La Sagesse

 

La quête de la Sagesse:

 

La recherche de la sagesse est une noble ambition. Beaucoup en occident partent à la quête de la sagesse en se détournant du christianisme comme s'il était incapable de  produire la réflexion pour réussir la vie et établir une vision globale du monde. Pourtant les chrétiens ont beaucoup à dire.

Pour équilibrer le progrès des sciences et des techniques conjugué à une certaine barbarie économique, la sagesse constitue un élément important de la civilisation.

La référence à la sagesse n'est pas une nouveauté, déjà la philosophie antique proposait son acquisition comme la perfection de l'humanisme.

Les Saintes Ecritures ne sont pas restées étrangères à cette ouverture de l'intelligence et du cœur.

                                                       

La notion de sagesse est ambivalente. Venant des hommes, elle est boursouflure du raisonnement. "Malheur à ceux qui sont sages à leurs propres yeux, avisés selon leur sens propre". Isaie 5,21 "Le Seigneur dit: Quand ce peuple s'approche de moi, il me glorifie de bouche mais son coeur est loin de moi et la crainte qu'il a de moi n'est qu'un commandement de tradition humaine. C'est pourquoi, me voici <> la sagesse des sages s'y perdra et l'intelligence des intelligents ira se cacher. Isaïe 29, 13.14.  Cependant la sagesse est aussi un don de Dieu: "A l'homme qui lui est agréable, Dieu donne la sagesse, la science et la joie" Eccl. 2,26.

 

La vraie Sagesse:

 

 Il y a donc une sagesse humaine qui revendique son autonomie et une sagesse fidèle à la Parole divine, don de Dieu.  Cette dernière, Dieu la communique à qui il veut, parce qu'il est lui-même le Sage par excellence.

Pour ne pas s'égarer, il est nécessaire de préciser ce qu'une oreille juive entendait par sagesse. -HoKMa- sagesse évoque l'adresse de "celui qui atteint son but" par opposition  à la maladresse de celui qui le rate. (Nous n'oublions pas que l'hébreu utilise plusieurs mots pour désigner le péché, l'un signifie justement "rater la cible", un autre, se détourner, s'égarer").

                                                                       

Sagesse devient synonyme de savoir-faire, de savoir-vivre;  cet art du bien faire dans le domaine du travail s'exprime par la dextérité, dans le commerce par la prudence, dans la culture par la connaissance de la nature, des peuples et de l'histoire, dans la politique par la connaissance des hommes et des mobiles de leurs actes, dans la vie par une éthique, dans la religion par la piété qui scrute les voies de Dieu et découvre son amour et aussi par l'humilité qui engendre la confiance en la bienveillance divine. 

 

En prenant pour départ l'affirmation de Job à Tsophar: " Avec Dieu résident la  Sagesse et la puissance , à lui le Conseil et l'Intelligence" Job 12,13, nous allons chercher la profondeur et la hauteur de la Révélation qui dans notre Bible n'a pas de scrupule à personnifier la Sagesse auprès de Dieu.

 

Le Livre des Proverbes communique des sentences  mises dans la bouche de Salomon le roi sage et d'autres sages d'Israël. Il s'adresse à un disciple et  à travers lui  à tous les humains.

 

L'Egypte pharaonique nous a laissé un grand nombre d'"Instructions" destinées à former le Pharaon et le parfait serviteur du Roi. Le livret le plus célèbre est celui de Ptahoptep (2600 avant l'ère chrétienne), celui  de Amen-em-opé (1000 avant J.C.) a de nombreux points communs avec le livre des Proverbes au point que les critiques modernes y voient une de ses sources. Les sentences s'appuient sur l'observation réaliste de la vie quotidienne, s'expriment en termes ramassés et souvent pittoresques et visent à guider la conduite par des exhortations pleines de chaleur et de cordialité. Le dernier compilateur des Proverbes a fait précéder le recueil  de neuf chapitres dans lesquels il appelle son disciple à fuir le mal et à connaître la sagesse. Il montre aussi l'origine de la sagesse.

