Paskha, douceur du Sauveur
Les textes de la vigile pascale sont bien connus des fidèles, pourtant une petite bénédiction passe inaperçue quand elle n'a pas complètement disparue de l'ordo: il s'agit de la bénédiction du lait mêlé de miel, la paskha.(aujourd'hui composée de fromage blanc égoutté et miel) Pourtant la présence de cet aliment est bien documenté, aussi bien en Orient qu'en Occident, par des témoignages explicites les plus anciens.
Le rite de la bénédiction et de la distribution du lait mêlé de miel est mentionné la première fois dans le célèbre ouvrage de saint Hippolyte de Rome, "La Tradition apostolique" rédigé vraisemblablement vers 215. Le rite se place dans l'Office pascal, sommet de l'initiation chrétienne des néophytes, elle comporte aussi une liturgie baptismale qui ouvre la célébration de l'Eucharistie. " Alors l'Oblation sera présentée par les diacres à l'évêque et il rendra grâces sur le pain figure du corps du Christ, sur le calice de vin mélangé, figure du sang répandu pour tous ceux qui croient en lui, sur le lait et le miel mélangé pour l'accomplissement de la promesse faite à nos pères qui dit "je vous donnerai la terre où coule le lait et le miel", qui est aussi le Christ qui a donné sa chair, dont, comme des petits enfants, se nourrissent ceux qui croient en lui, lui qui par la douceur de la Parole, dissout l'amertume du cœur, sur l'eau d'oblation pour signifier le baptême afin que l'homme intérieur qui est l'âme soit aussi lavé comme le corps." Outre donc le pain, ce sont donc trois calices qui sont présentés à l'évêque pour la sanctification, celui du vin consacré, celui du lait mêlé de miel, et celui d'eau. Ce dernier correspond probablement à l'eau que les fidèles de l'Eglise copte reçoivent à la fin de la Sainte Oblation, elle fait référence aux paroles du Seigneur: "Qui boira de l'eau que je leur donnerai n'aura plus jamais soif, l'eau que je donnerai deviendra en lui source d'eau jaillissante en vie éternelle". Jn 4,14. Saint Hippolyte décrit en cette nuit de Pâques la distribution des éléments sanctifiés par la prière de l'évêque: Quand il aura rompu le pain, en présentant chaque parcelle, il dira: "le pain du ciel dans le Christ Jésus". <> Si les prêtres ne suffisent pas, des diacres aussi tiendront les calices, et se tiendrons en bon ordre, le premier présente l'eau, le second le lait, le troisième le vin. Ceux qui reçoivent la communion goûteront chacun des calices.<> celui qui donne dira: "en Dieu le Père qui soutient tout, <> en le Seigneur Jésus Christ, <> en l'Esprit Saint et la Sainte Eglise". (1)
La version copte de ce texte nous est transmise par la "constitution de l'Eglise égyptienne" publié sur le texte en arabe sous le nom de "Canons d'Hippolyte". Le canon 19 reprend peu ou prou le texte latin en ajoutant les précisions suivantes: " L'évêque accomplit l'eucharistie du corps et du sang du Seigneur. Lorsqu'il a achevé, il communie le peuple, lui-même étant debout près de la table du corps et du sang du Seigneur et les prêtres portants les calices du sang du Christ et aussi les coupes de lait et de miel, afin que ceux qui communient sachent qu'ils sont nés une nouvelle fois comme des enfants, car les enfants reçoivent le lait et le miel.<> [Après la communion au sang du Christ,] ils communient au lait et au miel, en mémoire du siècle à venir, et la douceur de ses biens, siècle qui ne revient pas à l'amertume et ne disparaît pas". (2)
Le texte le plus ancien portant une référence implicite à la paskha est celui des odes de Salomon daté du tout début du second siècle. Ainsi l'ode 19: "Une coupe de lait, m'a été offerte, je l'ai bue dans la douce suavité du Seigneur. Le Fils est cette coupe, celui qui a été trait c'est le Père, celui qui l'a trait, c'est l'Esprit Saint". (3) cette allégorie n'est certes pas du goût de notre temps, elle illustre pourtant l'idée que le lait est le signe du nourricier de Vie, du Logos/Parole de Dieu dont le Père est la source, et l'Esprit Saint le communicateur. Comme ajoute l'ode: "Ceux qui le reçoivent en plénitude sont à sa droite".
