Origine de la fête de la Transfiguration

 

0.1.La tradition juive et évangélique:

A l’époque de la fin du Second Temple, on allumait des feux sur le sommet du mont Thabor afin d’annoncer aux communautés juives les débuts des mois et des jours de fêtes proclamés par le Sanhédrin dans le Temple de Jérusalem. Le Thabor servait donc de montagne-relais pour la proclamation des jours de fêtes.

Selon une tradition rabbinique rapportée par un midrash sur les Psaumes, il est dit que: "lorsque le Saint, Béni Soit-il, désira transmettre la Torah à Israël, le Carmel et le Thabor se rendirent au Sinaï. Le Thabor déclara alors à Dieu: "J’ai été appelé Mont Thabor et sur moi est digne de reposer la Présence divine (Shekhina) parce que je suis plus haute que toutes les montagnes et que les eaux du déluge ne se sont pas déversées sur moi."            

Notre fête de la Transfiguration est célébrée au milieu de l'été, or il n'est pas impossible que l'événement évangélique ait eu lieu à l'automne.  Il y a d'abord Yom Kippour, la fête du Grand Pardon, et, six jours après, on célèbre, une semaine durant, la fête des Tentes (Soukkhot).

                                         

Le jour du Grand Pardon  est le seul jour de l'année où le grand prêtre prononce solennellement le nom de YHWH dans le Saint des Saints du Temple. La confession de foi de Pierre en Jésus Fils du Dieu vivant  qui précède la péricope de la transfiguration acquerrait, dans ce contexte, une nouvelle profondeur. Les six à huit journées désigneraient alors la semaine de Soukkhot, la fête des Tentes.  Cette fête rappelle aux juifs qu'au long de leurs pérégrinations, ils furent protégés en permanence par Adonaï sous la forme de colonnes de feu la nuit et de nuées le jour. Ils doivent  s'en remettre entièrement à lui de façon sincère et confiante. La fête de Soukkot est donc, outre une occasion joyeuse, ainsi que l'indique la liturgie (Yom Sim'hateinou -- jour de notre joie ou Z'man Sim'hateinou -- saison de notre réjouissance), le mémorial de la présence bienveillante de Dieu à son peuple. Elle est aussi une fête des récoltes où l'on rend grâce pour les fruits de la terre. 

                                                                 

Venons-en à présent au texte même de la Transfiguration. On peut y lire que Jésus prit avec lui Pierre, Jacques et Jean, et qu'il les emmena seuls sur une haute montagne -cf. Mc 9, 2-.  

Comme c'était déjà le cas pour le Sermon sur la montagne et dans les nuits de prière, nous rencontrons à nouveau la montagne comme lieu de la proximité de Dieu. Rassemblons donc les différentes montagnes de la vie de Jésus : la montagne de la tentation, la montagne de sa grande prédication, la montagne de la prière, la montagne de la Transfiguration, la montagne de l'angoisse, le Golgotha,  montagne de la crucifixion et pour finir la montagne de l'Ascension, sur laquelle le Seigneur, en opposition avec l'offre de domination sur le monde par le pouvoir du diable, déclare : " Tout pouvoir m'a été donné au ciel et sur la terre " -Mt 28, 18-.

Mais en arrière-plan,  avec la présence de Moïse et d'Elie, on voit aussi se profiler le Sinaï, l'Horeb, - monts de la révélation de la Première Alliance, qui sont tout à la fois des monts de la passion et des monts de la révélation, et qui renvoient aussi au mont du Temple, sur lequel la révélation devient liturgie.

Il y a d'abord en arrière-fond le symbolisme général de la montagne: la montagne comme lieu d'élévation, non seulement d'ascension extérieure, mais aussi d'élévation intérieure. La montagne comme libération du fardeau de la vie quotidienne, comme respiration de l'air pur de la création, la montagne du haut de laquelle on embrasse l'étendue de la création et sa beauté, la montagne qui me donne une élévation intérieure et qui me fait pressentir le Créateur.