                                                              

La Sagesse incréée:

 

Prov. 8,22 sq: "Adonaï m'a engendrée,  dit la Sagesse, principe de ses réalisations, origine de ses oeuvres  depuis toujours, dès les origines j'ai été formée, dès la première heure, avant les origines de la terre <> alors qu'Il n'avait pas encore fait la terre et les espaces, ni l'ensemble des éléments du cosmos, quand il affermit les cieux, moi j'étais là. <> Quand il affermit les fondations de la terre, je fus maître d'œuvre à son côté, objet de ses délices chaque jour, jouant en sa présence en tout temps, jouant dans son univers et je trouve mes délices parmi les hommes."

 

Ainsi il apparaît que l'origine de la Sagesse remonte plus haut que la création et que la création même porte son empreinte. La Sagesse engendrée par Adonaï, se présente comme le principe de l'œuvre du créateur. Le targum de Jérusalem interprète les premiers mots du livre de la Genèse "dans le Principe, Dieu créa le ciel et la terre",  par "dans la Sagesse, Dieu créa..."  La Sagesse coopérante avec Dieu dans l'oeuvre de la création se situe dans la sphère du divin, aucune créature ne pouvant se trouver auprès du Créateur  avant le temps.

Tout l'enseignement de la Première Alliance consiste à dire que Dieu est un et unique et qu'il est le seul créateur. "C'est moi seul  Adonaï,  qui ai fait toutes choses, moi qui seul, ai déployé les cieux et affermi la terre: qui était avec moi?" Isaïe 44,24. Personne, sauf la Sagesse! 

 

Comment est-elle maître d'oeuvre, Dieu  aurait-il  un associé dans son oeuvre de la création? Le texte hébreu primitif sans les voyelles permet de lire -êMûN- fidélité et donc de traduire aussi: "Quand il affermit les fondations de la terre, j'étais auprès de lui, la fidélité même". La sagesse accompagne le travail créateur comme modèle incréé, elle est  présente comme la norme de la création avec ses qualités d'équilibre, de justice et d'harmonie. Nous ne sommes pas très loin de la Maat égyptienne.

 

Vers 180 avant la naissance du Sauveur, ben Sira, un habitant de Jérusalem, mit aussi par écrit un recueil de sentences. Admis dans le canon des juifs alexandrins, le Siracide, est très souvent cité dans le Talmud et les auteurs juifs; le texte original en hébreu, sauf quelques fragments découverts à la fin du 19è.S. dans une synagogue du Caire, a disparu malgré sa grande influence dans la liturgie juive notamment pour la prière des dix-huit bénédictions  et la fête de Kippour,  le Grand Pardon.

Le pape de Carthage, saint Cyprien faisait grand cas du Siracide en lui accordant une importance primordiale dans l'instruction des néophytes, aussi le texte grec du Siracide est connu aussi dans l'Eglise sous la désignation de saint Cyprien: 'l'Ecclésiastique", c'est à dire "livre de l'Assemblée, de l'Eglise".

 

Ben Sira introduit les sections de son recueil par des odes à la gloire de la Sagesse.

 

Sir. 1,1sq: "La sagesse totale vient du Seigneur, elle est avec lui pour l'éternité. <> Première de toutes choses fut créée la Sagesse,<> La Source de la Sagesse, c'est le Logos de Dieu dans les hauteurs.<> C'est le Seigneur lui même qui l'a créée (engendrée) qui l'a <> répandue sur toutes ses œuvres, sur toute chair, selon sa largesse, et qui l'a prodiguée à ceux qui l'aiment. <>  Le commencement de la sagesse est la crainte de Dieu. Unie aux fidèles, elle a été créée avec eux dans les entrailles maternelles. Parmi les hommes, elle a fait son nid, fondation d'éternité, avec leur descendance, elle restera fidèlement."

 

Nous savons l'influence de ce texte dans les disputes entre les orthodoxes et les ariens au sujet de la nature divine et non créée du Fils de Dieu, aussi nous ne nous attacherons provisoirement qu'à relever le rapprochement explicite entre Logos et Sophia, Parole et Sagesse et  à nous enthousiasmer  sur la libéralité de Dieu qui communique sa sagesse à tous les  hommes  et qui la donne à profusion à ceux qui l'aiment, les fidèles.

