Les Jours saints de la Pâque

Recueil d'homélies des Pères.

 

Jeudi:

              Homélie de saint Ephrem

Vendredi

              Homélie attribuée à saint Hippolyte de Rome

              Homélie de saint Méliton de Sardes

              Catéchèse pascale du "Testament du Seigneur"

Samedi

               Anonyme du 4è siècle attribuée à Epiphane

Dimanche:

               Homélie de saint Hippolyte de Rome

               Canon pascal de la liturgie arménienne

               Homélie selon saint Jean Chrysostome (de l'Office de nuit)

 

       1     Jeudi de l'Alliance: l'Eucharistie de Vie

 

La pâque de l'Alliance nouvelle

 

Quand donc fut accomplies les Ecritures suivant lesquelles Jésus devait prendre la forme d'esclave, quand il se fut fait serviteur des apôtres et se fut abaissé jusqu'à leur laver et essuyer les pieds, quand il les eut persuadés qu'ils devaient apprendre pour eux-mêmes et enseigner aux autres l'humilité, alors Jésus conclut une autre alliance qui devait abolir la pâque ancienne: il institue la pâque nouvelle pour tous les peuples jusqu'à la vie éternelle.

                                                      

Jésus notre Seigneur prit dans ses mains du pain,  au commencement ce n'était que du pain , le bénit, fit dessus le signe de croix, -1- le consacra au nom du Père et au nom de l'Esprit Saint, le rompit et le distribua à ses disciples par fragments. Dans sa miséricordieuse bonté, il appela le pain, son corps vivant, et le remplit de lui-même et de l'Esprit Saint; -2- étendant sa main, il donna à ses disciples le pain que sa droite avait consacré: "Prenez, dit-il, mangez tous de ce que ma Parole a consacré. Ce que je vous ai maintenant donné, ne croyez pas que c'est du pain, recevez-le, mangez-le, ne le brisez pas en miettes. Ce que j'ai appelé mon corps l'est en réalité. La plus petite de ces parcelles peut sanctifier des milliers d'âmes et suffit pour donner la vie à ceux qui la reçoivent. Recevez, mangez avec foi, sans hésiter, car c'est mon corps, et celui qui le mange avec foi, mange avec lui le feu de l'Esprit divin." -3-

 

Pour celui qui mange  sans foi ce n'est que du pain ordinaire, mais celui qui mange avec foi le pain consacré en mon nom s'il est pur conserve la pureté, s'il est pécheur, il obtient son pardon. Celui qui le repousse, le méprise et l'outrage,  qu'il tienne pour certain qu'il outrage le Fils qui a appelé et fait réellement du pain son corps.

"Prenez et mangez en tous et par lui mangez l'Esprit Saint, car c'est véritablement mon corps, et celui qui le mange vit éternellement. C'est la pain céleste, le pain descendu d'en haut ici-bas. <> Prenez et mangez en tous, par ce pain vous mangez mon corps, vraie source du pardon et de miséricorde. Je suis le pain de vie.

Le charbon ardent qui en touchant les lèvres d'Isaïe les sanctifia, c'est moi qui maintenant apporté à vous par le pain, vous sanctifie. <>Le charbon, c'est mon corps; Isaïe, c'est vous tous; l'autel, c'est cette table; le temple c'est la chambre haute du cénacle; le Seigneur, c'est moi. Voici la prophétie accomplie". <>

 

Après que les disciples eurent mangé le pain nouveau et saint, qu'ils eurent compris par la foi qu'ils avaient mangé le corps du Christ, Jésus continua à expliquer et à développer tout le mystère.

Il prit le calice du vin et le mêla <d'eau>; puis il prononça la bénédiction, fit dessus le signe de la croix, le consacra et dit que c'était son sang, qui allait être versé. <> Tous s'approchèrent et burent, c'est à dire les onze, car tandis que Jésus distribuait le pain aux  onze sans distinction, Judas s'approchait pour recevoir  le pain consacré <> mais Jésus trempa le pain dans l'eau et le donna à Judas, et de cette manière, il lava la bénédiction et l'enleva. -4-

                                                             

Lorsque les disciples eurent reçu de la main droite de Jésus la coupe du salut, ils s'approchèrent et burent tous, les uns après les autres.

                                                           

En leur donnant la coupe à boire, le Messie leur expliqua que le calice qu'ils buvaient était son sang: "Ceci est mon vrai sang, versé pour vous tous; prenez, buvez en tous. Ceci est la nouvelle Alliance en mon sang. Vous ferez comme vous m'avez vu faire, en mémoire de moi. Lorsque vous vous réunirez dans l'Eglise en toutes contrées, en mon nom, faites ce que j'ai fait en mémoire de moi, mangez mon corps et buvez mon sang, Alliance nouvelle et éternelle. <>

Je suis le Fils du Père vivant, je suis descendu du ciel pour contracter avec mon Eglise une nouvelle Alliance, afin d'abolir par le mémorial de mon corps et de mon sang, l'acte de destruction lancé contre les impies".

 

Notre Seigneur donna à ses disciples son dernier enseignement de vie, ce soir où il distribua son corps et boire son sang. Ce fut un soir parfait que celui où le Messie accomplit la vraie pâque. Ce fut le soir des soirs, celui où le Christ mit le sceau à son enseignement, le soir où l'obscurité passa, où les ténèbres devinrent lumière <>.

                                         

 O soir à jamais célèbre durant lesquels les mystères ont été expliqués, la première Alliance scellée et l'Eglise des nations enrichie. Béni le soir, béni le temps durant lequel la cène a été consacrée.

 Bénie la table qui est devenue un autel pour les apôtres.

 

Saint Ephrem le syrien

 

Traduction (remaniée): J. Lamy in l'Université catholique, 1890

 

Notes: Elias-Patrick

 

1 La description de saint Ephrem de l'institution de la divine Eucharistie n'adhère pas scrupuleusement aux textes des Ecritures, mais correspond fidèlement aux rites de la sainte Oblation de l'Eglise de Syrie. Nous reconnaisssons les nombreux signes de croix sur les oblats, la grande prière de l'anaphore adressée au Père pour que le mystère soit accompli par l'Esprit Saint sanctificateur.

