Du 28 juin 2008 au 29 juin 2009, une année festive soulignera le bimillénaire de la naissance de l'apôtre Paul. Afin de s'associer à cette commémoration, voici trois monographies:
1. R.P. Elias-Patrick, Essai de biographie de l'apôtre Paul 2. R.P. Elias-Patrick, Paul apôtre des nations 3. R.P. Patrick-Georges, Le mysterion selon saint Paul
1. 1. Essai de biographie de l'apôtre Paul
Tarse
Saul, notre futur saint Paul, naquit à Tarse en Cilicie -Actes 22.3-. La ville était le chef-lieu administratif de la région, en 41, Tarse avait été le lieu de la première rencontre entre Marc Antoine et Cléopâtre. l e Lorrain, rencontre de Cléopatre et Marc Antoine Juif de la diaspora, Saul parlait le grec même en ayant un nom d'origine latine dérivé par assonance de l'originaire hébreu Saul/Saulos, et avait la citoyenneté romaine -Act 22.25-28-. Notre Paul apparaît donc situé à la frontière de trois cultures différentes - romaine, grecque, juive - et peut-être grâce à cela, il était disponible à des ouvertures universelles fécondes, à une médiation entre les cultures, à une véritable universalité. Il apprit aussi un travail manuel, peut-être venant de son père, consistant dans le métier de "faiseurs de tentes" -Act 18.3 :-, travaillant probablement la laine rêche de chèvre ou les fibres de lin pour en faire des nattes ou des tentes -Act 20.33-35-.
Vers les 12-13 ans, l'âge où le jeune garçon juif accomplit sa bar mitzvà -fils des Commandements -, Saul quitta Tarse et se rendit à Jérusalem pour être formé par le rabbi Gamaliel le Vieux, le neveu du grand Hillèl, selon les règles les plus rigides du pharisaïsme et en acquérant un grand zèle pour
Damas Alors qu'il se rendait à Damas "respirant de menaces et de meurtres contre les disciples du Seigneur" -Actes 9.1- sur le chemin "alors qu'il s'approchait de Damas, tout à coup une lumière venant du ciel resplendit et l'enveloppa". Le Christ lui demandait les raisons pour lesquelles Saul le persécutait. Cette vision allait illuminer toute la vie de Saul qui y trouva la lumière et la foi du Christ ressuscité. Le Christ ressuscité apparaît comme une lumière splendide et parle à Saul, transforme sa pensée et sa propre vie. La splendeur du Ressuscité le rend aveugle: ce qui était sa réalité intérieure, sa cécité vis-à-vis de la vérité, de la lumière qu'est le Christ, lui apparaît ainsi de manière extérieure. Et ensuite sa foi au Christ par le baptême ouvre à nouveau ses yeux, le fait réellement voir. Dans l'Église antique, le baptême était également appelé "illumination ", parce que ce Mystère donne la lumière, il fait voir réellement. Ce qui est ainsi indiqué de manière théologique, cela se réalise en Saul même physiquement: guéri de sa cécité intérieure, il voit bien. Saul donc, a été transformé non par une pensée mais par un évènement, par la présence irrésistible du Ressuscité, de laquelle il ne pourra ensuite jamais douter, tant l'évidence de l'évènement, de cette rencontre, avait été forte. Elle changea fondamentalement sa vie; en ce sens, on peut et on doit parler d'une conversion. Il acquiert aussi la certitude que le Christ l'a appelé à partir de ce jour à être son apôtre –envoyé- et le témoin de l'Evangile. Dès son baptême à Damas par saint Ananias, Saul enseigne à temps et à contretemps
Damas, sanctuaire de saint Paul Traditionnellement, on partage son activité apostolique sur les bases des trois voyages missionnaires, auxquels il faut ajouter un quatrième, son voyage à Rome en tant que prisonnier. Tous sont racontés par Luc dans les Actes.
Il crut vivement frappé de la doctrine du Seigneur. C'est probablement en mémoire de cette conversion que Saul changea son nom en Paul. De Paphos ils arrivèrent aux côtes méridionales de l'Anatolie, aujourd'hui Turquie, et touchèrent les villes d'Attalie, Pergè en Pamphylie, Antioche de Pisidie, Iconium, Lystres et Derbé, d'où ils revinrent au point de départ. Ils prêchèrent bien entendu dans les synagogues mais devant le peu de succès, ils se tournèrent aussi vers les non juifs. "Vous ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, voici, nous nous tournons vers les païens. –Actes 13,46 Et entre-temps, surtout à Jérusalem, était née une discussion dure jusqu'au point que ces chrétiens provenant du paganisme étaient obligés d'entrer dans la vie et dans la loi d'Israël pour participer réellement aux promesses des prophètes et pour entrer effectivement dans l'héritage d'Israël. Pour résoudre ce problème fondamental pour la naissance de l'Église future, on réunit à Jérusalem le Concile des Apôtres, pour débattre sur ce problème dont dépendait la naissance effective d'une Église universelle. Et il fut décidé de ne pas imposer aux païens convertis l'observance de la loi de Moïse -Act 15.6-30-. L'unique nécessité était d'être du Christ, de vivre avec le Christ et selon sa parole.