Je ne résiste pas à remarquer que si le grec dit bien créée avant toutes choses, l'original hébreu pouvait fort bien  comme en Proverbes 8,22 porter l'hébreu -QaNaH-  qui donne en grec plusieurs sens: créée, donnée à soi-même, acquise... engendrée. L'éloge du chapitre 24 autorise le sens fort d'engendrer.

 

Sir. 24;3-34: "Moi, (Sagesse), je suis sortie de la bouche du Très-Haut <>dans les hauteurs j'ai dressé ma tente et mon trône repose sur une colonne de nuée. Le cercle du ciel, je l'ai  parcouru moi seule, et j'ai marché dans les profondeurs de l'abîme. <>Avant que le temps ne commence, Dieu m'a créée (engendrée) et pour les siècles je ne cesserai d'exister. Dans la sainte Demeure j'ai officié en sa présence. <>Venez à moi vous qui me désirez et rassasiez-vous de mes fruits <> ceux qui me mangent auront encore faim, et ceux qui me boivent auront encore soif".

 

La Sagesse comme la Parole sort de la bouche de Dieu vers la création et embrasse tout le cosmos, elle vient chez les hommes afin de les tourner vers Dieu, les garder en sa présence et les consacrer par une liturgie mystique.

 

O Sagesse, toi qui, sortie de la bouche du Très Haut, te déploie d'un bout du monde à l'autre et dispose toutes choses avec force et douceur. Viens < et ne tarde pas> nous enseigner le chemin de la prudence < et l'amour de ta beauté>.                                                           

 

 

Le livre de la Sagesse:

 

Vers 50 avant la naissance du Sauveur, un juif alexandrin inspiré écrivit directement en grec un petit ouvrage qui fut introduit dans le recueil biblique des Septante sous le nom de "Sagesse de Salomon". La traduction latine et nos versions françaises abrègent son titre en l'appelant "Sagesse".

De tous les livres sapientiaux de la Bible, "la Sagesse" est certainement le plus intéressant au point de vue doctrinal et le plus proche des livres de la Nouvelle Alliance, il est le sommet des révélations de la Première Alliance concernant la Sagesse divine. Il apporte des précisions importantes sur deux points: l'anthropologie et la personnification de la Sagesse.

 

Résumons en quelques mots l'affirmation tranquille de "Sagesse" sur le destin de l'homme:  Dieu a fait l'homme pour l'incorruptibilité, telle est la Bonne Nouvelle annoncée avec assurance; Après la mort et sans doute immédiatement,  l'âme fidèle vit d'ores et déjà d'une vie sans fin de bonheur auprès de Dieu. Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité bienheureuse, à lui de décider s'il accepte ou repousse le projet divin.

"Sagesse", est le premier document biblique qui donne sa pleine valeur au récit de la chute en Genèse: malgré l'œuvre dévastatrice de l'adversaire, l'humanité garde sa liberté de pratiquer la volonté de Dieu et vivre dans son amour, ou délibérément choisir la mort en se détournant de la justice et de la sagesse.

En personnifiant de plus en plus la Sagesse, l'auteur du "livre de la Sagesse" reprend et prolonge la méditation des "Proverbes" et du  "Siracide".

 

Sag. 1sq: "Aimez la justice, vous qui jugez la terre, ayez sur le Seigneur des pensées droites et cherchez-le dans la simplicité de cœur, parce qu'il se laisse trouver <> il se révèle à ceux qui ne lui refusent pas leur foi.<> La Sagesse n'entre pas dans une âme malfaisante, elle n'habite pas dans un corps tributaire du péché <> la Sagesse est un esprit ami de l'homme <> l'Esprit du Seigneur remplit le monde". 

 

La Sagesse et les hommes:

 

La justice qui sauve,  l'homme ne peut pas se la procurer par lui-même, c'est la Sagesse amie des hommes qui vient vers eux et habite au plus profond de leur être, elle repose dans l'âme et ne méprise pas le corps. Elle remplit l'univers néanmoins il faut la chercher pour la trouver.