Pour les Pères, les textes de la liturgie reçus dans les Eglises  sont comme les Ecritures, lieux théologiques, source de la foi  et de la vie spirituelle.

2 & 3. Seule la foi permet de discerner  dans le pain consacré le corps  du Seigneur. Au temps de sa vie en Palestine, seuls  les hommes de foi ont discerné en Jésus le Logos, le Fils de Dieu fait chair, de même aujourd'hui pour la mystèrieuse présence dans l'Eucharistie.

 La suite de l’homélie exclut de la pensée de St-Ephrem la mise en cause de la réalité de la transformation du pain en corps du Seigneur. St-Ephrem s’attache d’abord, non à la description du mystère, mais à ce que l’on peut appeler ses fruits sur celui qui le reçoit. Ensuite, Ephrem, avec tous les pères syriaques, discerne dans le corps eucharistique, le corps même du ressuscité:  Comme le Christ ressuscité se laisse voir par les disciples et non aux foules en prenant l’initiative de révéler sa présence, de même sur l’autel, l’Esprit manifeste aux croyants le corps du Verbe.

Le mystère se dévoile en une triade: A. le type ou antitype: ce que l’on voit, l’image, c’est à dire le pain et le vin.

B. la réalité: le corps et le sang du Christ

C. l’accomplissement: la participation à l’Esprit Saint.( Saint. Basile a la même démarche.)

 

Artos, ?le pain, selon les mêmes pères, se dit à la fois, et de l’esprit (math. 6. 11) et de la chair du Christ (Jean 6. 51) . Les deux sont donnés inséparablement   dans le mystère eucharistique. L’Esprit ne peut devenir notre vie que grâce à la chair du Christ, chair vivifiée  par l’Esprit. De même, le sang est vivifiant et l’Esprit aussi est vivificateur.

La raison d’être  de l’eucharistie  est la même que celle de l’incarnation: communiquer aux hommes la déification par l’Esprit.

C’est pourquoi, en adorant le Corps livré pour nous, nous adorons le Logos, en participant au Corps, nous participons à l’Esprit.

4. Le fait que Judas n'est point recu les éléments consacrés lors de la sainte Cène, est une opinion toute personnelle et originale de saint Ephrem. Il faut mentionner l'autre position inverse et exceptionnelle d'éxégèse qui comprend comme un signe d'espoir le fait que Judas, emporte avec lui "dans la nuit" de la trahison et du désespoir  le pain de vie: "La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne peuvent l'étouffer" 

 

Lettre de saint Elie N°89,   avril 1996

 

 

 

2  Vendredi saint: La Croix

 

L'arbre de la croix

 

Qu'est-ce que l'avènement du Christ? La délivrance de l'esclavage et le rejet de l'ancienne contrainte, le commencement de la liberté et l'honneur de l'adoption, la source de la rémission des péchés et la vie véritablement immortelle pour tous.

Comme d'en haut le Logos nous voyait tyrannisés par la mort, dissous et enchaînés  par les liens de la corruption , emportés dans le chemin inévitable et sans retour, il vint prendre la nature du premier homme selon le dessein du Père. Il ne confia pas à des anges, ni à des archanges la charge de notre salut, mais lui-même prit sur lui tout le combat pour nous, obéissant à la volonté du Père.

 

Comme l'Esprit divin*1  dans sa pureté était inaccessible à toutes choses, afin que rien n'eut part à la tendresse divine sans participation de l'Esprit * 2, lui-même se resserrant en soi de son plein gré, ramassant et comprimant en soi toute la grandeur de la divinité * 3 le Logos est venu avec les dimensions qu'il a voulues, sans être diminué en soi, ni  amoindri, ni déchu de sa gloire; Par la puissance suréminente du Père, il n'a pas perdu ce qu'il avait, mais prenant ce qu'il n'avait pas, il est venu tel qu'il devait être contenu. 

Et puisqu'il fallait qu'il y eut un réceptacle de l'Esprit divin, filtrant et recueillant la nature humaine, rejetant et écartant d'un côté tout ce qui était superflu et trouble, retenant de l'autre, tout ce qui était pur <.> il se forma un corps à l'image de l'homme, possédant d'une part un Orient spirituel et prenant d'autre part une forme corporelle. <.> C'est bien comme Dieu et homme que ce grand Jésus est venu chez nous (Que personne ne refuse de le croire!) et l'Esprit souverain a été contenu dans un corps d'homme. * 4

 

<.> Par la souffrance, il nous a délivrés de la souffrance, par la mort il a vaincu la mort, et par la nourriture visible il nous a procuré sa vie immortelle. Voici le désir salutaire de Jésus, voici son amour tout spirituel: <.> donner à ses disciples son corps sacré: "Prenez, mangez, ceci est mon corps; prenez, buvez, ceci est mon sang, nouvelle alliance, versé pour la multitude en rémission du péché". <.> 

                                      

A la place de la main perverse qui s'était tendue autrefois dans un geste d'impiété, Jésus, clouant sa propre main immaculée dans un geste de piété, a montré en sa personne toute la vraie vie pendue à l'arbre de la croix. * 5 <.>

                                                                       

 

Cet arbre m'est une plante de salut éternel; il me nourrit, et j'en fais mon régal.  Par ses racines je m'enracine et par ses branches je m'étends, sa rosée me réjouit et son esprit comme un vent délicieux me fertilise. A son ombre j'ai  dressé ma maison, et fuyant les grandes chaleurs j'y trouve un abri plein de rosée. Ses feuilles sont ma frondaison, ses fruits mes parfaits délices, et je jouis librement de ses fruits, qui m'étaient réservés depuis l'origine. Il est dans ma faim ma nourriture, dans la soif, ma source, mon vêtement dans la nudité, car ses feuilles sont l'Esprit de vie; loin de moi désormais les feuilles de figuier!  Quand je tremble devant Dieu, il est ma protection, quand je chancelle, mon appui, le prix de mes combats, la récompense de mes victoires.

