Les ténèbres commencent à diminuer

 

"Sonnez de la trompette", dit David, au jour solennel de votre fête. <> Et puisque c'est aujourd'hui le jour solennel de notre fête, obéissons, nous aussi, à la Loi et devenons les hérauts de cette solennité.

La trompette, en cette Loi, c'est la Parole.

Saint Paul nous invite à le croire, lorsqu'il dit que cet instrument doit émettre non pas des sons confus, mais des notes distinctes, qui ne laissent aucun trouble en l'auditeur.

 

Rendons, nous aussi, un son clair et limpide, aussi noble que celui de la trompette. La Loi qui déjà, dans les figures de l'ombre, pressent la vérité, exige qu'à la fête des Tentes, l'on sonne de la trompette.

Or nous fêtons aujourd'hui le mystère de la véritable construction des Tentes. C'est en effet en ce jour qu'est bâtie la tente humaine, par celui qui pour nous s'est revêtu d'humanité. (1)

 

Ce jour, nos tentes abattues par la mort, sont relevées par celui qui, au commencement, a construit notre demeure. Répétons à notre tour le verset du psaume, mêlons nos voix aux superbes accents de David: "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur". Comment vient-il? Nul vaisseau, nul char ne l'amènent: il aborde en l'humaine vie par la pureté d'une vierge. C'est lui notre Dieu, c'est lui notre Maître qui nous est apparu: il vient organiser la fête, et tout couvrir de feuillages jusqu'aux cornes de l'autel.

 

Nous savons bien quel mystère contiennent ces paroles: la création tout entière est comme l'unique temple du Maître de la création. Mais lorsque le péché survint, le mal triompha des hommes, ferma leurs lèvres, fit taire leurs voix joyeuses, interrompit les concerts de la fête, la créature humaine cessa de participer aux réjouissances des anges. Résonnèrent alors ces trompettes de prophètes et d'apôtres. <> Sous les souffles de l'Esprit, elles proclamèrent, véhémentes, les paroles de vérité, afin que s'ouvrît l'oreille des hommes,  que le péché avait rendu sourds, et qu'il n'y ait plus qu'une fête. Et les voix retentiraient à l'unisson, lorsque les feuillages relieraient le tabernacle de la créature inférieure aux puissances supérieures qui entourent l'autel céleste. Les cornes de l'autel spirituel sont, en effet, les puissances transcendantes et sublimes de la nature spirituelle (noétique), les principautés, les royaumes, les trônes, les dominations. La nature humaine s'unit à ces dernières en une fête commune, par les scénopégies de la résurrection, et le renouveau des corps les couvre de feuillages. <>

Élevons donc nos âmes jusqu'au chœur spirituel, et prenons David pour mener et diriger nos concerts: disons avec lui cet hymne joyeux que nous chantions jadis, oui, répétons-le: ce jour, le Seigneur l'a fait, exultons de joie et soyons dans l'allégresse.

En ce jour les ténèbres commencent à diminuer et les confins de la nuit reculent, refoulés par les rayons grandissants. Ce n'est point simple hasard si le solstice survient au jour solennel, où la vie divine se manifeste aux hommes.

   

Quel mystère la création n'enseigne-t-elle pas ici aux esprits un peu attentifs! On dirait qu'elle élève la voix et apprend à ceux qui sont capables de l'entendre, ce que signifient la croissance du jour et le recul de la nuit, au temps où vient le Seigneur.

Il me semble, pour ma part, l'entendre tenir ce langage: ouvre tes yeux, homme: les mystères qui se cachaient dans le visible te sont révélés ! Vois-tu la nuit parvenir à ses bornes extrêmes, s'arrêter et reculer ? Entends-le de l'affreuse nuit du péché, qui s'était allongée jusqu'à ses dernières limites; le péché, par toutes sortes de ruses, l'avait menée au comble de l'abjection. Mais aujourd'hui, ses progrès s'arrêtent: vaincue, elle recule pour bientôt disparaître. Vois-tu grandir les rayons de lumière et le soleil monter plus haut de que coutume ? Comprends que l'avènement de la vraie lumière illumine toute la terre des rayons de l'évangile.