Après cet événement décisif, Paul se sépara de Barnabas, choisit Silas et commença son second voyage missionnaire -Act 15.36-18.22-. Ayant dépassé C'était la future Europe qui demandait l'aide et la lumière de l'Évangile. Sur la poussée de cette vision, il pénétra en Europe. De là il prit la mer pour Dans cette capitale de l'antique culture grecque, il prêcha d'abord dans l'Agorà, et ensuite dans l'Aréopage, aux païens et aux grecs. Et le discours de l'aréopage rapporté dans les Actes des apôtres est le modèle de la manière de traduire l'Évangile dans la culture grecque, de la manière de faire comprendre aux Grecs que ce Dieu des chrétiens, des juifs, n'était pas un Dieu étranger à leur culture mais le Dieu inconnu qu'ils attendaient, la véritable réponse aux questions les plus profondes de leur culture. Corinthe Puis d'Athènes, il arriva à Corinthe, où il s'arrêta une année et demie. Durant ce premier séjour à Corinthe il dut se présenter devant le gouverneur de la province sénatoriale d'Achaïe, le pro-consul Gallion, accusé de culte illégitime. A propos de Gallion et sur son époque à Corinthe, il existe une inscription ancienne retrouvée à Delphes, où il est dit qu'il était proconsul à Corinthe de l'an 51 à l'an 53. Nous avons donc une date absolument certaine. Le séjour de Paul à Corinthe se déroula dans ces années-là. Par conséquent, nous pouvons supposer qu'il est arrivé plus ou moins en 50 et qu'il est resté jusqu'en 52. Puis de Corinthe en passant par Cencrées, port oriental de la ville, il se dirigea vers
De là Paul alla directement à Éphèse, capitale de la province d'Asie, où il séjourna pendant deux ans, exerçant un ministère qui eut des répercussions fécondes sur la région. Ephèse D'Éphèse, Paul écrivit les lettres aux Thessaloniciens et aux Corinthiens. La population de la ville fut cependant soulevée contre lui par les orfèvres locaux, qui voyaient diminuer leurs entrées, en raison de l'affaiblissement du culte d'Artémis (le temple qui lui était dédié à Éphèse, l'Artemysion, était l'une des sept merveilles du monde antique) ; il dut donc fuir vers le nord. Après avoir retraversé De là, il revint sur ses pas: il repassa par
Rome, voie Appia A Rome, il rencontra les délégués de la communauté juive, à qui il confia que c'était à cause de "l'espérance d'Israël " qu'il portait ces chaînes -Act 28, 20-. Mais le récit de Luc se termine par la mention de deux années passées à Rome sous une surveillance militaire légère, sans mentionner aucune sentence de César (Néron), pas plus que la mort de l'accusé.
Néron condamne Paul Des traditions tardives et incontrôlables parlent de sa libération, qui aurait permis un voyage missionnaire en Espagne, ainsi qu'un passage en Orient et spécifiquement à Crète, à Éphèse et à Nicopolis en Epire. Toujours sur une base hypothétique, on parle d'une nouvelle arrestation et d'un deuxième emprisonnement à Rome (d'où il aurait écrit les trois épîtres appelées pastorales, celles à Timothée et celle à Tite) avec un deuxième procès, qui lui aurait été défavorable.
La tradition liturgique de l'Eglise de Rome relate la décapitation de l'apôtre "aux trois fontaines" et l'ensevelissement de son corps là où fut construite la basilique de saint Paul hors les murs. basilique Saint Paul, Rome
En février 2005 ,Un sarcophage pouvant contenir les reliques de l’apôtre Paul a été identifié dans la basilique romaine de Saint-Paul-hors-les-murs. "Sur la partie que nous avons pu apercevoir, précise-t-il, il n’y a rien d’écrit; nous avons seulement découvert un côté du sarcophage sur cinquante centimètres de long, alors qu’il doit mesurer deux mètres". A ce jour le tombeau n'a pas été ouvert.
Comme pour saint Pierre, l’empereur Constantin entreprit ensuite au début du IV° siècle de faire construire une basilique pour abriter la tombe. Puis, en 386, un demi-siècle après la mort de Constantin, devant l’afflux des pèlerins, une basilique plus grande fut construite à la demande des empereurs Valentinien II, Théodose et Arcadius. Septembre 2008 L’Observatore Romano du 28 juin 2009 annonçait la découverte de la plus ancienne représentation de Paul, datant du IVe siècle. Elle a été trouvée lors de fouilles effectuées dans la catacombe sainte Thècle, au bord de la via Ostiense, la route romaine qui mène à la mer, non loin de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, à Rome. C’est en nettoyant aux rayons laser la voûte d’une alcôve, que les archéologues ont vu apparaître à la lumière l’image du Bon Pasteur, entourée de quatre médaillons représentant les visages de Paul, de Pierre et de deux autres apôtres. La fresque nous montre l’apôtre Paul comme un philosophe pensif, au regard vif, au front haut, à la calvitie naissante et à la barbe en pointe.
Bibliographie: -Edouard Cothenet, Petite vie de saint Paul, Desclées, 2004 - Michel Gourgues, actes des apôtres, Cahiers Evangile N° 60, Cerf 1987 - Benoît XVI, catéchèse du mercredi 27 août 2008, source et base de ce billet,
Du
2. Paul, l’apôtre des nations
Le christianisme invention de Paul? Pendant les fêtes de Pâques 2004, la chaîne de télévision Arte a présenté une " enquête sur la naissance du christianisme ". Un DVD est disponible. Les connaisseurs ont certainement trouvé matière à réflexion dans les discours des différents intervenants malgré les coupures et partis-pris du montage. La multiplicité des intervenants, bien qu'ils ne fussent pas toujours des grandes pointures, a enrichi le débat. Il est fort dommage que le point de vue des réalisateurs ne laisse dans la mémoire des non spécialistes que quelques fausses idées: 1. La religion chrétienne serait essentiellement une création de Paul. 2. La rupture entre le judaïsme et le christianisme serait à mettre au seul tord des chrétiens, de Paul à l'origine. Pour reprendre le débat, je vous propose de revisiter la carrière de l'apôtre Paul à partir des Actes des Apôtres et des épîtres.
