Prier dans la paix du coeur

 

 

 

 

Ceux qui s’approchent du Seigneur doivent s’adonner à la prière en grand repos, calmes et apaisés et non point par des cris inconvenants et confus.

C’est le labeur de notre coeur, c’est la sobriété de nos pensées qui nous permettent d’approcher le Seigneur. Il ne convient pas à un serviteur de Dieu de s’établir dans l’agitation, mais dans une grande douceur et sagesse comme dit le prophète : “Vers qui jetterai-je les yeux, c’est vers le doux et le paisible qui tremble à mes paroles”.

Aux temps de Moïse et d’Elie, nous trouvons que dans leur rencontre avec Dieu, la manifestation du Seigneur était précédée du ministère des trompettes et des puissances, mais le Seigneur n’était point là et sa présence se manifestait dans le repos, la paix et la tranquillité du cœur. “Voici, dit l’Ecriture, la voix d’une brise légère, en elle était le Seigneur”.

 Il est clair que le repos du Seigneur est dans un cœur paisible et tranquille. Il reste que le fondement posé par l’homme dès le début et le départ qu’il a pris le marquent jusqu’à la fin : A-t-il commencé à prier avec cris et agitation, jusqu’à la fin il gardera une telle habitude. Mais le Seigneur qui aime les hommes, à celui-là aussi donnera son secours.

 

Le fondement véritable de la prière, le voici : être attentif à ses pensées et se livrer à la prière en grand repos et en paix. Celui qui aura suivi la grâce de Dieu et la perfection jusqu’à la fin en édifiera beaucoup : “Dieu, dit l’Ecriture, n’est pas le Dieu de la confusion, mais de la paix”. Il convient que le combat de l’homme porte sur ses pensées, qu’il taille dans la masse des pensées qui l’étouffent, qu’il se pousse lui-même vers Dieu, qu’il n’obéisse pas à ses pensées désordonnées, mais les ramène de leur dispersion et apprenne à les discerner.

L’âme dans le péché est comme une grande forêt sur la montagne, ou les roseaux au bord d’un fleuve, ou encore un taillis de ronces et d’arbustes. Ceux qui veulent passer par là, doivent tendre les mains en avant et écarter les obstacles en masse qui les cernent. Ainsi l’ennemi cerne-t-il notre âme par les pensées.

 

L’âme doit se plonger toute entière dans la prière et l’amour de Dieu, sans se laisser égarer et distraire par ses pensées. Elle doit attendre de Dieu tout son élan. Alors, il lui donnera la lumière, alors il lui apprendra la véritable intercession et lui fera le don de la prière pure, spirituelle, digne de Dieu, la prière en esprit et en vérité. Alors, l’âme devient tout entière œil. Si tu crois que tout cela est vrai - et c’est vrai, crois-le - examine-toi et cherche si tu as trouvé la vraie nourriture et la boisson véritable, c’est à dire le Seigneur. Si tu ne l’as point, cherche nuit et jour à l’acquérir. Sache bien qu’il y a des yeux que Satan a aveuglés et des oreilles qu’il a assourdies. Mais Jésus est venu pour rendre à nouveau la santé à l’homme intérieur. A lui la gloire et la puissance avec le Père et l’Esprit Saint pour les siècles. Amen.

                                                         ¿  Saint Macaire de Scété   (490 †)

 

 

                

 

Commentaire:          PAIX, HERITAGE DU ROYAUME

 

Le Seigneur repose dans un cœur paisible et tranquille, et le Seigneur lui-même apprend alors à l’homme la prière en esprit et vérité, nous dit plus haut Saint-Macaire, moine d’Egypte.

La prière nous unit à Dieu et à nos frères, car l’union avec Dieu suppose aussi l’union entre les hommes. Mais cette union n’est pas seulement une réalité spirituelle et invisible qui ne serait alors qu’une agréable utopie, elle doit apparaître dans la vie concrète des croyants.

 

Cette paix, cette douce conversation avec le créateur doivent être vérifiée par la justice de nos relations fraternelles basées sur l’amour ou tout au moins le non jugement. C’est pourquoi, il existe des assemblées (qahal - ekklesia) convoquées par Dieu lui-même (1) où les baptisés (ceux qui sont plongés dans le Nom divin) se réunissent en Eglise pour offrir un culte spirituel.

 

“Tous ceux qui habitent villes ou campagne s’assemblent en un même lieu... ou lit les mémoires des apôtres et les écrits des prophètes... ensuite nous nous levons tous et nous prions ensemble... on apporte du pain et du vin mêlé d’eau. Celui qui préside, adresse semblablement prières et actions de grâces, autant qu’il a force, et tout le peuple répond par l’acclamation Amen. Alors a lieu la distribution des aliments eucharistiés, et chacun en a sa part... (2)

explique St-Justin dès le 2è siècle.

 

Les participants de cette Eglise ont conscience d’être membres de l’unique corps du Christ dont le pain et le vin eucharistiques assure la vivante cohésion (3). "Parce qu’il y a une seul pain, nous sommes à plusieurs un seul corps, car nous participons tous à ce pain unique". (1 Corinth.10 v .17).

 

Nous nous rendons au temple, non pas pour prier individuellement, mais pour exprimer devant Dieu et le monde le mystère du Royaume, déjà venu et à venir.

Christ est venu et nous atteste que là où deux ou trois sont réunis en Son Nom, Il est au milieu d’eux. (Math.18 v.20).

L’Eglise rassemblée dans l’Eucharistie, quand bien même elle serait limitée à deux ou trois est la manifestation et l’actualisation du corps du Christ.

C’est pourquoi, même les saints ermites comme saint Macaire, quittent leur solitude, se réunissent le samedi et le dimanche, participent ensemble à la vie liturgique. Car la prière dans le secret le plus retiré (Math.6v.6) doit être alimentée et fortifiée par la prière en commun ; et cette prière en commun vérifie l’authenticité de la prière personnelle.

 

Dans la mesure où nous gardons la paix reçue de l’Esprit, dans notre prière liturgique comme dans notre prière personnelle, nous offrons à Dieu, un culte raisonnable avec les ancêtres, les pères, les martyrs, les confesseurs, les moines et toute âme juste décédée dans la foi ; nous participons aux célestes et redoutables mystères pour la communion du Saint Esprit et l’héritage du Royaume des cieux (4).

        

                                                                      ¤ Elyias-Patrick

 

 

Notes et Bibliographie :

 

(1)  Deut.4 v.10 : “Le Seigneur dit à Moïse : Assemble moi le peuple ...”

(2  saint Justin (vers 165 †) Apologie I, citée in G.Bardy, la vie spirituelle, Desclée 1968.

(3) Ephésiens 1 v.10 : le Christ est la tête de l’église qui est son corps embrassant la plénitude du monde.

                                   v.23 : Christ est donné pour chef suprême à l’Eglise, laquelle est son corps, le plérôme (la plénitude) de celui qui remplit tout, en tout.

(4) Anaphore de saint Jean Chrysostome.

 

Lettre aux amis du sanctuaire du prophète Elie   n°24, novembre 1990

 

Macaire, de la prière