LES PSAUMES "LAUDIQUES"
Psaume 148: Louez le Seigneur, car son Nom seul est sublime
Les trois derniers psaumes, 148,149,150, appartiennent depuis l'origine dans toutes les Eglises à l'Office du matin appelé laudes en raison de leur présence.
C'est sans doute, un héritage apostolique de la prière juive du matin: Cha'harite. Notre Eglise les utilise aussi à la sainte Eucharistie pendant la communion du clergé. Répétés si souvent, les psaumes de louanges risquent de se limiter à notre conscience à une douce musique de fond, je vous invite à approfondir leur intelligence en commençant évidemment par le psaume 148:
Alleluia. Louez le Seigneur du haut du ciel,* louez dans les hauteurs. Louez-le, tous ses anges, * louez-le toutes ses puissances; Louez-le, soleil et lune, * louez-le tous les astres et la lumière; Louez-le, cieux des cieux, * et vous espaces célestes; Qu'ils louent le Nom du Seigneur, * car il ordonna, et ils furent créés; Il les a établis pour les siècles des siècles,* il a donné des lois qui ne passeront point. Louez le Seigneur du sein de la terre,* monstres marins et tous les abîmes; Feu, grêle, neige et brouillard, * vents de tempête, exécuteurs de sa Parole; Montagnes et toutes les collines, * arbres fruitiers et tous les cèdres. Animaux sauvages et tout le bétail,* Tout ce qui rampe et ce qui vole; Rois de la terre et tous les peuples, * princes et tous les juges de la terre; Jeunes hommes et jeunes filles, * vieillards et adolescents; Qu'ils louent le Nom du Seigneur, * car son Nom seul est sublime. Sa majesté domine terre et ciel, * il a relevé le front de son peuple. Sujet de gloire pour tous ses fidèles, * pour Israël, son peuple qui lui est cher. Alleluia
Le psaume 148 est un vrai "cantique des créatures", un alléluia cosmique qui embrasse tout et tous dans la louange divine. David, le saint roi, invite toutes les créatures à louer Dieu: 1. Les habitants des cieux: les anges et les armées des esprits bienheureux, le soleil, la lune et les étoiles, les cieux eux-mêmes et les eaux supérieures. Il en donne pour motif la toute-puissance créatrice et providentielle de Dieu. 2. Les habitants de la terre: les éléments, les êtres raisonnables de tout rang, de tout sexe et de tout âge. Dieu a fixé à chacun une place et une fonction; l'homme les reçoit, leur donne une place dans la prière et, ainsi disposés, il les conduit à la célébration liturgique. L'homme de louanges est liturge de la création. 3. Il donne pour motifs: la majesté et la gloire de Dieu ainsi que les bienfaits du Seigneur envers son peuple Il conclut ce psaume en exhortant les enfants d'Israël à sanctifier le Nom sublime de Dieu.
Nous trouvons dans le ciel les chantres de l'univers stellaire: les astres les plus lointains, les légions d'anges, le soleil et la lune, les étoiles brillantes, les "cieux des cieux ", les eaux supérieures que l'homme de la Bible imagine conservées dans des réservoirs avant de se déverser en pluie sur la terre.
Louez le Seigneur, en hébreu Alléluia, retentit huit fois et dans ce chiffre de la résurrection, de l'accomplissement, a pour fin ultime l'ordre et l'harmonie des êtres célestes: "Les éléments du cosmos sont "établis pour les siècles des siècles", ils sont "posés par des lois qui ne passeront point". Après "le jour du Seigneur", quand le cosmos sera purifié par le feu, -2 Pierre 3,10- il y aura "une nouvelle terre et de nouveaux cieux", -Apoc. 21,1-, mais la révélation n’oblige aucunement a croire que le monde matériel sera anéanti. La tradition enseigne qu’une simple métamorphose/transfiguration.
Le regard se tourne ensuite vers l'horizon terrestre où se déroule une procession de chantres, au moins vingt-deux, c'est-à-dire une espèce d'alphabet de louange, disséminé sur toute notre planète. Voici les monstres marins et les abîmes, symboles du chaos aquatique sur lequel est fondée la terre - Ps 23, 2-, selon la conception cosmologique des anciens sémites. Saint Basile observait "
Pas même l'abîme ne fut jugé méprisable par le psalmiste, qui l'a accueilli dans le chœur général de la création, et même, par le langage qui est le sien, il complète lui aussi harmonieusement l'hymne qui s'élève vers le Créateur" (Homélies sur l'Hexameron, III, 9. PG 29, 75).