Notre Jésus n'a laissé aucune trace écrite des Paroles qu'il nous a transmises venant du Père. Il n'a pas laissé non plus d'autobiographie. Les chrétiens ne peuvent accéder à la connaissance de sa Parole qu'en passant par le témoignage de ceux qui sont devenus ses disciples. C'est le fondement de La personne de Paul
Saul qui se fera appeler plus tard Paul, décline lui-même son identité religieuse et civile: C'est un juif de Tarse, ville de Cilicie (proche d'Adana au sud de Il est probable que Saul de Tarse n'ait pas connu Jésus au cours de sa vie, et même s'il l'avait rencontré, Saul n'aurait pas été ébranlé dans sa fidélité à la tradition de ses pères. En pharisien convaincu et rigoureux il n'admet pas de transiger avec la tradition. Un disciple était particulièrement gênant; il portait la discussion jusque dans les synagogues, troublant même les docteurs de La vocation de Paul Alors qu'il poursuivait sa campagne de persécution contre les disciples de Jésus, Saul effectua une véritable conversion, à la suite d'un événement qui l'atteint personnellement alors qu'il se rendait à Damas afin de ramener à Jérusalem les disciples qui avaient fui jusque dans cette ville. Il raconte lui-même sa vocation : "Lorsque Celui qui m'a mis à part, dès le sein de ma mère, et m'a appelé, par sa grâce, a jugé bon de révéler en moi son Fils afin que je l'annonce parmi les païens, aussitôt... je suis parti.. .Gal. 1, 15-17. Le dessein de Dieu, sa volonté sur chaque homme, se dévoile dans le cadre d'une tradition, dont le sein maternel est la figure. Adonaï (dont Saul ne prononce pas le Nom) l'a "mis à part" sans le séparer du reste des hommes, "depuis le sein de ma mère". Il n'y a pas d'interruption dans l'histoire de la personne de Saul, Dieu ne fait pas une irruption dans la vie de l'homme, il se manifeste à lui d'une manière progressive depuis ses premières origines, toutefois il y a rupture avec son ancienne manière de penser, Saul à la suite de la vision de la lumière divine fait métanoïa, il change d'état d'esprit. La révélation qui lui est faite dans La doctrine de Saul ne sera pas simplement un enseignement, mais surtout un changement complet de vie, elle ne sera pas un nouveau Talmud, mais une conversion de l'existence personnelle, une invitation pour tout homme à changer d'état d'esprit, de vie. Tous les hommes sans distinction de race sont invités à entrer en relation avec Dieu, d'une manière totalement différente, non pas par un enseignement, mais par une filiation dans le Fils unique. Après son baptême à Damas reçu des mains d'Ananias, Saul "se mit aussitôt à annoncer dans les synagogues que Jésus était le Fils de Dieu". Actes 9,20. C'est à Chypre, qu'il changea son nom de Saul en Paul. Sans n'avoir pas pris le soin de faire confirmer l'authenticité de sa mission par le collège des apôtres, il annonce partout dans les synagogues et les places publiques La mission de Paul Paul juge indispensable de se rendre à Jérusalem pour faire la connaissance de Pierre, non pas pour dissiper ses doutes sur son Evangile, mais simplement pour constater et faire constater l'harmonie de son enseignement avec celui des autres apôtres.
Paul & Pierre,cathédrale de Maguelonne C'était nécessaire pour bien affirmer sa communion avec l'ensemble de Cette première assemblée générale que nous appelons le Concile de Jérusalem libère des préceptes de Paul a compris tout l'enjeu théologique de ce Concile de Jérusalem: Si l'on doit devenir juif pour être baptisé, c'est que la grâce de Jésus-Christ ne suffit pas, c'est qu'il faut que l'homme fasse quelque chose de lui-même avant de pouvoir recevoir le don de Dieu. La décision des apôtres à Jérusalem est bien une suspension de certaines prescriptions de Cet abandon des prescriptions de En bon pharisien, Paul pose la seule question qui vaille pour un juif qui ignore la question métaphysique de l'existence ou non de Dieu : "Comment devenir un juste?". (Tsadiq). Par Pour répondre à cette question, Paul, en bon talmudiste, va chercher des arguments qui répandent encore un peu plus d'obscurité sur la question: Abraham, sa foi, sa circoncision, ses femmes, Sara, Agar, ses deux fils Israël et Ismaël, les droits de l'héritier enfant. Tout ce débat fait la joie des théologiens et des savants, je vous renvoie aux joyeux commentaires de l'épître aux Galates.
L'Evangile est simple pour les simples, aussi Paul est aussi capable d'aller à l'essentiel, la vie, la preuve par l'expérience. Une simple question apporte la lumière: D'où vient l'Esprit Saint que nous avons reçu au baptême? De la foi ou de l'accomplissement de L'homme croit (emouna en hébreu = mettre sa confiance) ou mieux se repose en Dieu et Dieu le "justifie", c'est à dire lui assure le Salut par la foi et l'union avec son Fils, le Christ Jésus. "Tous en effet vous êtes fils de Dieu par la foi (emouna) au Christ Jésus. Car vous tous qui êtes baptisés en Christ, vous avez revêtus le Christ". Galates 3,27. Nous voici bien en rupture avec la doctrine des juifs pharisiens. Pour eux le tsadiq, le juste, est celui qui pratique l'observance intégrale et minutieuse de Personne n'est juste sinon Dieu seul. Lui seul, en effet, peut demeurer fidèle à lui-même. Sa volonté de toute éternité et pour toute éternité, c'est le Salut de l'homme bien que celui-ci est raté sa cible, sa vocation (c'est là le sens du mot péché).
La justice de Dieu, la grâce:
La justice de Dieu s'est manifestée d'une manière particulière dans le Christ Jésus: le Fils de Dieu, le seul Juste, toujours tourné vers Dieu pour faire sa volonté, est mort pour les pécheurs, pour les injustes. Il a montré à l'homme que la fidélité (emouna) doit s'accomplir jusqu'à la mort. Il a aussi donné son sang, sa vie, à Dieu son Père, pour qu'ils deviennent notre propre sang, notre propre vie. Et la justice de Dieu, qui n'est pas à la mesure humaine, c'est d'accorder gratuitement sa grâce: le don de Dieu est toujours premier, l'homme le reçoit mais il ne le mérite jamais. Pour recevoir le Salut, il faut et il suffit d'accepter de le recevoir : toute autre condition est superflue.
Ainsi, dès les débuts de la prédication de Paul, dès les débuts de la prédication de l'Eglise, la foi en Christ Jésus n'est jamais autre chose qu'une réponse de l'homme à l'invitation divine.
