Tout l'univers est appelé au Salut

 

La création, œuvre de Dieu

 

Le mois de septembre est riche de fêtes qui nous invitent à méditer sur l'œuvre de Dieu, la création.

En premier lieu, le premier septembre, commencement de l'année liturgique chrétienne (pour ceux qui ont adopté le calendrier à jour, grégorien), puis la fête juive de Rosh Hashana (année 5776) qui tombe toujours milieu septembre, et encore, la fête de l'exaltation de la sainte Croix le 14, pendant laquelle nous bénissons les quatre points cardinaux, sorte de bénédiction "Urbi et Orbi", du temple, de la ville et de toute la terre. L'année 2015, s'est ajoutée dans beaucoup d'Eglises, les prières pour la sauvegarde de la création.  

 

Septembre, début de l'année

 

Bien que de manière générale, le début de l'année soit le 1er janvier depuis Jules César, l'Église a emprunté la date du premier septembre "début de l'indiction", comme commencement de l'année liturgique à la tradition juive, qui  célèbre le début de l'année civile au début de septembre (tishri).

A partir de 312, l’empereur Constantin Ier rendit obligatoire la mention de l'année de l’indiction (c'est-à-dire l'année fiscale), numéro d'ordre de l’année pour qu’un acte juridique soit valide.  L'indiction commençait au 1er septembre.

Charlemagne reprend ce mode de datation à partir de 800.

 

Dans ses offices de l'ouverture de l'année liturgique nouvelle, les Eglises font mémoire de l'œuvre de la création selon la volonté du Père par le Logos divin. Elles demandent qu'elle soit amenée à sa plénitude dans l'Esprit Saint. Elles prient pour le bon enchaînement des saisons et la bonne conduite des hommes.

 

Comme au principe du Salut, la sainte Eglise t'offre, ô Christ,  les prémices de l'année en s'écriant: Chantez le Christ, * exaltez-le dans tous les siècles.

Celui qui du non-être façonna  sagement tout l'univers en le créant du premier jet,  puis déroula par son vouloir les spirales du temps, chantez-le, exaltez-le dans tous les siècles.

Psalmodions pour notre Dieu * qui mène l'univers à bonne fin  et fait varier les temps et les saisons pour conduire les humains de multiples façons: Chantez-le, exaltez-le dans tous les siècles.

Logos et Puissance de Dieu, Sagesse véritable et personnifiée * qui tiens en mains l'univers * et le gouvernes sagement, * pour tes serviteurs également * dirige le temps présent * dans de paisibles conditions.

 

La fête juive de Rosh Hachana , (qui, littéralement, signifie la “tête de l’année”), célèbre le dernier épisode des sept "jours"  de la Création: la création de l'homme, Adam, l'anthropos.

Et, dit la liturgie juive du jour: le premier geste d’Adam, lorsqu’il s’adressa à toutes les créatures, a été de proclamer le Roi de l’univers en disant : Venez, inclinons-nous, prosternons-nous, plions le genou devant Dieu notre Créateur(Ps 95, 6 LXX 94).

Le sujet de la fête  est de proclamer la royauté de Dieu et l'engagement des fidèles de l'Alliance à le servir.

La tradition juive  explique que comme au premier Roch Hachana où Dieu créa le monde, chaque année, il reconsidère sa création, examine la qualité des liens par lesquels l'homme s'unit à Lui, et détermine les modalités de sa relation avec le monde pour l’année qui commence. C'est pourquoi, ce jour est suivi d'un temps pénitentiel pour se terminer par un jeûne le jour de Yom Kippour, celui du Grand Pardon. Pendant ces jours de Téchouva, (se tourner vers Dieu, les septante traduisent par  metanoïa, les langues latines par conversion), disent les rabbis, Dieu y est comme plus proche et il appartient à chacun de conforter le pardon divin. C’est dire que l’effort spirituel doit y être plus intense, mais aussi qu’il y est plus aisé. Quels sont, plus précisément, les axes de cet effort ? Ce sont ceux qui correspondent aux "trois piliers qui soutiennent le monde : l’étude des Ecritures, la prière et la bienfaisance".