La procession se poursuit avec les créatures de l'atmosphère: le feu, la foudre, la grêle, la neige, le brouillard et le vent de tempête, envisagé comme un rapide messager de Dieu exécuteur de sa Parole. Puis leur succèdent les montagnes et les collines, considérées par la pensée populaire comme les créatures les plus anciennes de la terre. Le règne végétal est représenté par les arbres fruitiers et les cèdres, le monde animal, est lui, présent par les bêtes sauvages, le bétail et animaux domestiques, les reptiles et les oiseaux. Et, enfin, voici l'homme qui préside la liturgie de la création. Il est défini selon tous les âges et distinctions: petits enfants, jeunes gens et jeunes filles, vieillards et adolescents, princes, rois et nations. Il préside sans être exclusif comme le montre avec humour ce dit rabbinique: "Quand le Roi David eut fini le livre des psaumes, il se sentit très fier et dit "Seigneur de l'univers, as-tu une créature qui proclame plus ta gloire que moi?". Alors Elohim lui envoya une grenouille qui dit: "Ne sois pas si fier, David. Je chante les louanges de mon Créateur plus souvent que toi. Et, de plus, comme grand acte de vertu, quand l'heure de ma mort est arrivée, je descends au fond de la mer et je me laisse avaler par une de ses créatures. Et voilà, même ma mort est une action de bienfaisance". -Yalkut Shimoni 2.889-. Saint Jean Chrysostome pose un regard d'ensemble sur l'immense chœur de la création. Il le fait avec des mots qui renvoient au cantique des trois jeunes gens dans la fournaise ardente. "Selon leur grande rectitude d'âme, les saints, quand ils s'apprêtent à rendre grâce au Seigneur, ont pour coutume d'appeler beaucoup à participer à leur louange et ils les exhortent à entreprendre avec eux cette belle liturgie. C'est ce que firent aussi les trois jeunes gens dans la fournaise, quand ils appelèrent toute la création à rendre grâce pour le bienfait reçu et à chanter des hymnes à Dieu -Dn 3-. C'est ce que fait également ce psaume, quand il appelle les deux parties du monde, le monde d'en haut et le monde d'en bas, la partie sensible et la partie intelligible. C'est ce que fit aussi le prophète Isaïe quand il dit: "Cieux, criez de joie ; terre, exulte, car le Seigneur a consolé son peuple" -Is 49-, 13-. Et c'est ainsi que le psautier s'exprime à nouveau: "Quand Israël sortit d'Égypte et Jacob de chez un peuple étranger, les montagnes bondirent comme des béliers, et les collines comme des agneaux" -Ps 113, 1. 4-. Et ailleurs chez Isaïe: "Que les nuages déversent la justice" -Is 45, 8-. En effet, les saints, parce qu'ils estiment qu'il n'est pas suffisant qu'eux seuls rendent grâce au Seigneur, se tournent de tout côté pour convoquer toute la création à l'hymnologie commune » (Commentaire du psaume 148 : PG 55, 484-485).
Nous sommes invités, nous aussi, à nous associer à cet immense chœur, en devenant la voix explicite de toute créature en louant Dieu dans les deux dimensions fondamentales de son mystère. D'un côté, nous devons adorer sa grandeur transcendante "parce que seul son Nom est sublime, sa gloire resplendit sur la terre et dans les cieux ", comme dit notre psaume. D'un autre côté, nous reconnaissons sa bonté bienfaitrice, car Dieu est proche de ses créatures et vient spécialement en aide à son peuple: il a relevé le front de son peuple, sujet de gloire pour tous ses fidèles (l'hébreu dit "ses amants" ceux qui l'aiment), pour Israël, son peuple qui lui est cher, comme l'affirme encore le psalmiste.
Ce qui donne de la valeur à chaque être évoqué dans le psaume, c’est d’avoir été créé par Dieu: "Il ordonna et ils furent créés." Le verbe employé dans le texte hébreu est "bara " qui n’est utilisé qu’à propos de Dieu. Lui seul peut appeler à l’être. Les exégètes diront plus tard que bara-créer, c’est "faire de rien" mais assurément il désigne une action sur la formation du monde qui est propre à Dieu, unique en son genre, prodigieuse et dûment impossible à tout être créé.
