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L’HUILE DE MISERICORDE

 

ETUDE SUR L’ONCTION DES MALADES

          par Elias-Patrick, higoumène du sanctuaire du prophète Elie

                                                                                    à Montpeyroux

                                            Janvier & février 1993, mis à jour sept.2008

                                                                                       

 

1ère PARTIE : les présupposés bibliques

 

 

Jésus, le Messie, tout au long de son ministère, a rencontré sur les routes et dans les villages de Palestine toutes sortes de malades. Il n’est pas passé indifférent à la souffrance physique; il accomplit les promesses messianiques en réalisant en même temps la guérison physique et spirituelle.

                                  

“Il parcourut la Galilée toute entière, enseignant dans les synagogues, proclamant l’Evangile (la Bonne Nouvelle) du Royaume et guérissant toutes maladies et toutes débilités dans le peuple. Sa renommée gagna la Syrie toute entière, et on lui présenta tous ceux qui étaient malades, atteints de divers maux et tortures : démoniaques, lunatiques, paralytiques ; et il les guérit.”  Math.4.23.24

Ce ministère de guérison, Jésus le communique et le transmet aux apôtres, et par ceux-ci, à l’Eglise.

 

                                 

 

Tous les mystères, depuis le baptême jusqu’aux rites des funérailles (quel paradoxe !) ont pour but de donner à l’homme le Salut (= la santé) et ainsi de l’introduire dans le Royaume. L’Eucharistie même, instituée par le Seigneur, comme mémorial de sa mort et de sa résurrection, Nouvelle Alliance en son sang, est distribuée pour la guérison de l’âme et du corps, pour la vie éternelle (1).

Cet article, sans pourtant se prétendre exhaustif, tentera de cerner, autant qu’il est possible le ministère de la guérison contenu dans le sacrement de l’onction,  ou pour s’exprimer avec plus de précision, le mystère de" l’huile de la prière".

 

Nous essayerons, de déchiffrer brièvement le sens de la maladie et la guérison dans les écrits bibliques, de connaître l’attitude des premiers chrétiens sur l’onction pour la guérison des malades; puis nous examinerons les plus anciens eucologes  qui traduisent la tradition apostolique. Les écrits des pères éclairciront  les incertitudes. Nous étudierons, alors, l’évolution des rituels plus récents, et tout en étant respectueux de cette histoire et du patrimoine transmis et enrichi au cours des siècles, saisir ce qui constitue le fond vivificateur des amplifications de circonstances. Ainsi, nous pourrons rendre compte en esprit et en vérité sur ce que nous confessons et accomplissons, nous prêtres en bénissant l’huile de miséricorde, nous fidèles, en venant demander à l’Eglise la guérison. 

                                                                      

La maladie et le péché

 

La maladie, les souffrances, la mort injuste de l’homme non encore rassasié de jours, pose un problème aux hommes de tous les temps. Dans un monde au sacré sauvage, le sens religieux établit facilement un lien entre la maladie et le péché, l’infraction rituelle surtout, (le tabou), il suffit de renvoyer aux discours des amis de Job.

Dieu a créé l’homme pour le bonheur du paradis. La maladie, comme tous les autres maux est contraire à son programme. La Genèse nous explique que les difficultés et la mort sont entrées dans le monde après la désobéissance d’Adam. Deutéronome 28,21,sq. explique que l’expérience de la maladie est le résultat de la surdité à la voix du Seigneur:

“ Si tu n’écoutes pas la voix du Seigneur ton Dieu en veillant à mettre en pratique tous ses commandements et ses lois ... le Seigneur te fera attraper une peste... te frappera de consomption, de fièvres, d’inflammation, de brûlures... de folie, de cécité et d’égarement d’esprit”.

Ces épreuves doivent faire prendre conscience du pêché.

Le Psalmiste effectivement dans ses supplications, implore la guérison en avouant ses fautes.

 

Seigneur, ne me réprimande pas dans ta colère

et ne me punis pas dans ta fureur...

ta colère n’a rien épargné dans ma chair

rien de sain dans mes os, à cause de mon péché...

Mon coeur défaille et ma force me laisse.

La lumière de mes yeux n’est plus avec moi...

Oui , je reconnais ma faute

je souffre de mon péché...

Tu frappes l’homme pour le punir de son péché... Psaume 38. (2)

 

Le malade est en pleine détresse, son mal lui donne une conscience nouvelle de son péché, à la fin du psaume, il met toute sa confiance en Dieu. Il s’abandonne à sa justice et à sa grâce: “Dieu est le juste juge, toute l’espérance est en lui”.

 

Le Psaume 107 fait défiler dans le temple les diverses catégories de fidèles qui viennent louer le Seigneur.

 Certains, v.17 à 23, devinrent malades par suite de leur péché, ils furent torturés pour leur iniquité... ils touchaient aux portes de la mort. Mais ils crièrent vers le Seigneur dans leur angoisse... Il envoya sa Parole (logos) et les guérit...

 

Les hommes de la première Alliance ont ainsi conscience que la maladie est une conséquence du relâchement des relations avec Dieu, de la chute dans le monde du refus de l’amour divin.  Cela n’interdit pourtant pas le recours à l’art du médecin. Jésus ben Sira, fait un bel éloge de la profession médicale et encourage le sage à faire appel à lui. (lire en entier les v.1 à 15 du chapitre 38 de l’Ecclésiastique ou Siracide).

 

“honore le médecin pour ses services ...

le Seigneur a créé des remèdes issus de la terre,

l’homme avisé ne les méprise pas...”

Mais c’est à Dieu qu’il faut recourir avant tout :

“C’est du Très Haut en effet que vient la guérison...

mon fils, dans la maladie ne sois pas négligeant

mais prie le Seigneur et il te guérira...

Renonce à tes fautes, purifie ton coeur...”

 

 

La guérison est un don de Dieu, elle a valeur de signe : Dieu se penche sur l’humanité souffrante pour la soulager.

Par la maladie, l’homme prend conscience de ses limites et de sa dépendance, il se souvient aussi du créateur souvent oublié. Là se situe les limites de l’épreuve mis devant lui par le Seigneur. Pourtant, gagné par une image idolâtre de la divinité, l’homme peut partager l’idée que la maladie est le châtiment automatique d’une faute personnelle, de ses parents ou même de toute une lignée (3).

 

La maladie et Jésus le Christ

 

Jésus le Christ refuse cette interprétation. A la question des disciples à propos de l’aveugle de naissance : “qui a péché, lui ou ses parents ?” Il répond : “Ni lui n’a péché, ni des parents, mais c’est pour qu’en lui soient manifestés les œuvres de Dieu” Jean 9, 1 à 3.

Cette réponse écarte l’idée de châtiment, elle montre pourtant que la maladie peut avoir un sens pour l’avenir.

 

Sans s’attarder à distinguer ce qui est maladie organique ou fonctionnelle de ce qui est possession démoniaque, “d’un mot il chasse les esprits et guérit ceux qui sont malades” -Math.8,16-.

Ces guérisons manifestent l’ouverture des temps messianiques, l’instauration du règne de Dieu. Jean, le Baptiste pose la question essentielle  “Es-tu celui qui doit venir, ou devons nous en attendre un nouveau ? ” Jésus ne donne pas d’autre argument : “les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, et les morts ressuscitent, et la bonne nouvelle (Evangile) est annoncée aux pauvres”. -Math.10, 2-6-

 

La maladie présente une analogie avec l’état dans lequel se trouve le pécheur; spirituellement, il est aveugle à la réalité divine, sourd à la voix du Seigneur, paralysé incapable de marcher dans la voie juste, boiteux indécis, penche vers le bien puis vers le mal. La guérison des maladies du corps représente celle de l’âme. Devant tous les malades qui implorent la guérison, Jésus ne manifeste qu’une exigence: qu’ils croient. Leur foi en lui, le Fils de l’homme, implique la foi au Royaume de Dieu. Jésus est venu comme le bon médecin qui, selon Isaïe 53,4 cité par Math. 8,17, “a pris nos infirmités, a porté nos maladies”.