                                                                       

C'est pour moi le sentier étroit et la route resserrée; c'est l'échelle de Jacob et le chemin des anges, au sommet duquel le Seigneur est vraiment appuyé. Cet arbre aux dimensions célestes s'est élevé de la terre jusqu'aux cieux, se fixant, plante éternelle, au milieu du ciel et de la terre, soutien de toutes choses et appui de l'univers, support du monde habité,  il embrasse le cosmos. Il tient assemblée la variété de la nature humaine, il est lui-même assemblé par les chevilles  invisibles de l'Esprit, afin qu'ajusté au divin, il n'en soit jamais plus détaché. Touchant par son faîte le sommet des cieux, affermissant la terre par ses pieds et étreignant de tous côtés par ses mains immenses les espaces entre ciel et terre, il est tout entier en tout et partout. <.>

 

O divine extension en tout et partout! O crucifixion qui s'étend à travers toutes choses!

O Unique des uniques vraiment tout en tout, que les cieux aient ton esprit, le paradis ton âme <> et la terre ton corps. L'indivisible s'est divisé, afin que tout fut sauvé, afin que même le lieu d'en bas ne fut pas privé du divin avènement.<>

 

C'est bien toi que nous invoquons, Dieu maître,  spirituellement éternel et Christ,  maître et Roi,  maintiens tes grandes mains sur ton Eglise sacrée et sur ton saint peuple toujours tien, le gardant et le conservant, attaquant, poursuivant, combattant, soumettant tous ses adversaires, et vainquant même les êtres à la puissance invisible qui s'opposent <> car c'est à toi qu'appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles Amen.

extrait d'une homélie attribuée à saint Hippolyte

Source:

Homélies pascales, une homélie inspirée du traité sur la Pâque d'Hippolyte, étude, édition et traduction Pierre Nautin, S.C. 1950

Notes:   

*1 La divinité est toute spirituelle. L'Esprit désigne ici soit la nature divine inséparable de la Trinité sainte, soit la Sagesse créatrice assimilée au Logos divin. Toute l'Economie du salut est l'oeuvre de la Trinité, Le Père envoie son  Fils, comme sauveur, rédempteur et messager de sa volonté, le Logos pré-éternel naît dans la chair de l'Esprit et de la vierge, ce même Esprit Saint communiquant à l'humanité du Sauveur l'onction messianique.

 

*2  Maintenant, il semble bien qu'il s'agisse de l'Esprit Saint

 

*3  Ces mots appliqués au Logos, sont à rapprocher de l'épître aux Philippiens 2, 5.7: "Christ Jésus, bien qu'il fut de condition divine, in'a pas tenu pour une proie son égalité avec Dieu; au contraire, il s'est dépouillé en prenant la condition d'esclave, en  devenant semblable aux hommes, et une fois reconnu comme homme pour son aspect, il s'est abaissé en se faisant obéissant jusqu'à la mort et  la mort même  de la croix."

Les pères ont désigné ce mystère de l'abandon de la gloire divine par le Logos incarné par le mot de kenos kénose. La racine sémantique suggère l'action de se vider de sa puissance, d'abandonner la maîtrise de son destin.

Mais cette image de se resserrer en soi de son plein gré, de ramasser et comprimer  en soi toute la grandeur de la divinité évoque un autre événement, celui de la création. Les rabbins commentent les premiers mots de la Genèse " Bereschit  dans le Principe, Dieu créa le ciel et la terre", en considérant que ce Principe est en quelque sorte les entrailles divines, un vide un rien (ex  nihilo) que Dieu crée pour laisser une place à la création.  La divinité, l'Etre sans limite, dans une auto-contraction volontaire se limite dans le but d'accorder à autre chose que Lui la possibilité d'être. Ainsi la première kénose  est la condescendance divine qui par un acte divin en lui-même laisse un espace où sa gloire se limite pour que s'exerce la liberté de la créature.La tradition mystique juive a aussi médité sur le mot bara  créa.

Le premier sens de l'hébreu est "tailler". Dieu a taillé le monde créé, non pas à partir d'une matière première mais par le discours divin. Le monde a été façonné par le Logos. Le second sens  du sens bara tire vers l'adverbe "hors de",  ainsi en prenant bien garde de poser  la différence ontologique entre l'Incréé et le créé, le Créateur et la créature, nous pouvons oser dire que  la création est "ex  nihilo" du néant, mais ce néant ne doit pas être posé comme une matière première en face de Dieu  mais qu'il a quelque chose à voir avec l'infini. La question  du ex  nihilo reste ouverte aux théologiens orthodoxes, la tentative d'approche du mystère par la mystique juive, pourvu qu'elle reste dans le domaine de l'opinion théologique,  mérite attention.

 

* 4  Le Logos s'est fait homme, intégralement homme, avec un corps et une âme, en tout semblable aux nôtres. Mais le Christ, s'il a effectivement pris la chair du péché, est sans péché. Ce qui a d'humain dans sa vie n'existant dès sa conception de Marie Mère de Dieu qu'immergé dans la vie divine, comme son individualité humaine ne subsiste que dans le Logos divin.

 

* 5 Le "scandale de la croix" crucifie l'intelligence; toutes les explications n'épuisent jamais le mystère qui reste une "folie" pour qui veut exercer la raison. Notre homélie ainsi que la fête de l'exaltation de la croix,  est dominée par une vision symbolique dont les traits remontent au livre de l'Apocalypse: L'histoire de l'humanité s'inscrit entre le Paradis d'où l'homme a été chassé après la chute, et ce Paradis où le Christ entra avec le larron au soir du vendredi saint. La Genèse nous montre l'homme s'abandonnant à la convoitise de l'autonomie égocentrique sous " l'arbre de la science du bien et du mal". L'Apocalypse nous découvre, en complet contraste, sur les bords d'un "fleuve aux eaux de vie, un arbre donnant ses fruits en tous temps et dont les feuilles servent à la guérison des nations". C'est l'Arbre de Vie. Dans cet arbre les pères ont vu l'icône et le symbole de la croix. Ils ont déployé un grandiose parallèle entre l'arbre où l'on cueille la jouissance de l'égoïsme et qui donne la mort, et cet autre, celui du Golgotha, qui porte la souffrance suprême de l'extrême obéissance, mais d'où jaillit la vie éternelle.

