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Saint Hippolyte de Rome et "la Tradition apostolique"

 

Les écrits liturgiques apostoliques:

 

Toutes les églises, d’Orient ou d’Occident, ont conscience que leur enseignement et leur culte appartiennent à une tradition très vénérable et très ancienne dont les racines plongent dans le sol apostolique.

 

Les auteurs anciens n’hésitent pas à faire parler les apôtres eux-mêmes mais aussi le Christ ressuscité. Ainsi, parmi les textes les plus importants pour l’histoire et la théologie des liturgies, la DIDACHE (au 1er ou 2ème siècle), le livre VIII des CONSTITUTIONS APOSTOLIQUES, (compilation au IVè siècle de documents liturgiques et canoniques antérieurs) ce sont les apôtres qui prennent la parole pour édicter leurs prescriptions. (Didaché Sources Chrétiennes (SC) n°248, Paris 1978; Constitutions Apostoliques SC n°336, Paris 1987)

Le texte apocryphe syriaque appelé TESTAMENT DE NOTRE SEIGNEUR JESUS CHRIST contient une anaphore eucharistique mise sur les lèvres du Sauveur.( Testamentum Domini éd. Rahmani, Mayence 1899)

 

Notre respect de l’histoire scientifique, rigoureuse de chronologie et d’attribution exacte des sources, ne doit pas nous faire taxer les auteurs de ces textes d’intention frauduleuse.

Il ne s’agit pas de mauvaise foi ou d’intention de violenter leurs contemporains par l’autorité de l’origine de l’enseignement, mais de signifier que les formes essentielles de la liturgie, et les usages devenus Tradition,  ne se sont pas créés au gré des circonstances ou de l’arbitraire des présidents de communauté, ils appartiennent fondamentalement à l’enseignement des apôtres et ne peuvent être dissociées de l’attitude juste de ceux qui, par la prédication apostolique ont reçu la Bonne Nouvelle.

 

Les études de liturgie comparée nous montrent aujourd’hui l’exactitude de cette conviction.

S’il ne nous est pas possible d’affirmer expressément de l’origine néo testamentaire du fonds essentiel de la liturgie, nous savons que le culte chrétien, tout en étant particulièrement original, a été créé et a évolué à partir des rites de la synagogue, des prières quotidiennes et celles du sabbat du judaïsme des temps apostoliques.

Ces prières, c'est évident pour ceux qui ont mis en place les rites égyptiens, ont été récitées par les apôtres et le Christ, sans aucun doute.

Et Jésus, en accomplissant les rites leur donne un sens nouveau comme nous le voyons lors de la dernière cène où à partir du repas du mémorial de la Pâque, Il livre aux apôtres, et à nous aussi, le mémorial de la Nouvelle Alliance en son Sang.

 

Un auteur original, au début du IIIème siècle, présente l’essentiel de la tradition qui convient aux Eglises, afin que ceux qui sont bien instruits gardent la tradition qui a subsisté jusqu’à présent... et qu’en en prenant connaissance, ils soient affermis, ... l’Esprit Saint conférant à ceux qui ont une foi droite la grâce parfaite...

Son traité s’appelle LA TRADITION APOSTOLIQUE. (Hippolyte de Rome, la Tradition apostolique, Texte et traduction par B.Botte SC n°11bis, 1968. C’est à partir du texte établi et traduit ici, que je propose une traduction plus liturge)

 

 

En mettant de côté la Didaché, qui serait une interpolation chrétienne sur des prières juives (Enrico Mazza, Didaché IX,X in Ephemerides liturgicae, (E.L.), Rome 1978/6), la Tradition Apostolique accompagnée de la liturgie d’Addai et Mari témoigne de la liturgie judéo chrétienne, fondement de toutes les liturgies traditionnelles.

 

Les premières éditions critiques ont été données dans la seconde moitié du XIXè siècle sous le nom de "Constitutions Apostoliques" puis de "Constitution de l’Eglise égyptienne" du fait qu’elles ont été élaborées à partir de textes de manuscrits en langue copte, arabe et éthiopienne.