 

L’incarnation du Logos divin consiste à participer à la condition de l’humanité souffrante, jusqu’à la croix, pour pouvoir la délivrer et la faire triompher de ses maux (4).

 

Pour les synoptiques, en accomplissant ses miracles, surtout les guérisons, Jésus atteste que le Royaume des cieux est présent. Dans les écrits johanniques l’accent est mis sur l’aspect ontologique de la messianité de Jésus;  il est le Logos, Celui en qui réside la Vie, ou plus exactement, il est la Vie et la communique. La résurrection en est le signe par excellence. Les guérisons doivent être lues comme prémices de la résurrection.

 

Jésus, dès le début de son ministère a associé ses apôtres à son pouvoir “sur les esprits impurs et à guérir toute maladie ou débilité” -Math. 10.1- Il leur a donné mission et pouvoir “d’imposer les mains aux malades” -Marc 16,18-, de les oindre d’huile -Marc 6,13- et de les guérir (5).

L’onction en faveur des malades est une action salvifique posée par le Christ, c’est lui, qui, par la prière et le signe de l’onction continue auprès des malades, par l’intermédiaire de l’Eglise, le ministère d’amour et de réconfort.

 

Saint Jacques et la guérison

                                    

 

Saint Jacques, au chapitre 5, 14.15 de son épître, se référant à une pratique qui ne semble pas nouvelle dans l’église de Jérusalem écrit :

 

 “l’un de vous est-il malade ? Qu’il fasse appeler les prêtres (presbytéros) de l’Eglise et qu’ils prient en faisant une onction d’huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera (Sôsei) le patient ; le Seigneur le relèvera (egerein) - ressuscitera - et s’il a commis des péchés, ils lui seront remis”.

 

Il faut savoir que les pères antérieurs au Vè siècle parlent souvent de l’huile sainte mais aucun ne semble mettre en rapport cette pratique avec notre épître de Jacques. Lorsqu’ils la citent, ils pensent plutôt la rémission des péchés : Origène dans sa 2ème homélie sur le lévitique explique les sept voies pour obtenir le pardon divin. La 7ème consiste à

“déclarer son péché au Seigneur et de demander un remède... Ainsi, s’accomplit encore ce que dit l’apôtre Jacques : quelqu’un est-il malade ...” (6)

Saint Jean Chrysostome, dans son dialogue sur le sacerdoce, cite le passage de Jacques comme une preuve de la puissance du prêtre pour le pardon des péchés :

“Ils effacent nos fautes en nous régénérant dans les eaux baptismales, et remettent encore les fautes commises après le baptème. Quelqu’un par vous est-il malade, dit l’apôtre, ...” (7)

 Aucune autre précision n’est donnée au sujet de la confession, le pardon est expliqué par le seul geste de l’onction.

 

Avant d’aborder les textes liturgiques, il convient d’étudier attentivement notre péricope de Jacques  devenue lieu commun du sacrement de l’onction (8).

“Quelqu’un d’entre vous est-il malade ? qu’il prie :”

La prière s’applique à toutes les situations de la vie. Nous ne sommes pas seuls lorsque l’épreuve nous atteint. Le terme grec traduit la maladie est astheneia   qui désigne précisément la faiblesse, il est fréquemment utilisé par saint Jean et Luc. Ce mot évoque une diminution de l’activité vitale. Ils ne désignent pas des symptômes déterminés, mais une situation, une altération de l’intégrité corporelle et spirituelle. L’astheneia, comme nosos - maladie - dans le sens le plus large,  ou malakia - langueur, mollesse - peut s’appliquer à la pauvreté, la captivité, la famine.

L’amoindrissement peut aussi être causé par la méchanceté d’autrui, donc aussi avoir pour origine l’influence du démon.

 

La maladie dont parle saint Jacques n’est donc pas limitée à un problème de santé physique mais à tout état de mal être (9).Le physique et le psychique réagissent constamment l’un sur l’autre. Quand l’un des aspects de l’être humain  est atteint, l’être entier est touché.

  

“Qu’il appelle auprès de lui les prêtres (anciens) de l’Eglise”

 Les pasteurs de l’église sont appelés ici presbytéroi, les anciens. Il s’agit sans aucun doute, des ministres qui président à la communauté. Ils viennent au chevet des malades, non pas en vertu d’un don de guérison dont ils seraient dépositaires (10), mais en leur qualité de ministres, serviteurs responsables de la communauté chargés de diriger la prière. L’Eglise elle-même est marquée par la maladie de l’un des frères, elle est solidaire avec ceux qui souffrent, représentée par les prêtres, elle est convoquée et se rassemble autour de ses malades pour prier.

 

Qu’ils fassent des prières sur lui en l’oignant d’huile au nom du Seigneur”.

Il s’agit de toute évidence d’une coutume parfaitement connue de l’Eglise : Jacques la présente, dans le contexte de recommandations diverses, sans justification théologique et référence biblique, elle est donc normalement pratiquée dans l’église et n’appellent pas de question. L’onction a été pratiquée dans les communautés avant de devenir l’objet d’une doctrine explicite.

 

La première Alliance connaît déjà l’usage de l’huile et y attache une signification spirituelle (11).

Je laisse de côté les onctions de consécration des lieux saints -Gen.28,8-, objets de culte -Exode 29,36 et 30,26-, rois -2 Sam. 2,4-, prêtres -Exode 28,41-.

La loi prescrivait une onction pour la purification des lépreux -lév. 14,15.18-, non comme thérapeutique mais comme signe de guérison accomplie.

Il semble que dans le judaïsme tardif, l’huile reçut un caractère médicinal. La Mishna, traité du shabbat 14,4 "interdit le samedi à celui qui a mal aux reins de se frotter avec du vin ou du vinaigre mais autorise l’onction d’huile". De même, § 23,5, "il est permis le samedi d’accomplir tous les travaux nécessaires au mort, notamment l’enduire d’huile".

 

C’est que l’huile, elle-même, paraît appartenir au sabbat, précurseur de la réalisation des promesses eschatologiques. Elle pourrait bien dans la tradition juive et judéo chrétienne représenter (c’est à dire rendre présente) la vie éternelle.

 

L’apocalypse de Moïse présente l’arbre de vie comme étant un olivier. Il décrit notamment Adam, prototype du genre humain, aspirant après “l’huile de miséricorde” qui coule de cet arbre. Michel, envoyé par le Seigneur expliquera à Seth:

“Ne te fatigue pas à supplier et à prier au sujet de l’arbre dont coule cette huile pour oindre ton père Adam avec celle-ci. Elle ne te sera pas accordée maintenant, mais seulement aux derniers jours. Alors, toute chair, depuis Adam jusqu’à ce grand jour, ressuscitera ; tous ceux qui sont un peuple saint”

 

La résurrection de Jésus écarte le chérubin et rouvre l’accès au paradis. Lui qui est l’oint  (le Christ) il communique l’onction ontologique : l’Esprit Saint (12)

 

Il n’est pas impossible, qu’aussi dans la nouvelle Alliance, l’huile ne soit pas directement un remède mais plutôt un signe. D’après Jacques, la force qui émanait de Jésus, est toujours, par Lui, en Lui, à la disposition des prêtres de l’Eglise, l’huile d’onction met en lumière l’action divine.

 

Et la prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le relèvera, et s’il a commis des pêchés, ils lui seront remis.”- Jacq. 5,15-

La première lecture de ce verset indique clairement que la conjonction sur les malades de la prière, l’onction et la foi, a une puissance particulière de guérison et de pardon des péchés. Une lecture plus appliquée déchiffre plusieurs éléments obscurs.

La première difficulté réside dans la signification de deux verbes :

1. sôzein : guérir, sauver

2.  egeirein : relever, réveiller, ressusciter.