+  Elias-Patrick      Lettre de saint Elie N°118, septembre  1998

 

Pâque nouvelle

 

Comprenez-le, mes bien-aimés: le mystère de la Pâque est ancien et nouveau, temporel et éternel, corruptible et incorruptible, mortel et immortel.

Il est ancien en raison de la Loi, mais nouveau en raison du Logos; provisoire en ce qu'il est  préfiguration, mais éternel parce qu'il donne la grâce; corruptible par l'immolation d' un agneau, mais incorruptible par la vie du Seigneur; mortel, puisque le Seigneur est enseveli  mais immortel par sa résurrection d'entre les morts.

 

Oui la Loi est ancienne, mais le Logos est nouveau, la figure est provisoire, mais la grâce est éternelle; l'agneau est corruptible, mais le Seigneur est incorruptible, lui qui a été immolé comme Agneau et qui ressuscita comme Dieu.

Car il a été conduit comme une brebis vers l'abattoir, alors qu'il n'était pas une brebis; il est comparé à l'agneau muet alors qu'il n'était pas un agneau. En effet, la figure a passé et la vérité a été réalisée: Dieu a remplacé l'agneau, un homme a remplacé la brebis, dans l'homme, le Christ qui contient tout.

Ainsi donc l'immolation de la brebis et le rite de la Pâque, la lettre de la Loi, ont abouti au Christ Jésus en vue de tout ce qui arriva dans la loi ancienne et davantage encore dans l'ordonnance nouvelle. Car la Loi est devenue Logos, et d'ancienne, elle est devenue nouvelle (l'une et l'autre sorties de Sion et de Jérusalem).

Le commandement s'est transformée en grâce, la figure en vérité, l'Agneau est devenu Fils, l'Agneau, homme,  et l'homme est devenu Dieu.  En effet enfanté comme Fils et emmené comme Agneau, immolé comme un mouton et enseveli comme un homme, il ressuscita des morts comme Dieu, étant par nature Dieu et homme. Lui qui est tout: Loi comme juge, Logos en tant qu'il enseigne, grâce comme Sauveur, Père en tant qu'il engendre, Fils car il est engendré, Agneau  en tant qu'il souffre, homme dans le tombeau, Dieu ressuscité. Tel est Jésus, le Christ, à lui la gloire dans les siècles des siècles. Tel est le mystère de la Pâque. <>

 

Bien des choses ont été annoncées par de nombreux prophètes en vue du mystère de Pâque qui est le Christ, à lui la gloire <>C'est lui qui est venu des cieux sur la terre en faveur de l'homme qui souffre; il a revêtu cette nature dans les entrailles de la Vierge et, quand il en est sort, il est devenu homme; il a pris sur lui les souffrances de l'homme avec un corps capable de souffrir, et il a détruit les souffrances de la chair; par l'esprit immortel, il a tué la mort homicide.

 

Conduit comme l'Agneau immolé, il nous a délivrés de l'idolâtrie du monde comme de la terre d'Egypte; il nous a délivrés de l'esclavage du démon comme de la puissance du Pharaon; il a marqué nos âmes de son propre Esprit comme d'un sceau et les membres de notre corps de son propre sang.

C'est lui qui a plongé la mort dans la honte et qui a mis le démon dans le deuil, comme Moïse a vaincu Pharaon. C'est lui qui a frappé le péché et a condamné l'injustice à la stérilité, comme Moïse a condamné l'Egypte. C'est lui qui nous fait passer de l'esclavage à la liberté, des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie, de la tyrannie à la royauté éternelle, lui qui a fait de nous un sacerdoce nouveau, un peuple choisi pour toujours.

C'est lui qui est la Pâque de notre salut.

C'est lui qui endura bien des épreuves en grand nombre de personnages qui le préfiguraient: en Abel, il a été tué, en Isaac, lié sur le bois, en Jacob, exilé, en Joseph, il a été vendu; en Moïse exposé à la mort; dans l'Agneau égorgé; en David, il a été en butte aux persécutions, dans les prophètes méprisé.

C'est lui qui s'est incarné dans une vierge, a été suspendu au bois, enseveli dans la terre, ressuscité des morts, élevé dans les hauteurs des cieux.

C'est lui l'Agneau muet, l'Agneau immolé; Il est né de Marie, la brebis sans tache, il a été séparé du troupeau, traîné à l'immolation, tué sur le soir, mis au tombeau à la tombée de la nuit. Sur le bois ses os n'ont pas été brisés; dans la terre il n'a pas connu la corruption; il est ressuscité d'entre les morts et il a ressuscité toute l'humanité gisant au fond du tombeau. <>

 

Au milieu de Jérusalem, dans la ville de la Loi, dans la ville des hébreux, dans la ville des prophètes, dans la ville estimée juste, <>, le Juste est élevé sur un bois <> Qui est-il? <>:

                                                                

Celui qui suspend la terre est suspendu, celui qui fixe les cieux est cloué, celui  qui consolide tout est retenu sur le bois, celui qui est <>Maître est outragé, celui qui est roi d'Israël est écarté <>. Les luminaires se détournèrent et avec eux le jour s'obscurcit pour cacher Celui qui était nu sur le bois, pour obscurcir non le corps du Seigneur, mais les yeux des hommes. Le peuple ne tremblant pas, ce fut la terre qui trembla, le peuple n'étant pas saisi d'effroi, ce furent les cieux qui s'épouvantèrent; le peuple ne mettant pas en pièces ses vêtements, ce fut l'ange <du sanctuaire-> qui se déchira; le peuple ne s'étant pas lamenté, ce fut le Seigneur qui tonna du ciel et le Très-Haut qui donna de la voix. <>

 

Qui est-il? Le Seigneur, étant Dieu, revêtit l'homme, souffrit pour celui qui souffrait, fut enchaîné pour celui qui était captif, jugé pour le coupable, enseveli pour celui qui était mort. Il ressuscita et déclara à haute voix: Qui disputera avec moi? qu'il se présente en face de moi! C'est moi qui délivre le condamné, c'est moi qui rend la vie au mort; c'est moi qui ressuscite l'enseveli. Qui ose me contredire? C'est moi, le Christ, j'ai détruit la mort, j'ai triomphé de l'ennemi, j'ai foulé au pieds l'enfer, j'ai lié le fort et j'ai emporté l'homme vers les hauteurs des cieux. Moi, je Suis Christ!