 

Sag. 6, 12sq.: "La Sagesse est resplendissante, elle est inaltérable, elle se  laisse facilement contempler par ceux qui l'aiment, elle se laisse trouver par ceux qui la cherchent. Elle prévient ceux qui la désirent en se faisant connaître la première. Qui la cherche dès l'aurore ne se fatiguera pas, il la trouvera assise à sa porte. <> car ceux qui sont dignes d'elle, elle-même va les chercher, et sur les sentiers leur apparaît avec bienveillance."

 

La quête de la Sagesse ressemble au chassé-croisé de l'amant et de la bien-aimé du Cantique des Cantiques, le juste l'aime, la désire, part à sa recherche dès l'aurore parfois bien loin de chez lui, de la tradition qu'il a reçue de ses pères, et il la trouve assise à sa porte. Heureux le disciple qui assit à la porte de son maître, trouve la connaissance des mystères; Ceux qui la recherchent au loin avec bonne foi ne seront pas pourtant déçus. La Sagesse est prévenante, gratuite comme le Dieu d'amour nous précède toujours, bien qu'il attende notre désir pour manifester sa lumière resplendissante.

 

Sag. 7, 22 sq.: "La Sagesse est un esprit intelligent, saint, unique, multiple, subtil, mobile, pénétrant, sans souillure, clair, impassible, ami du bien, prompt, irrésistible, bienfaisant, , ami des hommes, ferme, sûr, tranquille,  qui peut tout, surveille tout, pénètre tous les esprits <>. Elle est en effet un effluve de la puissance de Dieu, une irradiation toute pure de la gloire du Tout-Puissant. <>  Elle est en effet un reflet de la lumière éternelle, un miroir sans tache de l'activité de Dieu, une image de sa bonté. Comme elle est unique,  elle peut tout, demeurant en elle-même, elle renouvelle l'univers  et d'âge en âge passant en des âmes saintes, elle en forme des amis de Dieu et des prophètes <>. Elle est plus radieuse que le soleil, elle surpasse toutes les constellations; Comparée à la lumière, sa supériorité éclate car celle-ci fait place à la nuit, mais contre la Sagesse le mal ne prévaut pas. Elle s'étend avec force d'une extrémité de l'univers à l'autre, et elle gouverne l'univers avec bonté."

 

Cette hymne nous laisse pressentir la condition divine de la Sagesse, en lui faisant partager les attributs de Dieu dans le gouvernement providentiel de la création. Bien plus, elle est issue de Dieu; Elle rayonne comme lui, et son éclat constitue le reflet de la lumière éternelle. Maintenant, nous avons parfaitement le droit, même s'il est possible que l'auteur du livre de la sagesse n'ait pas eu conscience de toute les implications de sa déclaration, d'identifier la Sagesse avec le Logos divin.

 

La Sagesse & le Logos incarné:

 

Les apôtres méditant sur le mystère du Christ ont naturellement appliqué à Jésus tout ce que la première Alliance a dit de la Sagesse. C'est lui qui laisse transparaître sur son visage la lumière de Dieu au point de se présenter lui-même comme la "Lumière du monde." Jean 8, 12.  Saint Paul  après avoir déclaré que "Christ est puissance de Dieu et Sagesse de Dieu" 1 Corint. 1, 24, décline le mystère du Christ: "Il est l'image du Dieu invisible, Premier né de toute la création, en lui ont été créées toutes choses dans les cieux et sur la terre <> créées par lui et pour lui , il est avant tout, et toutes choses subsistent en lui." Colos. 1, 15.17. " et encore "Dieu en ces derniers jours, nous a parlé par le Fils <> par qui il a fait les mondes. Resplendissement de sa gloire et empreinte de sa substance, ce Fils porte toutes choses par sa parole puisssante". Héb. 1, 2.3.  

                                                               

C'est par la croix et la résurrection que le Logos incarné, la véritable Sagesse est devenu pour nous esprit pour se communiquer aux âmes saintes et en faire des amis de Dieu.

" Il n'y a qu'une Sagesse en Dieu; cette Sagesse c'est son Logos" dit saint Athanase. Avec l'anaphore de saint Marc nous chantons l'Economie du Père et disant: "Tout cela, tu l'as accompli par Celui qui est ta Sagesse et la vraie Lumière, ton Fils unique, notre Seigneur et sauveur Jésus-Christ".