Les spirituels voient une lumière particulière qui se dégage de chaque être en tant que créature. Si la plupart des êtres humains ne voient pas cela, c’est que leur cécité est due au péché d'Adam. Ils ne reconnaissent pas la véritable nature de ce qui les entoure à savoir un effet de la bonté de Dieu. Le péché les aveugle dans la perception d’un aspect pourtant essentiel de ce qui existe, la relation à Dieu qui soutient tout. Recherchons la pureté du cœur et nous découvrirons que du fait même de leur existence, toutes les créatures "louent" déjà Dieu. Lorsque l’esprit d’adoration habite celui qui prie, le trop plein rejaillit sur la nature. C’est une explication possible de l’originalité du psaume 148. Plusieurs psaumes (ex. : Ps. 8) s’adressent aux hommes pour qu’ils comprennent le témoignage qui émane du monde à la gloire de Dieu. Mais alors que ces psaumes en tirent au nom des créatures muettes l’objet d’une louange, ici pour la première fois, le psalmiste s’adresse directement aux créatures pour que d’elles-mêmes, elles louent leur créateur. Le psalmiste a fait école puisque, dans le livre de Daniel, les jeunes gens condamnés à la peine du feu chantent dans la fournaise: Bénissez le Seigneur, toutes les œuvres du Seigneur… -Daniel 3, 57-87 selon LXX- Le rapport entre l’homme et la nature selon le psaume 148 présente une vision du monde à contre-pied de deux représentations du monde à rejeter parce qu’à jamais inadéquates: la conception mythologique primitive, reprise par la science selon laquelle les forces naturelles dominent l’homme qui, lui-même est le produit de l'évolution naturelle sans initiative divine, et, la conception technocratique suivant laquelle l’homme domine la nature, et froidement, en dispose à sa guise.
Le psaume 148 préconise plutôt une vision du cosmos où l’humanité et les autres créatures, tant célestes que terrestres, sous le regard de Dieu, vivent en interrelation mutuelle. Ainsi, dans ce contexte de compagnonnage et de fraternité cosmique, l’homme ne possède pas davantage le monopole de la prière que celui de la vie et de l’existence. Son rôle est un rôle diaconal, il consiste à secouer la léthargie des créatures qui attendent la pleine libération du cosmos par la victoire du grand Corps du Christ sur les puissances du mauvais. Pour que, par lui comme médiateur, les créatures puissent remplir adéquatement leur mission de louange et de service cultuel. Avec l'anaphore de saint Jacques, l'Eucharistie unit le cosmos à l'Assemblée ecclésiale: "Toi que chantent les cieux et les cieux des cieux et toutes leurs puissances, le soleil et la lune et tout le cortège des étoiles, la terre, la mer et tout ce qu'elle contient, la Jérusalem céleste, l'assemblée des élus…". Je crois certainement que ceci n'est pas que poésie, mais conforme à l'ordre divin.
Psaume 149. Chantez au Seigneur un chant nouveau
Le psaume 148 exhorte toutes les créatures, dans leur diversité, à la louange du Dieu Créateur: en commençant par les créatures célestes, il parcourt ensuite la totalité des animaux de la terre, de la mer, et des airs, passe ainsi par tout genre de peuples pris dans son ensemble avec les différences d’âges, de sexes, de puissances, appelant toutes créatures à honorer le Nom du Seigneur, afin que brille la gloire de celui qui, de lui, a rempli tout l’univers de vie -cf. Jn 1, 4-.7-.
"Alleluia que nous traduisons par "louez le Seigneur" se compose de deux mots racines: hillel et le nom ineffable de Dieu – Iod Hé Vau Hé-; la racine "hallel" signifie "briller, illumine". Quand nous louons le Nom du Seigneur, nous demandons à Dieu de faire briller son Nom dans sa bienveillance pour sa création, et aussi dans notre cœur. Le monde entier est invité à la louange divine. Il montre que cet hymne est présidé par le "peuple qui lui est cher" - Ps 148, 14-.