À partir de l'histoire, s'ajoutent à tout cela l'expérience du Dieu qui parle et l'expérience de la passion, avec son apogée dans le sacrifice d'Isaac, dans le sacrifice de l'agneau, préfiguration de l'Agneau définitif sacrifié sur la montagne du Golgotha. Sur la montagne, Moïse et Élie avaient pu recevoir la révélation de Dieu; et ils s'entretiennent maintenant avec celui qui est Dieu en personne.

"Et il fut transfiguré devant eux ",
dit alors Marc avec une grande simplicité, ajoutant avec une certaine maladresse, quasi balbutiant devant le mystère: "Ses vêtements devinrent resplendissants, d'une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille" -Mc 9, 3-. En cette circonstance, les mots dont dispose Matthieu sont déjà bien plus grandioses: "Son visage devint brillant comme le soleil, et ses vêtements, blancs comme la lumière" -Mt 17, 2-.

Luc est le seul à avoir évoqué le but de l'ascension, "il alla sur la montagne pour prier ", avant de relater ensuite l'événement dont les trois disciples sont témoins :" Pendant qu'il priait, son visage apparut tout autre, ses vêtements devinrent d'une blancheur éclatante" -Lc 9, 29-.

La Transfiguration est un événement de prière. Ce qui devient visible, c'est ce qui se passe quand Jésus parle avec le Père, l'intime unité de son être avec Dieu, qui est pure lumière. Dans son union avec le Père, Jésus est lui-même lumière de lumière.

Et pourtant le vêtement blanc de lumière que porte Jésus lors de la Transfiguration parle aussi de notre avenir. Par le Baptême, nous avons été revêtus de lumière avec Jésus et nous sommes devenus nous-mêmes lumière.  


0.2 Archéologie:

Depuis l’époque byzantine, le lieu traditionnel de la Transfiguration du Christ est le mont Thabor. Les trois récits de la Transfiguration rapportés dans les Evangiles ne donnent aucune précision topographique "sur la haute montagne ". Très vite, il fut évident que la seule colline qui domine la basse Galilée était le Mont Thabor.

                               

Au début du 4ème siècle, on hésitait encore sur la localisation du récit. L’Eglise de Jérusalem célébrait l’événement sur le Mont des Oliviers alors que d’autres avançaient l’hypothèse du mont Hermon (la plus haute montagne du pays). Eusèbe de Césarée sembla opter pour l’option du Mont Thabor qu’il prit comme point de repères pour situer les autres sites bibliques.

C’est à la fin du 4ème siècle que fut érigé un premier sanctuaire sur l’emplacement de l’actuel monastère grec orthodoxe, à proximité de la grotte où une tradition d’origine égyptienne et attestée par saint Athanase situe la rencontre entre Abraham et Melchisédech -Gen. 14, 17-24-. Plus tard, au 5ème siècle, une triple église de type syriaque fut construite au sommet de la colline à l’emplacement même de l’actuelle basilique latine édifiée en 1923. 

                                        

La transfiguration liée au cycle pascal est depuis l'origine du temporal, fêtée le deuxième dimanche de carême. A ce titre elle est liée au mystère de la croix. On remarque d'ailleurs que six août, elle précède naturellement de quarante jours la fête de l'exaltation de la Sainte Croix. 

Beaucoup d'historiens rapportent la fête de la transfiguration à la dédicace fin 5è début 6è Siècle de l'église construite sur le mont Thabor.

                                                          

Il faut toutefois savoir que l'Eglise apostolique arménienne attribue l'origine de cette fête à saint  Grégoire l’Illuminateur mort en 325, qui l’a substituée à  la fête païenne appelée Vartavar.

En juillet, quand les champs et les bois de l’Arménie étaient entièrement bourgeonnants, des festivités de Vartavar se tenaient en l’honneur d’Asdghig: roi, princes et peuple, réunis dans les plaines fleuries sur les rives des fleuves, participaient à de joyeuses festivités ; de jeunes  hommes couronnaient la statue d’Asdghig avec des roses, lançaient des pigeons dans le ciel et s’amusaient en s’aspergeant mutuellement d’eau. C'est donc une fête de la création, de la nature. 

