Tout ce qui a été fait dans le Logos est vie

 

"La crise écologique, déclare le théologien orthodoxe Jean Zizioulas, est la crise d’une culture qui a perdu le sens de la sacralité du cosmos, parce qu’elle a perdu sa relation à Dieu".

La désacralisation du monde est la conséquence d’une vision objectivée de la nature, doctrine de la philosophie des lumières.

Toutefois au XXe siècle, la physique des particules a mis en évidence l'inanité de la chosification des animaux,  de l'homme, et de leur environnement, en montrant que tout est interdépendant et que chaque particule n’a d’existence qu’en interrelation avec d’autres particules. La complexité du tout se révèle être beaucoup plus que l’ensemble des parties car elle intègre les actions, les réactions et les rétroactions entre les éléments en présence. La philosophie "des lumières" a coupé les liens profonds avec la nature, avec l’autre, puis avec nous-mêmes, jusqu’à rejeter Dieu comme "une hypothèse inutile". L’exil du mystère de la création nous a entraîné vers une culture de la superficialité.

 

Pour retrouver une juste relation avec le vivant, il est nécessaire de développer une culture de l’attention, de l’émerveillement et de l'action de grâce.

 

  

     

 

Dans le livre de la Genèse, par dix fois, il est écrit: "Dieu dit ". Dieu crée le cosmos par dix paroles. Le cosmos bon et beau est posé par la Parole divine, qui n'est pas un son, mais Logos de Dieu, don de Vie. Chaque élément du cosmos est lié au Logos qui fonde son existence. "Dans le principe était le Logos; et le Logos était vers Dieu; et le Logos était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu.  Tout a été fait par lui, et sans lui pas une seule chose ne fut faite. De ce qui a été fait en lui était vie.  Et la vie était la lumière des hommes".   -Jean 1/1-4-.

Rien n’existe qui ne soit par la Parole et volonté de Dieu.

L’univers est le temple de la présence de Dieu. Toutes choses peuvent être reçues comme don de Dieu.

 

Nous bénissons et donnons par la Parole force à l’eau, l’huile, le vin et le pain.

La création n’a de sens profond et ultime que lorsqu’elle est le sacrement de la présence de Dieu. Le sacrement de l’eucharistie est par excellence le don de la vie divine par des éléments de la terre.

 

Le Logos s’est fait chair et il a habité parmi nous".  -Jean 1/14-. Le Logos s’est fait chair, il a investi la chair, il a pris du cosmos sa chair. Ainsi dans l’eucharistie, nous ne consommons pas du pain, mais nous communions au Christ, nous ne mangeons pas seulement de la matière, nous participons à la vie divine qui rayonne dans la matière du pain. Ainsi, nous ne sommes pas nourris par un pain ordinaire mais par la vie divine qui vivifie. C’est pourquoi saint Ignace d'Antioche a qualifié l’eucharistie de remède d’immortalité. L'eucharistie est que vie, vie éternelle, celle de Dieu. Dans l’eucharistie, Dieu incarné puis crucifié et ressuscité, se donne à nous comme " pain vivant descendu du ciel " pour nous apporter la vie.  -Jean 6/33-.

Saint Irénée de Lyon enseigne au sujet de la Sainte Oblation: "Nous offrons ce qui est sien proclamant d’une façon harmonieuse la communion et l’union de la chair et de l’Esprit. Car de même que le pain qui vient de la terre après avoir reçu l’invocation de Dieu n’est plus du pain ordinaire mais l’eucharistie constituée de deux choses, l’une terrestre et l’autre céleste, ainsi nos corps qui participent à l’eucharistie ne sont-ils plus corruptibles".

L’eucharistie récapitule le mystère de la création, et l’incarnation du Logos/Parole de Dieu en Jésus Christ.  

Ainsi, nous pouvons mieux saisir les paroles mystérieuses du Christ rapportées par l’apôtre Jean: "Amen, amen, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, <> Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui " -Jean 6/53-56-.

 

Le monde a été créé pour devenir lieu d’une action de grâce universelle, lieu d’une communion ininterrompue avec Dieu. "Il est vraiment digne juste, équitable de te rendre grâces, Père Pantocrator, en tous lieux et en tous temps".  Les mystères signifient que tout est perçu dans la relation à Dieu. A l’origine Adam percevait tout, en Dieu par l’Esprit Saint. Après la chute, tout est chosifié. Les choses sont perçues superficiellement, en dehors de leur relation à Dieu. Ne voyant plus le cosmos comme un don, l’homme oubli le Donateur. Le monde déchu ne sait plus que Dieu est " tout en tous".

 

Chaque élément cosmique est lié au Logos/Parole de Dieu qui fonde son existence. L'univers est suspendu dans le rayonnement des énergies divines. Le feu de la divinité rayonne dans le cosmos.

