Nouvelle Alliance, nouveau sacerdoce à la lumière de l'épître aux hébreux
Le sacerdoce du Christ est unique dans le sens où il est notre seul vrai grand prêtre et dans celui où il est absolument différent de la conception du sacerdoce de
Sacerdoce & Alliance
Selon l'épître aux hébreux, Christ est notre grand prêtre parce qu'il est le médiateur de l'Alliance nouvelle. Le lien entre sacerdoce et Alliance, s'il nous paraît évident en raison des paroles du Seigneur lors de
Du fait que l'Alliance du Sinaï reçue par Moïse fut effectuée sans l'intervention d'un prêtre, la conception du sacerdoce, venue après l'événement du don de L'auteur de l'épître aux hébreux insiste sur l'idée de médiation sans écarter le culte: "Tout Grand Prêtre, choisi parmi les hommes est établi pour les hommes dans le service de Dieu, afin de présenter des offrandes et des sacrifices pour les péchés" Héb. 5,1. "Pour les hommes" désigne la médiation, car le grand prêtre ne possède pas le sacerdoce pour lui-même mais comme le technicien capable de présenter valablement devant le Seigneur la cause des hommes, il rend leur offrande régulière et efficace.
Le sacrifice selon
Car remarquons bien, les lois sur les sacrifices du livre du Lévitique laissent à celui qui offre le soin d'apporter l'offrande, de la sacrifier, le rôle du prêtre se limite à prendre le sang des animaux offerts et l'apporter sur l'autel ou à présenter au feu de l'autel les offrandes végétales et l'encens. Pour faire exception, le "sacrifice pour le péché" de Lévitique 9, est accompli entièrement, y compris l'immolation, par le grand prêtre Aaron. "Moïse dit à Aaron: Procure-toi un veau en sacrifice pour le péché et un bélier pour le Corban, tous deux sans défaut et présente-les devant Adonaï <> puis tu adresseras cette parole aux fils d'Israël: prenez <> un bélier pour un sacrifice de paix à offrir devant Adonaï et une offrande pétrie à l'huile, car c'est aujourd'hui qu'Adonaï va vous apparaître. <>Puis Moïse dit à Aaron: Approche-toi de l'autel et offre ton sacrifice pour le péché et ton Corban pour faire le rite d'absolution en ta faveur et en faveur du peuple. <> Aaron s'approcha de l'autel et égorgea le veau du sacrifice pour son propre péché <> il présenta les dons du peuple, <> égorgea, offrit selon la règle. <> Elevant alors les mains au-dessus du peuple, Aaron le bénit, puis il redescendit, ayant terminé d'offrir le sacrifice pour le péché, le Corban et les sacrifices de paix. <> Alors la gloire d'Adonaï apparut à tout le peuple et un feu sortit de devant Adonaï et dévora sur l'autel le Corban". Aaron offre pour lui-même et pour tout le peuple, il est le médiateur qui par son ministère accomplit le rapprochement entre Dieu et son peuple, le feu descendant du ciel témoigne de l'acceptation du sacrifice. Ce ministère est grand, selon l'expression de saint Paul et selon celle du Siracide 45, 6, Dieu éleva Aaron.
Mais la gloire du ministère d'Aaron et des descendants exige une pureté inouïe qui entraîne la nécessité de se maintenir séparé des autres. Toute
Le sacrifice de Jésus:
Le sacerdoce de
Jésus n'appartenait pas à la tribu de Lévi, donc à la famille d'Aaron, il n'a aucun droit au sacerdoce, il n'a d'ailleurs jamais revendiqué ce droit d'être mis à part pour le culte divin. En conséquence, il n'a jamais manifesté une quelconque préoccupation de pureté rituelle; il n'hésita pas à toucher le lépreux, à déjeuner avec des pécheurs, le contact avec la femme ayant une perte de sang n'a pas semblé l'émouvoir sur le plan de l'impureté.
Jésus manifeste son sacerdoce par sa mort sur la croix.