En 1900, un palimpseste du Vè siècle découvert à Vérone donnait dans un texte latin, la version la plus ancienne, bien que certainement une traduction du grec.

 

L'auteur: Hippolyte

                                                      

Après de nombreuses discussions et hésitations, les savants liturgistes, s’accordent pour attribuer la paternité de la Tradition apostolique à un certain Hippolyte de Rome dont on ne sait pas grand chose de sûr, si ce n’est qu’il fut évêque et a laissé des lettres et diverses compositions, au témoignage d’Eusèbe. (Eusèble, histoire ecclésiastique VI, 20)

Jérôme affirme qu’il aurait parlé en présence d’Origène (Jérôme, de viris illustribus 61) probablement pendant le voyage de celui-ci à Rome.

Photius, lui, en fait un disciple de Saint Irénée de Lyon. (Photius, PG 103, colonne 401)

Les historiens au XIXè siècle, suivants le savant Harnack, discernent sous le nom d’Hippolyte, un prêtre romain antipape de Calliste, mort martyr déporté en Sardaigne avec le pape Pontien, successeur de Calliste. Son martyre est daté en 235.

Saint Pontien et Saint Hippolyte figurent au martyrologe romain. La question de savoir si le martyr romain et le liturge Hippolyte est le même homme n'est toujours pas élucidée.

 

L’intérêt de cette biographie, si on accepte le fait qu’Hippolyte fut romain comme l'avance dom Botte, est de montrer que dans la Rome du début du IIIè siècle, un évêque ou un prêtre puisse présenter comme la vraie tradition des apôtres des usages très éloignés de ce que nous connaissons du rite romain de l’antique cité impériale.

Il est inconcevable que le texte d’Hippolyte soit l’ancien rite à l’origine du canon de la messe grégorienne: Une telle révolution aurait entraînée des contestations ou commentaires et laissée des témoignages dans la littérature ecclésiastique. (Il faut lire les p. 159 à 179 que consacre à T.A. Louis Bouyer dans son travail inégalé : l’Eucharistie, Paris 1969.)

 

Nous pouvons supposer sans risque qu’Hippolyte décrivait un rite particulier célébré à Rome par une communauté orientale syriaque ou égyptienne; ce rite pouvait tout à fait coexister avec le rite autochtone. (On peut même oser avancer que l’épiscopat d’Hippolyte s’exerçait sur une communauté non romaine de l’Eglise locale de Rome, ce qui expliquerait à la fois, l’insistance des auteurs anciens à le considérer comme évêque sans lui donner de siège, et le fait que ses conflits d’opinion avec l’évêque Calliste ne l’ont pas empêché de recevoir à Rome l’honneur de figurer dans les listes des martyrs.

L’hypothèse est hardie mais non aberrante. Si les conciles ont promulgué la règle, une ville/un évêque, c’est dans le but d'affirmer le lien entre l'unique eucharistie et l'évêque. Ce qui n'empêche pas la présence d'un évêque titulaire de la ville et des chorévèques de rang épiscopal ou sacerdotal. Les canons des conciles en témoignent)

 

Photius possédait dans sa bibliothèque d’autres ouvrages d’Hippolyte: un commentaire sur Daniel (Hippolyte, commentaire sur Daniel, SC n°14, 1947), un traité sur le Christ et l’Antéchrist et un recueil contre 32 hérésies.

La publication des Philosophumena et son attribution à Hippolyte au milieu du XIXè siècle est à l’origine du soupçon qu’il fut antipape en raison de la violente polémique contre le pontife romain. La question reste posée (Pierre Nautin, Hippolyte et Josipe (Paris 1947)).

Un discours sur les charismes ne nous est pas parvenu.

 

LA TENEUR DE LA “TRADITION QUI CONVIENT AUX EGLISES”

 

L’oeuvre présente, après une première partie du discours sur les charismes dont nous ne connaissons pas aujourd’hui le contenu, les règles de conduite qui font de chaque église particulière l’Eglise une, catholique et apostolique.

Grâce à ces caractéristiques, elle peut être reconnue comme telle par les autres églises.

