Le second concile d'Ephèse en 449

surnommé

"le brigandage d'Ephèse"

 

L'étude de ce malheureux concile sera l'occasion d'expliquer certaines méthodes d'hérésiologie et de s'affranchir de préjugés colportés depuis des siècles.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je laisse la parole aux contempteurs. Dans la célèbre "Nouvelle histoire de l'Eglise" par Jean Daniélou et Henri Marrou, Paris 1963,  le synode d'Ephèse est expédié en quelques lignes:

"La solution du débat [sur l'enseignement d'Eutychès] fut retardée par l'épisode douloureux du "Brigandage d'Ephèse". Le concile projeté avait été soigneusement préparé par les amis d'Eutychès: Théodoret par exemple avait reçu l'interdiction de s'y rendre et Dioscore  désigné pour le présider. Celui-ci s'inspirant des méthodes expéditives dont s'était servi saint Cyrille, et donnant cours à son caractère impétueux escamote le document pontifical (ndlr:la lettre du pape Léon à Flavien), intimide la majorité, fait taire ceux qui protestent, et obtient de la sorte la réhabilitation d'Eutychès, la déposition de ses ennemis, Flavien, Eusèbe et Théodoret, et avec celui-ci, des principaux représentants de l'école d'Antioche, tous considérés comme nestoriens. Août 449".

Nous examinerons plus tard ces approximations.

Plus désinvolte, le portrait de Dioscore brossé par l'abbé Martin, "Pseudo synode connu dans l'histoire sous le nom de brigandage d'Ephèse", Paris 1875:

 

"Saint Cyrille étant mort, on lui donna pour successeur un de ses parents, nommé Dioscore, lequel parut mériter le souverain pontificat, tant qu'il ne l'eut pas obtenu. Malheureusement il s'en rendit bientôt indigne par des crimes que l'histoire ose à peine raconter. Ses derniers excès ont apparemment contribué, pour beaucoup, à rendre sa mémoire odieuse mais aussi, il faut l'avouer, rien n'égale les sombres tableaux que l'antiquité nous a laissés de ce personnage. Violent, avide, dépravé dans ses mœurs, haineux et sans pitié pour ses adversaires, il avait tous les vices que peut avoir un chef de brigands, et peu de ces vertus qui font l'ornement et la grandeur d'un évêque".

 

Hélas, le savant éditeur des actes en syriaque ne nous donne pas de références probantes et ne fait pas la critique de ses sources. Rien de plus habituel, depuis Epiphane de Salamine,  de diffamer les mœurs, quand rien ne vient corroborer l'accusation d'hérésie. J'écris ces lignes le jour où l'Eglise copte-orthodoxe commémore les trois mille martyrs de la répression de l'empereur Marcien, lors des manifestations consécutives à sa volonté d'établir à la place de Dioscore un patriarche plus docile à sa politique. Il est certain que ces témoins avaient un point de vue plus honorable sur la personne de leur patriarche.

 

                                                              

Venons donc à la genèse du second concile d'Ephèse:

Eutychès, archimandrite à Constantinople, se découvre la mission de champion et défenseur du premier concile d'Ephèse et de la formule de saint Cyrille, "Mia Physis tou Theou Logou sesarkomené/Une seule nature de Dieu le Logos fait chair".  Le mot fusis/nature/réalité n'est pas seulement synonyme d'ousia/nature/essence, mais se rapproche plutôt d'hypostase/personne.

La traduction que je préfère est celle de saint Hilaire de Poitiers: "une seule réalité/être de Dieu le Logos fait chair", elle se rapproche de la formule liturgique, " Un est le Fils, Jésus Christ, le Logos/Parole qui a pris chair".

 

Eutychès comprend la formulation de Cyrille comme l'absorption de la nature humaine par la nature divine.  Il dit expressément: "

Dans le Christ, la divinité a absorbé l’humanité, comme l’eau de la mer absorbe la goutte de miel qui y serait tombée. L’humanité n’a pas été anéantie dans son union avec la divinité, elle a été changée en elle".

Sans aucun doute, cette théorie sent le soufre et s'oppose à la tradition ecclésiale. Aussi en 448, un synode permanent se réunit à Constantinople sous la présidence de son archevêque pour examiner l’accusation d'hérésie portée à l’encontre d’Eutychès. Le synode le condamna et l’excommunia. Eutychès fit appel à l’empereur qui le soutint et se déclara ouvertement hostile à l’évêque Flavien  de Constantinople. 