Le Christ, Sagesse fait chair, réunit en lui la kénose d'un Dieu fait homme et l'exaltation d'un homme déifié. En sa personne une, s'accomplit parfaitement le programme de la Sagesse: L'univers est unifié, l'histoire orientée, l'humanité sanctifiée, Dieu parfaitement communiqué par une communion mystique.

 

Notre examen des Ecritures nous a permis d'avancer avec saint Athanase "qu'il n'y a qu'une Sagesse en Dieu; cette Sagesse c'est son Logos".

 

L'apôtre Paul dans son épître aux Colossiens leur livre la connaissance du mystère de Dieu: "Le Christ Jésus dans lequel se trouvent cachés tous les trésors de la sagesse et de la science." Col 2,2sq.  

Dans l'épître aux Ephésiens, saint Paul  explique son apostolat comme la mission de révéler aux juifs et aux non juifs la pleine richesse du Christ qui comme Sagesse était dissimulée en Dieu depuis les origines. Il se dit même chargé de divulguer la révélation aux puissances angéliques,   "d'annoncer l'insondable richesse du Christ, de mettre en pleine lumière le développement du Mystère caché depuis les siècles en Dieu le créateur de tout, pour que soit connue désormais des principes et pouvoirs célestes grâce à l'Eglise, la Sagesse infinie en ressources déployée par Dieu en son Economie  multiséculaire qu'il a réalisée dans le Christ Jésus, notre Seigneur." Eph 3,8.11.

Dans la continuité avec la Première Alliance, saint Paul voit dans le Christ la Sagesse en personne qui n'a pas de limite ni dans son domaine d'intervention, ni dans ses moyens. La Sagesse apporte au monde stabilité et plus encore le Christ-Sagesse enveloppe l'humanité par son incarnation comme d'un manteau de lumière, il donne à ses amis la vie divine.

 

Pour se voir drapé de la lumière divine, le croyant doit recevoir le baptême du Christ, Paul dit "revêtir le Christ".  Cette expression fait sans doute référence à Siracide 6,31 qui avait invité ceux qui voulaient demeurer dans la bénédiction de Dieu à revêtir la Sagesse: "Comme d'un vêtement de gloire tu t'en revêtiras, comme d'une couronne d'allégresse tu t'en couvriras".

 

La quête de la Sagesse:

 

Nous sommes bien conscients qu'il ne suffit pas de dire "Christ est Sagesse de Dieu" pour que les foules en recherche remplissent les Eglises.

A quoi aspirent  exactement aujourd'hui les chercheurs de Sagesse?  Sans risque de s'égarer, nous pouvons dégager trois sujets sans les hiérarchiser: la découverte un art de vivre en paix  intérieure et extérieure, la quête d'un sens à la vie, et le désir d'une vision globalisante  (holistique dit-on maintenant) de la création. 

 

Une réponse sur l'une ou sur les trois interrogations avec une recherche d'expérimentation constitue ce que les médias appellent "la nouvelle spiritualité".

Force est de constater  qu'il existe beaucoup de fournisseurs sur  le marché de la spiritualité,

                                                                                

certains, les sectes soumises au pouvoir d'un guide sans autre référence que sa propre inspiration, sont dangereux pour la société et l'équilibre mental, d'autres sont tout à fait respectables  et sans danger par le contrôle de ses maîtres par un corpus de traditions ou par l'initiation reçue dans l'étude et l'ascèse. Je pense surtout aux confréries soufis et au bouddhisme, les "sociétés traditionnelles" et les sagesses d'extrême Orient sont moins compétitives.

Les mouvements "pentecôtistes" et fondamentalistes, aussi bien dans le protestantisme que dans le catholicisme ne sont pas sans poser de question. Je ne peux évaluer ce soi-disant renouveau.

 

L'Eglise, école de Sagesse:

 

Au delà d'une brillante théologie et d'une "liturgie céleste", un observateur avisé  constatera que les Eglises orthodoxes en occident  n'apparaissent pas toujours comme un modèle d'union, d'ouverture et de charité. Elles ont aussi une grande difficulté à sortir de leur ghetto culturel, aussi leur impact reste marginal.