Peut-être même, me semble-t-il, expliquerait-on assez bien que le Seigneur ne soit pas venu dès l'origine, mais qu'il n'ait daigné manifester sa divinité que dans les derniers temps: puisqu'il devait se mêler à la vie humaine pour purifier l'humanité de son péché, il lui fallait attendre que le mal se fût bien enraciné et que l'ennemi l'eût partout répandu.

Alors, dit l'Évangile, il a porté la cognée à la racine des arbres. <>

Quand tous les hommes s'étaient dévoyés, ensemble pervertis, quand tout avait sombré dans le péché, quand l'iniquité pullulait, quand les ténèbres du vice s'étaient étendues jusqu'à leurs limites dernières, alors survint la grâce, alors se leva le rayon de la vraie lumière, alors brilla le soleil de justice sur les hommes, enfoncés dans l'obscurité et l'ombre de la mort, alors Dieu, d'un coup de pied, les mille têtes du dragon, il les jeta au sol et les piétina.

N'allez point penser, en considérant les misères de notre vie présente, que nous mentons lorsque nous disons que le Seigneur a répandu sa lumière sur le monde dans les derniers temps. Vous pourriez, en effet, m'objecter que, s'il a attendu que le crime ait atteint son paroxysme pour le détruire et l'extirper, il aurait dû l'enlever sans en laisser au monde la moindre trace. Or le meurtre, le vol, l'adultère, tous les crimes existent encore.

Réfléchissons.  Un exemple familier nous aidera à dissiper le malentendu qui règne à ce sujet. Lorsque vous tuez un serpent, vous ne voyez point le corps du reptile mourir en même temps que la tête, qui perd la vie quand le cœur bat encore et que le corps est tout frémissant. Il ne se passe pas autre chose pour celui qui détruit le serpent: lorsque la bête est devenue énorme, monstrueuse, au fur et à mesure des générations, et qu'il lui écrase la tête, c'est-à-dire qu'il détruit les forces de la mort et ses millions de têtes, peu lui importe la queue, les soubresauts qui agitent encore le cadavre, il les laisse aux générations futures pour tremper leur vertu.

Qu'est-ce donc que cette tête qu'il écrase ? C'est celle qui porta la mort à l'homme en lui soufflant un conseil criminel et qui lui transmit son fatal venin en le mordant. Celui qui a anéanti la puissance de la mort, a brisé du même coup — je cite le prophète — la force que le serpent détenait en sa tête. (2)

La queue du monstre enroulée autour de nos vies, aussi longtemps que l'homme subira l'attirance du mal, ne cessera de hérisser son existence des écailles du péché. Sa puissance est morte, puisqu'on lui a fracassé la tête. Mais lorsque viendra le temps où doivent finir les soubresauts et cesser cette vie, comme nous l'attendons, alors c'en sera fait du corps et de la queue de l'Ennemi, c'est-à-dire de la mort. Le mal aura radicalement disparu et tous seront rappelés à la vie par la résurrection. Les justes accéderont à l'héritage céleste, mais ceux qui se seront empêtrés dans les liens du péché seront livrés au feu de la géhenne.

 

Revenons à nos réjouissances, que les anges annoncent aux bergers, que les cieux racontent aux mages, que l'esprit de prophétie proclame par mille voix, afin que les mages en personne deviennent les hérauts de la grâce. Celui qui lève son soleil sur les justes et sur les injustes et qui répand sa pluie sur les méchants et sur les bons, a porté le rayon de la connaissance et la rosée de l'Esprit sur les lèvres les plus diverses: ces témoignages, si éloignés les uns des autres, nous convainquent mieux de la vérité.

Tu entends l'augure Balaam prophétiser à pleine voix devant les étrangers: l'étoile de Jacob se lèvera.

 

Tu vois les mages, ses descendants, observer, selon la prédiction de leurs ancêtres, le lever d'une étoile nouvelle, qui seule d'entre tous les astres, possède le mouvement et l'immobilité et combine ces deux vertus pour le service de Dieu. Les autres étoiles en effet, ou bien ont une place fixée une fois pour toutes dans l'univers, et n'en bougent plus, ou bien, poursuivent sans trêve leur course. La nôtre se déplace pour conduire les mages et s'arrête pour indiquer le lieu.