Les deux, dans le vocabulaire du Nouveau Testament peuvent désigner, soit le rétablissement dans la santé du malade, soit le salut eschatologique (13).

S’il n’est pas raisonnable d’écarter le don de guérison, retour à la santé lié à l’onction, il faut et l’expérience nous y oblige, considérer la liberté divine.

 

L’ambigüité des deux verbes permet à Jacques de laisser Dieu libre de la manière dont il répondra : la guérison physique et/ou spirituelle c’est à dire la participation au mystère pascal du Christ dans la condition de souffrance qui donne au malade de vivre sa maladie autrement.

La seconde difficulté est la rémission des péchés. La phrase de Jacques peut vouloir dire :

1- les péchés sont remis par l’onction

2- la maladie n’a pas de rapport avec les péchés:  il peut y avoir péché ou pas ; s’il y en a l’onction délivre

3- c’est le fait de la résurrection qui remettra les péchés

3a - résurrection dont la guérison est le signe

3b- résurrection = libération spirituelle.

 

En fait, en poursuivant la lecture par le verset 16, nous avons la surprise de voir surgir enfin le verbe "guérir" dans son sens pleinement médical : iatreio.    

Curieusement ce pouvoir de guérir est donné à toute la communauté confessant les péchés les uns aux autres. La guérison est associée au pardon. La confession mutuelle et le pardon qui s’ensuit guérit de la maladie du péché. Les pères cités plus haut ont bien vu dans l’épître de Jacques le témoignage de la rémission des péchés qu’ils ont associée au rit de l’onction.

 

Mais surtout, c’est le Seigneur lui-même qui agit par les presbytres. “Ce Jésus, qui selon la parole de saint Irénée, est appelé Christ,  à la fois parce que son Père l’a consacré et parce que, par lui, il a oint, fait toilette, tout l’univers.”                  

 

Notes et bibliographie :

 

(1) prière de saint Jean Chrysostome avant la communion : “Je crois et je confesse... que la réception de tes saints mystères, Seigneur, ne tourne point à mon jugement et à ma condamnation, mais à la guérison de mon âme et de mon corps”.

- post communion de la liturgie de saint Basile : “Nous te rendons grâce, Seigneur, pour cette participation à tes mystères saint et purs, célestes et immortels, que tu nous as donnés pour le bien être, la sanctification, et la guérison de nos âmes et de nos corps...”

(2) Je devrais citer les psaumes avec la numérotation du psautier liturgique, celui de la septante ; toutefois, pour simplifier la vérification du lecteur, j’utilise ici la numérotation des massorètes présente dans toutes les bibles contemporaines. La traduction, en revanche, serre de très près le texte alexandrin.

 (3) Il faut affirmer nettement que la notion extrême orientale de “karma, acte, pensée, parole, omission qui déterminent le destin d’un être vivant” (lama Anagarika Govinada, présentation du Bardo-Thodol, Albin Michel 1981) est étrangère au judéo Christianisme.

(4) L’anaphore d’Hippolyte résume admirablement l’économie de l’incarnation :

 

"Il a étendu ses mains tandis qu’il souffrait

pour délivrer de la souffrance

ceux qui croient en toi.

Tandis qu’il se livrait à une souffrance volontaire

pour détruire la mort

briser les chaînes du diable

fouler l’enfer à ses pieds...

et manifester la resurrection..."

 

(5) Ce n’est qu’au 5ème siècle, qu’on a mis en rapport le mystère de l’huile avec l’épître de saint Jacques. La première mention à ma connaissance est celle de saint Cyrille d’Alexandrie, de l’adoration en esprit et vérité P.G. 68 col 472. La pratique de l’Eglise a précédé l’explication théologique de l’institution des sacrements. Il semble bien que l’onction fut pratiquée aussi dans la primitive communauté en référence à Marc 6.

P.Trembelas, dans sa dogmatique de l’Eglise orthodoxe catholique, Desclée  1969, T.3, P.371, voit seulement en Marc “une onction d’huile avec pour but principal d’éveiller la foi”. La piste est intéressante mais l’exégèse est contestable, elle appartient à une théologie  scolastique formaliste. Il existe une unité du mysterion, il ne convient pas de le morceler par des classifications réductrices.

(6) S.C. (Sources Chrétiennes) n° 286, Paris 1981, p. 107.

(7) livre 3, chap.6 ; Edition du Soleil Levant, Namur 1958, p.78

(8) ouvrages consultés et utilisés pour la rédaction de ce paragraphe :

- Francois Vouga, l’épître de St-Jacques, labor et fidès, Genève 1984, p.149

- O.Knoch, la lettre de l’apôtre Jacques, Desclée 1970, p.114 sq.

- B.Reicke, l’onction des malades d’après saint Jacques, la maison Dieu n° 113, 1973, p.50 sq.

- Georges Crespy, maladie et guérison dans le N.T., lumière et vie, n°86,1968, P45 sq.

(9) Cette généralisation est reprise aujourd’hui par l’O.M.S. (organisation mondiale de la santé) qui a défini en 1946- la santé comme “l’état de bien être complet physique, mental et social, et non pas simplement l’absence de maladie ou d’infirmité.”

(10) Saint Paul connaît de tels hommes possédant le charisme personnel de guérison (1 Corinth.12,9 par exemple).

 

(11) autres ouvrages consultés et utilisés pour la rédaction de ce paragraphe :

- B.Reicke, op. cit. en note 8

- Pierre Vallin, le chrétien et l’huile sainte, in Christus n°42 avril 1964, p. 150 sq.

- Colombon Lesquivit et Marc François Lacan, article huile, in V.T.B.

- F.Cabrol, article huile in D.A.C.L.

(12) Cette conception permet de comprendre l’usage Judéo Chrétien reçu dans beaucoup d’Eglises d’oindre les fidèles au cours des vigiles dominicales: l’huile parfumée de la joie du Royaume, étant le symbole de la force du paradis retrouvé par la mort et résurrection du messie Jésus.

(13) Sozein, dans le sens de don de vie, guérison épargnant la mort : Math.8, 25 - 9, 21 - Marc 3, 4 - 5, 23 - Luc 8, 36 par exemple.

- dans le sens de Salut eschatologique , notamment dans 4 autres passages de l’épître de Jacques, 1, 21 - 2, 14 - 4, 12 et 5, 20.

egeiren pour le rétablissement d’un malade ou la résurrection d’un mort Marc 1, 31 - Act. 3,7-Math. 9, 25 - Luc 7, 14 - Jean 12,1-9.

mais aussi et surtout pour indiquer la résurrection du Christ : Math 17,23 - Marc 16, 6 - Luc 9, 22 - Jean 21, 24 et les épîtres de Paul.

 

2ème partie: les rites de l’Eglise (14) et le témoignage des écrivains ecclésiastiques du premier millénaire.

 

 

L’exégèse de l’épître de saint Jacques nous a montré que le pardon est la condition de toute guérison spirituelle et corporelle.

Nous avons vu que seul le rite de l’onction est décrit, alors que c’est Marc 6 qui fonde le sacrement.

Maintenant, nous allons appeler le témoignage des textes liturgiques du premier millénaire de l’Eglise.

 

La tradition apostolique

Le texte le plus ancien est une fois de plus, dans l’état de nos connaissances celui transmis par Hippolyte dans don ouvrage “ la tradition apostolique” :

“de même qu’en sanctifiant cette huile,

tu donnes, Dieu, la sainteté à ceux qui

en sont oint et qui la reçoivent,

comme  tu as oint les rois, les prêtres et les prophètes

qu’ainsi cette huile procure le réconfort

à tous ceux qui en goûtent, et la santé à ceux qui en font usage” (15)

 

Les croyants apportent donc de l’huile pour la faire bénir en vue du réconfort et la santé. L’évêque prononce la bénédiction à la fin de l’anaphore de l’Eucharistie. La formule proposée par Hippolyte insiste fort sur la guérison sans autre précision ni aucune allusion à un effet spirituel quelconque; elle semble indiquer que les huiles sont rendues aux fidèles qui s’administrent eux-mêmes soit par voie orale, soit d’une autre manière (onction ?)