 

Venez donc, toutes les familles des hommes, pétries de péchés et recevez la rémission des péchés. Car je suis votre pardon, je suis la Pâque du Salut, moi l'Agneau immolé pour vous; je suis votre rançon, votre vie, votre résurrection, moi votre lumière, votre Salut, votre Roi. Je vous emmène, vers les hauteurs des cieux.

                                                                

Moi, je vous ressusciterai, je vous ferai voir le Père qui existe de toute éternité. Moi, je vous ressusciterai par ma droite puissante.

+ saint Méliton, évêque de Sardes

Source:

Méliton de Sardes, sur la Pâque, texte & traduction O. Perler, SC 123, 1966

(la traduction a été revue).

 

Commentaire:

Selon les témoignages anciens, Méliton "qui vivait tout entier dans le Saint Esprit" vécut en  ascète dans la deuxième moitié du 2è.S.  L'historien Eusèbe de Césarée le mentionne en qualité d'évêque de la ville de Sardes; il a  dressé la liste de ses oeuvres. Parmi ses nombreux écrits, ses deux livres "sur la Pâque" semblaient être perdus. En 1940, un papyrus daté du 4è.S. permit l'édition d'une "homélie". En 1960, d'autres papyri dont un texte complet en copte permirent de retrouver l'oeuvre de  saint Méliton sur la Pâque.

Malgré sa relative longueur ce texte est vraisemblablement une homélie prononcée au cours de la grande vigile pascale. Il nous renseigne sur le sens de la Pâque célébrée par la communauté asiate et sur la christologie de ces temps anciens.

Les communautés asiates fêtaient la Pâque selon le comput juif c'est à dire le quatorze nisan quelque soit le jour, (les historiens les appellent pour cela quartodécimans), alors que les autres Eglises reportaient la Pâque au dimanche suivant le quatorze nisan. L'Eglise "de Jean" commençait la Pâque par un jeûne toute la journée du quatorze nisan puis dans la nuit du 14 au 15 célébrait la grande vigile par la lecture du chapitre 12 de l'Exode dans lequel Adonaï ordonne à Moïse et à Aaron d'instituer, le premier mois de  l'année, le sacrifice de l'Agneau en mémorial de la sauvegarde des enfants d'Israël lors qu'il frappa l'Egypte.  Cette lecture était suivie d'une homélie la commentant selon l'interprétation typologique, enfin on rompait le jeûne par l'agape et l'Eucharistie.

Selon la typologie tous les événements, les personnes, les rites de la Première Alliance sont des préfigurations en image de l'Economie du Sauveur. Tout est orienté vers le Christ "à cause de qui toutes choses arrivèrent dans l'ancienne Loi". Saint Méliton dans son homélie embrasse d'un plan unique toute l'histoire de l'humanité: la création, le péché, la chute, la préparation au Salut par la Loi, les prophètes, la réalisation dans le Christ incarné, immolé et triomphant. La résurrection et l'ascension sont réunies et les croyants sont unis en et par le Christ, notre vie, notre salut, notre résurrection.

Saint Méliton est à l'avant garde en matière de christologie. Bien avant les définitions du concile de Nicée, avant même la théologie du grand Origène, il nous expose la foi de toujours. Le Christ est le Logos créateur, il est Dieu car il partage avec le Père l'immensité. "En tant qu'il  engendre il est père" car distinct du Père, il nous engendre à la vie éternelle par le baptême; "en tant qu'il est engendré il est Fils" selon la génération hors du temps et son incarnation de la Vierge. "Il a revêtu l'homme". Son immolation délivre l'humanité de l'esclavage de la mort et permet la communication de l'Esprit dont le sceau est imprimé dans nos âmes.              

                                                                                                                                    + E-P.       Lettre de saint Elie N°138, mai  2000

 

         

 

 

      PETITE CATECHESE PASCALE du "Testament du Seigneur"

 

Celui qui était avant, qui est présent, qui est venu, qui a souffert,fut enseveli, ressuscité et glorifié par le Père, qui rompit nos liens avec la mort,(...) qui n’est pas seulement homme, mais aussi Dieu, par l’Esprit Saint rendit le corps d’Adam  avec son âme  à l’immortalité. (...)

Après être mort, il vit. C’est lui qui monta aux cieux, ayant soumis la mort après la croix; Il fut vainqueur ayant rompu les liens de la mort, par quoi le diable nous avait autrefois dominés.

Par ceci, grâce à sa passion, il nous montra la corruption de la mort, en brisant l’amertume de sa puissance, il coupa ses filets: Sa face pleine de ténèbres eut peur, le diable trembla  en voyant le Fils unique, Dieu incarné, descendu dans le shéol. C’est Lui qui est descendu des cieux élevés!

Sa pensée qui ne se divise pas est un seul conseil avec son Père. Il a fait les cieux avec son Père .(...) Il est la sagesse du Père, il est sa puissance, il est sa droite, il est son conseil.(...)

Tandis que nous croyons en sa foi, nous confessons qu’il est la lumière, notre salut, notre sauveur, notre protecteur, l’aide, le maître qui récompense, accueille. (...) Il est le berger, la porte, le chemin de vie, le remède, la nourriture, la boisson, le Juge.

                                           

Nous croyons à la passion de celui qui est impassible, qui a été enfanté dans la chair, lui qui n’est pas enfanté, après être mort, il est vivant!  Fils du Père, il a été contenu, lui qui n’est pas contenu. Il a pris nos péchés, alors qu’il était sans péché, et, après être mort, il est vivant. Des cieux d’auprès du Père, il est descendu; par les souffrances de son corps, il nous a rachetés. Il nous a donné son sang, l’Esprit de vie, et la sainteté de l’Esprit et l’eau: notre purification. Il brille dans les coeurs de ceux qui le craignent, car il est avec eux pour toujours. Il nous a rendus  étrangers à toutes voies de satan, lui le rénovateur des âmes  en qui nous avons tous confiance.