Sur la route de Damas, Paul a compris, comme les autres apôtres lors des apparitions du Ressuscité, que le Christ ne cesse d'être le Vivant, et qu'à travers les temps il est vivant dans la vie de chacun de ses fidèles: Je suis Jésus que tu persécutes. Actes 9, 5. Et, pour lui-même, il réalise que ce n'est plus lui qui vit, mais que c'est le Christ en personne qui continue son action à travers lui. La manifestation du Christ ressuscité à Paul, Paul estime alors ne plus rien pouvoir sans la grâce de Dieu; il doit toute son existence au Christ qui s'est révélé à lui. Le Christ l'a aimé personnellement, "dès le sein maternel". La certitude fondamentale de Paul repose dans la réalité presque physique de l'union au Christ, de partager la condition de Jésus, à tel point qu'il n'hésite pas à dire qu'il est crucifié avec le Christ pour vivre de sa vie. Ce n'est pas
Paul et le judaïsme
Regardons maintenant les relations entre Paul et les juifs. A l'instant où Paul rédige ses épîtres, notamment celle aux romains, il lui faut bien constater que la masse des juifs, résistent à donner foi au message de Jésus et de le reconnaître Messie d'Israël. Les héritiers de la promesse faite à Abraham refusent l'Evangile alors que les enfants des nations païennes forment le gros des Eglises. Troublante énigme, véritable question angoissante: Dieu peut-il être infidèle à sa promesse? "En Christ, je dis la vérité, je ne mens pas, par l'Esprit Saint ma conscience m'en rend témoignage, j'ai au cœur une grande tristesse et une douleur incessante. Oui, je souhaiterais être anathème, être moi-même séparé du Christ, pour mes frères, ceux de ma race selon la chair, eux qui sont les israélites <> eux de qui, selon la chair, est issu le Christ qui est au-dessus de tout, Dieu béni pour les siècles. Amen <>. Non que Mais cette déchéance du peuple élu n'est pas définitive. "Grâce à leur faute, les nations ont accédé au Salut <> l'endurcissement d'une partie d'Israël durera jusqu'à ce que soit entré l'ensemble des nations. Et ainsi tout Israël sera sauvé <> Par rapport à l'Evangile, les voilà ennemis, et c'est en votre faveur; mais du point de vue de l'élection, ils sont aimés, et c'est à cause des pères. Les dons et l'appel de Dieu sont irrévocables". Romains 11, 11. 30. Paul enseigne donc que le rejet de l'Alliance nouvelle par les juifs est momentané et providentiel au bénéfice des nations païennes. Aucune condamnation dans sa bouche et soupçon d'antisémitisme dans sa pensée. Il vrai que les exégètes juifs sont chagrinés par l'affirmation de Paul, que les païens deviennent aussi héritiers de la promesse, avec l'image de la greffe, il ne faut pas en conclure que la greffe élimine le porte greffe et accuser le christianisme de "captation d'héritage" comme je l'ai entendu. Pour parler comme les pères, le nouvel Israël –l'Eglise- n'exclut pas l'ancien Israël -le peuple juif-. "Si toi, l'olivier sauvage, tu as été greffé à leur place, et si tu as participé à la racine et à la sève de l'olivier, ne te glorifie pas <> ce n'est pas toi qui porte la racine, mais c'est la racine qui te porte <> Eux–mêmes, s'ils ne demeurent pas dans l'incrédulité, ils seront greffés; car Dieu est puissant pour les greffer de nouveau <> selon leur nature sur leur propre olivier". Romains 11, 17.24
Le christianisme, un mythe paulinien?
Terminons, hélas un peu court, sur l'accusation sommaire de l'invention par Paul d'une nouvelle religion qui ne serait ni celle d'Israël, ni celle de Jésus et des autres apôtres. Disons-le tout net: à la lecture des témoignages de l'Eglise apostolique, nous pouvons certainement discerner un conflit au sujet des prescriptions de A la question fondamentale "Qui est Jésus?" Paul, Pierre et les autres confessent d'une seule voix "Le Fils de Dieu". Le nom de "Fils" est un éclair sur le secret de l'identité de Jésus. Le Fils de Dieu est celui qui reçoit une mission de la part de Dieu qui l'envoie, c'est un homme réel qui est la tête, le chef de file de l'ensemble de l'humanité. Il n'est pas un homme comme tous les autres, il est le propre Fils du Père, celui que l'évangéliste Jean identifie au Logos de Dieu qui s'est incarné.
La christologie de Paul:
Pour savoir qu'elle est l'influence de saint Paul sur l'origine du christianisme, c'est à dire sur la doctrine qui fera des disciples autre chose que des juifs messianiques, il nous faut examiner ce que les théologiens appellent sa christologie. Comment saint Paul concevait la position de Jésus de Nazareth par rapport au Dieu d'Israël et à l'humanité? Pouvons-nous dire qu'il est le fondateur du christianisme? Saint Marc s'interroge sur l'identité de Jésus, il ne la dévoile à ses lecteurs qu'au pied de la croix, dans la bouche d'un païen, un centurion romain : Vraiment, cet homme était le Fils de Dieu. Marc. 15, 39. Ce Fils de Dieu est "né d'une femme" précise Paul. (Il convient de se souvenir que les lettres de Paul sont antérieures aux évangiles canoniques) Le "être né d'une femme" est une expression biblique courante pour marquer la pauvreté de la condition humaine, son impuissance radicale et parfois même son impureté. Paul souligne, de la sorte, que le Christ est véritablement, parfaitement un homme, qu'il s'est inséré dans la condition humaine jusque dans sa déchéance la plus extrême: la mort Ce Christ Jésus pourtant préexistait en Dieu, il est de condition divine. Il s'est plié à la même servitude, au même esclavage que tous les autres hommes dont il a voulu partager la condition. C'est ce que les théologiens appellent la kénose, du verbe grec ekenosen, il s'est dépouillé, ou encore il s'est vidé. Philippiens 2, 7.