Les théologiens contemporains en insistant à la date du 6 août sur l'action de grâce pour la création et la défense de l'environnement retrouvent la source de la fête. Source qui n'a jamais été tarie comme le témoigne la bénédiction des fruits attestée dès les plus anciens sacramentaires et le poème arménien:

"Une rose encore cachée dans le bourgeon retient la beauté de son parfum et de sa couleur, mais une fois épanouie, elle révèle à tous sa fragrance et sa couleur; de même, notre Seigneur a emballé dans Son corps la rose de sa divinité, et, sur le mont Thabor, l’a révélée à ses disciples."

(Jean de Daron)

 

                                                                                     E-P. juillet 2008

 

Le Mystère de la Transfiguration du Seigneur

 

 

1.1 LE SEIGNEUR DE GLOIRE

 

La proclamation (Kérygme) des apôtres repose sur la gloire (doxa) de Dieu dans la création, dans la nature et dans l’histoire ; elle est particulièrement centrée sur la gloire de Dieu reconnue dans la naissance, la vie, la mort et la résurrection de Jésus. La prédication apostolique trouve son achèvement dans l’exaltation du Christ et son siège à la droite du Père; le Christ, premier né, le vivant aux siècles des siècles fait participer toute l’humanité et tout l’univers à sa gloire.

 

Le mot le plus souvent traduit par gloire est le terme hébreu  “Kâbôd”. Il signifie “être lourd”.

La gloire d’un individu se manifeste par sa puissance, souvent à cause de ses richesses, et les richesses engendrent le faste et la magnificence.

Le psaume 21 promet au roi d’Israël (et au Messie) des bénédictions de choix:

 

En vérité tu l’as prévenu de bénédiction de choix

          tu as mis sur sa tête une couronne de pierres précieuses

          Grande est sa gloire dans ton Salut

          tu l’habilles de splendeur et magnificence.

 

Kâbôd désigne aussi la renommée.

L’Esprit du Seigneur conduit le peuple élu pour faire au Seigneur un nom de Gloire magnifique (Isaïe 63,1).

 

Les deux premiers sens de Kâbôd sont d’abord puissance et renom.

Avec la puissance, la gloire implique un phénomène de lumière, un éclat triomphant, un rayonnement.

La description du grand prêtre Simon (Ecclésiastique 50,5-11) fait ressortir assez bien le caractère lumineux de la kâbôd :

          Il était majestueux entouré du peuple

          lorsqu’il sortait de derrière le voile,

          comme l’étoile du matin au milieu du nuage...

          comme le soleil rayonnant sur le temple du Très Haut

          comme l’arc en ciel brillant dans les nuées de gloire...

          quand il avait pris la robe d’honneur

          et revêtu tous ses ornements

          et qu’il montait à l’autel saint

          il faisait resplendir l’enceinte du sanctuaire.

 

L’homme, roi dans la création est par Dieu couronné de gloire comme le chante le psaume 8 :

        O Dieu notre Maître, que ton nom est admirable sur toute la terre

         ta gloire s’élève au-dessus des cieux ...

         Qu’est-ce que l’homme, que tu te souviennes de lui ?

         Le fils de l’homme que tu en aies souci ?

         A peine tu l’as fait moindre qu’un dieu

         tu l’as couronné de gloire et de splendeur

         sur l’oeuvre de tes mains, tu l’as fait dominer.

 

Mais il est une gloire dénuée de fondement et dont les impies se prévalent à tort.

          Les perfides, ..., se confient dans leur richesses

          et se vantent de leurs grandes fortunes...

          Ne crains rien quand l’homme s’enrichit

          et que grandit la gloire de sa maison

          car dans la mort, il n’emporte rien

          sa gloire ne descend pas avec lui. (Ps.49)

La vaine gloire n’est que de l’orgueil. Kâbôd peut désigner le moi ou l’esprit de l’homme. L’intime d’un homme est sa gloire : l’homme pieux sait qu’il est une créature et que toute gloire est un don du créateur, il rend au seigneur la gloire pour son Nom.