Pourtant les Eglises apostoliques pour rester  fidèles au Sauveur doivent non seulement garder précieusement la tradition des apôtres mais faire entendre leur voix dans le marché de la "nouvelle spiritualité" en répondant aux questions de nos contemporains.  Comme le scribe de l'Evangile, il est plus que nécessaire de tirer du neuf de son vieux fond.  

 

La demande d'art de vivre en paix intérieure et extérieure n'est pas aujourd'hui mon propos bien que relevant de la Sagesse: Je suis très attentif à l'enseignement des lamas et si je suis émerveillé par le ton  général et la qualité des exhortations,  je dois dire que je m'étonne de l'attention des auditeurs: Si on demandait dans les églises autant de rigueur morale, d'ascèse, de temps de méditation,  et de compassion, le prédicateur serait vite taxé de rétrograde.

                                                                           

Néanmoins les Paroles de Christ rapportées par les Evangiles nous donnent tout ce qui est nécessaire pour acquérir la paix profonde.

Les pères du désert ont approfondi le message, leur expérience monastique est parfaitement transposable à la vie des fidèles dans le monde. Il faut simplement calculer la dépense  et en accepter le prix. Si tout est donné par grâce, la conservation du  don divin  est conditionnée par la foi et les œuvres de la foi: le sérieux  du  faire en accord avec le dire.

La prière, la méditation et l'Office divin nourrissent l'esprit et par là, bien que cela ne soit pas leur objectif premier, équilibrent et unifient la personne.

 

La Sagesse de Dieu comble tous les désirs:

 

Pour donner un sens à la vie et situer l'humanité dans la création, le christianisme n'est pas démuni. Nos pères ont longuement médité le mystère du Christ-Sagesse; hélas, en raison des élucubrations de la fausse gnose et de l'usage par les ariens de l'expression "créée" dans le texte grec de Siracide beaucoup de  la réflexion est resté sous le boisseau.

 

Dans les pas du grand Origène, nous essayons de diriger le regard vers celui qui est la voie, la vérité, la vie, il invite tous les hommes à son repas céleste.

La Sagesse de la Première Alliance disait: "Ceux qui me mangent auront encore faim, ceux qui me boivent auront encore soif" Sir. 24,21, le Christ, Puissance et Sagesse de Dieu  vient combler tous désirs et déclare: "Qui vient à moi n'aura plus jamais faim, qui croit en moi n'aura plus jamais soif". Jean 6,35

Trois idées importantes s'imposent: a. Comment et pourquoi Jésus est Sagesse incréée,

b. toute la création  est contenue dans la Sagesse incréée,

c. la sagesse se communique à l'humanité.

 

a. Le Christ Jésus est celui  en qui toute la plénitude de la Divinité s'est plu à habiter corporellement;  Son principe est bien la divinité, même s'il s'est révélé à nous dans son humanité. Jésus est appelé Puissance même de Dieu, il n'est pas seulement le Logos fait chair mais le Logos-Dieu.

 

"Autre est dans le Christ la nature divine, le Fils unique du Père, autre la nature humaine qu'il a assumée<>  le Fils unique de Dieu reçoit des noms multiples <> Il est nommé Sagesse <> premier né de toute créature. Il n'est pas un autre premier-né par nature que la Sagesse, aussi il est un avec elle et le même qu'elle".            traité des principes,

                                                                

b. Origène ne fait pas l'impasse sur le texte reçu du Siracide au sujet de la 'création' de la Sagesse. Bien au contraire, la difficulté permet de développer une théorie audacieuse que nous appelons aujourd'hui panenthéisme: on peut dire que le Sagesse est créée principe de toutes choses dans la mesure où avant que le monde fut, la Sagesse incréée portait en elle les principes de toute la création non seulement comme idées mais comme puissances.