Plus important pour la suite de l'histoire, il faut savoir qu'au même moment, l’évêque d’Antioche, Domnus et Irénée de Tyr (un influent ami de Nestorius) et certains évêques d’Orient, notamment Théodoret de Cyr et Ibas d'Édesse, étaient accusés de défendre la version antiochienne nestorienne des deux natures malgré la décision du premier concile d’Ephèse.

Surtout Théodoret était un partisan non dissimulé de Nestorius et il s’employait à dénoncer la doctrine de Cyrille qu’il englobait avec celle d’Eutychès: " Dieu ne saurait être crucifié, c’est l’homme Jésus Christ qui a été crucifié […] silence à ceux qui font souffrir la divinité! " Il refuse d'entendre la foi de saint Cyrille:

"C'est ainsi que nous disons qu'il [Le Logos de Dieu] a souffert et qu'il s'est relevé [de la mort], non pas en ce sens que le Logos aurait souffert, [.] Mais parce que ce qui est devenu son corps propre a souffert cela, c'est la raison pour laquelle, encore une fois, il est dit avoir souffert pour nous. Nous pensons, de la même manière, au sujet du fait qu'il est mort. Car il est immortel par sa nature, et incorruptible, il est Vie, il est Vivifiant, le Logos de Dieu. Mais parce que, de nouveau, son propre corps, par la grâce de Dieu, comme le dit Paul, pour tout homme a goûté de la mort: à cause de cela il est dit avoir souffert, lui-même, la mort pour nous. [.] C'est ainsi que nous reconnaissons un seul Christ et Seigneur".

http://coptica.free.fr/concile_d_ephese_520.htm

 

Eutychès écrit une lettre au nouveau pape de Rome, Léon, pour "l’avertir du retour du nestorianisme", et faire appel de sa condamnation. L'empereur Théodose II convoqua le 30 mars le deuxième concile d’Éphèse à se tenir le premier août 449. Il désigne président Dioscore d'Alexandrie. 

                                                     

Flavien de Constantinople s'employa aussi auprès du Pape Léon Ier pour la confirmation de la déposition d'Eutychès, et tenter de convaincre Théodose pour l'annulation de la convocation du concile à Ephèse. La réponse de Léon dans son une lettre célèbre datée du 13 juin 449 appelée "Tome à Flavien" condamne explicitement Eutychès et explique selon la terminologie latine l'union des deux natures en Christ:

"Les propriétés des deux natures restant ainsi intactes et se réunissant en une seule personne, la majesté, la perfection et l'éternité de la nature divine s'unirent à la faiblesse, à l'imperfection et à la mortalité de la nature humaine. Pour acquitter la dette de notre condition, pour racheter l'homme, la nature inviolable se lia à la nature qui souffre, afin que le médiateur de Dieu et des hommes, Jésus Christ Homme, pût mourir, tandis qu'Il restait éternel comme Dieu. Homme parfait, Il est donc né Dieu véritable, parfait dans sa nature, parfait dans la nôtre;<> Le Fils de Dieu entre dans ce monde corrompu; Il descend du ciel avec toute la gloire de son Père, et il naît par un nouvel ordre de choses, par une nouvelle manière de naître. Par un nouvel ordre de choses; car invisible dans sa divinité, Il devient visible dans notre nature; infini, il veut être fini; plus ancien que les temps, il se soumet au temps; Maître de l'univers, il couvre d'un voile l'immensité de sa toute-puissance et prend la forme d'un esclave; Dieu impassible, il daigne devenir un homme sujet à la souffrance; Dieu immortel, il se soumet aux lois de la mort. <> Vrai Dieu, c'est un homme véritable; il n'existe aucun mensonge dans cette alliance, l'humilité de l'homme et la Puissance de Dieu sont réunies. Sa divinité n'est point altérée par son œuvre de miséricorde, et elle laisse son humanité intacte. Chaque nature agit avec la participation de l'autre; mais le Verbe opère comme le Verbe, et la chair comme la chair. <> quant à Eutychès, s'il condamne toutes ses erreurs de vive voix et par écrit, alors vous ne serez point répréhensible d'user de miséricorde à l'égard de ce pécheur converti."

Le pape Léon dit aussi dans sa lettre à l'impératrice Pulchérie du 13 juin 449:

"Si ce malheureux [Eutychès], qui a succombé à la tentation, vient à se repentir de ses erreurs et les condamner par écrit, on le rétablira dans sa dignité de prêtre et d'archimandrite".