 

Le Testamentum domini

Le testamentum Domini, ouvrage provenant de Syrie (rédaction entre fin 3è début 5è siècle) et utilisé par l’église éthiopienne, bien que dépendant de la Tradition Apostolique d’Hippolyte, amplifie la bénédiction de l’huile :

 

“Dieu qui nous as accordé l’Esprit de Salut, le nom immuable qui est caché aux fous et révélé aux sages, Christ qui nous as sanctifiés et nous as rendus sages par ton onction, tu as donné force à tes serviteurs, Seigneur par ta sagesse tu nous as envoyé ce qui est la science de l’Esprit, à nous pécheurs ; par ta croix, tu nous as accordé la puissance de l’Esprit Saint, (Toi) qui guéris toute notre maladie et notre souffrance, donne le don de guérison à ceux qui en sont dignes, envoie sur cette huile, à l’image de ta rosée, l’ablution de ta miséricorde pour qu’elle délivre ceux qui sont accablés, guérisse ceux qui sont faibles et sanctifie ceux qui se convertissent (et la) reçoivent avec foi dans ta crainte,  car tu es puissant, Seigneur, et glorifié pour les siècles des siècles, amen.”(16)

 

Ce texte met expressément l’huile des malades en relation avec l’Esprit Saint donné par le Christ par l’instrument de la croix ; il demande la guérison de toute maladie et souffrance. C’est cette huile qui est aussi destinée au catéchumène pour leur sanctification et réception du don de la foi.

"On dira la même prière sur l’eau".

Nous n’aurons pas d’autre détail sur l’utilisation de l’huile ou de l’eau. La fonction du prêtre consiste à bénir; après, la manière de se servir des éléments est trop connue pour nécessiter une explication.

 

Les constitutions apostoliques

Le compilateur des constitutions apostoliques (Syrie fin 4è ou début 5è siècle) propose par la bouche de l’apôtre Mathieu, aussi une bénédiction de l’eau et de l’huile :

 

- Seigneur Sabaoth, Dieu des puissances, créateur des eaux et chorège de l’huile, miséricordieux et philanthrope, toi qui donnes l’eau pour boire et purifier et l’huile qui réjouit le visage, pour la joie et l’allégresse, toi-même maintenant, par le Christ, sanctifie cette eau et cette huile, au nom de celui ou de celle qui les ont apportées, et accorde-leur la vertu de produire la santé, de chasser les maladies, de mettre en fuite les démons, de protéger la maison, d’éloigner toute embûche, par le Christ notre espérance, par qui à toi gloire, honneur et vénération dans le Saint Esprit pour les siècles, Amen. (17)

 

On demande donc au Seigneur à ces éléments non seulement de produire  la santé, chasser les maladies, mais aussi, thème nouveau, mettre en fuite les démons, protéger les maisons, déjouer les embûches.

L’eau ou l’huile est sanctifiée au nom de celui ou de celle qui les ont apportées et qui logiquement peuvent les rapporter à leur maison.

Le prêtre n’intervient pas dans l’utilisation des choses sanctifiées. Les fidèles concélébrants sont pleinement responsables et ne sont pas écartés de la possession des choses saintes (sacramenta).

 

L’eucologe de l’évêque Sérapion

 

A la même époque, dans l’Eglise d’Alexandrie existe aussi une bénédiction de l’huile et de l’eau. L’eucologe de Sérapion, le saint évêque ami de saint Athanase contient deux bénédictions pour l’huile et l’eau offerte.

La première, courte et de facture archaïque demande pour l’huile et l’eau les mêmes vertus que celles indiquées par les Constitutions Apostoliques :

 

Nous bénissons au nom de ton Fils unique, Jésus Christ, ces offrandes ; nous invoquons, sur l’huile et sur l’eau, celui qui a souffert, a été crucifié, est ressuscité et siège à la droite du Dieu incréé : accorde-leur la vertu de guérir, afin qu’elles écartent toute fièvre, tout démon, et toute maladie.

Qu’elles apportent à ceux qui les reçoivent, au nom de ton Fils, Jésus Christ, guérison et santé ; par lui te soient rendues gloire et puissance, en l’Esprit- Saint, dans les siècles des siècles. Amen. (19)

 

 

Il faut remarquer la précise anamnèse christologique en forme d’épiclèse: nous invoquons celui qui a souffert, a été crucifié, est ressuscité et siège à la droite...

La seconde bénédiction est beaucoup plus développée :

 

Nous te prions, toi qui détiens toute force et puissance, Sauveur de tous les hommes, Père de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ ; nous t’en supplions, que du ciel de ton Fils unique se répande sur cette huile pouvoir de guérison ; que ceux qui recevront l’onction ou prendront de ces éléments soient délivrés de tout mal et de toute infirmité pour faire échec à toute puissance satanique, éloigner tout esprit impur, expulser tout esprit mauvais, extirper toute fièvre, frisson et faiblesse, accorder la grâce et la rémission des péchés, recevoir le remède de la vie et du salut, procurer la santé et l’intégrité de l’âme, du corps et de l’esprit, la plénitude de la force.

Que toute entreprise diabolique, Seigneur, toute puissance satanique, toute embûche de l’adversaire, toute plaie, tout supplice, toute peine, coup, choc ou ombre mauvaise redoutent ton nom que nous invoquons et le nom de ton Fils unique, qu’ils s’éloignent de l’intérieur et de l’extérieur de tes serviteurs, afin que soit sanctifié le nom de celui qui pour nous a été crucifié, est ressuscité, à assumé nos maux et nos infirmités, Jésus-Christ, qui viendra juger les vivants et les morts.

Par lui te soient rendus gloire et honneur, dans tous les siècles des siècles. Amen (20)

 

Le style s’apparente à une formule d’exorcisme. La formule, outre les effets déjà connus de guérison et d’expulsion des esprits impurs implore la rémission des péchés et l’intégrité de l’âme, du corps et de l’esprit. Il est utile d’apprécier l’exactitude anthropologique de l’auteur de l’eucologe: il ne demande pas la guérison de l’âme,  de l’esprit et du corps, mais l’intégrité des éléments qui fondent l’homme vivant  accompli.

La première bénédiction est certainement destinée à être intégrée dans l’ordo de la liturgie eucharistique, la seconde probablement en d’autres circonstances, elle semble posséder son autonomie.

 

La “Tradition apostolique” garde l’accent du judéo-christianisme et se situe hors la dialectique orient / occident.

Les “Constitutions apostoliques” et “l’eucologe de Sérapion”  sont pour l’Orient chrétien les seuls témoins connus de nous avant le 8è siècle. On peut dire que “l’onction des malades dans l’orient  grec durant le 1er millénaire consistait à peine en une prière et en l’onction avec l’huile. Parfois, le malade buvait l’huile. L’accent liturgico-clérical était mis sur la bénédiction de l’huile, non sur l’onction”. (21)

Nous allons voir que l’occident ne se distinguait pas de l’orient sur ce point.

 

Les sacramentaires romains gélasiens et grégoriens

 

Depuis, l’Eucologe d’Hippolyte (3è siècle), rédigé à Rome, il faut attendre le 7è et 8è siècle, avec les sacramentaires gélasiens et grégoriens pour trouver un texte liturgique en rapport avec l’huile d’onction. (22)

Les deux documents nous livrent un texte unique en deux rédactions différentes.

 

“Envoie, Seigneur, du haut des cieux, l’Esprit-Saint, le Paraclet, dans cette huile de l’olivier, que tu as daigné tirer de cet arbre vigoureux en vue de soulager nos corps ; afin que,  par ta sainte bénédiction, elle devienne, pour quiconque s’en oint, l’absorbe ou se l’applique, un remède à la fois du corps, de l’âme et de l’Esprit, qui chasse toute douleur, toute faiblesse, toute maladie; par elle tu as oint les prêtres, les rois, les prophètes et les martyrs, elle est ta bonne huile d’onction  que tu as bénite, Seigneur, et qui demeure en nos entrailles, au nom de notre Seigneur Jésus le Christ, par qui tu  créés toujours toutes choses...”