 

La fête chrétienne de l'exaltation de la sainte Croix est liée à l'idée du pardon et de la régénération par le sang du Sauveur. A la bénédiction des points cardinaux, le prêtre chante en élevant la croix:

 

"Par sa croix et sa sainte résurrection, l’homme a été ramené au paradis,  prions le Seigneur". Le peuple s'écrie alors Kyrie eleison, c'est-à-dire: Seigneur donne-nous ta grâce, fais nous miséricorde. "Accorde ta grâce".

 

Le mot grâce signifiant à la fois le don de notre Père des Cieux de la grâce qui pardonne à ses enfants pécheurs qui se tournent à nouveau vers lui, - et le don de notre généreux créateur, avec son onction, sa bénédiction, son Esprit Saint, qui déifie le chrétien appelé à retrouver la ressemblance à son image divine originelle.

L'aspect cosmique de la fête de la croix se dévoile entièrement dans la doxologie:

 "La croix est exaltée en ce jour et le monde sanctifié, parce que tu sièges avec le Père et le Saint Esprit. Tu as étendu les mains sur la croix et appelé tout l'univers au Salut, ô Christ notre Dieu.

 

Prière pour l'environnement ou prière pour la création

 

Depuis 1989, à l'initiative du patriarche d'Istanbul, des Eglises orthodoxes célèbrent, avec la nouvelle année liturgique le 1er septembre, "une prière pour l'environnement". En l'année 2015, à la suite de l'encyclique "lodato si" du pape de Rome, l'Eglise catholique romaine s'est jointe à ce programme et a entrainé à sa suite un grand nombre d'Eglises de la Réforme.

Le saint synode de l'Église russe a décidé, au cours de sa réunion du 13 juillet 2015, de repousser le "jour de prière pour la Création" le premier dimanche de septembre, pour faciliter la présence des fidèles. I

l faut remarquer  le déplacement de l'objectif: à la prière "pour l'environnement", l'Eglise russe substitue une prière "pour la création". Ainsi, sans se laisser récupérer par la mode écologiste, l'Eglise proclame que la création doit être respectée, soignée, choyée, parce qu'elle est "l'œuvre des mains du Dieu de vie" confiée à la bonne gestion de l'homme. Ainsi bien comprise, je pense que nous devons nous associer à cette prière qui rassemble tous les chrétiens.

 

Prier pour la création

 

Pour des esprits forts, il apparait certainement dérisoire de prier lors de catastrophes naturelles ou humaines, vain de prier pour la sauvegarde de la création, puisque les astrophysiciens nous disent, qu'un jour, notre soleil finira par disparaître. Pourtant les croyants s'emploient à prier et rendre grâces pour tout. Je ne sais pas trop comment le Créateur envisage la continuité de notre système solaire avec "les cieux nouveaux et la terre nouvelle", mais je confesse que la création ne cessera pas, passera par la transfiguration de la matière dans l'esprit. Le comment appartient à la sagesse de Dieu.

 

Nous prions donc pour la création explicitement depuis l'origine de l'Eglise, dans les saintes anaphores eucharistiques, pour deux raisons essentielles: rendre grâces au Pantocrator, qui fait passer toutes choses du non-être à l'être, et nous souvenir que, lorsque nous demandons quelque chose au Seigneur, nous nous engageons aussi à agir, car il nous a désignés intendants de ses biens.

 

Pantocrator, dans la Septante traduit en général l’hébreu Sabaoth: Pantocrator littéralement "qui tient ou soutient tout"  désigne la souveraineté de Dieu dans l’univers. C'est un peu plus riche que sa traduction du latin "omnipotens" qui donne en français: "tout-puissant".