 

 

Tu entends crier Isaïe : "un enfant nous est né, un fils nous est donné." Apprends de ce prophète la façon dont naquit l'enfant et dont un fils nous fut donné. Etait-ce selon les lois de la nature ? Non, répond le prophète, le Maître de la nature n'est point assujetti aux lois de la nature. Comment alors, dites-moi, l'enfant est-il né ? Voici : "la vierge est enceinte et enfantera un fils qu'elle appellera du nom d'Emmanuel, ce qui signifie : Dieu avec nous".

 

O merveille! La Vierge devient mère et demeure vierge. <> La virginité ne l'empêche pas d'enfanter et l'enfantement n'abolit pas sa virginité.

Il fallait bien que celui, qui venait dans la vie pour arracher le monde à la corruption, prît naissance dans l'incorruptibilité. Je crois que le grand Moïse avait été averti de ce miracle, le jour où Dieu lui apparut sous la forme d'une flamme: le buisson était embrasé mais ne se consumait pas. Marchons, dit-il, et allons voir ce prodige. Il n'indique pas, par ce marchons, un mouvement d'ordre spatial, mais la marche même du temps.

Préfiguré dans le buisson en flammes, ce miracle, lorsque l'intervalle de temps se fut écoulé, se révéla clairement dans le mystère de la Vierge. Là, un buisson embrasé ne se consume pas, ici, une vierge enfante la lumière sans subir d'atteinte. Et si le buisson préfigure le corps de la Vierge, mère de Dieu, tu ne dois pas rougir de cette comparaison: héritière du péché, toute chair est elle-même faute par la seule raison qu'elle est chair. Et le péché, dans la Bible, porte le nom d'épine. (3) 

 

Il nous faut courir par la parole vers Bethléem, le bourg de l'évangile. Si nous sommes de véritables bergers et veillons sur nos propres troupeaux, c'est à nous que s'adresse la voix des anges qui nous annonce cette grande joie. Levons donc nos yeux vers l'armée céleste, contemplons le chœur des anges, écoutons leurs hymnes divins.

 Que chantent-ils en leur joie ? Gloire à Dieu au plus haut des cieux, s'écrient-ils. Pourquoi la voix des anges glorifie-t-elle la divinité qu'ils contemplent dans les hauteurs? Parce que, ajoutent-ils, la paix est sur la terre. <> Celle-ci, hier, n'était qu'objet de malédiction, désert d'épines et de ronces, théâtre de guerre, exil de condamnés, et voici qu'elle reçoit la paix. O merveille ! La vérité est sortie de la terre et la justice se penche du ciel. Tel est le fruit qu'a donné la terre des hommes. Et ce bonheur récompense la bonne volonté qui règne chez les hommes. Dieu se mêle à la nature humaine, afin d'élever l'humanité à la hauteur de Dieu.

 

A cette nouvelle, partons pour Bethléem contempler l'étrange spectacle: <> les mystères de la crèche. Qu'y a-t-il ?

Un petit enfant enveloppé de langes repose dans une mangeoire. Vierge encore après ses couches, la mère incorruptible embrasse son fils. Répétons, nous les bergers, la parole du prophète, comme nous l'avions entendu, nous avons vu dans la cité du Maître des puissances, dans la cité de notre Dieu.

Croyez-vous que ces détails sur la naissance du Christ soient fortuits et aient été notés au hasard, sans que nulle raison ne les ordonne ? Que signifie que le Seigneur ait trouvé refuge dans une crèche, qu'il ait dormi dans une mangeoire ? Qu'il se soit mêlé à la vie lors du dénombrement des tribus?

