.3).

 

La venue en gloire du Fils de l’homme décrite ici n’est donc pas exclusivement celle du dernier jugement mais essentiellement celle de l’accomplissement en Jésus de la figure du messie. Un monde nouveau commence, l’Eglise corps du Christ, mènera à son terme ce temps messianique.

Augustin d’Hippone interprète dans l’apparition du Christ qui rassemble les élus, “sa venue invisible soit dans ses fidèles, qui sont comme autant de nuées, soit dans son Eglise,  son corps,  qui comme une nuée se répand dans l’univers et ne cesse de porter des fruits” de sainteté. (2)

 

                                    

(1)cette monographie doit beaucoup à l’étude de A.Feuillet, le discours sur la ruine du temple in Revue Biblique 1948,1949.

(2) Augustin, lettre 199, P.L. 33

 

 

 

Excursus 2

 

NOUS AVONS VU SA GLOIRE

 

Le mot gloire (1) (doxa) dans notre bible traduit le plus souvent l’hébreu Kâbod, puis shekinah (présence). La gloire est aussi la majesté (gâ’on ou ge hût) (2) :

      Ils élèvent leur voix, il poussent des cris d’allégresse ; des bords de la

         mer, ils  célèbrent la (gâ’on) gloire-majesté du Seigneur  (Isaïe 24,14).

      Si l’on fait grâce au méchant, il n’apprend pas la justice, il se livre au

          mal dans le pays de la droiture, et il n’a point d’égard à la (ge hût)

          gloire majesté de Dieu. (Is.26,10).

Doxa exprime aussi la force (oz) :

      Chantez à celui qui chevauche les cieux, les cieux éternels.

      Voici qu’il fait entendre sa voix, voix de puissance. Rendez gloire (oz)

         à Dieu, dont la splendeur repose en Israël, dont la force éclate dans

          les cieux (ps.68).

Ainsi la gloire est la manifestation du Dieu transcendant qui se laisse appréhender par sa majesté. La gloire indique sa présence, sa force, son rayonnement fulgurant mais voile autant qu’elle révèle le Tout Autre, l’Infini, l’Inconnaissable.

Sur ce fond lumineux, Isaïe découvre la figure sans éclat ni beauté du Serviteur qui a été pour plusieurs un sujet d’effroi tant son visage était défiguré (52,14) et qui est chargé de faire rayonner la gloire divine jusqu’aux extrémités de la terre : Tu es mon Serviteur, en toi, je révèlerai ma gloire (49,3).

 

Les apôtres ont reconnu en Jésus ce serviteur et proclament le lien entre la gloire divine et la personne de Jésus.

En sa chair, se révèle la gloire du Fils unique de Dieu.

Le  Logos s’est fait chair et il a habité parmi nous. Et nous avons vu sa gloire, gloire du Fils unique venu du Père, plein de grâce et de vérité (Jean1,14).

Jésus accomplit les oeuvres du Père et par là glorifie le Père,  il interroge ses disciples en disant

Qui est le Fils de l’homme ? Simon- Pierre s’écrit c’est Toi, le Christ, le Fils du Dieu vivant. Six jours  après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et les emmène sur une haute montagne et là il fut transfiguré devant eux. Son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements éblouissant comme la umière. Moïse et Elie apparus en gloire, s’entretenaient dans la nuée lumineuse avec lui. (Math.17,1-8. Marc 9,2-8. Luc 9,28-36).

 

La Transfiguration confirme la confession de Pierre et dévoile la manifestation du Royaume à venir, non seulement en Christ lui-même mais aussi en ce monde transfiguré avec lui.

 

“C’est de tout son corps que jaillit la splendeur de sa divinité et sa lumière sortit en rayons de tous ses membres ; car sa chair n’éclatait pas de lumière extérieurement seulement mais c’est de lui que jaillissait la gloire de la Divinité... la lumière ne vint pas non plus d’ailleurs pour le transfigurer ; pas plus qu’elle ne lui avait été prêtée pour un usage temporaire. Mais Il ne révêla pas toute l’immensité insondable de sa gloire, seulement ce que les prunelles des apôtres pouvaient en saisir (3).

 

La Gloire est toujours présente en Jésus, mais cachée. Jésus possède la gloire divine dès sa conception immaculée de l’Esprit Saint dans les entrailles de Marie la Vierge. Il la possède dès avant sa résurrection, évènement à partir duquel elle devient sa manifestation ordinaire. La Gloire de la Transfiguration, celle du ressuscité, n’est pas un don de quelques instants mais un état permanent, elle n’irradie pas le visage du sauveur de l’extérieur mais jaillit de l’intérieur de tout son corps.