Après cela, David ouvrant le psaume 149, indique aux enfants d'Israël les motifs qu'ils ont de célébrer Dieu: la mission qu'ils reçoivent de lui et qui les fait sur la terre les bénéficiaires puis les témoins de sa puissance et de sa justice. Historiquement, le roi psalmiste a en vue les victoires des Israélites, revenus de la captivité, sur les peuples voisins qui s'opposaient à la reconstruction du temple. Dans le sens spirituel, il invite tous les saints à louer Dieu, à cause de la grâce qui leur est accordée et de la gloire qu'ils reçoivent de sa bienveillance et de sa miséricorde.
Ps. 149: Chantez au Seigneur un chant nouveau * sa louange dans l'Eglise Sainte. Qu'Israël se réjouisse en son Créateur, * que les fils de Sion soient dans l'allégresse en leur Roi; Qu'ils célèbrent son Nom par la danse, * qu'ils le chantent sur la harpe et le tambourin. Car le Seigneur se complaît dans son peuple, * et il couronne les humbles de Salut; Ses fidèles triomphent de gloire, * ils crient de joie sur leur lit de repos; A pleine gorge, ils magnifient Dieu, * ils ont à la main le glaive à deux tranchants, Pour exercer la vengeance contre les idolâtres, * pour exercer le châtiment parmi les peuples; Pour lier les rois avec des chaînes, * et leurs grands avec des entraves de fer; Pour exécuter contre eux le jugement écrit, * telle est la gloire de tous ses Saints.
Le Psalmiste invite les enfants d'Israël à chanter les louanges de Dieu avec un chant nouveau.
"Chantez au Seigneur un chant nouveau, sa louange dans l'Eglise sainte." L'hébreu dit: chantez pour le Seigneur un chant nouveau, sa louange dans l'Assemblée des pieux fervents. (hassidim" les pieux, les fidèles", ceux qui répondent avec fidélité et amour (hesed) à l'amour paternel du Seigneur). "L'Assemblée" est celle convoquée par le Seigneur –"Qahal"- qui a donné "Ecclesia Eglise". Ce n'est pas une simple réunion de gens, certes dévots, mais de ceux qui répondent à l'appel de Dieu et qui se réunissent en sa présence. C'est à bon droit que nous pouvons simplement appeler cette assemblée des pieux amis de Dieu: "Eglise sainte ou Eglise des saints". La septante traduit pieux ou purs. La vulgate latine donne "L'Eglise des saints".
Nous sommes invités à chanter au Seigneur un chant nouveau. L'homme nouveau de la Nouvelle Alliance connaît ce chant nouveau. Le chant est affaire de joie et, si nous y portons notre regard plus haut, il est affaire d'amour. L'amour seul est toujours nouveau et toujours ancien, parce qu'il est le Logos de Dieu, qui ne vieillit point. (Augustin, sur les Psaumes 149). Une anaphore wisigothique s'adresse au Père céleste qui nous envoie son Fils bien-aimé, en disant aussi: "plus chacun te contemple au fond de lui-même, plus tu deviens grand à ses yeux, parce que tu es toujours nouveau et toujours ancien". Les saints qui aiment la vie nouvelle en Christ savent chanter le chant nouveau. Car tout appartient au même royaume: l'homme nouveau, le chant nouveau, l'Alliance nouvelle, le sacerdoce nouveau, la Jérusalem céleste l'assemblée des élus, l'Eglise des premiers nés qui sont inscrits au ciel, les esprits des justes et des prophètes, les âmes des martyrs et des apôtres. (anaphore selon saint Jacques) Et ce cantique est celui de la paix. Que trouvons-nous dans l'amour nouveau, sinon la paix, la paix de Dieu qui règne dans le cœur, lien d'une société sainte, d'une union spirituelle, d'un édifice de pierres vivantes? Où rencontrer cela? Non point dans un seul endroit, mais dans l'univers entier. Quand nous quittons l'Assemblée liturgique, nous ne nous séparons pas: unis par un seul pain, un seul calice, nous faisons un seul corps animé par un seul Esprit. Et nous avons accès à cette communion des saints, quand nous voulons, comme nous voulons, par le soin que nous portons à chacun dans la prière et les œuvres. L'Alliance est nouvelle, le commandement de la charité est nouveau, le calice du Salut est nouveau, le langage que doivent parler les fidèles est nouveau, le caractère du chrétien est l'homme nouveau, la voie que Jésus-Christ a ouverte est nouvelle, le ciel qu'on nous destine est nouveau, la Jérusalem dont nous sommes citoyens est nouvelle, le cantique qu'on y chante est nouveau. (Augustin)
Qu'Israël se réjouisse en son Créateur, * que les fils de Sion soient dans l'allégresse en leur Roi Se réjouir en son créateur, c’est aussi tressaillir de joie en son roi. C’est le Logos, Parole du Père, qui vous a faits et qui les temps accomplis est venu parmi nous. Il est le roi qui nous gouverne, parce qu’il est le créateur qui nous a faits. Et celui par qui nous avons été créés, est aussi celui par qui, bon pasteur, nous sommes conduits. Donc c'est en ce Roi que se réjouissent Israël et les fils de Sion. Sion, c’est-à-dire notre Mère dans les cieux, la cité des premiers-nés qui sont inscrits et des myriades d’anges (cf. He 12, 22-23). Et cet Israël nouveau qui n'efface pas l'ancien, c’est celui sur lequel repose la paix de l’Apôtre.-Ga 6, 16-. Les fils, ce sont ceux qui, accueillant et confessant le Roi, sont devenus enfants de Dieu, ceux qui, dans un corps, ont reconnu Dieu avec les yeux de l’esprit.