 

Au Seigneur, seul appartient la puissance et la gloire.

La gloire du Seigneur est la manifestation de sa puissance dans la création.

         Les cieux racontent la gloire de Dieu

         le firmament manifeste l’oeuvre de ses mains (Ps.19).

Elle est aussi manifestation de la puissance du Seigneur dans l’histoire du salut. Lors du passage de la mer rouge, le Seigneur a fait agir son bras de gloire (Is.63,12). Par le retour d’exil, le Seigneur a racheté Jacob et manifesté sa gloire en Israël (Is.44,23).

 

 

Dans la Théophanie d’Adonaï, la gloire, réalité visible est le rayonnement fulgurant de la divinité. Après que Moïse et Aaron eurent préparé l’holocauste, la gloire du Seigneur se fit voir de tout le peuple, un feu jaillit de devant le Seigneur... (Lév.9,23-24). Quand Moïse gravit la Sainte Montagne, la gloire du Seigneur s’établit sur le Sinaï que pendant six jours la nuée le recouvrit. Le 7ème jour, l’aspect de la gloire du Seigneur apparaissait comme un feu dévorant (Ex.24,15-17).

 

                                                                          

 

 

Ezéchiel montre le temple rempli de la nuée et le parvis rempli par l’éclat  de la gloire du Seigneur (10,4). La gloire du Seigneur est plutôt immobile, stable mais parfois elle se déplace sur ailes des chérubins (10,18-19). C’est là, le thème rabbinique de la Merkabba, le char du Seigneur dans lequel fut enlevé le prophète Elie dans un tourbillon de feu (2 Rois 2,11).

 

                                                                                       

 

 

La gloire présente dans le temple est célébrée par le culte, la bénédiction se conclut en doxologie :

         Tu es béni Seigneur, Dieu de nos pères...

         Béni est ton Nom, Saint et Glorieux...

         Tu es béni dans Ton Temple de ta Sainte Gloire, chanté, glorifié               par dessus tout éternellement  (Dan.3, 52-53).

 

Doxa recouvre aussi la notion de Shekinah : la présence de Dieu.

La gloire de Dieu sera un dais et une tente pour faire ombre le jour contre la chaleur, et servir de refuge et d’abri contre la pluie et l’orage (Is.4, 5-6).

La Gloire est la manifestation et le rayonnement de la puissance du Seigneur et aussi la présence de son amour miséricordieux.

 

La gloire appartient essentiellement à Dieu, mais ne constitue pas une possession égoïste de la divinité. Les Saints jubilent dans la gloire (Ps.149,5).

La nouvelle Jérusalem allaitera et rassasiera tous ceux qui l’aiment à ses mamelles de consolation afin qu’ils sucent avec délice le sein de sa Gloire (Isaïe 66, 11-12).

Jérusalem... revêt pour toujours la beauté de la Gloire de Dieu, prends ta tunique de justice de Dieu, mets sur ta tête la couronne de gloire du Seigneur ; car Dieu veut      ta splendeur partout sous le ciel, car ton nom sera de par Dieu pour toujours : Paix de la justice et gloire de la piété (Baruch 5,1-4).

 

1.2 NOUS AVONS VU SA GLOIRE

 

Donc le mot gloire  (doxa) dans notre bible traduit le plus souvent l’hébreu Kâbod, puis shekinah (présence). La gloire est aussi la majesté (gâ’on ou ge hût) (2) :

         Ils élèvent leur voix, il poussent des cris d’allégresse ; des bords de  la mer, ils célèbrent la (gâ’on) gloire-majesté du Seigneur.(Isaïe 24,14).

 

         Si l’on fait grâce au méchant, il n’apprend pas la justice, il se livre au mal dans le pays de la droiture, et il n’a point d’égard à la (ge hût) gloire majesté de Dieu. (Is.26,10).