La communauté ecclésiale est fortement hiérarchisée, ce qui veut dire que chacun y trouve la place choisie par Dieu pour le bien de tous.

 

Nous allons parcourir toutes les sections et nous prolongerons si possible notre réflexion sur l’anaphore eucharistique.

 

L’Evêque :

 

Le traité s’ouvre sur la désignation de l’évêque.

 Que soit ordonné évêque celui qui a été choisi par tout le peuple... du consentement de tous, que les évêques présents, un dimanche, imposent les mains... Que tous gardent le silence priant dans leur coeur pour la descente du Saint Esprit. Après quoi, que l’un des évêques présents, à la demande de tous, impose la main... et prie en disant :

"Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus Christ, Père des miséricordes et Dieu de toute consolation, ... qui connaît toutes choses avant qu’elles soient, Toi qui a donné les règles (canons) de ton Eglise par la parole de Ta grâce... répands la puissance de Toi, l’Esprit souverain que tu as donné à Ton Enfant bien aimé Jésus Christ, qu’Il a accordé aux saints apôtres qui ont fondé l’Eglise en tout lieu...

Accorde, Père qui connais les coeurs, à ton serviteur que tu as choisi pour l’Episcopat, qu’il fasse paître ton saint troupeau et qu’il exerce à ton égard le souverain sacerdoce sans reproche... qu’il offre les dons de ta sainte Eglise ; qu’il ait, par la force de l’esprit du souverain sacerdoce, le pouvoir de remettre les péchés suivant ton commandement ; qu’il donne les parts selon ton commandement et qu’il délie de tout lien selon le pouvoir que tu as donné aux apôtres ; qu’il te plaise par sa douceur et son coeur pur, en t’offrant un parfum agréable, par Ton Enfant Jésus Christ, par qui à Toi gloire et puissance, honneur avec le Saint Esprit dans la Sainte Eglise maintenant et dans les siècles des siècles (sections 1 à 3).

 

Nous trouvons ici tout ce qui sera proclamé plus tard par les conciles sur le choix d’un évêque: qu’il soit élu par tout le peuple, que les évêques se rassemblent le dimanche et imposent les mains, un seul d’entre eux prononçant l’épiclèse d'ordination épiscopal.

Bien qu’élu par le peuple, l’évêque n’est point une émanation de l’Assemblée, il ne reçoit pas son autorité de celle-ci, l’élection et l’imposition des mains confirment le choix de Dieu, le nouvel évêque est l’élu de Dieu, le Père lui-même l’a choisi pour l’épiscopat. Il reçoit l’Esprit souverain pour exercer le souverain sacerdoce. Il n’est subordonné à aucun ordre pouvoir que celui de l’Esprit.

Il  appartient à l’évêque d’offrir les dons, de remettre les péchés, de distribuer les parts de ministère, de délier de tous liens, bref par sa douceur et son coeur pur faire paître pacifiquement le saint troupeau.

 

En peu de mots est cernée la fonction épiscopale. L’essentiel est dit.

 

 

L’Oblation (section 4 à 6)

 

Tout de suite après l’imposition des mains, le nouvel évêque, après avoir reçu l’axios (il est digne) et le baiser de paix, célèbre l’Eucharistie appelée ici "Oblation" comme est nommée la divine liturgie dans les livres liturgiques coptes.

Au cours de l’oblation, on peut offrir de l’huile, du lait caillé et des olives.

 

Les Prêtres (section 7)

 

L’évêque impose la main sur le prêtre et demande que le Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus Christ, regarde son serviteur et accorde lui l’Esprit de grâce et de conseil du presbytérium. “Maintenant encore Seigneur, accorde, en le gardant indéfectible en nous, l’Esprit de ta grâce, et rend nous dignes, rempli de l’Esprit de te servir dans la simplicité du coeur, en te louant par ton Enfant Jésus Christ, par qui à Toi gloire et puissance avec l’esprit Saint dans la Sainte Eglise... Amen.