 

Théodoret, pour sa part, ne fut pas invité au concile car il avait précédemment été relégué dans son évêché par l’empereur. En effet, Théodose, dans sa lettre à Dioscore pour l’organisation du concile, avait spécifié:

"Nous décrétons que Théodoret l’évêque de la ville de Cyr auquel nous avons ordonné déjà de se consacrer à sa seule Église, ne vienne pas à ce concile avant que tout le saint concile une fois réuni ne décide qu’il y assiste". Il ajoute: "beaucoup des très révérends archimandrites orientaux en même temps que les laïcs orthodoxes se fatiguent et luttent pour la foi orthodoxe dans plusieurs villes d’Orient contre certains évêques qui passent pour être atteints de l’impiété de Nestorius. Pour cette raison il a plu à notre divinité que le très pieux prêtre et archimandrite Barsoumas qui est de bon renom pour la pureté de sa vie et sa foi orthodoxe se rende à la ville d’Éphèse et y tenant la place de tous les très pieux archimandrites de l’Orient.

 

   Voici donc les prolégomènes au synode d'Ephèse II. Nous y remarquons que, selon l'usage, c'est l'empereur qui convoque le concile et nomme son président, le pape Léon a aussi appelé de ses vœux la réunion d'un synode, il ne s'est pas étonné de la présidence de Dioscore, il envoya ses légats. Théodoret de Cyr fut écarté du synode par la volonté de l'empereur et non celle de Dioscore. De même, le fameux abba Barsoum, que l'on présente souvent comme le bras armé de Dioscore, est appelé au concile par l'empereur. Jusqu'ici rien que de très normal et habituel en ces temps.

Le "tome à Flavien" expose la christologie orthodoxe selon la formulation latine,  seul un paragraphe qui sera d'ailleurs plus tard,  relevé à Chalcédoine peut sembler trop proche de la présentation nestorienne. Léon prend l'initiative de proposer la réintégration d'Eutychès, à condition qu'il répudie sa doctrine perverse. 

 

Les actes du concile d’Éphèse sont contenus dans ceux du concile de Chalcédoine  qui les examine pour les annuler. Une saine critique des textes nous permet d'identifier ce qui appartient à la réalité historique, des justifications apocryphes pour plaire au pouvoir en place. Nous possédons en outre une version syriaque malencontreusement amputée de la première session où fut examiné le cas d'Eutychès.

Environ 135 évêques se réunirent à l’église Marie Mère de Dieu  d’Éphèse en août 449. L'ordre protocolaire est le suivant: Dioscore, pape d’Alexandrie, le représentant du pape romain, Julius, évêque de Pouzzoles près de Naples accompagné du prêtre René et du diacre Hilaire, Juvénal, patriarche de Jérusalem, Domnus, patriarche d’Antioche, Flavien, l'archevêque de Constantinople. L'empereur Théodose II fut représenté par deux commissaires, le comte Elpidius et Euloge, tribun et notaire prétorien. La lettre de l'empereur au synode prescrivait que "les évêques qui avaient déjà jugé Eutychès [au synode de Constantinople] pouvaient assister aux délibérations du synode d'Ephèse, mais sans avoir de voix délibérative".  

                                               

Dès l'ouverture du synode, le prêtre Jean, premier secrétaire, lut la convocation de l'empereur. Aussitôt, les légats du pape romain expliquèrent l'absence de Léon, qui se justifiait par l'argument que ses prédécesseurs ne s'étaient rendus en personne, ni à Nicée, ni à Ephèse I. Pour cela, il envoie ses légats et leur a remis une lettre pour le synode. Sur l'ordre de Dioscore, la lettre fut remise au secrétaire pour être lue.  Nous ne saurons jamais ce que contenait cette lettre, car le prêtre Jean, au lieu de la faire lire, fit connaître la lettre de l'empereur à Dioscore.  

On peut augurer que la lettre du pape Léon reprenait les termes du "tome à Flavien".

 Le commissaire Elpidius, après un discours filandreux sur la foi orthodoxe qui provoqua un tumulte, demanda que l'on fasse entrer Eutychès pour qu'il rende compte de sa foi.

Ce dernier, rempli de lui-même, commença par se recommander de la sainte Trinité, puis prononça des paroles amères pour blâmer le synode de Constantinople de l'année 448 qui l'a condamné.

Il remit alors une profession de foi tendant à son apologie: " depuis sa jeunesse, dit-il, il s'est appliqué à vivre dans le silence et la retraite, mais qu'il n'avait pu y parvenir, environné de grands dangers, parce que il n'avait voulu, conformément aux prescriptions de Nicée, tolérer de nouveauté dans la foi." Il répéta le symbole de Nicée et anathématisa toutes les hérésies (des autres). Il conclut que c'était à cause de la foi de Nicée, de sa fidélité au premier concile d'Ephèse et à saint Cyrille, qu'il avait été accusé par Eusèbe de Dorylée en Anatolie auprès de l'archevêque Flavien, qui avait prononcé son excommunication.