Ne voyez-vous donc pas que celui qui nous a délivrés de la malédiction de la loi, en se faisant lui-même, pour nous, malédiction, et en prenant sur lui nos plaies, afin de nous guérir par ses propres plaies, celui-là, dis-je, naît dans l'esclavage pour nous délivrer des chaînes odieuses, qui accablaient l'humanité esclave du tribut de la mort? (3)

 

Le Seigneur naît dans une grotte ? Entendez cela de notre vie, aveugle, ténébreuse, souterraine, où vient naître celui qui se manifeste aux hommes, enfoncés dans les ténèbres et l'ombre de la mort. Il est emmailloté de langes ? C'est qu'il s'enroule dans les liens de nos péchés. La crèche où naît le Logos est la demeure du bétail ? C'est pour que le bœuf reconnaisse son maître et l'âne l'étable de son Seigneur. Bœuf celui qui vit sous le joug de la loi. Âne, la bête de somme, chargé du péché de l'idolâtrie. La pâture commune à tout bétail, c'est l'herbe. Tu fais croître l'herbe pour les troupeaux, dit le prophète. L'animal raisonnable se nourrit, lui, de pain. Aussi est-ce dans l'étable, qui est le gîte du bétail, que celui qui descend du ciel vient s'offrir comme pain de vie, afin que les créatures stupides, qui ont goûté à l'aliment spirituel, se mettent à vivre dans l'Esprit. Et si, dans la crèche, il naît entre le bœuf et l'âne, le maître de ces deux animaux, c'est pour démolir le mur qui les sépare, et les recréer tout deux en lui, pour ne plus former qu'un seul être nouveau,  il décharge l'un du joug pesant de la Loi, il délivre l'autre du fardeau de l'idolâtrie.

 

Mais levons nos yeux vers les merveilles du ciel: prophètes et anges annoncent l'heureuse et grande nouvelle, et il n'est jusqu'aux cieux qui ne proclament, par leurs prodiges, la gloire de l'Évangile.

Le Christ est sorti de Juda, dit l'Apôtre, mais le juif [Hérode] n'est pas éclairé par cet astre qui vient de se lever. Les mages, étrangers aux prophéties de l'Alliance, ignorés des bénédictions de nos pères, devancent le peuple d'Israël en clairvoyance. Ils remarquent l'étoile céleste, ils reconnaissent leur Roi dans une étable! Ils lui offrent des présents, les autres complotent. Ils l'adorent, les autres le persécutent. Lorsque le succès couronne leurs recherches, ils jubilent. Quand arrive la naissance prédite, se mettent à trembler. Les mages virent l'étoile au-dessus du lieu où reposait l'enfant, et furent saisis d'une grande joie. Mais, à cette nouvelle, Hérode devint soucieux et tout Jérusalem avec lui. Les uns lui offrent de l'encens comme à un Dieu, et honorent avec de l'or sa dignité royale. C'est le mystère de la passion que figurent, par je ne sais quel don prophétique leur myrrhe, tandis qu'Hérode ordonne de massacrer sans pitié les nouveau-nés. 

<> Mais laissons là ce deuil et ramenons nos esprits vers des réalités plus joyeuses, et plus appropriées à un jour de fête: laissons l'amère plainte de Rachel qui pleure ses fils, le sage Salomon nous conseille d'oublier le malheur, aux jours de fête.

Et quelle fête serait plus heureuse que celle-ci, où le Soleil de justice dissipe les abjectes ténèbres du diable et répand sa lumière sur toute la nature, par l'intermédiaire de notre propre nature, où ce qui était tombé est relevé, ce qui était vaincu, ramené à la délivrance, ce qui était exilé, rappelé, ce qui était chassé de la vie, rendu à la vie, ce qui était enchaîné dans les liens de la mort, affranchi et dépêché aux pays des vivants ?

 

Aujourd'hui, selon le prophète, les portes d'airain de la mort sont fracassées, les barres de fer brisées, qui jadis commettaient l'humanité à la garde de la mort. Aujourd'hui s'ouvrent, dit David, les portes de la justice. Aujourd'hui, d'une seule voix, sur toute la terre, retentissent les chants de fête.

Par l'homme la mort, par l'homme le Salut. L'un sombra dans le péché, l'autre releva l'être déchu. La femme est justifiée par la femme. L'une amena le péché, l'autre aida au retour de la justice. Celle-là suivit le conseil du serpent, celle-ci enfanta l'exterminateur du serpent, et suscita la source de lumière. Celle-là introduisit le péché par l'intermédiaire d'un arbre, celle-ci par l'arbre de la croix restaura la bonté. J'appelle arbre, la croix. Car c'est un arbre dont le fruit est toujours bon à savourer, et la vie de ceux qui le goûtent ne se flétrit pas.