L'anaphore de saint Grégoire, à la suite de l'Evangile selon saint Jean, exprime parfaitement que La sainte Cène anticipe mystérieusement la croix et la mort subies librement et volontairement comme un sacrifice. Pourtant objectivement la mort de Jésus ne ressemble en rien à un sacrifice dans le sens noble et antique du terme. Le sacrifice de l'Alliance était un acte de consécration rituelle glorificateur, dans un lieu saint, avec les chants des lévites, le feu sanctifiant et l'offrande de l'encens, la pompe sacerdotale donnait à l'immolation non un air de boucherie mais une atmosphère sacrée. Au contraire de cela, l'exécution d'un condamné était un acte d'humiliation, de dé-consécration, du rejet de la société. Jésus a souffert cela "hors les murs" de la ville sainte. Il semble à la merci des juges et des bourreaux, pourtant c'est lui qui a l'initiative de l'immolation de sa vie. L'anaphore de saint Marc, à son tour fait sienne la théologie johannique du caractère volontaire de la passion: "Car notre Seigneur, Dieu, souverain Roi, Jésus Christ, la nuit où il se livrait lui-même pour nos péchés et où il endurait la mort dans sa chair pour toute l'humanité <> dit: "Prenez, mangez, ceci est mon corps livré pour vous". Ainsi tout est nouveau: le prêtre qui offre, l'offrande sacrifiée et le but de l'offrande. Saint Athanase dans son anaphore puis saint Sévère d'Antioche dans son apologie de la présentation des dons ont exprimé admirablement et parfaitement cette nouveauté: "Jésus Christ, c'est lui qui offre et qui est offert, qui reçoit et est distribué".
Le Christ est le vrai sacrificateur de sa vie. Il exerce le sacerdoce, non comme successeur d'Aaron mais comme le Grand Prêtre pour l'éternité préfiguré par Melkisédeq. " Ce n'est pas le Christ qui s'est donné lui-même la gloire de devenir souverain prêtre, mais c'est celui qui lui a dit: Tu es mon Fils, c'est moi aujourd'hui qui t'ai engendré; de même il dit encore : tu es prêtre pour l'éternité, selon l'ordre de Melkisédeq. C'est lui qui, dans les jours de sa chair <> bien qu'il fut le Fils a appris l'obéissance parce qu'il a souffert. Après avoir été élevé à la perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent l'auteur d'un Salut éternel". Héb. 5, 5.9
Sur l'autel de la croix, Christ s'offre lui-même. "Il est entré une fois pour toutes dans le sanctuaire, non avec le sang des boucs et des veaux, mais avec son propre sang, c'est ainsi qu'il nous a obtenu une rédemption (libération) éternelle". Héb. 9, 12. L'usage primitif du sacrifice, tel qu'il est accepté dans Dans l'histoire de la théologie de l'Eglise, bien souvent la rédemption de la croix fut comprise ainsi, et la divine eucharistie présentée comme le renouvellement du sacrifice d'expiation. En glosant sur les paroles "en rémission du péché" plus que sur "le sang de l'Alliance" on en est arrivé à poser à tort la croix comme la juste satisfaction à la colère de Dieu offensé. En rémission du péché fait certainement référence non directement à l'Agneau pascal d'Exode 12 dont le sang sur les montants et le linteau des portes était le signe de la bienveillance d'Adonaï pour son peuple Israël mais à l'agneau "d'un an sans défaut" pour le Corban de Lévitique 9, 3
Le sacrifice, qu'est-ce vraiment?