 Après la lecture du libelle d'Eutychès, l'archevêque Flavien demanda que l'on entendît la version d'Eusèbe de Dorylée. Alors le comte Elpidius s'y opposa arguant de la lettre de l'empereur qu'il interprétait comme l'ordre de juger ceux qui avaient jugés Eutychès à Constantinople. Eusèbe s'était porté accusateur, il ne pouvait s'y porter une seconde fois. On n'avait maintenant qu'à voir si la sentence de Constantinople avait été rendue avec équité.

Eutychès récusa les légats de l'évêque de Rome, Dioscore passa outre et  proposa de lire les actes du synode litigieux puis la lettre du pape romain. Le secrétaire fit donc lecture des actes constantinopolitains  dont la première partie ne fit l'objet d'aucune remarque. Lors de la lecture de la seconde partie, Eustatius, évêque de Béryte (aujourd'hui Beyrouth) donna son opinion sur l'interprétation de la formule de saint Cyrille. Alors Seleucus, évêque d'Amasie (Grande Arménie) relança le débat "sur l'existence des deux natures [en Christ] même après l'incarnation". Cris et hurlements des pères, les uns criant au nestorianisme, les autres d'Eutychianisme. On faillit refaire le concile d'Ephèse I, du coup on oublia la lettre du pape Léon!

Dans la précipitation, Dioscore proposa d'approuver la déclaration de foi d'Eutychès. Celui-ci crut devoir reprendre la parole, pour accuser l'archevêque Flavien d'avoir rédigé par avance la condamnation prononcée contre lui lors de la  réunion du synode Constantinople. Dioscore et les évêques voulurent entendre Flavien "en toute liberté" qui se contenta de dire que les documents présentés par Eutychès étaient des faux. Enfin Dioscore demanda que chaque père se prononce au sujet de l'orthodoxie de la profession de foi d'Eutychès.

Cent quatorze votes se prononcèrent pour son orthodoxie, et la réintégration d'Eutychès comme prêtre et archimandrite. Dioscore approuva la majorité, et imprudemment réintroduit Eutychès dans la communion. Imprudemment, car il se contenta de la dernière profession de foi et n'exigea pas, comme le recommandait le pape Léon, la condamnation par écrit de ses erreurs. 

La suite de l'histoire nous enseignera qu'il était un fameux manipulateur, et que jamais il n'avait renoncé à ses théories erronées en christologie, ni à semer le trouble dans l'Eglise de Constantinople. Le mss. Syriaque 12155 du British Museum expose que Dioscore lui-même anathématisa Eutychès, du fond de son exil, après le concile de Chalcédoine, et reconnut qu'il avait été trompé.

 Toutes les Eglises non chalcédoniennes (et bien indubitablement les Eglises chalcédoniennes) ont anathématisé les doctrines d'Eutychès et banni sa mémoire. C'est donc par magnifique ignorance ou parfaite mauvaise foi, qu'encore aujourd'hui,  nous pouvons lire des appréciations telles que celle-ci: "Ses partisans furent nommés "eutychéens" (partisans d'une seule nature ou monophysites) et subsistent encore en Orient, en Égypte et en Éthiopie".http://fr.wikipedia.org/wiki/Eutych%C3%A8s

 Le secrétaire du Synode fit la lecture d'un mémoire signé par trente cinq moines du monastère d'Eutychès, qui se plaignaient des mauvaises manières de l'archevêque Flavien, qui les avaient excommuniés avec leur archimandrite, ils réclamaient leur réintégration. Il apparaît, d'après ce que nous pouvons savoir des actes présentés à Chalcédoine, que Dioscore au lieu d'examiner la valeur de ces accusations, se contenta d'entendre leur foi, et comme elle était conforme à la profession de foi fallacieuse d'Eutychès devant le synode, il les réintégra. Il alla plus loin en accusant Flavien de contrevenir aux décisions de Nicée et d'Ephèse I, en dogmatisant sur le mode des relations de la double nature du Christ. En conséquence, il prononça immédiatement la déposition de l'archevêque de Constantinople.

Les sources divergent sur le sort de Flavien après sa déposition. Il semble certain qu'il ait été exilé, probablement en Lydie. Selon Nestorius (dans le livre d'Héraclide) il aurait succombé des fatigues du voyage vers son exil. 

                                                         

Il apparaît que Flavien a été condamné à tort et fut victime de l'animosité entre les sièges d'Alexandrie et Constantinople.   Le synaxaire des Eglises byzantines le commémore le 18 février, ses reliques reposent en Italie dans les Abruzzes. 