 

Que nul n'argue ici que de telles actions de grâce ne conviennent qu'au mystère pascal.

Considérez plutôt que la Pâques est le dernier acte de la divine économie. Et quel terme n'est précédé d'un commencement ? Quel est le moment le plus ancien ? Celui, bien sûr, qui inaugure, l'économie de la passion.

Ainsi le miracle de Pâques entre-t-il pour une part en notre éloge de Noël. <> Tout est grâce dans cette fête. C'est elle qui inaugure les dons merveilleux qui vont suivre.

Réjouissons-nous donc et exultons en ce jour! Ne redoutons pas les outrages des hommes, et ne nous laissons pas abattre, comme nous l'enjoint le prophète, sous les huées des impies qui se rient du dessein de Dieu, et jugent indigne du Seigneur de s'incarner en l'humaine nature et de se mêler à la chair par la naissance; quand, manifestement, ils ignorent le mystère de ce geste et les voies dont Dieu, en sa sagesse, a usé pour notre Salut.

<>  Qu'il te suffise de savoir que la divinité n'est pas une quelconque vertu, mais que toute la vertu imaginable, c'est elle. Puissante, juste, bonne, sage. Tous ces mots définissent et éclairent la nature divine.

 

Examinons donc si tous les attributs que nous venons de lui donner, le nouveau-né ne les contient pas. Bonté, Sagesse, Puissance, Justice.

- Il est bon, puisqu'il a aimé un rebelle, sage, puisqu'il a su le libérer de la servitude,

-  juste, car il ne l'arrache pas à celui qui l'avait asservi <> mais il se donne en rançon pour racheter des vaincus, afin que, en garant qui prend à son compte la dette, il libère ceux qui étaient aux mains d'oppresseurs.

- Puissant, parce qu'il n'est pas demeuré prisonnier de l'enfer, et sa chair n'a pas connu la corruption. Il était impossible que l'auteur de la vie fût soumis à la corruption.

 

Mais, disais-tu, quel déshonneur de prendre naissance chez les hommes et de vivre les tribulations de la chair. Tu rapportes là l'excès même de son bienfait. Comme il n'existait nulle autre voie pour libérer l'humanité de si grands maux, il a souffert, le roi de toute impassibilité, il a troqué sa gloire contre notre existence. La pureté s'est enfoncée dans la fange. Et notre fange n'a pas altéré sa pureté, et comme le dit l'Évangile, la lumière a brillé dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas étouffée. Car elles se dissipent, les ténèbres, dès que brillent les rayons. Le soleil ne s'assombrit pas dans l'obscurité. Les choses mortelles sont absorbées par la vie, dit l'Apôtre. Et la vie n'est pas consumée par la mort. Le corrompu est sauvé avec l'incorruptible. La destruction n'effleure pas l'incorruptibilité.

Voilà pourquoi toutes les créatures chantent à l'unisson et magnifient d'une seule voix le Maître de la création. Toute langue, céleste, terrestre, infernale, crie que le Seigneur Jésus-Christ demeure dans la gloire de Dieu le Père, et sera loué aux siècles des siècles. Amen.

                      ?  saint Grégoire de Nysse, sur la naissance du Sauveur.

Commentaires:

-1- Saint Grégoire compare la naissance du Sauveur à la fête des tentes. Cette fête appelée dans le judaïsme Soukkot est une des trois grandes fêtes de "pèlerinage" prescrites dans la Torah. "Parle aux fils d'Israël: Le 15 de ce 7ème mois, c'est la Fête des Tentes, qui dure sept jours, en l'honneur d'Adonaï; le 1er jour on tiendra une réunion sacrée; vous ne ferez aucun travail pénible. Chacun des 7 jours, vous présenterez un mets consumé à Adonaï; Le 8ème jour vous tiendrez une réunion sacrée et vous présenterez un mets consumé à Adonaï;: c'est la clôture de la fête; vous ne ferez aucun travail pénible.  -Lv 23,  34-43- "trois fois par an, tous les hommes iront voir la face d'Adonaï ton Dieu au lieu qu'il aura choisi: pour le pèlerinage des Pains sans levain, celui des Semaines et celui des Tentes. On n'ira pas voir la face d'Adonaï les mains vides. -Dt16.16- 