 

Doxa exprime aussi la force (oz) :

         Chantez à celui qui chevauche les cieux, les cieux éternels. Voici qu’il fait entendre sa voix, voix de puissance. Rendez gloire (oz) à Dieu, dont la splendeur repose en Israël, dont la force éclate dans les cieux (ps.68).

 

Ainsi la gloire est la manifestation du Dieu transcendant qui se laisse appréhender par sa majesté. La gloire indique sa présence, sa force, son rayonnement fulgurant mais voile autant qu’elle révèle le Tout Autre, l’Infini, l’Inconnaissable.

Sur ce fond lumineux, Isaïe découvre la figure sans éclat ni beauté du Serviteur qui a été pour plusieurs un sujet d’effroi tant son visage était défiguré (52,14) et qui est chargé de faire rayonner la gloire divine jusqu’aux extrémités de la terre : Tu es mon Serviteur, en toi, je révèlerai ma gloire (49,3).

 

Les apôtres ont reconnu en Jésus ce serviteur et proclament le lien entre la gloire divine et la personne de Jésus.

En sa chair, se révèle la gloire du Fils unique de Dieu.

Le  Logos s’est fait chair et il a habité parmi nous. Et nous avons             vu sa gloire, gloire du Fils unique venu du Père, plein de grâce et de                   vérité (Jean1,14).

Jésus accomplit les oeuvres du Père et par là glorifie le Père,  il interroge ses disciples en disant:

Qui est le Fils de l’homme ? Simon-Pierre s’écrie: " c’est Toi, le Christ, le Fils du Dieu vivant. Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et les emmène sur une haute montagne et là il fut transfiguré devant eux. Son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements éblouissant comme la lumière. Moïse et Elie apparus en gloire, s’entretenaient dans la nuée lumineuse avec lui. (Math.17,1-8. Marc9,2-8. Luc 9,28-36).

 

                                                      

 

La Transfiguration confirme la confession de Pierre et dévoile la manifestation du Royaume à venir, non seulement en Christ lui-même mais aussi en ce monde transfiguré avec lui.

 

C’est de tout son corps que jaillit la splendeur de sa divinité et sa lumière sortit en rayons de tous ses membres; car sa chair n’éclatait pas de lumière extérieurement seulement mais c’est de lui que jaillissait la gloire de la Divinité... la lumière ne vint pas non plus d’ailleurs pour le transfigurer; pas plus qu’elle ne lui avait été prêtée pour un usage temporaire. Mais Il ne révéla pas toute l’immensité insondable de sa gloire, seulement ce que les prunelles des apôtres pouvaient en saisir (saint Ephrem le Syrien, homélie sur la Transfiguration, Présence orthodoxe N°16, Paris 1972.).

 

La Gloire est toujours présente en Jésus, mais cachée. Jésus possède la gloire divine dès sa conception immaculée de l’Esprit Saint dans les entrailles de Marie la Vierge. Il la possède dès avant sa résurrection, évènement à partir duquel elle devient sa manifestation ordinaire.

La Gloire de la Transfiguration, celle du ressuscité, n’est pas un don de quelques instants mais un état permanent, elle n’irradie pas le visage du sauveur de l’extérieur mais jaillit de l’intérieur de tout son corps.

 

La transfiguration révèle dans la lumière incréée la gloire du Thé-anthropos (Dieu-Homme) dans l’union des deux natures.

 

                                  

La Gloire est bien celle de la divinité. Elle est un état perpétuel du Christ

 

“car il est né du Père, sans commencement et hors du temps, possédant la propre splendeur de la gloire; fait chair, il est le même demeurant dans la même clarté divine. La chair est glorifiée à l’instant où elle est amenée du non être à l’être ; la gloire de la divinité est aussi appelée la gloire du corps. Le Saint corps n’a jamais existé sans participer à la gloire divine mais il a été enrichi parfaitement, dès le tout début de l’union selon l’hypostase, de la gloire de la divinité invisible, de sorte que la gloire du logos et de la chair est une seule et même chose. ( saint Jean de Damas, homélie pour la Transfiguration, in Assemblée du Seigneur n°42, Bruges 1966.)