 

La lecture fait apparaître clairement

a) qu’une fois bénite par l’évêque ou les prêtres, l’huile peut être mise à la disposition du malade, qui l’utilisera lui-même comme médecine, sous forme de liniment, onguent ou même de potion. C’est dans la bénédiction de l’huile que l’on voyait le sacrement ; il ne s’agissait plus ensuite que d’en faire usage.

b) l’épiclèse demande la présence de l’Esprit Saint dans l’huile. La “graisse” de l’olivier reçoit alors une dignité mise en relief par la formule finale solennelle inspirée d’Hippolyte.

c) l’effet de l’épiclèse est vu en relation à l’aspect thérapeutique ou guérisseur. Aucune référence ou pardon des péchés.

Cette formule de bénédiction est restée conservée dans le pontifical romain jusqu’à la dernière réforme de Vatican II. (23)

 

Liber ordinum

 

Dans le pontifical wisigothique, on peut retrouver une bénédiction venue de la Gaule mérovingienne ou de la province Narbonnaise. A. Chavasse  assigne sa date de naissance à la fin du 7è siècle. (24) L’huile bénite y apparaît comme un antidote à une multitude de maux, dont l’énumération étonne.

 

“En ton nom, Dieu tout puissant, par le signe de ton Fils Jésus Christ, notre Seigneur et par la force de l’Esprit Saint, en même temps, nous exorcisons et sanctifions cette huile; parce que le Seigneur bienveillant a jugé bon de dire par ses Saints Apôtres : si quelqu’un est malade parmi vous, qu’il appelle les prêtres de l’église, qu’ils prient sur lui, l’oignent d’huile au nom du Seigneur... et aussi il a enseigné : “tout est possible à ceux qui croient” ; ... c’est pourquoi, Seigneur, ayant constaté ta miséricorde... nous implorons le médecin le plus habile, afin que, les cieux ouverts, tu répandes, conduite par l’Esprit Saint, la médecine de ta puissance dans cette huile... nous consacrons cette crème et cette boisson pour le soulagement des maladies des corps  et le rejet de toute douleur de poison dans les entrailles; qu’elle soit utile aussi, contre la dysenterie des travailleurs fiévreux ; qu’elle soit souveraine pour les paralysés, les boiteux, les aveugles et autres estropiés ...qu’elle éloigne la folie... qu’elle chasse les maux de tête, les maladies des yeux, des mains, des pieds, des bras, du cœur et des intestins, de tous les membres, à l’intérieur et à l’extérieur du corps ; qu’elle rende le sommeil et apporte le salut et la santé ; ... qu’elle apaise les morsures des chiens enragés, des scorpions, serpents, vipères et autres sales bêtes, et efface les cicatrices des pieds...

Qu’elle brise l’attaque des démons, l’invasion des esprits immondes... les incantations des devins et des sorciers...

Que tes serviteurs, sauvés de tous maux rendent gloire par des louanges     incessantes et qu’ils comprennent que tu es Dieu, Trinité indivisible, qui règne depuis la fondation des siècles, et maintenant et dans  l’éternité des siècles des siècles, Amen. (25)

 

Ce texte est relativement important car malgré une rhétorique boursouflée ( il ne manque que les culs de jatte!), il montre l’huile sainte comme panacée recevant de Dieu, seul médecin compétent, le pouvoir guérisseur de tous maux, délivrant de toute puissance occulte. (26)

Et surtout, c’est la première mention de l’épître de Jacques dans un texte liturgique.

Malgré l’abondance des indications thérapeutiques de l’huile, une absence étonne : celle de la rémission des péchés. Pourtant les paroles  de Jacques sont citées intégralement.

L’accent, ici, est mis fortement sur la guérison des plaies, douleurs, oppression du corps par les ennemis. Les effets spirituels sont laissés dans le silence. Cette bénédiction, selon la rubrique, peut se faire en tout temps, au gré des besoins. Elle n’est pas suivie de formule d’application de l’huile.

Le Liber Ordinum contient pourtant un “ordo pour la visite ou l’onction des malades (27) où nous voyons le prêtre s’approcher du malade et lui

 

“faire un signe de croix sur la tête avec l’huile bénie en disant : Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, régnant dans les siècles des siècles, Amen.”

 

 

Rien de plus, ensuite sont lues trois antiennes suivies d’une oraison et de la bénédiction.

 

Le missel de Bobbio

 

Aussi d’origine de la Gaule narbonnaise, le missel de Bobbio, daté paléo graphiquement de la fin du 7è siècle, début 8è , développe une série de trois bénédictions de l’huile des infirmes. Voici la seconde qui mérite d’être examinée :

 

“Seigneur Dieu, roi d’éternel gloire, bénis et sanctifies cette huile, fais descendre en elle, la rosée céleste de l’Esprit de Sainteté afin que tout homme, dont le corps ou les membres seront oints ou inondés de cette huile, reçoivent en retour le bienfait de la santé, le pardon des péchés et le salut céleste”. Par N.S.J.C. ...” (28)

 

Brève formule épiclétique, cet ordo des Gaules, dit avec sobriété ce qu’on attend de l’huile consacrée:

1- la santé corporelle,

 2- le pardon des péchés,

3- le Salut (santé) céleste.

 

 Il apparaît clairement qu’une fois bénite par l’évêque ou le prêtre, l’huile de la prière, peut être mise à la disposition du malade, qui l’utilisera lui-même comme médecine ou à qui elle sera appliquée par ceux qui le soignent : elle est liniment, onguent, mais on envisage aussi qu’elle soit bue.

 

Notre rite copte et syrien occidental.

 

 L’ordo s’appelle “office de la lampe“. Il se passe généralement à l’église où tout le presbytérium (représenté par sept prêtres) concélèbre autour d’une vasque pleine d’huile contenant sept mèches allumées.

L'ordo comme d'habitude prend la forme de l'Office de l'Oblation de l'encens avec sa prière d'action de grâces, ses tropaires propres, les intercessions pour les malades, les morts, la grande doxologie et prières finales d'absolutions. 

Chaque prêtre après la lecture d'un évangile prononce une bénédiction puis le président impose les mains et  l’évangéliaire. Après la prière dominicale, l’infirme est oint en silence pendant que le peuple chante un hymne. C’est le président qui oint le malade et tous les assistants sur le front, la poitrine et à l’intérieur de chaque main. (29)

 Le texte ne contient aucune précision au sujet d’une formule d’onction et confirme donc l’importance de la bénédiction de l'huile. Les éthiopiens notamment et aussi beaucoup de prêtres coptes confient  le reste de l'huile sanctifiée aux fidèles présents.

Les intercessions presbytérales demandent la guérison de l'âme et du corps. La première met en relation le mystère de la croix avec le Salut et la pleine santé:

 

Par ta croix, signe tous les hommes sincères qui viennent à toi, afin qu'ils trouvent le Salut et la santé. Par l'onction sacrée, et par ton Nom Saint, Dieu miséricordieux, sauve ton serviteur (ta servante)  N.  qui croit en toi. Guéris nos âmes et nos corps par ton signe divin  et la force de ta main. Amen

 

De même la prière de sanctification de l'huile:

 

Seigneur, plein de bonté et ami de l'homme, toi qui guéris nos âmes et nos corps, sanctifie cette huile afin que tous ceux qui en seront oints soient guéris de toute souillure de l'esprit et des souffrances du corps. Ainsi ton Saint Nom sera loué et glorifié, car à toi appartiennent l'honneur et le salut. Nous t'adressons dans les cieux nos louanges, Père, Fils et Saint Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

 

On trouve aussi une intercession qui n'est pas formellement liée au geste d'onction mais qui l'évoque fortement:

 

 Père Saint, médecin des âmes et des corps, guéris ton serviteur (ta servante) N.   de tous ses maux spirituels et corporels, par la grâce de ton Christ Jésus et de ton Saint Esprit et par la vertu de cette huile sanctifiée. Amen.