Comportez-vous ainsi entre vous, comme on le fait en Jésus Christ. lui qui est de condition divine n'a pas considéré comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu mais il s'est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes et, par son aspect, il était reconnu comme un homme il s'est abaissé, devenant obéissant jusqu'à la mort, à la mort sur une croix C'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé et lui a conféré le nom qui est au-dessus de tout nom afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre et que toute langue confesse que le Seigneur, c'est Jésus Christ, à la gloire de Dieu, le Père. Philippiens. 2, 5-11
Cette kénose, cet assujettissement au dénuement des hommes n'implique pas que le Christ cesse d'être l'égal de Dieu, l'icône du Père. C'est dans son anéantissement même qu'il manifesta le plus l'amour que Dieu porte à son Fils comme à tous les hommes. Comme il se soumet à la condition des hommes, le Christ Jésus manifeste une manière divine de vivre l'humanité. La construction de l'hymne aux Philippiens permet de saisir immédiatement que le cœur de théologie de Paul: la croix même du Christ. La croix apparaît comme le résultat ultime du dépouillement du Fils, mais elle apparaît également comme la condition qui permet au Père d'élever son Fils, jusqu'à lui donner le nom qui est supérieur à tous les noms humains, c'est-à-dire le Nom même de Dieu, puisque le Fils "n'avait pas considéré comme une proie à saisir ou à revendiquer d'être traité comme égal à Dieu".
Le Christ Jésus a vécu une solidarité radicale avec les hommes avec leur chair, avec leur destin, il a tout connu de la condition de l'homme, tout "sauf le péché" soulignera la lettre aux Hébreux 4, 15. Sauf le péché car Jésus le Logos incarné est toujours tourné vers Dieu son Père, mais non pas sans l'expérience de tout ce qui accompagne la conséquence de la chute, la fragilité du corps, la mort de la chair. Le Christ est de condition divine. Son droit le plus strict aurait été de revendiquer une condition humaine glorieuse, telle qu'il la possédera après sa résurrection. Mais il n'a pas revendiqué cette égalité. Il a renoncé au rayonnement de la gloire divine, et il s'est volontairement anéanti, à l'opposé d'Adam, dont parle
Pour Paul, la question de l'identité du Christ Jésus, Fils unique de Dieu, était une question primordiale. Sans le Christ, mort sur la croix et ressuscité d'entre les morts, la foi chrétienne devenait sans fondement; sans la mort, la condition humaine n'était pas assumée jusqu'au bout - et ce qui n'est pas assumé ne peut pas être sauvé - sans la résurrection du Christ, le Salut n'est pas donné par Dieu à tous les hommes. Le Christ est le seul qui puisse opérer la libération de l'homme puisqu'il est le Fils et que la liberté lui appartient du fait de sa condition divine; il communie à la servitude des hommes pour les faire communier à sa liberté. Ce qui n'est pas évident, mais qui permet la liberté individuelle devant l'économie divine, c'est que la libération offerte par Christ est autre que la fin de la servitude au péché et à la mort. La liberté en Christ établit le croyant dans la position d'enfant de Dieu. Tout le peuple peut accéder à ce partage de la condition de Jésus, en devenant lui aussi fils, par la grâce de l'adoption. L'homme devient fils de Dieu, dans et avec le Fils unique par l'Esprit Saint.
Partager la condition de Fils:
La liturgie égyptienne du baptême selon saint Sérapion exprime parfaitement cette donnée essentielle à la compréhension du mystère de la vie en Christ. Je vous invite à lire la catéchèse du baptême selon ce rit qui dans une expression hiératique résume parfaitement notre programme de vie en Christ comme l'entend l'apôtre Paul: Avec la mort et la résurrection du Christ, la libération est entièrement achevée; tout est donné au disciple, il ne lui reste plus qu'à participer à l'œuvre de grâce. Tout est donné, mais tout reste à faire; il ne tient qu'à l'homme de devenir réellement fils de Dieu, en se donnant totalement à son Sauveur par la foi et par la reconnaissance de Dieu comme son Père. Le chrétien devient ainsi le fils adoptif du Père céleste par l'Esprit. L'Esprit, envoyé par le Père, confirme, en chaque croyant qu'il participe à une vie nouvelle, puisqu'il lui permet de nommer Dieu "Père".
Le Seigneur est l'Esprit, et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté 2 Corinthiens 3, 17. L'affirmation que le Christ est Esprit est une sorte de formule abrégée pour signifier que le Christ est entièrement pénétré par l'Esprit. Ainsi doit-il en être du fidèle baptisé en Christ. Vous n'avez pas reçu un esprit qui vous rende esclaves et vous ramène à la peur, mais un Esprit qui fait de vous des fils adoptifs, et par lequel nous crions : Abba ! Père ! Cet Esprit lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu Romains 8 15 16.
Ce que dit notre liturgie du baptême, c'est la foi des apôtres exprimée magnifiquement par saint Paul. Ses épîtres contiennent la véritable théologie de l'Eglise d'hier et d'aujourd'hui, elles n'en gardent pas moins un caractère adapté à la situation de chacun de ses destinataires; il ne s'agit pas, à proprement parler, de traités dogmatiques, mais d'une correspondance, plus ou moins longue, motivée par les circonstances de la vie des communautés ou des individus auxquels l'apôtre est amené à s'adresser. Il nous faut aussi conformer à la vie réelle en prenant l'exemple de Paul. L'importance de ses lettres est telle que, dès le premier siècle, les chrétiens en faisaient des copies qu'ils lisaient déjà dans leurs assemblées preuve s'il en est du caractère universel que les premières générations chrétiennes leur attribuaient comme l'expression même de l'orthodoxie et de l'orthopraxie de l'Eglise catholique.
Paul, visionnaire ou apôtre?