 

Le prêtre participe donc comme l’évêque à l’Esprit du sacerdoce pour aider et gouverner le peuple. Mais ajoute Hippolyte, il n’a que le pouvoir de recevoir la puissance sacerdotale, mais il n’a pas pouvoir de la donner. Saint Jean Chrysostome fera la même distinction.

 

Les diacres (section 8)

 

L’évêque seul impose les mains car le diacre est ordonné à son service.

Dieu, ... accorde l’Esprit de grâce et de zèle à ton serviteur, que tu as choisi pour servir ton Eglise et pour présenter dans ton sanctuaire ce qui t’est offert...”

Le diacre est ordonné, non au sacerdoce mais au ministère de l’évêque  précise Hippolyte.

C’est une fonction essentielle de la vie ecclésiale: servir l’Eglise, être attentif aux différents besoins des fidèles, les communiquer à l’évêque et devenir l’instrument de l’amour (charité) épiscopal... (cf.section 34) Hippolyte insiste déjà sur la mission liturgique du diacre qui deviendra plus tard, surtout dans les Eglises byzantines, l’essentiel de son activité (Cette fonction essentielle ne doit pas effacer les autres missions du diacre particulièrement du domaine charitable, voir W.Croce, histoire du diaconat in le Diacre, collecion Unam Sanctam n°59 (Paris 1966).).

 

L'esprit de la célébration liturgique prime sur les rubriques:

 

Suivent des règles pour les confesseurs, les veuves, le lecteur, la vierge, le sous diacre, les guérisseurs (section 9 à 14).

 

La notule sur les confesseurs permet à Hippolyte de nous renseigner sur le peu de souci de la forme des prières nécessaires aux mystères.

Que l’évêque rende grâces comme nous l’avons dit plus haut. Il n’est pas du tout nécessaire qu’il prononce les mêmes mots que nous avons dits... que chacun prie selon ses capacités. Si quelqu’un est capable de prier assez longuement c’est bien... si quelqu’un, quand il prie dit une prière mesurée, qu’on ne l’empêche pas, pourvu qu’il dise une prière d’une sainte orthodoxie (section 9)

 

Les pères du IIIè siècle étaient très éloignés de la pensée quasi magique qu’un sacrement ne puisse être valable qu'à la condition que chaque mot, chaque geste soit accompli selon les rubriques.

 

C’est l’Esprit Saint qui se communique.

La seule condition exigée est la saine orthodoxie.

L’Evêque Jean de Saint Denis enseignait que, pour qu’une liturgie soit orthodoxe, il lui fallait remplir trois conditions:

- exprimer la plénitude de l’orthodoxie,

- être enracinée dans le sol apostolique

- et être de bon goût.

Cet enracinement, outre le fait d’être attentif à la mentalité du peuple est aussi, comme le montre les prières de la Tradition Apostolique, le respect des formes traditionnelles sémitiques héritées du judaïsme puis des apôtres.

 

Il ne faut pas confondre liberté d’expression avec totale improvisation hors de propos. A partir d’un schéma très défini, d’une structure ferme, le président de la synaxe, en utilisant des formules agrafes rend grâce avec une liberté dans le choix et l’ordonnance de ses expressions

Les rites occidentaux ont en quelque sorte, gardés cette faculté. De nombreuses pièces variables  viennent s’enchâsser dans une structure immuable, même au sein de l’anaphore. Pour certaines fêtes, le célébrant a le choix entre plusieurs textes. C’est ce qui  fait l’originalité et la richesse des rites d’occident.

L'Eglise copte-orthodoxe connaît aussi ce mode, limité aujourd'hui à la prière de fraction. Elle préfère varier ses anaphores selon le cycle liturgique.

 

Aucune crainte de l’invalidité des sacrements en raison de l'inobservation scrupuleuse d'un texte reçu, soit pas inadvertance, soit volontairement pour tenir compte de la réalité du contexte de la célébration (lieu et communauté).

Par la bouche de son président régulièrement ordonné, c’est toute l’Eglise qui prie, et l’Esprit se donne au corps du Christ rassemblé sans être inhibé par le formalisme des rubriques qui se sont accumulées au fil du temps.