 

Avec le concile d'Ephèse nous confessons une seule hypostase, deux natures (divine et humaine) en Christ sans mélange ni division, sans confusion ni séparation, nous sommes aussi certains de la communication des idiomes (ou caractères) des deux natures, car il est un seul et même Fils unique, non divisé ou séparé en deux personnes, ce qui fait qu'il y a une seule personne agissante du Logos incarné.

 

 Il est donc transfiguré, non pas en assumant ce qu’il n’était pas, mais en montrant à ses propres disciples ce qu’il est, ouvrant leurs yeux et faisant des aveugles qu’ils étaient, des voyants.

 

Lors de l’office de la Transfiguration, à l’église, nous bénissons les fruits, aboutissement du travail de la nature et de l’homme, ils sont les symboles des fruits que nous porterons spirituellement si nous nous ouvrons à la vie intérieure.

 

Nous offrons au Père à la Sainte Oblation, le pain et le vin “fruits de la terre et du travail de l’homme” (Bénédiction juive.) alors le Père céleste fait descendre sur ces dons le feu divin, tout comme au temps d’Elie.

Le pain et le vin sont pénétrés des rayons lumineux du Saint Esprit et deviennent pour nous corps et sang du Christ glorieux.

 

Le juste Grégoire Palamas nous affirme qu’en recevant l’Eucharistie, nous sommes irradiés de la gloire de la Transfiguration par l’intérieur, tandis que les trois apôtres témoins sur la Sainte Montagne ne reçurent cette gloire que de l’extérieur.           Que nos yeux voient la vraie lumière...

 

                                         Elias-Patrick, juillet-août 1991                                                

 

Bibliographie

A.M. Ramsey, la Gloire de Dieu et la Transfiguration du Christ, Lectio divina N°40, 1965.

Donatien Mollat, article Gloire, Vocabulaire de Théologie Biblique, paris 1962.

                                                                                

3. LE CORPS DE TRANSFIGURATION, LUMIERE PLUS QUE LUMINEUSE

 

                    

                                                            portail de la tranfiguration de l'église de la Charité sur Loire

 

Les deux grandes fêtes du mois d'août ont en commun la glorification du corps: la Transfiguration de Notre Sauveur sur le Mont Thabor, la Dormition  et l’Assomption corporelle de Sa Toute Sainte Mère.

                   

Comme tous les grands mystères de notre foi, ils sont enracinés dans l’Incarnation du Logos Divin par l’Esprit Saint dans la chair de la Bienheureuse Vierge Marie.

 

En s’unissant avec l’homme dans l’Esprit, le Logos s’unit aussi avec sa mère qui, ainsi, devient Temple de l’Esprit Saint par excellence. Mais tout cela serait presque mécanique si nous ne nous rendions pas compte que c’était son consentement tout conscient qui le réalisait.

 

 

 

                                            portail de la dormition Assomption de l'église de la Charité sur Loire

 

 

 

Cette transaction était faite en toute délicatesse par l’intermédiaire de l’archange et non par un fiat subit

de Dieu. La Bienheureuse Vierge est ici une image pour nous tous, elle est attentive et confiante. L’archange n’a pas eu besoin de lui dire : “sois attentive” car elle était sans doute toujours dans cet état de paix et de tranquillité intérieure par lequel notre religion a commencé. Le Seigneur nous montre que tout peut s’accomplir en nous et avec nous à partir de cette attention et disponibilité.

La Toute Sainte a donc reçu le Logos, pas seulement dans sa chair, mais aussi et surtout dans son cœur.  Elle est transformée en vie et lumière sans borne, et ceci nous permet de lui rendre en quelque sorte les honneurs divins.

Mais cette lumière incréée qui n’a pas d’ombre, dans laquelle le jour et la nuit sont un, reste caché pour la plupart de nous à cause de nos yeux infirmes.

Le Seigneur a librement assumé notre infirmité jusqu’à cette terrible expérience de l’abandon sur la croix pour transfigurer la mort et les ténèbres en vie et lumière infinie.