Renan ne peut cacher dans son étude sur l'apôtre daté de 1869, et son parti-pris méprisant sur le théologien, et son admiration pour l'homme. Influencé certainement par les abus dogmatiques d'un certain catholicisme romain et la réduction protestante, Renan veut absolument dénier l'importance de Paul: "Paul a beau dire, il est inférieur aux autres apôtres. Il n'a pas vu Jésus, il n'a pas entendu sa parole. Les divins logia, les paraboles, il les connaît à peine. Le Christ qui lui a fait des révélations personnelles est son propre fantôme; c'est lui-même qu'il écoute, en croyant entendre Jésus" Non, Paul n'est pas un illuminé isolé du collège des apôtres, toute sa vie et son enseignement le montre, il est toujours en communion avec les douze et il porte bien haut la confession de Pierre "Christ, le Fils du Dieu Vivant". C'est ce cher monsieur Renan pourtant qui apporte la contestation de l'axiome "Paul fondateur du christianisme": "Un homme a contribué plus qu'aucun autre à cette rapide extension du christianisme; cet homme a déchiré l'espèce de maillot serré et prodigieusement dangereux dont l'enfant fut entouré à sa naissance; il a proclamé que le christianisme n'était pas une simple réforme du judaïsme, mais qu'il était une religion complète, existant par elle-même. Dire que cet homme – Paul – mérite d'être placé à un rang élevé dans l'histoire, c'est dire une chose évidente, mais il ne faut pas l'appeler fondateur. <> Ce qui fait vivre le christianisme, c'est le peu que nous avons de la parole et de la personne de Jésus. <> Seul il est assis à la droite de Dieu le Père pour l'éternité".
Je me permets d'ajouter: ce que nous savons de la personne de Jésus, Dieu vrai, homme véritable, nous le savons par les écrits Paul avant même ceux de Jean.
E-P. Eté 2004, N° 187,188, 189 de la lettre de saint Elie.
3. Le Mysterion selon saint Paul
" Jésus <> interrogeait ainsi ses disciples :" Qui, dit-on, est le Fils de l’homme ? " <> « Il leur dit : Et vous, qui dites-vous que je suis ? " -Mt.16, 13 à 16-. Saint Paul fut un des plus ardents annonceur de
La christologie de Paul
Pour saint Paul, croire en Jésus de Nazareth, celui qui est appelé le Christ (Mt. 1, 16), c’est reconnaître en Lui, le Fils unique de Dieu le Père, envoyé par Lui lorsque les temps furent accomplis pour nous sauver et nous libérer de la servitude du péché et de la mort (Ga. 4, 4 ; Rm. 5, 8 à 15 ; Eph.1, 9 & 10 ; 3, 5 & 6). Qui pour assurer notre salut a pris chair d’une femme (Ga. 4, 4), assumant totalement la condition humaine, sauf le péché (He. 4, 15), acceptant de plein gré de mourir pour nous sur la croix (Rm. 5, 8 ; Ph. 2, 8). Paul montre ainsi que le Christ tout en étant véritablement et parfaitement homme « parce que né d’une femme » préexistait en Dieu de toute éternité, qu’Il est de condition divine. Homme véritable, Dieu parfait, Il s'est plié à la même servitude, au même esclavage que tous les hommes dont il a voulu partager la condition (Ph. 2, 5 à 11). Cet « abaissement » que les théologiens appellent la kénose (il s'est dépouillé, vidé dit littéralement saint Paul en Philippiens 2, 7), cet assujettissement au dénuement des hommes n'implique pas pour saint Paul que le Christ cesse d'être l'égal de Dieu, l'icône du Père, mais qu’au contraire, c'est dans son anéantissement même qu'il manifeste le plus l'amour que Dieu porte à son Fils comme à tous les hommes. En se soumettant, par obéissance à son Père, à la condition des hommes, le Christ Jésus manifeste une manière divine de vivre l'humanité (Ph. 2, 5 à 11), car étant de condition divine, le Seigneur Jésus était en droit de revendiquer une condition humaine glorieuse telle qu'il la possédera après sa résurrection. Mais à l'opposé d'Adam, dont parle
Si pour saint Paul le Mystère chrétien du Logos éternel de Dieu fait chair (Jn. 1, 14), dévoilé en la personne de Jésus, qui a souffert, est mort et a été enseveli, qui est ressuscité par amour de l’homme en vue de son Salut est incompatible avec la raison (1Co.1, 12 à 34 ; 1Co. 2, 7 à 16 ; Eph. 3, 4 à 6 ; Col. 1, 26 & 27), la question de l'identité du Christ Jésus, Fils unique de Dieu est, pour lui une question primordiale. Car si le Christ Jésus n’est pas homme véritablement, s’Il n’est pas Dieu parfaitement, nous ne sommes pas participants à l’immortalité et à l’incorruptibilité de Dieu. S’Il n’est pas mort réellement sur la croix et s’Il n’est pas ressuscité d'entre les morts la foi chrétienne est sans fondement, car sans la mort la condition humaine n'était pas assumée jusqu'au bout. Et ce qui n'est pas assumé ne peut pas être sauvé. Sans la résurrection des enfers du Christ, le Salut n'est pas donné par Dieu à tous les hommes.
Le libérateur & l'adoption divine:
Le Christ est le seul qui puisse opérer la libération de l'homme puisque étant le Fils unique du Père, la liberté lui appartient du fait de sa condition divine: il communie à la servitude des hommes pour les faire communier à sa liberté, tout en respectant la liberté individuelle des hommes devant l'économie divine, car Dieu ne contraint pas l’homme, il l’appelle comme un père appel son fils. La libération qu’offre le Christ à l’humanité ne se limite pas à mettre fin à la servitude au péché et à la mort, mais à établir celui qui croit que Jésus est Seigneur et Sauveur dans la position d'enfant de Dieu. Ce partage de la condition de Jésus le Christ en devenant fils par la grâce de l'adoption, permet à l’homme de devenir fils de Dieu dans et avec le Fils unique par l'Esprit Saint (Ga. 4, 5 ; Eph. 1, 5). Le chrétien devient ainsi fils adoptif du Père céleste par l'Esprit. L'Esprit, envoyé par le Père, confirme, en chaque croyant qu'il participe à une vie nouvelle, puisqu'il lui permet de nommer "Dieu Père ", son père (Rm. 8, 15). Le Seigneur est l'Esprit, et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté (2 Co. 3, 17).