En créant, Dieu est présent en tout  par ses énergies incréées et par conséquent tout est en Dieu, bien que Dieu soit au-delà de sa création et bien distinct, Saint, tout autre. Comme l'écrit saint Irénée, 

 

"le Dieu Pantocrator, crée du non-être toutes choses, visibles et invisibles, célestes et terrestres, par le Logos de sa puissance, son Fils bien-aimé, et ordonne toutes choses par sa Sagesse, l'Esprit vivifiant.  Il contient tout, et, seul, ne peut être contenu par quoi que ce soit".

                                                                                                                 (Prédication apostolique 5)

 

          

Le récit de la création dans Genèse 1  nous explique qu'à chaque jour primordial, Dieu vit  que cela est "tov" bon et beau. Les foules, à la vue de la guérison du sourd muet, dirent de Jésus, "il fait bien toutes choses".

Ainsi, aussi bien en qualité de créateur qu'en celle de rédempteur, le Logos de Dieu fait bien, bonnes et belles toutes choses.

 

Les pères alexandrins mettent en avant que le Logos créateur a implanté dans chaque créature un logos, un projet unique, et que ce programme ira à son terme. "Il les a établis pour les siècles des siècles,  il a donné des Lois qui ne passeront point". Ps. 148.

 

Avec la mystique juive, quelques théologiens font ressortir que la création du monde n'est pas un acte du passé, mais continue, Dieu assure à tout moment l'existence des êtres et des choses qu'il a créés.

Car Dieu donne vie au monde de l'intérieur: l'unique Dieu qui a tout créé et façonné et qui, alors qu'il n'y avait rien, a donné d'être à l'univers, n'a pas utilisé une matière préexistante, il a fait ce qui est de ce qui n'était pas, Dieu est présent en tout et,  toutes choses sont en Dieu. Autrement dit, Dieu est à la fois immanent et transcendant, présent dans toutes choses, mais en même temps au-dessus et au-delà

d’elles.

 

                           

"Dans le Principe" en arkhè –Gn 1,1- & Jean 1,1- ne signifie pas que Dieu a tout commencé il y a des milliards d’années, et que depuis il a laissé les choses aller de leur propre mouvement. Cela veut dire, au contraire, que Dieu est à chaque instant l’arkhe constant et incessant, la source, le principe, la cause et le soutien de tout ce qui existe.

Cela signifie que si Dieu ne continuait pas à exercer sa volonté créatrice à chaque fraction de seconde, l’univers basculerait immédiatement dans le vide du non-être. Sans la présence active et ininterrompue du Christ – le Logos-Créateur – à travers le cosmos, rien n’existerait un seul instant.

Au-dessus et au-delà de la création, le Créateur en est aussi véritablement l’intériorité, son " en-dedans "." Saint Grégoire de Nysse  distingue deux créations, l'une purement idéale en Dieu, l'autre, historique, celle qui se déroule dans le temps. (de la création de l'Homme 16). Saint Basile compare "la création à un sanctuaire, où Dieu habite et se  manifeste. Elle renferme les mystères cachés".

 

Parmi ces mystères cachés, celui du rôle d'Adam: si la création est un sanctuaire, l'homme doit être un prêtre pour la création.

Le commandement "soumettez et dominez" - Gn 1,28- n'a pas pour enseignement d'inviter  à piller ou détruire, mais à devenir le prêtre de la création, à la manière du bon intendant de la parabole.

Quand pendant l'Oblation mystique le prêtre chante " nous t’avons apporté tes propres biens pris parmi tes dons, ce pain et cette coupe", nous confessons que Dieu nous a tout donné et, sans lui, nous nous approcherions de lui les mains vides.

Vis-à-vis de la création, nous ne sommes pas des propriétaires insatiables, mais des "offrants".   

      

                                                                                                               ¤ E-P          

 

Lettre de saint Elie N° 323 Octobre  2015 

 

Prier pour la création