A l'origine, une fête agricole de l'automne, Soukkot est marquée par la joie des bienfaits reçus d'Adonaï Seigneur. La "convocation sainte" (Qahal Ecclesia) est solennisée par la cérémonie du

haqhel (Rassemble ), au cours de laquelle le peuple entier, hommes, femmes et enfants, est rassemblé dans l'endroit élu par Dieu pour entendre la Torah. C'est lors de "La Fête" que le roi Salomon fit la dédicace du Temple de Jérusalem.

Zacharie 14,16-19, l'un des derniers prophètes, prophétise que la "fête des tentes " deviendra, aux temps messianiques, un festival universel,  au cours duquel toutes les nations se rendront à Jérusalem pour se prosterner devant Dieu.  Grégoire, donc, compare "la Fête" à la joie de l'incarnation du Logos. Car ce jour de la naissance est le prélude  de la grande Eglise rassemblée en son corps. "La vie divine arrive parmi les hommes".

La lumière, qui grandit au solstice d'hiver, est, pour la création, le signe du triomphe de la lumière sur les ténèbres, la nuit du péché va bientôt disparaître. En Christ, se réalise la grande convocation sacrée de toutes les nations qui deviendront "la nation sainte". Toute l'humanité est appelée en lui à la grâce de la filiation divine.

 

2.  Saint Grégoire donne une réponse à ceux qui, troublés par l'image de la paix des temps messianiques  donnée par le prophète Isaïe, doutent que Jésus soit vraiment le messie: 

Quoi que l'on pense de l'allégorie du serpent à l'agonie, elle représente bien la réalité de notre monde sous la double influence de la grâce, et du péché qui veut nous couper de la source de vie. Tout est accompli en Christ, tout reste à faire dans l'humanité. Le principe de réalité oblige à accepter que les temps messianiques ne sont pas achevés, donc que le mal est encore bien présent et actif. Jusqu'à la seconde venue du Christ en gloire, la lutte entre  lumière et ténèbres se poursuit. Ce combat appelle tous les enfants de lumière à être attentifs à la parole du Seigneur, et grâce à elle, à vaincre  toute influence du péché en se tournant toujours vers le créateur.     

 

3. L'évêque de Nysse parle souvent de la double mort: mort de l'âme privée de la présence vivifiante de l'Esprit Saint, mort du corps qui nous vient du péché d'Adam.

La nature humaine est tombée dans le péché en Adam. Adam vit en nous, nous mourrons tous en lui, car nous héritons de lui le corps de "chair". La faute d'Adam a pour conséquence la perte de l'Esprit, donc de l'immortalité et de toutes les souffrances qui vont avec. Les pères grecs désignent cet héritage par plusieurs mots:" chute, souillure, corruption, blessure, maladie, parfois péché". Péché non dans un sens moral, mais par l'aptitude à se détourner de Dieu et se rendre étranger à sa grâce. "Dieu ayant créé Adam à son image et à sa ressemblance, déposa sur son visage, par son Souffle, la grâce et l'éclat et le rayon du Saint Esprit. <> Par sa désobéissance et son péché, cette grâce fut éteinte et effacée de son visage.<> Nous ne sommes pas punis, certes, comme si nous avions-nous-même transgressé avec Adam, mais parce que Adam, devenu mortel,  a transmis le péché par génération" écrit un auteur du 7è siècle. 

 

"Fait à l'image de Dieu, l'Homme était plongé dans un éclat divin. Mais la souillure du péché obscurcit cette beauté. Voulant nettoyer son image et redonner à la chair l'immortalité, Dieu se revêt de la chair." (Basile de Séleucie † vers 450)                                     

                                                                                                                                                                                                          ¤ E-P    

Lettre aux amis du sanctuaire du prophète Elie N° 325    Décembre 2015 

 

                        

naissance du Sauveur, Grégoire de Nysse