Saint Paul centrera donc sa prédication sur le mystère du Christ Ressuscité qu’il place au cœur du message chrétien : « Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre foi» (1Co.15, 4). A partir de là, il ébauche une théologie de l’histoire qu’il amplifiera dans l’épître aux Romains (8, 1 à 38) : l’humanité entière en marche derrière le Christ est appelée à se libérer peu à peu de toutes les aliénations de ce monde. Par Lui la justice de Dieu s’est manifestée et par son obéissance absolue au Père, Il a accompli Sa volonté en mourant pour les pécheurs et les injustes, Lui le seul sans péché et le seul juste (Rm. Chap. 1 à 5 ent. & 10, 3) [2]. Avec la mort et la résurrection du Christ, la libération est entièrement achevée, désormais le Christ Jésus est assis à la droite de Dieu le Père pour l’éternité (He. 1, 3 ; 8, 1 ; 10, 12 ; 12, 2).
Justice, grâce & connaissance (gnosis):
Pour Paul la justice de Dieu consiste donc désormais à accorder gratuitement sa grâce à l’homme, car elle n’est pas à la mesure de l’homme et ne saurait dépendre d’éventuels mérites ou œuvres que l’homme serait susceptible d’accomplir (Rm. 3, 28 ; Ga. 2, 16 ; Eph. 2, 4 à 8 ; Ti. 3, 4 à 7). Saint Paul enseigne également que les mystères sont vie du Christ dans l’Esprit : mystères de foi. Aussi le Salut de l'homme consiste à entrer en communion de vie avec " Dieu notre Sauveur qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité " (Tm. 2, 4). Cette connaissance de Dieu, pour Paul, est donnée par l’Esprit de Dieu, qui seul permet de connaître les dons que Dieu faits, et cette connaissance est reçue par la prédication de l’Evangile, la réception du baptême et l’onction du Chrême. Mystères par lesquels le Christ rend à l’homme la puissance d’agir, d’être pleinement roi, prêtre et prophète (Tt. 3, 4 à 7 ; lire Rm. chap. 6 en entier).
La doctrine de Paul est donc bien plus qu’un enseignement, mais une invitation pour tout homme à changer d’état d’esprit, car désormais tous les hommes sans distinction de race sont invités à entrer en relation avec Dieu, non pas par un enseignement, mais par une filiation par le moyen de la foi en Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu le Père, qui envoie dans le cœur du croyant l’Esprit de son Fils, et ainsi le libère et le fait cohéritier du Christ Jésus (Rm. 8, 14 à 17 ; 10, 9 à 13 ; Ga. 3, 26 ; 4, 1 à 7 ; Eph. 1, 5).
Pour Paul, toute confession de foi en Jésus Christ est produite en l’homme qui s’ouvre aux mystères par l’Esprit de Dieu, manifestant ainsi publiquement l’action de Dieu en lui et devenant par la foi participant des mystères : « C'est pourquoi je vous déclare que nul, personne, s'il parle par l'Esprit de Dieu ne dit: Jésus est anathème ! Et nul ne peut dire: Jésus est le Seigneur si ce n'est par le Saint-Esprit.» « Si tu confesses de ta bouche le Seigneur Jésus, et si tu crois dans ton cœur que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé » (1Co.12, 3 ; Rm. 10, 9).
Avec Christ, en Christ:
Le Christ Jésus, enseigne l’Apôtre Paul, est le nouvel Adam, l’icône du Dieu invisible (1Co. 15, 45 ; Col. 1, 15) qui inaugure une nouvelle humanité dont le corollaire serait : Si quelqu’un est dans le Christ, c’est une nouvelle humanité, une nouvelle création. La foi conduit l’homme au baptême, et c’est par le baptême que l’homme scelle sa foi en Jésus Christ, Seigneur et Sauveur, qu’il s’unit à Sa mort, à Son ensevelissement et à Sa Résurrection et qu’il participe à cette nouvelle création qui est vie pour Dieu dans le Christ, (Rm. 6, 1 à 11 ; Col. 2, 12 ; 3, 10). L’être ancien (le vieil homme) disparaît, meurt dans les eaux du baptême en tant qu’instrument du péché pour ressusciter uni au Christ. A la sortie des eaux : un être nouveau est là. Renouvelé intérieurement par le baptême à l’image de notre créateur, le baptisé devenant dans le Christ une nouvelle créature uni au mystère de la mort du Christ qui l’a réconcilié dans son corps de chair, le livrant à la mort (2Co. 5, 17 ; Ga. 6, 15 ; Col. 1, 23 ; Col. 3, 5 à 10 ; Ga. 6, 15 ; 2Co. 5, 17). Mais avec le vieil homme, c’est aussi les pratiques anciennes qui doivent également être mises à mort (Ga. 5, 24), car il ne peut être question de rester dans le péché pour que la grâce se multiplie (Rm. 6, 1). En mourant au péché par le baptême le chrétien devient un même être avec le Christ, comment le péché pourrait-il continuer à vivre en lui (Rm. 6 ent.), alors qu’uni au Christ il vit désormais sous le régime nouveau de l’Esprit et non plus sous le régime périmé de la lettre de
Les œuvres de la foi:
Tout est donné au disciple à qui il ne reste plus qu'à participer à l'œuvre de la grâce. Toutefois cela ne signifie pas que le Salut soit un dû mais une grâce de Dieu qui doit être accueillie par une foi active dans la docilité à l’Esprit reçu lors du baptême (Rm. 4, 4 à 8 ; 6 ent. ; 8, 1 à 13 ; Ga. 5, 6 à 26). L'homme doit œuvrer avec le concours de
L'homme intérieur:
Pour cela le chrétien doit mener le bon combat, en vu de la conquête du Royaume, en travaillant à la construction de l’homme intérieur, qui est le projet Divin de vie de Dieu pour l’homme: " si chez nous l'homme extérieur s'en va en ruine, l'homme intérieur se renouvelle de jours en jours." (2 Co. 4, 16). Pour construire cet homme intérieur, Paul propose de commencer là où Adam a échoué, c’est à dire en construisant notre intériorité en nous tournant vers Dieu par l'action de grâces : Dieu n'ayant pas dédaigné de se faire homme, aucun des aspects de notre vie n'est méprisable. Dieu nous a ressemblé en tout sauf le péché, nous pouvons donc lui ressembler en tout. Car agir « pour sa gloire » comme dit saint Paul (1Co. 10, 31), cela veut dire que chacun de nos gestes, même les plus ordinaires, peut être un point de ressemblance avec Dieu. Cela signifie que nous ne pourrons plus jamais dire qu’un quelconque de nos gestes du quotidien : manger, boire, ou n'importe quoi d'autre, serait "bassement ordinaire ". Plus rien n'est méprisable ou indigne. Bien plus, chacune de nos actions peut être digne de Dieu. Depuis que le Logos de Dieu s'est fait chair, nous savons que toute notre vie dans la chair peut être révélation de Dieu. Voilà une grande nouvelle que Paul explicite à partir de Cependant Paul nous met en garde, car les mêmes gestes peuvent aussi devenir des obstacles pour les autres et une atteinte à la charité: "Tout ce que vous faites: manger, boire, ou n'importe quoi d'autre, faites-le pour la gloire de Dieu. Ne soyez un obstacle pour personne, ni pour les Juifs, ni pour les païens, ni pour l'Eglise de Dieu. Faites comme moi : en toutes circonstances je tâche de m'adapter à tout le monde ; je ne cherche pas mon intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes, pour qu'ils soient sauvés : Prenez-moi pour modèle ; mon modèle à moi, c'est le Christ ". (1Co. 10, 31 à 11, 1).
Vivre selon l'Esprit:
Si Paul attache tant d’importance à la vie morale des chrétiens, c’est parce que l’Esprit qui œuvre en l’homme est aussi en lui un germe de vie qui l’achemine à la suite du Christ vers la résurrection du corps de gloire (Rm. 8, 11). Le Salut pour Paul est autant individuel que communautaire, bien que pour lui l’Esprit répande ses dons au sein de la communauté (1Co. 12, chap. 12 à 14). Les chrétiens doivent vivre, nous dit-il, selon l’Esprit, en constituant un corps uni au Christ dans l’amour fraternel. C’est à eux qu’il appartient de préparer cette nouvelle création, le baptême les associant à la domination cosmique du Christ (Col. 2, 9), car le baptême n’ôte pas les Chrétiens du monde mais les y insère comme un ferment de vie. C’est pourquoi ils doivent réaliser dans l’histoire cette prise de possession de l’univers par le Christ en transformant le monde qui aspire nous dit Paul à la « révélation des fils de Dieu » (Rm. 8, 19) : « Il n’y a ici ni Grec ni Juif, ni circoncis ni incirconcis, ni barbare ni Scythe, ni esclave ni libre ; Christ est tout et en tous. » (Col. 3, 11 ; Ga. 3, 28). « Tout est à vous, mais vous vous êtes à Christ et le Christ est à Dieu » (1Co. 3, 23). Si le Salut, pour Paul, est autant individuel que communautaire, l’homme peut se perdre seul. Pour accomplir son salut le chrétien doit travailler avec crainte et tremblement (Ph. 2, 12). Et cela, l’apôtre ne le sous-estime pas, suppose un exercice constant des vertus salutaires (1Th. 5, 8). Aucune négligence n’est permise dit-il, c’est maintenant le jour du Salut (2Co. 6, 2), nous n’avons plus d’autre choix que le Salut ou la perte (2Th. 2, 10 ; 2Co. 2, 15).
Père Patrick-Georges (Bernardin) - LETTRE DE L’ASSOCIATION ORTHODOXE CEVENOLE – 30440 - SAINT LAURENT LE MINIER - N° 4 - 2008 -
Bibliographie : Lucien Cerfaux, Le Christ dans la théologie de saint Paul, les Editions du Cerf, collection Lectio Divina n° 6, Paris, 1951 ; Bernard Rey, Créés dans le Christ Jésus, la création nouvelle selon saint Paul. Les Editions du Cerf, collection Lectio Divina n° 42, Paris, 1966. RP Eliyâs-Patrick Leroy, Lettres aux amis du sanctuaire de saint Elie n° 187, 188 et 189, 2004, « Paul l’apôtre des nations 1, 2 et 3 ». RP Jean-Marie Berland, Lettre aux amis du sanctuaire de saint Elie n° 9 août 1989, « Lire saint Paul, hier et aujourd’hui ». Sous la direction de Xavier Léon-Dufour, Vocabulaire de Théologie Biblique (VTB), Editions du Cerf, Paris, 1981. Notes: 1. Saint Paul apparaît dans le Livre des Actes à partir du chapitre 7, lors de la lapidation du proto-martyr Etienne, et devient à partir du chapitre 13, le héros principal de ce récit écrit par l’évangéliste Luc, qui, selon certains auteurs, fut rédigé grande partie pour défendre la mémoire de Paul. Le Livre des Actes peut être considéré comme le premier Livre de l’histoire de l’Eglise. On pourra lire avec profit les notices introduisant la lecture des Actes et des Epîtres Pauliniennes des Bibles actuelles. Pour beaucoup de spécialistes, l’influence providentielle de saint Paul sur la doctrine chrétienne a sans doute permis aux disciples d’être autre chose que des juifs messianiques. Mais accuser Paul d’être à l’origine d’une nouvelle religion est absurde, il y a eu conflit entre Paul, Pierre et Jacques quant aux prescriptions de
2. Le mot justice a connu une évolution sémantique importante aux cours des siècles et comprend encore diverses acceptions. En premier lieu la justice désignait l’observance intégrale des préceptes divins, et donc une conduite conforme à Identifier la justice et l’observance extérieure de
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Année Saint Paul |