Qu'ils célèbrent son Nom par la danse, * qu'ils le chantent sur la harpe et le tambourin. Les Enfants de Sion, les enfants de la noce mystique sont emplis de l'ivresse de l'Esprit. Ils dansent, ils chantent le Christ bienfaiteur. Le monde entier, de l’Orient et de l’Occident, par leur fête, résonne pour le roi qui donne sa vie pour le Salut du monde. Cette union intime d'un seul corps, d'un seul sang, attache son peuple à Dieu. C'est le sens de cette parole: "En leur roi." Ce n'est pas simplement à cause de la création que le Seigneur est leur Roi, il l'est encore à cause de cette union mystique dans laquelle le Fils de Dieu selon la prière de communion, nous assemble dans son corps de gloire: "il nous rend dignes, lui notre Roi, de participer à son saint corps et à son précieux sang pour la pureté de notre âme, de notre corps et de notre esprit, et pour la rémission de notre péché et de nos fautes, afin que nous devenions un même corps et un même esprit avec Lui".
Car le Seigneur se complaît dans son peuple, * et il couronne les humbles de Salut; Après avoir invité à la danse céleste, voici la cause de ce cantique nouveau: Dieu prend plaisir en son peuple comme il a toute sa joie en son Fils bien-aimé. Les humbles de Dieu sont anawim/pauvres du Seigneur, doux, en contraste à l'idée d'orgueilleux, hautains, les anawin sont fidèles et soumis à sa volonté -Is 60,14 ; 62,4-5-. Délivrés une fois pour toute du joug ennemi -Is 45,17 ; 46,13-, ils apparaissent désormais comme membres d’une nation recevant la gloire de son Dieu. -Is 55,4-5-. Ce que chacun possède de cette gloire, intelligence, force, sagesse, ne lui appartient pas, tout est don de Dieu bienveillant. Ses fidèles triomphent de gloire, * ils crient de joie sur leur lit de repos; Les hassidim, les pieux élèvent leur joie même de nuit. La plus petite interruption du sommeil permet de se souvenir de Dieu et lui rendre grâces. Cette couche est-elle aussi "le lieu de repos", c’est-à-dire dans les cœurs où le Seigneur de gloire repose.
A pleine gorge, ils magnifient Dieu, * ils ont à la main le glaive à deux tranchants, Pour exercer la vengeance contre les idolâtres, * pour exercer le châtiment parmi les peuples; Pour lier les rois avec des chaînes, * et leurs grands avec des entraves de fer; Voici un chant bien belliqueux: Dans la perspective actuelle de notre prière, cette symbolique guerrière devient une image de notre engagement de croyants qui, après avoir chanté à Dieu la louange du matin, partent sur les routes du travail, affrontant, en eux et dans le monde, le mal et l'injustice. Il semble que les forces qui s'opposent au Royaume de Dieu sont imposantes: "peuples, nations idolâtres, rois et grands de ce monde". Pourtant le fidèle est confiant, car il sait qu'à ses côtés se trouve le Seigneur qui est le vrai Roi de l'histoire. Sa victoire est déjà assurée. Tous les "hassidim" par le glaive à deux tranchants qui est la Parole de Dieu qui sépare la lumière des ténèbres, la justice de l'injustice, participent à cette lutte. Tous les fidèles et les justes, avec la force de l'Esprit, mènent à bien l'œuvre admirable qui porte le nom de Royaume de Dieu en prenant bien garde de ne pas tomber eux aussi dans l'esprit d'idolâtrie des systèmes et idéologies.