 

Règles sur le catéchuménat et le baptême (section 15 à 21)

 

Ceux qui se présentent à l’Eglise devront conformer leurs moeurs à la loi du Seigneur. Certaines professions ou état de vie devront être abandonnés. Il s’agit essentiellement de tout ce qui peut avoir trait de près ou de loin au paganisme.

Après avoir prié sur l’eau, lorsque celui qui est baptisé sera descendu dans l’eau, celui qui le baptise lui dira en lui imposant la main : Crois-tu en Dieu le Père tout puissant ?

Et celui qui est baptisé dira à son tour : Je crois.

Et aussitôt (celui qui baptise), tenant la main posée sur sa tête, le baptisera une fois.

Et ensuite il dira : Crois-tu au Christ-Jésus, Fils de Dieu, qui est né par le Saint-Esprit de la vierge Marie, a été crucifié sous Ponce Pilate, est mort, est ressuscité le troisième jour vivant d’entre les morts, est monté aux cieux et est assis à la droite du Père ; qui viendra juger les vivants et les morts ?

Et quand il aura dit : Je crois, il sera baptisé une deuxième fois.

De nouveau il (celui qui baptise) dira : Crois-tu en l’Esprit-Saint dans la sainte Eglise ?

Celui qui est baptisé dira : Je crois, et ainsi il sera baptisé une troisième fois.

Ensuite, quand il sera remonté, il sera oint par le prêtre de l’huile d’action de grâces avec ces mots : Je t’oins d’huile sainte au nom de Jésus Christ. Et ainsi, chacun après s’être essuyé se rhabillera et ensuite ils entreront dans l’église, où ils recevront l’huile d’action de grâces.

L’oblation eucharistique suivra  le baptême. L’Evêque distribuera le pain rompu au néophyte “le pain du ciel, dans le Christ Jésus. Les diacres offriront les calices, le premier d’eau, le second de lait, le troisième,  le vin.

 

Repas, prières, offices domestiques

 

- Les sections 25 à 29 traitent du repas de la communauté sur lequel nous reviendrons après avoir étudié l’Eucharistie.

 

- Les sections 31 à 43, proposent des recommandations et conseils divers, notamment sur les moments de la prière, (où déjà se présente chaque heure de notre office divin), sur la réception de l’eucharistie, les sépultures. L’ouvrage se termine sur la recommandation de se signer le front avec le signe de la Passion et conclut par l’affirmation que si “on reçoit ses choses avec reconnaissance et une foi droite, elles procurent l’édification à l’Eglise et la vie éternelle aux croyants”. (section 43)

 

L’ANAPHORE DE LA TRADITION APOSTOLIQUE (section 4)

                                       

                                     

                                         

 

- Le Seigneur soit avec vous !

- Et avec ton esprit !

- Elevons les coeurs.

- Ils sont tournés vers le Seigneur.

- Rendons grâces au Seigneur !

- C’est digne et juste !

 

Nous te rendons grâces, ô Dieu,

par ton Enfant bien-aimé, Jésus Christ,

que tu nous as envoyé aux derniers temps

comme Sauveur, Rédempteur et Messager de ta volonté.

Il est ton Logos/Parole inséparable

par qui tu as tout créé

et en qui tu te complais s.

 

Tu l’as envoyé du ciel

dans le sein d’une vierge. Dans ses entrailles,

Il a été conçu et s’est incarné,

il s’est manifesté comme ton Fils,

né de l’Esprit et de la Vierge.

 

Il a accompli ta volonté

et, pour t’acquérir un peuple saint,

il  a étendu ses mains tandis qu’il souffrait

pour délivrer de la souffrance

ceux qui croient en toi.

 

 

Tandis qu’il se livrait à une souffrance volontaire

pour détruire la mort,

briser les chaînes du diable,

fouler l’enfer à ses pieds,

répandre sa lumière sur les justes,

établir l’Alliance

et manifester la Résurrection,

 

Il prit du pain,

il te rendit grâces et dit :

“Prenez, mangez, ceci est mon corps

qui est rompu pour vous”.

De même pour le calice, il dit :

Ceci est mon sang

qui est répandu pour vous.