                                               

Celui ci, étant Dieu avant le monde, avec le Père, vit le monde dans les liens du péché, allant à la perdition, piétiné  par la puissance  de la ruse d’une bête, par l’ignorance de  l’erreur  soumis à la mort. Voulant guérir le genre humain, il vint dans les entrailles de la Vierge, s’étant caché à toutes puissance de ceux dont la demeure est dans les cieux, et il couvrit d’ignorance les puissances qui s’opposaient. Il revêtit une chair corruptible, lui qui est incorruptible, il rendit une chair mortelle incorruptible; ce qui était à l’image de la chair mortelle d’Adam à l’image de ce qui est incorruptible, image par laquelle  ce qui était corruptible fut détruit.

Il remit  les commandements de justice dans l’Evangile qui est le messager de ce qui est du Royaume, pour que nous vivions après avoir été instruits. Par cet Evangile, les liens de satan ont été brisés  pour qu’ à la place  de la mort nous ayons la vie en partage, et qu’ au lieu de l’ignorance nous recevions la raison.

                                             

Le Fils du Seigneur Dieu, fut conçu homme, lui qui est vraiment Dieu; il a été connu  par avance par les prophètes, prêché par les apôtres , par les anges a été célébré et par le Père de tous a été glorifié.

Il a été crucifié pour nous et par sa croix  il  est devenu notre vie, notre force, notre rédemption.

     

C’est un mystère caché, une joie sans fin  qui est en Lui: Le désir de l’homme ne peut  lui même éloigner aucune âme de Dieu, tandis qu’elle porte continuellement ce qui  est la gloire - l’amour-, elle ne s’éloigne pas de Dieu.

Et, par le moyen de ces lèvres, on ne peut absolument pas dire ce qui autrefois était caché  et qui maintenant est devenu un mystère,  révélé aux fidèles , non pas comme il semble, mais comme il est. C’est la croix   que nous avons la fierté de glorifier, par laquelle ceux qui la portent, les fidèles et les parfaits, séparent leur âme de toutes choses sensibles comme quelque chose qui n’est pas vrai. Pour cette raison vous vous interrogez vous mêmes, rendez sourdes vos oreilles visibles, rendez aveugles vos yeux apparants pour connaître la volonté du Christ  et tout le mystère de votre salut. (...)  Ecoutez l’homme intérieur.

Le Christ nous a mis sous le joug, il nous a rendus proche de son Père, étant venu après avoir souffert et être descendu dans le shéol.

C’est lui qui entraîna les âmes des morts vers la vie. La mort le vit, tandis qu’il descendait dans un corps, elle se trompa sur lui, et à tort, elle espéra qu’il serait pour elle une nourriture, comme s’était son habitude, et pourrait l’engloutir.

Elle vit sur lui la beauté de la divinité. Elle cria d’une voix forte en disant: Qui est celui ci qui, après avoir revêtu l’homme qui était sous ma puissance, m’a vaincue? Qui est celui ci qui,  de mon pouvoir, a arraché la chair livrée à la perdition? Qui est-il, lui qui a revêtu la terre (adamah) mais est céleste? Qui est il, lui qui est né dans la corruption mais qui est incorruptible? Qui est il, lui qui est étranger à ma loi? Qui est il, lui qui s’empare de ce qui m’appartient? Qui est il, lui qui avec la force de la flamme de feu combat avec la mort? Qui est il, lui qui a vaincu les ténèbres? Quelle est cette gloire nouvelle qui, par cette vision, m’empêche de faire ce que je veux? Qui est il, lui qui, sans péché, est mort? Qui est il, lui qui, par l’abondance de sa lumière, a aveuglé les ténèbres et qui ne m’a pas laissé dominer les miens, mais entraîne complètement vers les cieux les âmes qui m’avaient été données?  Qu’elle cette gloire qui empêche la chair de se corrompre? Qui est il celui ci que je ne peux toucher? Qui est il celui qu’entoure une gloire impénétrable? Je suis perdue par celui ci et par les siens, je n’ai rien à corrompre en eux.

C’est le Christ   qui a été crucifié! (...) Après être ressuscité des morts   et avoir foulé le shéol, par sa mort, il a détruit la mort.

                                                                   

Après qu’il fut ressuscité, le troisième jour, il rendit grâces au Père en disant ainsi, lui qui est l’authentique  Logos de Dieu: Je te rends grâces, Père, non avec ces lèvres fermées, ni avec une langue de chair par laquelle sort    la vérité et le mensonge, ni avec cette voix  produite grâce à l’activité   du corps et sort matériellement, mais je te rends grâce, Roi, avec cette voix qui par toi, a été révélée à tous, elle qui n’est pas révélée  et qui ne vient pas dans les souffles du corps, ne passe pas dans l’oreille de chair, qui ne se trouve pas dans le monde et ne reste pas sur la terre, mais avec cette voix qui est en nous, l’Esprit qui ne parle qu’à toi, Père, qui t’aime, Père, qui te loue, par lequel toute l’église des saints parfaits t’appelle ami,  toi le Père, toi le dispensateur, toi le secourable.

Dieu de tout, car tout est à toi. Et tout ce qui est à toi, est par toi. Et il n’y a rien d’autre  qui ne soit  tien, toi qui es pour les siècles des siècles, Amen.

 

                                                                                      Testament du Seigneur

 

Cette catéchèse est destinée à être lue devant les fidèles avant l’Oblation des Mystères.

Elle provient d’un texte syriaque et éthiopien dépendant de la Tradition Apostolique d’Hippolyte et daté entre le début du 3è S et milieu du 4è S.(Traduction, complétée par celle de R Beylot, F Nau, la version syriaque de l’octateuque de Clément,in le canoniste contemporain .  Paris 1907 à 1913. Testamentum Domini = les 2 premiers livres de l’octateuque .

                                                                                                                                                             Lettre de saint Elie N°42, mai  1992

 

 

3. samedi de la joie: la descente aux enfers

 

Homélie anonyme du 4è Siècle attribuée à Epiphane

 

Que se passe-t-il?

Aujourd'hui, grand silence sur la terre ; grand silence et ensuite solitude parce que le Roi sommeille.
La terre a tremblé et elle s'est apaisée, parce que Dieu S'est endormi dans la chair et Il a éveillé ceux qui dorment depuis les origines.