Avant d’aller plus loin dans notre enquête sur la coordination entre l’Alliance et le sacerdoce nouveau, arrêtons-nous sur le concept de sacrifice. Le mot hébreu est Qorbane (Corban) qui n’a pas le sens latin de sacrifice “rendre sacré” mais celui de “rapprochement” entre Dieu et l’humanité. Il y a plusieurs manières d’accomplir ce rapprochement, pour cela Adonaï prescrit à Moïse dans le Lévitique notamment plusieurs types de Corban qui indiquent chacun à sa manière l’orientation, le rapprochement attendu et la destination du rite. Celui qui nous intéresse pour bien comprendre “en rémission du péché” s’appelle non “holocauste” comme s’obstinent à dire nos traductions à partir du grec qui ne voit que l’objet “brûlé tout entier” et non l’intention qui est exprimée par le mot hébreu “ôla” qui veut dire simplement mais mystérieusement “montée”. A partir de là nous pouvons rester terre à terre et limiter le sens de la montée à l’idée que le sacrificateur monte vers l’autel élevé pour offrir, ou encore à l’observation de la fumée s’élevant vers les cieux. Nous avons aussi le droit de nous élever vers la sublime théologie et alors nous y voyons l’annonce du Fils de l’Homme sur la croix entre terre et ciel, puis sa glorieuse ascension où assis à la droite de Dieu son Père, il opère parfaitement le “rapprochement” tant désiré.
Lorsque le seul saint Mathieu 26,28 ajoute aux paroles du Christ sur le calice “en rémission du péché”, il veut indiquer que c’est volontairement que le Christ va mourir en donnant sa vie pour le Salut du monde. Il indique l’objectif de l’œuvre du Salut du Christ: La rémission du péché est entendue dans le sens hébreu de “tiqqoune” réparation. Le sacrifice/rapprochement du Christ va accomplir la réparation, (dans le sens de dépannage, correction) de l’humanité qui en Adam a raté la cible (péché) du projet divin. Par sa mort volontaire, Christ a ouvert les portes de la mort et a transformé le sens de notre propre mort.
Le Jeudi de l’Alliance nous disons dans l’anaphore de saint Grégoire: “Je n’ai pas eu la force d’accomplir tes commandements, j’ai mis la main sur la sentence de la mort. Pour moi, Seigneur, tu as changé la sanction en Salut. Comme lumière véritable, tu t’es levé pour ceux qui étaient perdus et qui ne le savaient pas. Par ta mort, tu as tué mon péché. Premier d’entre nous tu es monté au ciel”. Pour nous, par le Christ, la perspective de la mort est changée, elle n’est plus seulement le terme de la vie de notre chair mais Pâque, passage, à la vie céleste. Il est donc bien certain, que la sainte Cène s’est déroulée dans le contexte de la fête de Pâque, et avec saint Paul nous confessons aussi que l’agneau pascal d’Exode 12 est une préfiguration du Véritable Agneau, Christ notre Pâque.
Le feu de l'autel des sacrifices:
Dans le culte de Ce feu n’était pas un feu quelconque mais celui descendu du ciel. “Alors la gloire d’Adonaî apparut à tout le peuple: Un feu sortit de devant Adonaï et dévora sur l’autel le corban de rapprochement” Lév. 9, 24. Pour faire monter l’offrande devant Dieu, il apparaît un feu venu de Dieu lui-même. Le culte du temple de Salomon se situait dans le même cadre. Le jour de la dédicace “lorsque Salomon eut achevé de prier, le feu descendit du ciel et consuma le corban de montée et les autres Corban et la gloire d’Adonaï remplit la maison”. Selon les prescriptions sacerdotales ce feu céleste venu sur l’autel fut par la suite entretenu avec soin de façon à ce qu’il ne s’éteigne jamais. Ce feu descendu du ciel montre la parfaite synergie de Dieu et de l’Homme pour établir le “rapprochement”. L’humanité, quelles que soient ses bonnes dispositions, ses dons, ses sacrifices, est incapable d’apporter une dimension sainte à sa vie, à son culte. Seul le Dieu Saint peut rendre sacré une personne, un rite, en communiquant sa propre sainteté.
Si l’homme ne peut de lui-même entrer dans le sacré, Dieu ne veut pas entrer par effraction sans la participation active de l’Homme. L’homme est dans l’impossibilité d’accomplir une action sanctifiante parce qu’il ne dispose pas de la sainteté. Il peut présenter une oblation, il ne peut la rendre sacrée; c’est l’intervention de Dieu qui la rend sacrée. Le feu de l’autel fut capturé, en devenant un feu perpétuel, il devint de plus en plus, dans l’inconscient, réduit à quelque chose de matériel, comme si les prêtres avaient à leur disposition une énergie divine pour assurer la validité des sacrifices.