Quand vous faites ceci,

faites(-le) en mémoire de moi.

 

 

Faisant mémoire donc de sa mort

et de sa Résurrection,

nous t’offrons ce pain et ce vin,

nous te rendons grâces de nous avoir jugés dignes

de nous tenir devant toi et de te servir dans le sacerdoce.

 

 

Et nous te demandons

d’envoyer ton Esprit Saint

sur l’oblation de ton Eglise sainte,

de rassembler dans l’unité

tous ceux qui participent  à tes saints mystères.

Qu’ils soient remplis de l’Esprit Saint

pour l’affermissement de leur foi dans la vérité.

Que nous puissions ainsi te louer et te glorifier

par ton Enfant Jésus Christ.

 

 

Par qui, gloire à toi, et honneur,

avec l’Esprit Saint,

dans ton Eglise sainte,

maintenant et dans les siècles des siècles !

                                                        Amen

 

 

Cette anaphore est la toute première que nous connaissons dans son intégrité. Toute centrée sur le mystère du Christ, dans sa concision elle resplendit de l’émerveillement de nos premiers pères devant l’Economie du Salut.

Par son antiquité et sa solennelle beauté, elle est un point de référence obligé pour qui veut traiter du culte chrétien.

Avant toute analyse, il faut citer quelques passages des oeuvres de saint Irénée dans lesquels Enrico Mazza dans un article d’Ephémérides liturgicae (Omelie pasquali e birkat ha mazon : Fonti dell’ anafora di ippolito in E.L. Roma 1983/5 et 6.) signale un rapprochement d’expression de pensée et de mots.

Dans le deuxième livre contre les hérésies, chapitre 20 § 3, on trouve cet hymne :

“Par sa Passion, le Seigneur a détruit la mort évacué l’erreur,

anéanti la corruption, dissipé l’ignorance ;

Il a manifesté la vie, montré la vérité, donné l’incorruptibilité”.

                                                                                      (SC n° 293 (1982)

 

Au chapitre 38 de la démonstration apostolique, Irénée de Lyon décrit l’économie du Fils de Dieu menant les promesses de Dieu en leur accomplissement en les récapitulant en lui-même :

“Dieu le Père était donc plein de miséricorde ;

Il envoya son Logos industrieux ...

qui défit les chaînes de notre prison.

Et sa lumière apparut

et fit disparaître les ténèbres de la prison,

sanctifia notre naissance,

abolit  la mort

en défaisant ces mêmes liens dans lesquels nous avions été enchaînés.

Il montra sa résurrection

devenant  lui-même premier né d’entre les morts,

relevant en lui-même l’homme tombé à terre,

l’élevant en haut

dans les parties supérieures du ciel

à la droite de la gloire du Père,

comme Dieu l’avait promis... (SC n°62 Paris 1959)

 

L’intimité de pensée entre Saint Hippolyte et Saint Irénée est ici manifeste.

 

 

Le dialogue inaugural entre le célébrant et le peuple, Elevons nos coeurs, Ils sont tournés vers le Seigneur,

Rendons grâces au Seigneur, c’est digne et juste, se trouve maintenant dans toutes les liturgies.

Il a son origine dans l’action de grâces juive après le repas commun (Mischna, Traité Bérachot VII-3 éd. Keren Hasefer) : “S’il y a dix convives, l’un dit Bénissons notre Dieu ; s’ils sont cent, l’un dit Bénissons le Seigneur notre Dieu ; à mille l’un dit Bénissons le Seigneur notre Dieu, Dieu d’Israël, Dieu des armées, lui qui trône sur les chérubins”.

 

De suite, l’Evêque, rend grâces (eucharistie) au Père pour l’oeuvre du Salut en s’attachant uniquement aux temps messianiques inaugurés par Jésus son Enfant..

Cette dernière expression chère à la Théologie judéo-chrétienne rappelle le serviteur souffrant d’Isaïe, le même mot grec (païs) signifie serviteur et enfant (Isaïe 42, 1à 7 ; 52,13 à 53, 12) L'apôtre Pierre s’adressant au peuple dans actes 3 v.26 utilise la même expression.