Pour exécuter contre eux le jugement écrit, * telle est la gloire de tous ses Saints. le Christ dit: "J’ai vaincu le monde " -Jn 16,33 ;& 1 Jn 5,4-5-, il a lutté et triomphé, non pas avec le glaive mais avec la croix. Voici le jugement écrit de toute éternité: "Seul tu es saint, et toutes les nations viendront et se prosterneront devant toi, car ta justice a été manifestée." –Ap 15.4-
Psaume 150 Que tout ce qui respire loue le Seigneur
Saint Hilaire de Poitiers nous dit à propos du psaume 150:
"Le livre des Psaumes se ferme sur un hymne d'actions de grâces, afin de nous enseigner ce que doit être là le commencement et la fin de nos actions et de nos paroles".
Ps. 150: Alléluia. Louez Dieu dans son sanctuaire, *louez-le au firmament de sa puissance; Louez-le pour ses hauts-faits. * louez-le selon sa grandeur infinie. Louez-le au son du cor, * louez-le sur la cithare et la harpe; Louez-le par le tambourin et la danse, * louez-le avec les cordes et les fifres; Louez-le avec les cymbales triomphantes, * louez-le avec les cymbales retentissantes: * Que tout ce qui respire loue le Seigneur. Alléluia
Louez Dieu dans son sanctuaire, louez-le au firmament de sa puissance. Le texte grec de la septante dit: "Louez Dieu dans ses sanctuaires". L'hébreu chante: "dans sa sainteté", le latin de la vulgate traduit "dans ses saints".
Nous pouvons donc comprendre de deux façons: "Louez Dieu pour sa sainteté" ou "Louez Dieu dans ses [lieux] saints", réceptacles où repose sa sainteté: temples de pierres ou personnes humaines. Dans le premier cas, il s’agit d’un attribut divin, dans le second, d’un lieu, à savoir principalement le sanctuaire de sa gloire. La deuxième partie du verset au "firmament de sa puissance" m'incline à pencher pour la seconde version. Nous louons le Seigneur présent sur la terre, dans ses sanctuaires, et aussi dans les cieux, le firmament de sa puissance, le sanctuaire de la terre, icône de celui des cieux. Une de nos prières de sanctification de l'Office divin nous invite chanter la présence du Seigneur en tous lieux et en tout temps:
"Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu des Armées célestes, le ciel et la terre sont remplis de ta gloire et de ta splendeur. Tu es Saint, trônant parmi les saints, tu es Saint dans les cieux, résidence de ta majesté; tu es Saint sur la terre, œuvre de ta toute-puissance; tu es Saint à jamais dans tous les siècles et dans l'éternité; remplie de ta gloire est toute la terre. Bénie est la gloire du Seigneur en son sanctuaire".
Le sanctuaire est aussi le lieu de la rencontre de Dieu et de ses saints, l'Eglise n'est pas seulement un bâtiment de pierres, mais avant tout, la rencontre de Dieu et de ses fidèles. Un lieu privilégié est le cœur des saints, aussi lorsque nous chantons ce psaume au moment de la communion eucharistique, il fait écho à l'invitation du prêtre: "ce qui est Saint aux saints, approchez avec foi, crainte de Dieu et amour".
Dans notre célébration du dimanche, osons proposer que toute la gloire du firmament correspond à la puissance que le Sauveur Dieu a opérée et exercée pour et dans ses saints, pour les ressusciter d’entre les morts. "Celui qui est ressuscité des morts, nous fait ressuscités avec lui". C'est dans la résurrection du Christ que la puissance divine paraît avec le plus d’éclat; comme sa faiblesse parut en sa Pâque de la mort à la vie, ainsi que l’a dit l’apôtre: "S’il a été crucifié selon la faiblesse de la chair, il est néanmoins vivant par la force de Dieu".