Une autre source, occidentale, est un sacramentaire de la bibliothèque du chapître de Vérone daté fin 5 siècle/ début du 6è siècle, découvert au XVIIIè siècle et nommé par son publicateur, sans aucune attestation tangible, "sacramentaire Léonien" pour honorer le pontife romain Léon. La liturgie présentée dans ce manuscrit est certainement un exemple unique de la liturgie typique de Rome sans ajout gallican. Voici la bénédiction de l'eau, du lait et du miel: " Bénis aussi, Seigneur, ces créatures qui sont tiennes: la fontaine, le miel et le lait; abreuve, tes serviteurs de cette fontaine, qui l'Esprit de Vérité, et nourris-les de ce lait et de ce miel que tu as promis à Abraham, Isaac et Jacob, nos frères en quelques sortes, à qui tu as promis de les introduire dans la terre de la promesse, terre où coulent le lait et le miel. Unis donc tes serviteurs, Seigneur à l'Esprit Saint comme sont unis ce miel et ce lait. Par cette union est signifiée l'union dans le Christ Jésus notre Seigneur des substances célestes et terrestres. (PL col 4,21-156)
Un citoyen de Ravenne a demandé à un diacre romain "pourquoi l'on met du lait et du miel dans un calice sacré et pourquoi on l'offre pendant le sacrifice du samedi soir ?" Le diacre lui répond en faisant mention de la Pâque juive commémorant la traversée de la mer rouge et l'entrée dans la terre promise "ceux qui participent au corps et au sang du Christ, recevront la terre promise. Ils commencent à en prendre le chemin, comme des enfants, ils se nourrissent de lait et de miel". (4)
Le texte fondateur de notre bénédiction de la paskha est le message du Seigneur à Moïse lors de la rencontre du buisson ardent: "Je suis descendu pour délivrer [mon peuple] <> pour le faire monter <> dans un pays où coule le lait et le miel." -Exode 3,8- Pour Origène, cette terre promise est une réalité géographique certes, mais surtout une réalité spirituelle. "Terre de la promesse, cette terre où Jésus, après Moïse te prend en charge et devient le guide de ta route nouvelle". (sur Josué 4,1) Jésus prend en charge son peuple et le conduit vers le Royaume de Dieu, monde nouveau de la résurrection, "la promesse que lui-même nous a faite, c'est la vie éternelle". -1 Jn 2,25- La coupe de lait et de miel vient renforcer la force du Repas du Seigneur, anticipation du banquet céleste. En communiant à cette coupe, les nouveaux baptisés et tous les fidèles prennent conscience que par la croix et la résurrection du Sauveur, ils ont été affranchis de l'esclavage du péché qui règne dans ce monde et qu'ils ont reçus la liberté des enfants de Dieu dans son Royaume. Royaume qui en Christ est pour nous une réalité de chaque jour qui commence. Notre vie terrestre reste toutefois, une route vers ce Royaume, un commencement de l'accomplissement, nous restons devant le Mystère comme des petits enfants. Ne perdons pas de vue l'ode de Salomon qui voit dans la coupe de lait la Parole de Dieu lui-même ou celle de son Logos. La coupe de lait et de miel évoque au fond le Christ notre terre promise, c'est Jésus ressuscité qui assume en lui toute la création "le siècle à venir qui ne disparaît pas".
Terminons notre étude avec saint Irénée: "Comme des petits enfants, le Pain parfait du Père se donna t-il à nous sous forme de lait, ce fut sa venue comme homme, afin que nourris pour ainsi dire à la mamelle de sa chair et accoutumés par une telle lactation à manger et boire le Logos de Dieu, nous puissions garder en nous-mêmes, le Pain d'Immortalité qui est l'Esprit du Père". (AH IV 38.1)
+ Elias-Patrick, mai 2019 Bibliographie: 0. G-H Baudry, la coupe de lait mêle de miel, in Esprit et Vie, novembre 1996 1. Hippolyte de Rome, la tradition apostolique, texte latin établi par B. Botte (traduction libre E-P) SC 1968, chapitre 20 2. Les canons d'Hippolyte, traduction R-G Coquin, PO, tome XXXI, n°149, 1966 3. Les odes de Salomon, in "naissance des lettres chrétiennes", 1957 4. Diacre Jean, lettre à Senarius, PL 59 col 399-408 Recette de la paskha à la mode du sanctuaire du prophète Elie Ingrédients pour 8 personnes:
- 200 g de crème fraîche - beurre 200g - raisins secs préalablement trempés 50 g - fruits confits 50 g - cerises confites - zeste de citron ou citrons confis 30 g - une demi gousse de vanille ou 3 sachets de sucre vanillé - 100 g à 150 g de miel de lavande ou thym Préparation: - verser le mélange miel, fromage blanc et crême fraîche, les fruits confits, les raisins secs, zeste de citron et la vanille dans moule à paskha ou à défaut dans un pot de fleur en terre cuite neuf, . - faire égoutter environ 12 h ou le temps qu'il faudra pour obtenir une fromage dense mais frais. - Démouler et décorer avec les fruits confits. Il ne reste plus qu'à bénir.
Vous trouverez aussi sur internet un grand nombre de recettes à la mode russe
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