 

L’Amnanèse (mémoire) est suivi d’une courte et sobre épiclèse que d’aucuns jugent rudimentaire. L’Esprit Saint n’est pas directement invoqué. On demande au Père d’envoyer son Esprit Saint sur l’oblation.

 

Hippolyte est témoin de la relation intime entre l’eucharistie et l’Esprit.

Un peu plus tard, les pères syriens développeront le rôle immédiat de l’Esprit dans la transformation des éléments. Ils utilisent une formule que l’on retrouve déplacée du contexte de l’épiclèse dans la liturgie selon Saint Jean Chrysostome, “le calice est rempli d’Esprit Saint”.

“Le Pain et le Calice donnent le Salut parce que le Seigneur les remplit de Saint Esprit” dit la liturgie selon Saint Jacques.

 

Ce que nous appelons aujourd’hui la post épiclèse, est ici lié à l’épiclèse. Les fruits de l’eucharistie sont fondamentalement l’unité de tous ceux qui participent aux Mystères et la plénitude de l’Esprit Saint pour l’affermissement de leur foi dans la Vérité.

Cette prière est l’écho fidèle de la prière sacerdotale du Seigneur en Jean 17 : “Garde-les en ton nom pour qu’ils soient un ... consacre les dans la vérité”.

Notons qu'une version de l'anaphore de saint Hippolyte est en usage dans l'Eglise éthiopienne. (La liturgie rénovée dans l'Eglise romaine après Vatican II reprend notre anaphore dans sa prière eucharistique N° 2.)

 

                                              

DE L’INTRODUCTION de la LAMPE au repas de la  communauté (section 25)

 

Le soir du sabbat, à l’heure de ce qui deviendra nos vêpres, début de la vigile du dimanche les fidèles se réunissent dans l’attente de la Parousie et allument une lampe en mémoire du Sauveur, Lumière joyeuse, Splendeur de la gloire du Père.

 

Le soir venu, lorsque l’évêque est présent, le diacre apporte une lampe. Debout au milieu des fidèles, l’évêque, au moment de rendre grâces, saluera d’abord en disant :

“Le Seigneur soit avec vous !”

“Et avec ton esprit !”

“Rendons grâces au Seigneur”.

“C’est digne et juste.

A lui la grandeur et la magnificence

ainsi que la gloire !”

 

(Il ne dira pas : “Elevons les coeurs”, parce qu’on le dira au moment de l’Oblation.

 

Qu’il prie alors ainsi :)

 

“Nous te rendons grâces, ô Dieu,

par ton Fils, notre Seigneur Jésus Christ,

de nous avoir éclairés

en nous révélant la lumière incorruptible.

Ayant terminé la durée de ce jour,

parvenus à la lisière de la nuit,

rassasiés par la lumière du jour

que tu créas pour notre joie,

maintenant que nous ne manquons pas

de la lumière du soir,

nous te sanctifions et te glorifions

par ton Fils unique, notre Seigneur Jésus Christ.

 

C’est par lui et avec lui que tu as

gloire, puissance et honneur,

maintenant et dans les siècles des siècles.

Amen”.

 

LA TRADITION APOSTOLIQUE, TEMOIN DE L’ESPRIT

 

Dans son archaïque simplicité, la Tradition Apostolique n’est pas plus orientale qu’occidentale, elle est le témoin de cette heureuse époque où les chrétiens ont pleinement conscience de vivre ensemble dans l’effusion de l’Esprit et où leur culte spirituel (en l’esprit) manifeste la résurrection du Seigneur dans leur propre vie.

 

En outre, l’étude de l’oeuvre d’Hippolyte permet de retrouver dans les grandes liturgies plus récentes le kérygme apostolique qui éclaire la véritable origine et signification des rites. Il fait apprécier leur transcendance.

 

A ce titre, les liturgies sont véritablement avec l’Ecriture Sainte des loci Theologicae (lieux théologiques) d’où le prédicateur et les fidèles peuvent asseoir leur foi.

 

                                              

 

 

Tradition apostolique