 

 

 

Le rit byzantin

L’euchologe Barberini, à la bibliothèque Vaticane, daté du 8è siècle; est le texte le plus ancien de la tradition byzantine : il comprend, pour le mystère qui nous occupe, une suite de cinq prières dont les trois premières sont destinées à être récitées sur les malades eux-mêmes, les deux dernières sur l’huile. Deux formules reviennent et se retrouvent jusqu’à nos jours.

 

 

“Seigneur, qui dans ta pitié et ta compassion, guéris les tourments de nos âmes et de nos corps : toi-même, Maître, sanctifies cette huile pour qu’elle devienne un remède pour ceux qui en sont oints et qu’elle fasse cesser toute souffrance, toute souillure charnelle ou spirituelle et tout mal, afin qu’en cela également soit glorifié ton très Saint nom, Père, Fils et Saint Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.

 

 

La prière est parfaitement équilibrée. L’huile est sanctifiée pour effacer toutes souffrances, de l’âme et du corps et qu’ainsi soit glorifié le Nom.

La seconde appelée “prière sur le malade”, sans  aucune rubrique qui le destine à l’onction, précise:

 

Père Saint, médecin des âmes et des corps, qui nous as envoyé ton Fils unique, notre Seigneur et notre Dieu, pour guérir toute maladie et pour préserver de la mort, délivres aussi, par la grâce de ton Christ, ton serviteur ici présent de l’infirmité corporelle qui le tourmente ; et vivifies-le selon ton bon plaisir, pour qu’il te rende, par ses bonnes œuvres, de justes actions de grâces.

 

Il n’y a aucune allusion à l’huile. Il n’est pas impossible que cette prière accompagnait l’imposition des mains (30). Ultérieurement, elle sera donnée comme accompagnant les onctions au sein d’un office considérablement amplifié au 11è - 13è siècle sur la structure d’un office de matines / laudes .

 

Pour savoir comment était utilisée l’huile, nous allons maintenant appeler le témoignage des quelques écrivains ecclésiastiques.

 

Origène (254) et saint Jean Chrysostome (407)

 

Nous l’avons vu dans la première partie, à propos de l’épître de saint Jacques, Origène et saint Jean Chrysostome mentionnent l’onction avec l’huile de la prière comme moyen de rémission des péchés. Jean Chrysostome dit aussi que les fidèles viennent ”chercher l’huile de la lampe pour s’en servir eux-mêmes dans leurs maladies ou celles de leurs proches”.(31)

 

St-Aphraaste, moine en Chaldée (circa 337)

 

“Les belles olives produisent leurs fruits, c’est le signe du mystère de vie qui parfait les chrétiens, les prêtres, les rois, les prophètes, illumine les ténèbres, oint les malades et réintroduit les pénitents”.

 

Le mystère de vie évoque-t-il l’arbre de vie du paradis et celui de la croix ? En tout cas, son huile sert à toutes les onctions, du baptême, des ministres, des malades, de la réconciliation des pécheurs.

 

Innocent Ier, pape de Rome (417)

 

L’évêque de Gubbio, Decentius, pose une question saugrenue à l’évêque de Rome : quel est le ministre de l’onction? Saint Jacques parle des prêtres, et l’évêque ? Peut-il lui aussi administrer l’onction ?

Innocent répond clairement après avoir cité la Lettre de Jacques:

 

 

"Ce texte, on ne peut en douter, doit s’entendre des fidèles malades, de ceux qui peuvent être oints de la sainte huile d’onction. Cette huile, confectionnée par l’évêque, ce n’est pas seulement ceux qui sont revêtus du sacerdoce, mais aussi tous les chrétiens qui ont le pouvoir d’en user pour faire l’onction, quand la maladie les presse, eux ou les leurs.

Mais nous trouvons superflu ce qui est ajouté pour contester à l’évêque ce qui est indubitablement permis aux prêtres. En effet, s’il est question des prêtres, c’est parce que les évêques, retenus par d’autres préoccupations, ne peuvent se rendre auprès de tous les malades. Mais si l’évêque en a la possibilité ou s’il juge bon que quelqu’un reçoive sa visite, il peut sans hésitation et bénir et faire l’application de l’huile d’onction, lui à qui il appartient de confectionner cette huile". (32)

 

 

Si la bénédiction de l’huile est réservée à l’évêque, bien plus,  il peut et bénir et faire l’application d’huile. Seul l’évêque (ou le prêtre ?) peut confectionner la sainte huile, mais tous les chrétiens ont la faculté de faire l’onction sur eux ou sur les leurs. L’onction est un véritable sacrement dont le principe réside dans la bénédiction.

 

Saint Césaire d’Arles (542)

 

Cherchant à déraciner certaines pratiques superstitieuses, l’évêque d’Arles invite ses ouailles à recourir plutôt aux sacrements de l’Eglise.

 

“Toutes les fois qu’une maladie quelconque survient, que le malade reçoive le corps et le sang du christ, qu’humblement et fidèlement il réclame l’huile bénite par les prêtres, qu’ensuite il oigne son corps...” il méritera de recevoir la santé du corps et d’obtenir la rémission des péchés. Puisque ces deux biens nous pouvons les trouver dans l’Eglise, pourquoi, en recourant aux enchanteurs... aux amulettes diaboliques, aux devins, de malheureux hommes s’acharnent-ils à se faire un mal immense ? (33)

 

Césaire enseigne que l’onction a la double fonction de guérir les corps et remettre les péchés. Dans ses sermons 2, 3 et 4, il répète le même discours. Dans son sermon 13, il conseille aux parents d’oindre eux-mêmes leurs enfants malades plutôt que recourir aux charlatans (34).

 

Sainte-Geneviève de Paris (520)

 

La plus ancienne histoire de la vie de sainte Geneviève contient un témoignage contemporain de saint Césaire d’Arles, au sujet de la Bénédiction puis de l’application de l’huile: constamment, raconte le biographe, la sainte rendait la santé aux malades qu’elle oignait de l’huile sainte ; mais un jour elle se demande que faire, car l’ampoule était vide et l’évêque qui aurait pu bénir de l’huile, était absent. L’ampoule est alors remplie miraculeusement pour permettre à la sainte de guérir un énergumène. (35)

 

L’onction des malades jusqu’au 8è siècle

 

Au terme de la seconde partie de l’étude, nous pouvons résumer historiquement l’organisation  du mystère de l’onction des malades de l’âge apostolique jusqu’au 8è siècle :

 

1- Le rite :

 

La bénédiction de l’huile fait le sacrement, son effet est donné par l’onction.

Le rite de la bénédiction est seul à être liturgiquement organisé, soit au cours de la liturgie eucharistique (Hippolyte, Gélasien) soit au moment où l’on a besoin de l’huile (wisigothique, byzantin, copte). La consécration est réservée à un ministre, l’évêque ou le prêtre.

L’application de l’onction “appartient” selon la lettre du pape de Rome Innocent 1, “à tous les chrétiens” : les évêques, prêtres bien sûr, les diacres, moines, moniales, tous proches du malade, les mères en particulier.

 

2- les sujets  de l’onction :

 

Innocent 1er exclut les catéchumènes et les pénitents.

L’onction est un sacrement : elle ne peut donc signifier quelque réalité qu’à ceux qui sont dans la communion de l’Eglise. Elle porte remède à toutes sortes de maux corporels depuis la simple blessure jusqu’à la maladie la plus grave. On en use de même pour les sourds, muets, aveugles et les énergumènes. Le rite copte et syrien prévoit aussi après l’onction du malade, celle de tous les assistants, car l’huile est le signe du mystère de la vie (Aphraaste)

 

3- les effets attendus :

 

De nombreuses formules de bénédiction laissent de côté l’effet spirituel, alors qu’elles développent longuement l’effet corporel.