                                                                 
Dieu est mort dans la chair et le séjour des morts s'est mis à trembler. C'est le premier homme qu'il va chercher, comme la brebis perdue. Il veut aussi visiter ceux qui demeurent dans les ténèbres et dans l'ombre de la mort.


Pourquoi le Christ est-il "descendu aux enfers" avant Sa résurrection ?

                                                                  
Oui c'est vers Adam captif, en même temps que vers Ève, captive elle aussi, que Dieu Se dirige, et Son Fils avec Lui, pour les délivrer de leurs douleurs. Le Seigneur S'est avancé vers eux, muni de la croix, l'arme de Sa victoire.

Lorsqu'il le vit, Adam, le premier homme, se frappant la poitrine dans sa stupeur, s'écria vers tous les autres : "Mon Seigneur avec nous tous !" Et le Christ répondit à Adam : "Et avec ton esprit."

Il le prend par la main et le relève en disant :

"Éveille-toi, ô toi qui dors, relève-toi d'entre les morts, et le Christ t'illuminera.

C'est moi ton Dieu qui, pour toi, suis devenu ton fils; c'est moi qui, pour toi et pour tes descendants, te parle maintenant et qui, par ma puissance, ordonne à ceux qui sont dans tes chaînes :

"Sortez"; à ceux qui sont endormis : "Relevez-vous ".


Je te l'ordonne: Éveille-toi, ô toi qui dors ! Je ne t'ai pas crée pour que tu demeures captif du séjour des morts. Relève-toi d'entre les morts: moi, je suis la vie des morts. Lève-toi, œuvre de mes mains; lève-toi, mon semblable, qui as été créé à mon image.

Éveille-toi, sortons d'ici. Car tu es en moi, et moi en toi, nous sommes une seule personne indivisible.

C'est pour toi que moi, ton Dieu, je suis devenu ton fils;

c'est pour toi que moi, le Maître, j'ai pris ta forme d'esclave ;

c'est pour toi que moi, qui domine les cieux, je suis venu sur la terre, et au-dessous de la terre ; c'est pour toi, homme, que je suis devenu comme un homme abandonné, libre parmi les morts ; c'est pour toi, qui es sorti du jardin, que j'ai été livré aux Juifs dans un jardin et que j'ai été crucifié dans un jardin.
Vois les crachats sur mon visage; c'est pour toi que je les ai subis, afin de te ramener à ton premier souffle de vie. Vois les soufflets sur mes joues : je les ai subis pour rétablir ta forme défigurée afin de la restaurer à mon image.

Vois la flagellation sur mon dos, que j'ai subie pour éloigner le fardeau de tes péchés qui pesait sur ton dos. Vois mes mains solidement clouées au bois, à cause de toi qui as péché en tendant la main vers le bois. Je me suis endormi sur la croix, et la lance a pénétré dans mon côté, à cause de toi qui t'es endormi dans le paradis et, de ton côté, tu as donné naissance à Eve.

Mon côté a guéri la douleur de ton côté; mon sommeil va te tirer du sommeil des Enfers. Ma lance a arrêté la lance qui se tournait vers toi. Lève-toi, partons d'ici. L'ennemi t'a fait sortir de la terre du paradis; moi je ne t'installerai plus dans le paradis, mais sur un trône céleste.

Je t'ai écarté de l'arbre symbolique de la vie; mais voici que moi, qui suis la vie, je ne fais qu'un avec toi.
J'ai posté les Chérubins pour qu'ils te gardent comme un serviteur; je fais maintenant que les chérubins t'adorent comme un Dieu.

Le trône des chérubins est préparé, les porteurs sont alertés, le lit nuptial est dressé, les aliments sont apprêtés, les tentes et les demeures éternelles le sont aussi.


Les trésors du bonheur sont ouverts et le Royaume des cieux est prêt de toute éternité.

 

 

4.  Dimanche de la Résurrection:

                       Christ est ressuscité

 

                      C’est la Pâque de Dieu

 

C’est la fête de l’Esprit!

C’est la Pâque de Dieu qui descend du ciel sur la terre, et, qui de la terre, remonte au ciel!

O joie universelle, honneur, festin, délices: les ténèbres de la mort sont dissipées, la vie à tous est rendue, les portes des cieux se sont ouvertes!

Dieu est devenu homme, et l’homme devient Dieu.

Il a rompu la puissance de l’enfer et les barrières qui retenaient Adam.

Le peuple des enfers est ressuscité des morts, pour dire à la terre que les promesses sont accomplies.   

                                                  

Et les chants furent rendus à la terre.

C’est la pâque de Dieu:

Le Dieu du ciel, dans sa libéralité, s’est uni à nous dans l’Esprit; l’immense salle des noces s’est remplie de convives. Tous portent la robe nuptiale, et nul n’est jeté dehors pour ne l’avoir revêtue.

Pâque!

Lumière de la nouvelle clarté, splendeur du cortège virginal!

Les lampes des âmes ne s’éteindront plus:

Chez nous, le feu de la grâce brûle de manière divine, dans le corps et dans l’esprit, et c’est l’huile du Christ qui brûle.

 

Aussi nous te prions, Dieu souverain,  Christ, Roi dans l’Esprit et les éternités,  étends tes grandes mains sur ton Eglise sacrée et sur ton peuple saint qui t’appartient, défends-le, garde-le, conserve-le, combats et livre bataille pour lui.

Lève maintenant ton étendard au dessus de nous et donne nous de pouvoir chanter avec Moïse le chant triomphal.

A Toi sont la victoire et la puissance dans les siècles. Amen.

 

                                    Homélie attribuée à  saint Hippolyte de Rome

              Lettre de saint Elie N°66, mai  1994

 

 

Canon pascal selon la tradition arménienne

 

Aujourd’hui, l’époux immortel et céleste est ressuscité des morts, que cette bonne nouvelle te réjouisse; L’épouse, l’Eglise, sort de terre.

Sion, bénis ton Dieu avec des cris d’allégresse.

Aujourd’hui, la lumière ineffable sortie de la lumière illumine tes enfants, Jérusalem resplendis: le Christ, ta lumière, est ressuscité.

Sion, bénis ton Dieu avec des cris d’allégresse.