                                                                    

" Nous savons que Dieu est toujours le Père de son Fils unique, né de lui, tenant de lui ce qu'il est, sans aucun commencement cependant, qu'il s'agisse d'un commencement temporel, et même d'un commencement en théorie <> il faut donc croire que la Sagesse a été engendrée sans aucun commencement qu'on puisse affirmer ou penser. Dans cet être subsistant de la Sagesse, toute la création future était concrètement  (virtute) présente et formée.  <> A cause de ces créatures qui étaient en elle comme dessinées et préfigurées, la Sagesse dit par la bouche de Salomon qu'elle a été créée comme principe de ses voies, car elle contient en elle-même les principes, les raisons et les espèces de toute la création".                                                     traité des principes,

 

C'est peut-être en raison de cette relation mystérieuse que les théologiens peuvent affirmer que le Logos s'est fait chair sans changement, ni amoindrissement de sa nature, ni augmentation de son  être.

 

c. Notre grand alexandrin  présente aussi le Christ selon le prologue de l'Evangile de saint Jean comme le Logos, la Parole éternellement présente auprès du Père, avant de venir corporellement demeurer parmi les hommes: En tant que Logos/Parole, le Fils de Dieu révèle aux hommes le secret de son Père. La lumière des mystères conduit à la déification.

 

"Notre Sauveur est la Sagesse de Dieu; or la sagesse est rayonnement de la lumière éternelle. Si donc le Sauveur est sans cesse engendré <> par le Père, de même toi aussi, si tu possèdes l'esprit d'adoption, Dieu t'engendre sans cesse dans le Sauveur, à chacune de tes oeuvres, à chacune de tes pensées. Et ainsi engendré, tu deviens fils  de Dieu sans cesse engendré en Christ Jésus, à qui soit la gloire et la puissance pour les siècles des siècles".                                         homélies sur Jérémie,

                                                                                                       + E-P

Bibliographie

* Origène, traité des principes, traduct. Crouzel & Simonetti, SC N°252, 1978

* Origène, homélies sur Jérémie,  Traduct. Borret, SC N°232, 1989

* Michel  Fédou, La sagesse et le monde, Desclée 1995

 

 

   Le Christ Sagesse  du Père

 

La Sagesse personnelle de Dieu, son Fils unique, est créatrice et réalisatrice de toutes choses. En effet, dit le psaume: Tu as tout créé avec sagesse, la terre est pleine de tes créatures.

Afin que les créatures  non seulement existent, mais existent bien, Dieu a décidé que sa propre Sagesse descendrait vers les créatures  afin d'imprimer en toutes et en chacune une certaine empreinte et représentation de son image;<>

De même que notre parole humaine est l'image de ce Logos qui est le Fils de Dieu, ainsi notre sagesse est, elle aussi, l'image de ce Logos qui est la Sagesse en personne. Parce que nous possédons en elle la capacité de connaître et de penser, nous devenons capables d'accueillir la Sagesse créatrice, et par elle nous pouvons connaître son Père. Car celui qui a le Fils a aussi le Père, et encore: celui qui m'accueille reçoit celui qui m'a envoyé. <> Puisque le monde, par le moyen de la sagesse, n'a pas reconnu Dieu dans la Sagesse de Dieu, c'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Désormais Dieu ne veut plus comme dans les temps primitifs être connu par l'image et l'ombre de la Sagesse: Il a voulu que la véritable Sagesse en personne prenne chair, devienne homme, subisse la mort de la croix, afin qu'à l'avenir tous les croyants puissent être sauvés par la foi en cette Sagesse incarnée.

<> C'est elle qui, auparavant, par son image introduite dans les choses créées (et c'est en ce sens qu'on la disait créée), se faisait connaître et, par elle, faisait connaître le Père. Par la suite, elle-même, qui est le Logos, est devenue chair, comme dit saint Jean. Après avoir détruit la mort et sauvé notre race, elle s'est manifesté plus clairement elle-même, et, par elle-même, elle a manifesté son Père. Ce qui lui a fait dire: Donne-leur de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. Toute la terre a donc été remplie de sa connaissance. Car il y a une seule connaissance, du Père par le Fils, et du Fils à partir du Père. Le Père met sa joie en lui, et le Fils se réjouit de la même joie dans le Père, ainsi qu'il le dit: J'ai trouvé ma joie, et me réjouissais jour après jour en sa présence.

+ saint Athanase l'Apostolique

                                     

Lettre de saint Elie, N°133 décembre 1999, N°134 & 135, janvier février  2000                                                       

 

 

 

 

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