 Après avoir fait un sort à Flavien, le synode s'occupa du cas de  Théodoret de Cyr, Irénée de Tyr et Domnus, qui furent déposés.   

Ibas, Théodoret et Domnus ont laissé dans l'histoire des noms sur lesquels planent des souvenirs néfastes. Leurs   paroles, leurs actes, leurs écrits, leurs liaisons avec Nestorius ou avec ses partisans, leur profonde hostilité envers saint Cyrille ne les rendaient-ils pas, à bon droit, suspects à ceux qui défendaient le parti de Cyrille et de l'orthodoxie? Le synode de Constantinople II en 553 (5è concile œcuménique) a fini par condamner définitivement leur mémoire, bien qu'ils fussent déjà morts.

 Le synode se termina par l'approbation des douze anathématismes de Cyrille qui furent lus au Ier concile d'Ephèse, mais probablement pas formellement ratifiés.

 Pour respecter l'histoire, il faut savoir qu'après un retournement de politique religieuse dû à l'accession à l'empire de Marcien, des évêques se sont plaints d'avoir signé les actes sous la menace physique de Dioscore et de l'archimandrite Barsoumas, qui fut même accusé par Diogène de Cyzique d'avoir occis Flavien aux pieds de d'autel! D'autres prétendirent que Dioscore avait exigé leur signature sur un papier blanc.

L'image d'Epinal se figure que Dioscore n'eut qu'à menacer du bâton les évêques de l'opposition pour leur extorquer leur signature. Est-il vraisemblable que Flavien, Eusèbe et tous les évêques aient laissé accomplir sous leurs yeux toutes ces iniquités sans lutter et sans essayer de faire entendre la voix de la raison et de la justice?  Quand on examine les faits, on voit aisément qu'il ne dut pas en être ainsi. 

 On s'interroge sur le compte rendu des légats romains lors de leur retour vers Léon. Celui-ci fut profondément "affligé" du "mépris" de sa lettre dogmatique ainsi que des dépositions  de Flavien, Domnus et Théodoret qui étaient "dans sa communion".

 Contrairement aux idées reçues, Léon n'excommunia pas Dioscore, mais forma les vœux de réunion d'un autre concile. Il adressa une lettre le 13 octobre 449 à Théodose II pour "lui demander de laisser toutes choses en l'état où elles étaient avant le synode d'Ephèse, jusqu'à la réunion d'un grand synode composé des évêques de toutes les parties du monde". Dans toutes ses lettres au sujet du concile d'Ephèse, le rétablissement d'Eutychès ne prend pas de place, le problème central est celui de la déposition expéditive des évêques.

Deux ans plus tard, le 20 juin 451 dans une lettre à l'impératrice Pulchérie, Léon de Rome dit à ce sujet qu'au lieu "d'aller vers l'unité et la paix, le fameux synode d'Ephèse n'accomplit pas la justice mais un brigandage" (lettre 95). Ce bon mot est resté dans la mémoire des historiens.

 Les choses auraient pu en rester là, si elles n'avaient pas été envenimées à Chalcédoine en 451.

                                                                   

En effet, dans une lettre de Léon à Théodose II au sujet de la reconnaissance d'Anatole, ordonné archevêque de Constantinople par Dioscore à la place de Flavien, le pape romain ne parle plus de casser le synode d'Ephèse; il ne réclame aucune sanction contre les évêques qui ont signé les actes, ni contre Dioscore. Anatole doit seulement démontrer son orthodoxie en contresignant "le tome à Flavien". Ce qu'il fit.

Plus tard, Léon demanda que le nom de Dioscore soit rayé des diptyques de l'Eglise de Constantinople.

 

Les Eglises d'Orient ont surtout retenu d'Ephèse II l'approbation synodale des douze anathématismes de saint Cyrille et la condamnation de Théodoret et Ibas, leurs adversaires acharnés.         

 

                                                                                                     +E-P

Bibliographie:

-          abbé Martin, Le pseudo synode connu dans l'histoire sous le nom de brigandage d'Ephèse selon les sources syriaques, Paris 1875

-          Ernest de Montferrier, le tome à Flavien, in Chefs d'œuvres des pères de l'Eglise, 1838

-          Johannes Dominicus Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, T VI, Florence, 1761 (pour les lettres de Léon le Grand)

-          Charles Joseph Héfélé, Histoire des conciles, T II, Paris 1869

-          Daniélou et alii, nouvelle histoire des conciles, Paris 1963

 

Septembre-octobre 2012

concile d\'Ephèse II