                                              

Pour approcher ce mystère, il nous faut revenir à la révélation extraordinaire du Buisson Ardent. Moïse "vint à la montagne de Dieu, à l'Horeb". Il eut cette expérience d’ouverture du regard sur la profondeur du réel: "Là, l’ange du Seigneur lui apparut dans un feu flamboyant qui sortait d’un buisson. Moïse voit que le buisson est enflammé et qu’il ne brûle point -Exode 3-2-. Dieu lui demanda d’ôter ses sandales, de ne pas piétiner cette contemplation par une curiosité malsaine qui veut capter, mais de se laisser saisir. Pour contempler ce mystère, comme Moïse, nous sommes appelés à nous dépouiller de nos regards impertinents, de nos rationalités hautaines. Le Buisson Ardent nous enseigne que le cosmos visible est la parure de l’invisible. Ce que l’on voit du cosmos n’est que l’apparaître des

 

choses, les apparences sont le voile d’une réalité plus profonde qui n’est pas perçue par celui qui n’a pas des yeux pour voir ou des oreilles pour entendre.

 

Ne percevant pas la présence de Dieu dans le cosmos, la révélation dans les Ecritures Saintes nous vient en aide. Par elle, Dieu, de sa propre initiative, entre en relation avec l’homme, Il se fait connaître et vient mettre en évidence l’univers comme sa création.

La bonne théologie n’exprime rien d’autre que l’union sans confusion en Christ du divin et de l’humain, dont le cosmos devient le lieu de manifestation. Présence du Créateur dans la créature sans que les deux ne puissent jamais se confondre, pourtant une seule hypostase. "Tout est récapitulé dans le Logos" dit saint Irénée.

" Depuis la création du monde, les perfections de Dieu,<> se voient fort bien à travers ses ouvrages". (Rom 1/20). "Ce monde visible contient un enseignement sur le monde invisible et cette terre renferme certaines images des réalités célestes. " (Origène). La création, pour ceux qui ont des yeux pour voir, est une fenêtre ouverte sur l’invisible: "Les cieux racontent la gloire de Dieu, le firmament proclame l’œuvre de ses mains". Ps 18/19.

 

Ce qui appelle une ouverture du regard et une culture de l’attention. Laquelle a été très négligée dans la pratique ascétique à cause de la perte de conscience du cosmos comme Buisson Ardent. Pour les pères du désert, puis ceux de la philocalie, appelés pères neptiques, l’attention est la clé et le nerf de toute vie spirituelle. La nepsis signifie, sobriété, vigilance, sobriété, attention.  Un être neptique est un être attentif, véritablement présent là où il est, ici, maintenant, cultivant le moment immédiat. Comme Moïse au buisson ardent, il dépose, non pas ses chaussures, mais son inattention pour reconnaître que le lieu où il se tient est saint.   Dans certaines liturgies anciennes, le diacre appelle l'attention de nombreuses fois par un retentissant "Soyons attentifs".

                                                       

Il nous faut redécouvrir le cosmos comme Buisson Ardent, comme œuvre de la toute puissance du Logos de Dieu. Par l’incarnation du Christ, le cosmos est sacrement de sa présence. Car la création n'est pas un acte du passé mais présence qui continue. Le théologien grec Nikos Nissiotis affirme: "Dieu a créé le monde pour s’unir à l’humanité à travers toute la chair cosmique devenant chair eucharistique".

Car il y a en toutes choses un mode de la présence mystérieuse de Dieu, celle de ses Energies incréées qui soutiennent toutes choses

 

Pour le chrétien tout est don et tout est grâce. En ce sens l’eucharistie est la réponse plénière au don de la vie et de la création. Par l’eucharistie, le chrétien entre dans une réciprocité d’amour avec Dieu, il atteste le don de Dieu et lui rend grâce.

Celui qui incarne pleinement cette action de grâce, c’est le Christ qui se tient devant le Père comme prêtre sanctifiant: " c’est Lui qui offre et qui est offert, qui reçoit et qui distribue"  (anaphore de saint Athanase et apologie de saint Sévère d'Antioche).

   

 

La seule offrande véritable, c’est le Christ. Toutes choses sont en lui, par lui et pour lui. Si Dieu ne nous avait pas d'abord remis le cosmos comme un don gratuit, si le Christ ne s'était pas offert librement, nous ne pourrions faire aucune offrande.

 

Au dernier jour, l'homme sauvé ne sera pas retiré d'un coup du reste de la création, celle-ci sera sauvée et glorifiée avec lui.

C'est pour cela que nous rendons grâce pour la création et que nous voulons en prendre soin.                                                                                                                                                           

                                                                                                    +E-P           Septembre  2018 

 

      

prendre soin de la création