La Transfiguration et l’Assomption sont deux fenêtres par lesquelles nous voyons déjà mystiquement  l’ultime restauration de toutes choses, même la chair où Dieu est tout en tout.

Cependant, tout ce qui touche l’Enfantrice de Dieu, qui n’est pas lié directement à l’Incarnation, donc à notre salut, reste dans la tradition interne de l’Eglise et ne fait pas partie du “Kérygme” (proclamation extérieure de l’Eglise) ; pour cette raison, l’Eglise Orthodoxe met en avant la Dormition plutôt que l’Assomption.

 

Ce grand mystère de la Transfiguration du corps glorieux et incorruptible se montre chaque fois que nous assistons à l’Oblation Eucharistique qui est aussi l’Anamnèse - mémoire Sacramentelle - du Logos fait chair, sacrifié à la fondation du Monde.

Cet aspect du Mystère Eucharistique est bien conservé dans la Tradition Cyrillienne (représentée de nos jours par notre Eglise Copte).

“Lorsque le pain, le vin et l’eau sont offerts à l’autel et que la grâce du Saint Esprit y descend, il s’unit à eux comme il s’était uni à cette chair et à ce sang par l’Incarnation” ( Sévère d’Aschmounaïan)

 

Mais avec nos esprits corrompus nous ne pouvons ni imaginer ni conceptualiser cette transfiguration par laquelle l’Esprit et la Chair sont un. Nous pouvons seulement procéder par la négation jusqu’à la négation de la négation. “C’est seulement dans Ta lumière que l’on peut voir La Lumière.”

 

C’est pour cela que l’Iconographie Orthodoxe n’est pas naturaliste mais plutôt symbolique. L’Image à la fois montre et cache et nous dirige au delà du visible ; bornés comme nous sommes, nous avons seulement une vision bornée et incomplète et donc déformée. Nous devons mourir à nos sens et à nos pensées avant de pouvoir voir juste. Nous devons avec foi accepter notre ignorance pour qu’elle soit transformée en véritable connaissance ... “l’ignorance mystique  n’est point une privation mais une supériorité de science” et encore : “ Nous ambitionnons d’entrer dans cette obscurité translumineuse et de voir et de connaître précisément, par l’effet de notre aveuglement et de notre ignorance Mystique, celui qui échappe à toute connaissance” selon la belle hymne de saint Grégoire de Naziance:

 

O toi l’au delà de Tout -  n’est-ce pas là tout ce qu’on peut chanter de toi ?

Quel hymne Te dira le langage ?

Aucun mot ne T’exprime.

A quoi l’Esprit s’attachera-t-il ?

Tu dépasses toute intelligence.

Seul, tu es indicible, car tout ce qui se dit est sorti de Toi.

Seul, tu es inconnaissable, car tout ce qui se pense est sorti de Toi.

Tous les êtres, ceux qui parlent et ceux qui sont muets, te proclament.

Tous les êtres, ceux qui pensent et ceux qui n’ont point de pensée,

te rendent hommage.

Le désir universel, l’universel gémissement tend vers Toi.

Tout ce qui est, Te prie et vers Toi tout être qui pense ton univers,

fait monter une hymne de silence.

Tout ce qui demeure, demeure par Toi ;

par Toi subsiste l’universel mouvement.

De tous les êtres tu es la fin ;

Tu es tout être, et Tu n’en es aucun.

Tu n’es pas un seul être, tu n’es pas leur ensemble ;

Tu as tous les noms, et comment te nommerai-je,

Toi le seul qu’on ne peut nommer ?

Quel esprit céleste pourra pénétrer les nuées qui couvrent le ciel même ?

             O toi, l’Au-delà de Tout - n’est-ce pas tout ce qu’on peut chanter de Toi ?

 

                           saint Grégoire de Naziance traduction par H.de Lubac (De la connaissance de Dieu)

 

+ Alan-Théodore (de Quincey),

 

 

 

 

Transfiguration