Louez-le pour ses hauts-faits. * louez-le selon sa grandeur infinie. Deux hauts faits particuliers sont retenus par la mystique juive: la contraction de sa Lumière pour laisser une place à la création, et son Alliance avec son peuple dont l'acmé réside dans la Pâque de la mer rouge pour la libération de l'oppression. Les chrétiens se centrent plutôt sur la libération du péché d'Adam et du mauvais penchant, apportée par la kénose du Logos dans son incarnation, la croix et la résurrection. Saint Hilaire de Poitiers s'interroge: "Pourquoi les saints ne seraient-ils pas la grandeur infinie de Dieu? Je ne parle pas de sa propre grandeur, mais de la grandeur qu'il donne à la multitude innombrable". La véritable grandeur n'est-elle pas de porter à son propre niveau ceux que l'on aime? Et notre Dieu appelle la multitude à recevoir la force de son Esprit Saint, pour communier parfaitement avec lui dans son Enfant bien-aimé Jésus. Voici le "haut-fait" le plus admirable et digne de toutes louanges. Louanges que nous devons concrétiser par une vie digne de la "grandeur infinie" du don de l'adoption divine.
Louez-le au son du cor, * louez-le sur la cithare et la harpe; Louez-le par le tambourin et la danse, * louez-le avec les cordes et les fifres; Louez-le avec les cymbales triomphantes, * louez-le avec les cymbales retentissantes: Tous ces instruments étaient joués dans le temple de Jérusalem. Chacun correspondait à une fonction du cœur qui devait s'exprimer en harmonie avec l'appel de Dieu: Le cor, (l'hébreu parle du shofar) utilisé pour la fête de kippour, le grand pardon; c'est donc l'instrument qui symbolise la rigueur divine et appelle à la conversion. La cithare et la harpe, image de l'attribut divin de bonté invite à la joie et le plaisir ineffable de la communion des saints. Le tambourin et la danse concrétise le bonheur et la gaieté réservée, comme le montre si bien la danse de la liturgie de l'Eglise éthiopienne. Oserai-je comparer la danse liturgique à la mystérieuse périchorèse des trois personnes divines de la tri-unité sainte?
Il n'est pas impossible que David nous propose aussi, de mettre en mouvement tous les cœurs comme ces instruments pour que tous se réunissent un seul chœur pour célébrer la gloire de Dieu, les cœurs embrasés d'amour pour lui. "Vous êtes donc vous-mêmes les trompettes, le psaltérion le tambour, le chœur, les cordes, la cythare et les cymbales de jubilation, harmonieuses, parce qu'elles s'accordent avec tous les autres instruments" écrit un auteur ancien. Comme chaque instrument doivent s'écouter pour former une symphonie agréable, les fidèles doivent accorder leur voix et leurs cœurs, chacun doit être honoré par ses frères, cet honneur mutuel devient pour Dieu une louange.
Que tout ce qui respire loue le Seigneur. Alléluia L'hébreu écrit: kol haneshama tehael Yah /que tout ce qui vit et respire loue le Seigneur. Néshamah, traduit dans la septante par pnoé, en latin spiraculum, respiration ou plus précisément ce qui permet la respiration. Neshama désigne l'âme en tant que le souffle de vie qui réside en tout ce qui vit, il est lié au corps et, selon la tradition juive, après la mort physique, reste en union avec le corps ou du moins conserve sa forme permanente qui permettra la résurrection. Voir: http://coptica.free.fr/Files/sur_l_ame.pdf
Ne pensons pas que ce "tout ce qui respire" se réfère seulement aux croyants, ni encore à l'humanité. Neshama, comme l'indique Genèse 7,22, englobe "tout ce qui est animé d'un souffle de vie, les oiseaux, le bétail, tous les animaux et tous les êtres humains". Une des traductions modernes de l'hébreu propose: "que toute âme lumineuse loue le Seigneur". Car ce souffle de Vie est un don de Dieu, en ce sens, il participe de la lumière divine, toute louange doit émaner de l'âme de vie et conduire au monde futur. Saint Irénée invite notre afflatus (souffle/neshama) à recevoir Spiritus (l'Esprit Saint) pour y communier parfaitement.
Pour ce qui est de notre psaume 150, il suffit de savoir que notre action de grâces embrasse toute la création, œuvre des mains de Dieu qui "ordonna et tout fut créé"; ce tout est invité au monde futur. Dans notre eucharistie, le cosmos est christianisé et transfiguré dans la beauté de l'Esprit Saint. + E-P février-avril 2019
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