L'Esprit Saint
L’épître aux hébreux en méditant le mystère pascal du Christ libère ses lecteurs de cette conception réductrice presque- magique. Le feu de Dieu n’est plus simplement la foudre qui descend de la nuée, mais l’Esprit Saint, l’Esprit de sanctification. “Le Christ est devenu grand prêtre des biens à venir <>par son propre sang <> qui par l’Esprit éternel s’est offert lui-même à Dieu comme une victime ~ans tache, il purifiera notre conscience des œuvres mortes pour servir le Dieu vivant”. 9, 14. Saint Jean Chrysostome commente ce verset en expliquant que l’expression “par le moyen de l’Esprit Saint” démontre que l’offrande du sang du Christ n’a pas été faite par le moyen du feu visible. Car il ne s’agit pas d’une élévation dans l’espace mais d’un élan interne, d’une transformation du cœur et non d’une combustion physique comme l’holocauste. Celui qui opère la transformation du cœur et qui communique la force de se tourner vers Dieu est le propre Esprit de Dieu.
L'oblation du Christ:
Hébreux 5, 7 nous dévoile que l’oblation de Christ ne fut pas un élan facile d’un être seulement spirituel mais une lutte coûteuse et pénible, une transfiguration douloureuse d’un homme véritable. “le Christ ne s’est pas attribué à lui-même la gloire de devenir grand prêtre; il l’a reçue de celui qui lui a dit: tu es mon Fils, moi aujourd’hui je t’engendre”. <> C’est lui qui, au cours de sa vie terrestre, offrit prières et supplications avec grand cri et larmes à Celui qui pouvait le sauver de la mort, et il fut sauvé en raison de sa soumission. Tout fils qu ‘il était, il apprit par ses souffrances l’obéissance, et, rendu parfait (accompli) il devint pour tous ceux qui lui obéissent cause de Salut éternel, ayant été proclamé par Dieu grand prêtre selon Melkisédeq”. Aux oblations extérieures, Christ substitue l’offrande de son cœur, de sa volonté propre en acceptant que l’Esprit travaille et effectue dans son cœur d’homme la transformation douloureuse nécessaire pour faire de lui “ Lorsque nous célébrons la divine Eucharistie, nous faisons mémoire tous les actes de Christ pour notre Salut et notamment la croix et la résurrection. Pour que cette mémoire ne soit pas seulement un souvenir pieux, nous faisons appel à l’Esprit Saint pour qu’il fasse éclater le temps et l’espace et nous rende participants des Mystères accomplis par Christ une fois pour toutes. L’épiclèse — l’appel de l’Esprit Saint- est nécessaire non seulement pour sanctifier les dons, montrer à nos yeux de l’esprit le Corps très saint et le Sang de “Nous te demandons et te supplions, ami de l’Homme, plein de bonté, toi, notre Dieu, nous t’adorons, pour que, par la bienveillance de ta bonté, ton Esprit saint vienne sur nous et sur les dons ici présents, et qu’il les sanctifie et les manifeste Corps très saint. Amen. Sang très précieux de
L’oblation sacerdotale de Christ l’établit définitivement “pour l’éternité”, médiateur parfait. L’épître aux Hébreux 2,17 utilise deux adjectifs pour qualifier la nouveauté du sacerdoce messianique: “Devenu grand prêtre miséricordieux et fidèle tourné vers Dieu pour expier les péchés du peuple “. Miséricordieux exprime la capacité de compassion pour l’humanité à l’image de l’amour maternel de Dieu envers sa création. Fidèle montre la permanence de son intercession jusqu’à la consommation des siècles sans acception de personne, de lieu, de temps, de justice ou de désordre.
Le Christ est
Dans le mystère pascal rendu éternellement présent dans notre eucharistie, il est notre prêtre parfait qui nous donne sa vie afin que nous annoncions dans le monde la communion d’amour parfaite entre Dieu et sa créature.
+ Eliyâs-Patrick
Lettre de saint Elie N°161 & 162 avril mai 2002
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Nouvelle Alliance, nouveau sacerdoce |