La transfiguration révèle dans la lumière incréée la gloire du Thé-anthropos (Dieu-Homme) dans l’union des deux natures.

La Gloire est bien celle de la divinité. Elle est un état perpétuel du Christ “car il est né du Père, sans commencement et hors du temps, possédant la propre splendeur de la gloire ; fait chair, il est le même demeurant dans la même clarté divine. La chair est glorifiée à l’instant où elle est amenée du non être à l’être ; la gloire de la divinité est aussi appelée la gloire du corps. Le Saint corps n’a jamais existé sans participer à la gloire divine mais il a été enrichi parfaitement, dès le tout début de l’union selon l’hypostase, de la gloire de la divinité invisible, de sorte que la gloire du logos et de la chair est une seule et même chose (5)... Il est donc transfiguré, non pas en assumant ce qu’il n’était pas, mais en montrant à ses propres disciples ce qu’il est, ouvrant leurs yeux et faisant des aveugles qu’ils étaient, des voyants (4)”.

 

Lors de l’office de la Transfiguration, à l’église, “nous bénissons les fruits, aboutissement du travail de la nature et de l’homme, ils sont les symboles des fruits que nous porterons spirituellement si nous nous ouvrons à la vie intérieure” (6).

Nous offrons au Père à la divine liturgie, le pain et le vin “fruits de la terre et du travail de l’homme” (7) alors le Père céleste fait descendre sur ces dons le feu divin, tout comme au temps d’Elie. Le pain et le vin sont pénétrés des rayons lumineux du Saint Esprit et deviennent pour nous corps et sang du Christ glorieux.

 

Grégoire Palamas nous affirme qu’en recevant l’Eucharistie, nous sommes irradiés de la gloire de la Transfiguration par l’intérieur, tandis que les trois apôtres témoins sur la Sainte Montagne ne reçurent cette gloire que de l’extérieur.           Que nos yeux voient la vraie lumière...

 

Notes et Bibliographie

(2) A.M. Ramsey, la Gloire de Dieu et la Transfiguration du Christ, Lectio divina N°40, 1965.

(1) Donatien Mollat, article Gloire, Vocabulaire de Théologie Biblique, paris 1962.

(3) St-Ephrem le Syrien, homélie sur la Transfiguration, Présence orthodoxe N°16, Paris 1972.

(4) Jean de Damas, homélie pour la Transfiguration, Assemblée du Seigneur n°42, Bruges 1966.

(5) Avec la foi de l'Eglise qui confesse une seule personne de deux natures (divine et humaine) en Christ sans mélange ni division, sans confusion ni séparation, les pères acceptent ce que les théologiens appellent la communication des idiomes (ou caractères) des deux natures, chacune des deux accomplit ce qui lui est propre avec la participation de l’autre, ensemble car il est un seul et même Fils unique, non divisé ou séparé en deux personnes.

(6) Evêque Germain, la Transfiguration, Présence orthodoxe n°11, Paris 1970.

(7) Bénédiction juive.

 

 

excursus 3:

 

 

 

LE SANCTUAIRE DE SON CORPS

 

 

Le temple de Jérusalem est le signe de la présence de Dieu parmi les hommes et de l’unité du peuple de Dieu autour du sanctuaire du Très Haut.

Le Très Haut, celui qui n’est contenu par rien, et contient toutes choses, n’est pas quelque part, et est à lui-même son lieu, il n’habite pas un lieu sur la terre, ni même dans le ciel. Mais Il est pourtant le tout proche, Dieu créateur présent à son oeuvre, Dieu Sauveur de son peuple, Dieu pasteur de ceux qui marchent avec lui comme Abraham, Joseph et les patriarches, et se tiennent devant lui comme Elie et les prophètes.

 

Salomon, réalise le projet de David son père, et construit un temple pour la gloire du Seigneur. La nuée lumineuse signifie que Dieu accepte le temple pour le “Nom du Seigneur”.

“Mais le ciel, et le ciel des cieux, ne peuvent le contenir, combien moins cette maison bâtie” (I Rois 8, 27). Adonaï permet à son peuple de le

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rencontrer “là où est son nom” (I Rois 8, 29). Le temple sera un signe de la Présence, liée uniquement au respect par le peuple de la Thora (Loi) et au caractère authentique du culte du coeur et non seulement des lèvres (Isaïe 66, Jérémie 7, Isaïe 1, 11-17).

 

A David qui voulait, lui, construire le temple, le Seigneur lui fait dire par le prophète Nathan : Ce n’est pas toi qui me construira une maison, mais c’est moi qui t’en édifierai une en te donnant une postérité (II.Samuel 7, 11-12).