C’est aussi un puissant exorcisme.

Saint Césaire d’Arles appelle l’onction “médecine de l’Eglise”, car c’est avant tout la guérison du corps qui est attendue par ses fidèles, mais outre sa valeur médicinale, il ajoutait que le mystère de l’huile sainte apportait, “en même temps que la santé du corps, la santé de l’âme”.

 L’huile de la prière a pour vertu selon les plus anciens eucologes de produire la santé en chassant les maladies du corps, de procurer le réconfort, d’expulser tout esprit impur, d’accorder la grâce et la rémission des péchés (Sérapion).

 

Il semble que l’aspect médicament ait quelque peu occulté le fondement spirituel qui est le signe du Salut total reçu en Christ.

Il faut tenir compte de la mentalité de nos pères et aussi avec honnêteté,  reconnaître que l’aspect spirituel est toujours sous-jacent, la guérison du corps, comme nous l’avons vu dans les présupposés bibliques, étant la marque de la guérison de l’âme et donc la manifestation du Salut. La bénédiction de la province narbonnaise contenue dans le missel de Bobbio résume parfaitement les effets de l’huile de miséricorde : la santé du corps, le pardon du péché, le Salut.

 

L’huile sainte coule d’une double source, l’arbre de vie du paradis et la croix , qui transforme la mort en puissance de résurrection. En fait la source est unique, c’est la miséricorde de Dieu qui “désire d’un grand désir” communiquer sa propre vie à la création. L’huile sanctifiée, comme celle qui coule de la barbe d’Aaron, est l’huile précieuse qui, dans la souffrance de ce temps, apporte la joie du Royaume à venir et déjà présent.

Comme l’Esprit Saint qui souffle où il veut, il n’y a pas de limite à son usage sauf être enfant de l’Eglise donc se savoir enfant de Dieu.

 

Notes et bibliographies 2ème partie

 

14 - Ouvrages abondamment utilisés :

 

a) Antoine Chavasse, étude sur l’onction des infirmes dans l’Eglise latine du 3è au 11è siècle, Faculté de Théologie de Lyon 1942. Ouvrage princeps, source inégalée à ce jour.

b) Guido Davanzo, l’unzione degli infermi : note storiche, théologiche, pastorali, in Ephemerides liturgicae 1975 n°89.

c) Sylvère de Smet, le sacrement des malades, histoire et théologie des rituels, in Communio, t.IX n°5, oct.84.

d) Henri Leclerq article extrème onction in DACL

e) R.Béraudy, le sacrement des malades, in Nouvelle Revue de Théologie, 1974 p.600 à 634.

f) Georges Martimort, prières pour les malades et onction sacramentelle, in l’Eglise en prière, t.3 p. 132 à 153, Desclée 1984.

g) Bernard Botte, l’onction des malades, in La Maison Dieu 1948 p.91 à 107.

15 - Texte et traduction B.Botte. S.C. n°248 Paris 1978.

16 - Testamentum Domini Ethiopien, édité et traduit pas R.Beylot, Louvain 1984 p. 174.

17 - Les Constitutions Apostoliques, édité et traduit par Marcel Metzger, S.C. n°336 p. 233, Paris 1987.

19 - A. Hamman, prières des premiers chrétiens, le livre de poche A11/A12, 1962. Euchologe de Sérapion p.208.

20 -ibidem p. 215

21 - Basilius Groen, l’onction des malades dans l’Eglise grecque orthodoxe, in Concilium n°234, 1971.

22 - Chacun sait que le Gélasien, qui se présente comme livre des sacrements de l’Eglise romaine est un manuscrit copié en Gaule, aux environs de Paris dans première moitié du 8è siècle.P.L. 74

Le sacramentaire du pape Grégoire, que nous ne connaissons pas à l’état pur est surtout célèbre  par le modèle envoyé par le pape Hadrien à Charlemagne à la fin du 8è siècle : l’Hadrianum. 

23 formule vénérable typiquement romaine.

24 - Op. cit. en note 14a, p.58

25 - Liber ordinum, éd.Férotin, Firmin Didot 1904, col.7-11

26 - Cette compréhension large de l’onction  nous autorise à l’utiliser à la place d’exorcismes douteux dont l’usage abusif , dans et à la marge de l’Eglise, laissent un malaise certain et pose  question sur la réelle évangélisation des ministres et des “possédés”. Que ceux qui ont des oreilles entendent !

27 - Op. cit. en note 25 p.71       .

 

28-La première bénédiction non citée ici, est à vrai dire une formule d’exorcisme de l’élément huile. En la prononçant, le prêtre entend soustraire aux puissances infernales (!) cette huile appelée à remplir un rôle de guérison et sanctification. Les liturgistes voient dans cette disposition : exorcisme de l’élément + bénédiction, une influence orientale qui par la suite, en occident influencera toute bénédiction d’élément. Elle ne sera adopté à Rome qu’avec l’introduction du Pontifical romano-germanique (9è siècle).

29- J. Dauvillier, onction dans les églises orientales in dict. de droit canonique, letouzey, 1953

30 - Est-ce une survivance du charisme de guérison reçu par l’évêque ? Beaucoup de pères attestent de la guérison des malades par l’imposition des mains de l’évêque:

Eusèbe de Césarée H..E. PG 20, col.408

Saint Athanase, PG. 25, col.233

Saint  Ambroise, P.L. 16, col 477

Augustin P.L. 32, 56a

31 - Homélie 32 sur St-Mathieu P.G. 57. Certains auteurs en ont conclu que le Chrysostome utilisait l’huile des lampes du sanctuaire. C’est possible mais non probant : il faut se souvenir qu’il fut prêtre à Antioche et que le sacrement en Syrie se nomme office de la lampe.

32 - P.L. 20 col.559 à 562 ou Denzinger,  enchiridion symbolorum 99.

 Bède (735) reprend la même argumentation P.L.93 col 39

33 - Sermon 1, P.L. 39 col. 2238 cité par chavasse op.cit. en note 14a, p.101,102

34 - cité par Trembelas, op.cit.en note 5, p.375.

35 - Chavasse, op. cit. en note 14, p.143 sq.

 Les vies des Saints mérovingiens abondent de miracles opérés grâce à l’huile sainte : sainte Radegonde, Sainte Austreberte, le diacre de saint Romain  Sabinianus , etc...

 

3è partie:  Evolution de la célébration du mystère de l’huile de bénédiction en Occident de la deuxième partie du 8è S. à nos jours:

 

 

Le millénaire liturgique semble en avance sur le calendrier. Le 9è S. est un tournant important dans l’histoire de la liturgie occidentale, L'Orient connaîtra un peu plus tard la même évolution.  Les rituels s’organisent, s’amplifient, le clergé devient plus nombreux, il prend une place de plus en plus prépondérante et forme un ordre qui couronne la hiérarchie sociale. Les prêtres et les moines deviennent des professionnels du rite, le peuple s’efface et est invité non plus à concélébrer mais à assister avec dévotion aux fastes de la liturgie et à se soumettre aux obligations de l’Eglise.

L’huile de l’onction n’échappe pas à cette évolution en Orient comme en Occident, il est difficile de déterminer les échanges d’influence mais le parallélisme est évident.

Le rite se développe, l’accent va se porter sur l’application de l’huile puis, en occident, la compréhension et l’explication théologique du sacrement subiront des inflexions qui dénatureront en partie la tradition ancienne. (36).

 

Les premiers rituels de l’onction proprement dite:

 

Le plus ancien rituel de la visite des malades, nous l’avons vu, est probablement celui du Liber Ordinum de la liturgie wisigothique;

Sous son influence, l’acte et la prière de l’onction prennent  la première place dans toutes les liturgies locales, mais surtout s’intègrent définitivement au cours de la visite des malades.