Cette prophétie annonce mystérieusement que le véritable temple, c’est le Seigneur qui l’édifiera dans la postérité de David de laquelle est issu le Messie. Le Christ, fils de David, Fils d’Abraham (Math.1,1) est le véritable temple où réside par excellence la majesté divine.

 

Lorsque Jésus, dans le temple, “le dernier jour de la fête, le plus solennel, s’écria : si quelqu’un a soif qu’il vienne à moi et qu’il boive” (Jean 7,37), il s’identifie au temple régénéré d’Ezéchiel, Zacharie et de Joël, du côté duquel une source devait jaillir.

“Jésus transfère en sa personne le privilège du temple, d’être l’endroit où l’on rencontre la Présence et le Salut de Dieu, le point à partir duquel toute sainteté se communique” (1).

Il devient le centre de rassemblement des croyants. En lui réside la gloire, lui qui est le rayonnement et l’empreinte de la substance du Père (héb. 1,3).

Au cours du procès, on reproche au maître de la vie, d’avoir déclaré qu’il détruirait le Sanctuaire fait de main d’homme, et qu’en trois jours il en rebâtirait un autre non fait de main d’homme (Marc 14, 58). Le même grief est repris tandis qu’il agonise sur la croix (Math. 27,40).

St-Jean commente cette parole sur le sanctuaire détruit et rebâtit en trois jours par la précision : “Il parlait du sanctuaire de son corps” (Jean 2, 19). L’Evangéliste ajoute : “ses disciples le comprirent après la résurrection”.

 

 

Le corps du Christ est le véritable sanctuaire. Déjà, le prologue de l’Evangile de Jean (I, 14), annonce la révélation : “le Verbe, s’est fait chair, il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire”.

Dans le mystère de sa mort et de sa résurrection, le corps du Verbe devient le principe d’une création nouvelle, d’un homme nouveau.

Le nouveau testament utilise le même mot de corps (swma) du Christ pour trois réalités liées l’une à l’autre :

- le corps (swma) de Jésus, né de l’Esprit Saint et de la vierge (Jean 2, 21 et Colos. 1, 22)

- le pain rompu de l’eucharistie, corps (swma) donné pour la vie de monde (Luc 22, 19)

- le corps (swma) ecclésial dont les fidèles sont membres et le Christ la tête (Col. 1, 18).

 

Le Christ récapitule en Lui toute la création et de son corps ressuscité, source de vie, l’Eglise, fondée sur la pierre angulaire devient le véritable temple de Dieu où sans distinction de races, de culture, de langue, tous ont accès au Père en un même Esprit. (Ephés. 2, 19)

Dans ce temple spirituel, la liturgie célébrée est à la fois, présence, plénitude de la divinité et gage du royaume à venir et aussi outil de construction de ce même royaume.

 

L’église est bien la plénitude du Christ qui rassemble dans l’unité les enfants de Dieu dispersés. Elle ne connaîtra son plein développement que lorsque tous ses membres, aujourd’hui dispersés, se seront réunis.

“Aussi la résurrection du Christ après ses souffrances sur la croix embrasse-t-elle le mystère de la résurrection du Christ tout entier et puisque l’Eglise est la plénitude du Christ, dit avec audace Origène, le Christ ressuscité ne connaîtra la plénitude de la joie que par la résurrection de celle qui est son corps véritable” (2). “Il attend que nous nous convertissions ; son oeuvre est imparfaite, dit-il avec encore plus d’audace, tant que moi, je demeure imparfait ; parce que, en moi, son oeuvre n’est pas encore achevée” (3).

 

Augustin d’Hippone décrit de façon saisissante un des paradoxes de l’Eglise:

Beaucoup semblent être dedans, qui sont en réalité dehors, et d’autres semblent être dehors, qui sont en réalité dedans” (4).

 

Le Seigneur seul connaît les siens et à quel degré ils le sont. Beaucoup sont invisiblement pierres du temple.

 

Le Temple demeure de Dieu  parmi les hommes, depuis la résurrection du Seigneur, est bien en construction par le Saint-Esprit dans l’univers entier. St-Basile précise qu’il sait bien où est l’Eglise, mais qu’il lui est difficile de dire où elle n’est pas.

Elle est véritablement et solidement construite là où il y a véritablement corps du Christ, c’est à dire là où le Christ unit les membres, dans son corps offert et ressuscité, par le baptème dans le Nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit et par l’eucharistie, son corps distribué.

 

Notes et Bibliographie

(1) Yves Congar, le Mystère du temple, lectio  divina n°22, Paris 1958

(2) Origène, commentaire sur Jean, livre 10, S.C. n°157

(3) Origène, sur le psaume 36, P.G. 12

(4) cité  par Y. Congar, op. cit. note 1

 

 

 

 

 

 

 

 

Apocalypse