Le  Mss.  Palatin latin 485 de la bibliothèque du Vatican  qui se présente lui même, comme “extrait de l’authentique livre des sacrements de saint  Grégoire, pape de la ville de Rome” (37) livre un des premiers rituel complet de ”l’ordo de l’onction d’un malade” dans une forme archaïque et sobre qui ne tranche pas avec les rites étudiés précédemment. (38). Il n’est pas inutile de le traduire:

Le prêtre dit une première oraison en forme de prière diaconale:

 

 Prions frères, notre Seigneur, pour notre frère qui est affligé péniblement par sa maladie, afin qu’il soit digne d’être soigné par les médecines célestes du Seigneur; lui qui a donné la vie (animam) qu’il lui donne aussi la santé (39)

 

puis la prière strictement sacerdotale:

 

Seigneur saint, Père tout puissant, Dieu éternel, tu es la voie, la vérité et la vie, exauce et garde ton  serviteur que voici, car tu lui as donné la vie et tu l’as racheté du grand prix du sang de ton Fils. Par lui, notre Seigneur...

 

le malade alors chante un symbole de foi (40) apparenté à celui dit “des apôtres” avec les assertions particulières, tout au début, avant je crois en un seul Dieu le Père...

Je crois en Dieu le Père tout puissant et en Jésus le Christ, son Fils, je crois à la vie après la mort, je crois à ma résurrection.

 

 suit le symbole complet des apôtres avec la finale

 

Je crois aussi à l’Esprit Saint Dieu tout puissant, ayant une même substance avec le Père et le Fils. <Je crois> la sainte Eglise catholique, communion des saints, résurrection de la chair et vie éternelle après la mort dans la gloire du Christ. Je crois tout cela, en Dieu. (41)

 

le prêtre lui confère l’onction en disant:

 

Je te oins de l’huile sainte au nom de la sainte Trinité pour que tu sois sauvé à jamais.

 

Enfin le malade confesse ses péchés et reçoit la communion semble-t-il sous les deux espèces:

 

La paix et la réception du corps et du sang de notre Seigneur Jésus Christ garde ton âme pour la vie éternelle. Amen.

 

Après quoi, le prêtre récite quatre oraisons d’action de grâces.

Ce document est remarquable par le fait qu’il est le paradigme (excepté pour l’absence de précision des lieux de l’onction) des rites occidentaux qui vont  maintenant se développer. L’onction désormais se pratique au cours de la visite des malades, la bénédiction de l’huile par le  ministre, prêtre ou évêque, si importante jusqu’à présent disparaît  pour laisser la place à une prière de l’onction accomplie par le prêtre et précédant la confession des péchés et la communion eucharistique. Il semble que désormais elle soit réservée pour une maladie grave ou un malade en danger de mort. Il semble bien, enfin que le sens de la santé demandée (Salus) soit plutôt infléchi en Salut pour la vie éternelle.

 

Notes et bibliographie:

36- ouvrages abondamment utilisés pour la rédaction de cette 3è partie :

      a) Martimort, op. cit.  en note 14 f

      b) Béraudy, op. cit.  en note 14 e

      e) de Smet, op. cit.  en note 14 c

      f) C. de clerq, ordines unctionis infirmi des 9è et 10è S. in Ephemerides liturgicae, mars-avril 1930

      g) Rituale romanum, pauli V jussu editum 1614

      h) office de l’huile sainte, trad. Mercenier, la prière des Eglises de rite byzantin, T. 1 éd. de chévetogne

37. op. cit. en note 36 f; le savant éditeur donne comme date de la rédaction  du Mss. entre 811 et 813

38. la rubrique pourtant ajoute un élément nouveau qui connaîtra une grande fortune en occident: “oraison et prière sur le malade avant qu’il meure.”

39. le mot latin salus possède le triple sens de santé, bien être, salut dans le sens de conservation de la vie.

4O. Il lui reste donc des forces suffisantes pour chanter. La rubrique signalée en note 38 ne doit pas toujours être observée ou alors c’est le chant du cygne!

41. L’Eglise, la communion, la résurrection , la vie éternelle sont à l’accusatif direct sans la préposition “in” présente partout ailleurs dans le texte, je crois erroné de traduire comme c’est souvent le cas, je crois en l’Eglise...

Je propose avec P. Nautin, Je crois l’Eglise, communion etc. pris comme épithète de l’Eglise.

 

         En conclusion:

 

- 1 - L’onction appartient bien à la tradition apostolique -Marc 6,13-, -Jacques 5,14.16-. Elle apparaît liée à l’imposition des mains: Marc 16,18, Actes 18,8.

 

- 2 - Les pères utilisent l’huile ou l’imposition des mains à propos de la pénitence et de la guérison (Salut = santé). Les plus anciens eucologes associent toujours les deux aspects à la bénédiction de l’huile : aspect corporel et spirituel.

 

- 3 - L’onction est appelée dans les sacramentaires :

 

- huile de l’onction

- huile des malades      plutôt en Occident

- huile de la santé

- huile de bénédiction      plutôt en Orient

 

Ce qui fait le mystère, c’est la bénédiction de l’huile  : Toutes les anciennes bénédictions d’Orient ou d’Occident renferment une épiclèse -”envoie ton Esprit Saint sur cette huile” et une post épiclèse décrivant les effets, les fruits de la bénédiction - “à ceux qui s’en servent et qui la reçoivent... procure le réconfort, la santé”.

Il faut attendre le VIIIè siècle, en Occident comme en Orient, pour voir apparaître une formule liturgique de l’onction elle-même. Avant cette date, la formule est restée à l’initiative du ministre. Il est communément admis que l’huile destinée à l’onction est toujours bénite par l’évêque ou le prêtre, l’onction elle-même est accomplie, par le ministre, e malade lui-même, ou un de ses proches. C’est ce qui ressort de l’étude interne des prières de  bénédiction.

 

- 4 - “Il appartient à l’évêque de bénir l’huile, mais tous les Chrétiens, et pas seulement ceux qui sont revêtus du sacerdoce, peuvent s’en servir pour s’en oindre quant, ils en ont besoin, eux ou les leurs”. lettre du pape de Rome Innocent I à l’évêque de Gubbio datée de 416 (P.L. 20 col.559)

De nombreux témoins en Occident sur le fait que les fidèles viennent chercher de l’huile sainte pour s’en  servir eux-mêmes :

- Vie de saint Martin par Sulpice Sévère P.L. 20 col.169 et alii

- Césaire d’Arles, vie + homélie P.L. 67 col.1017, 1032-33

- Bède, homélie sur Jacques P.L. 93,39

- Vie de sainte Geneviève qui accomplissait l’onction sur de nombreux malades avec l’huile reçue de l’évêque.

- de nombreux exemples hagiographiques cités par A.Chavasse dans son étude sur l’onction avant la réforme carolingienne : saint Marius, saint Arnold...

- Jean Chrysostome ne peut être cité comme témoins sûr (P.G. 57 col.384)

Il semble parler de l’huile des lampes (du sanctuaire)

 

- 5 - A partir du VIIIè siècle, première apparition de l’ordo de l’onction. Outre que l’huile pouvait être consommée (cf.Gélasien) elle est maintenant appliquée par le ministre en “usage externe”.

Les premiers textes disent, en forme de croix, sans préciser le lieu.

Puis, plus tard, sur le front, puis sur le corps en général et enfin “loco dolenti”, là où nécessaire en fonction du mal dont souffre le malade.

L’onction semble devenir le monopole du clergé.

 

- 6 – A la fin du moyen âge, la pensée théologique et les rites s’abâtardissent :

 

         a) cléricalisation à outrance

         b) la notion de guérison disparaît, seul demeure le pardon des péchés

         c) d’où, pour éviter le recours à l’onction plutôt qu’à la confession auriculaire (tarifée !), l’apparition de l’extrême onction.

                                                                

 

Onction des malades