Aujourd’hui, les ténèbres de l’ignorance sont dissipées par la triple lumière, et sur toi s’est levée la lumière de la connaissance,

le Christ, ressuscité des morts.

 

Sion, bénis ton Dieu avec des cris d’allégresse. Aujourd’hui, c’est notre Pâque, grâce à l’immolation du Christ.

Célébrons la fête avec allégresse, restaurés de l'usure du péché, et disons : Christ est ressuscité des morts.

 

Aujourd’hui, l’ange resplendissant descendu des cieux, frappa de terreur les gardiens, et proclama ces paroles aux saintes femmes :

Christ est ressuscité des morts.

                                                              

A l’aube du premier jour, les femmes se hâtèrent vers le tombeau, pour embaumer le corps incorruptible. Mais elles trouvèrent la pierre enlevée de la porte du tombeau, et entendirent la parole de l’ange :

Christ est ressuscité et a détruit la mort.

 

Venu à leur rencontre, Seigneur des apôtres, et leur ayant donné ton salut vivifiant, "paix à vous", tu les envoyas pour le salut du monde.

Gloire à ta résurrection, Seigneur.

Par la séduction du premier homme nous avions été dépouillés du vêtement de lumière, mais par ta résurrection, ô Fils unique, nous avons revêtu l’immortalité.

Gloire à ta résurrection, Seigneur.

 

Par le piège de l’arbre nous avons goûté la mort, mais par l’arbre de vie nous avons tous été rendus à la vie.

Gloire à ta résurrection, Seigneur.

 

Avec les myrophores nous venons de bonne heure près de toi, ô Christ, éternellement vivant, reçois nos louanges à la place des parfums.

Au lieu de l’ange, saint messager de la Bonne Nouvelle, que ta compassion vienne à notre rencontre en attendant de te connaître, afin de consoler et d’illuminer nos âmes. Avec la Bonne Nouvelle qu’elles annoncèrent, proclamons aussi tes merveilles sans égales, Roi tout-puissant et immortel, toi qui es ressuscité des morts.

 

Toi qui possédant l’essence ineffable du Père lui es égal en gloire, tu as pris un corps afin de souffrir pour nous.

En une louange éternelle, Seigneur, tu es béni par les anges. Toi qui est consubstantiel au Père et au Saint Esprit, tu as été crucifié et enseveli pour nous selon la volonté du Père.

 

En une louange éternelle, Seigneur, tu es béni par les anges.

Toi qui reviendras dans la gloire du Père pour faire à l’univers le don divin de la résurrection pour toutes les créatures, Seigneur, tu es béni éternellement.

 

Esprit Saint, toi qui reposes sur le char des chérubins, aujourd’hui tu descendis des cieux sur la troupe des apôtres ;

tu es béni, Roi immortel.

Toi qui marches sur les ailes du vent, aujourd’hui, Esprit Saint, sous forme de langues de feu distinctes tu t’es reposé sur les apôtres,

tu es béni, Roi immortel.

Toi qui avec providence prends soin de tes créatures, aujourd’hui, Esprit Saint, tu es venu pour affermir ton Eglise ;

tu es béni, Roi immortel.

 

Christ, reçois les âmes de tes serviteurs dans les cohortes des aînés dont le nom est inscrit dans les cieux.

Reçois en leur faveur ce sacrifice spirituel que nous te présentons, et accorde-leur de trouver le pardon au dernier jour.

Sois attendri, Seigneur, par l’offrande de ton Corps et de ton Sang immaculés, et accorde-leur d’être placés à ta droite.

 

Mère et Vierge, trône du Ressuscité des morts qui accorde une vie incorruptible à ceux qui se sont endormis en Adam, nous t’exaltons, toi qui es bénie entre les femmes. Tu es devenue le temple et la chambre nuptiale du créateur du ciel et de la terre qui renouvelle par le feu nos frères qui se sont endormis; nous t’exaltons, toi qui es bénie entre les femmes.

Tu donnas à boire ton lait immaculé à celui qui nourrit l’univers, Qui renouvelle par le feu nos frères qui se sont endormis; nous t’exaltons, toi qui es bénie entre les femmes.

 

Christ Dieu, toi qui sur la croix étendis tes bras sans taches et nous donnas l’emblème de la victoire, protège par elle notre vie.

Christ Dieu, toi qui sur la croix tenais les bras ouverts pour sauver le monde, tu nous donnas le sceptre de puissance; protège par elle notre vie.

Celui qui est mort pour avoir goûté de l’arbre du péché, tu l’as ressuscité par l’arbre de vie; protège par elle notre vie.

Aujourd’hui, appelés dans le Christ nouvel Israël, délivrés par le sang de l’Agneau de Dieu, dansons avec les anges en disant:

Christ est ressuscité des morts.

                                                   

Aujourd’hui une grande nouvelle est annoncée à Adam, le premier homme: "Eveille-toi, toi qui dors, le Christ ressuscité t’a illuminé, lui Dieu de nos pères".

Aujourd’hui, l’écho d’une Bonne Nouvelle parvient à Eve, les myrophores lui crient ces paroles: "nous avons vu le Christ ressuscité". Nous avons vu ta résurrection. Dieu de nos pères.

Aujourd’hui, les anges descendus des cieux annoncent aux hommes cette Bonne Nouvelle: le crucifié est ressuscité et vous a ressuscités avec lui, lui Dieu de nos pères. Bénissez-le et exaltez-le éternellement.

Aujourd’hui, notre Seigneur est ressuscité, venez, dansons avec les anges, bénissez-le avec un chant de victoire. Aujourd’hui, la colonne de lumière s’est levée; bénissez le Christ ressuscité des morts pour la sainte Eglise.

 

Mère de Dieu, temple de la Lumière, toi qui d’une manière ineffable as mis au monde le Logos, Dieu, revêtu d’une chair; nous te louons et t’exaltons.

Mère et Vierge, réjouis-toi et tressaille d’allégresse, car celui à qui, ô Vierge, tu donnas naissance, renaît aujourd’hui par sa résurrection du tombeau.

 

Aujourd’hui, les anges dans les cieux se réjouissent avec les hommes ;

descendus des cieux ils annoncent au monde une Bonne Nouvelle: tressaillez de joie, aujourd’hui, le Christ est ressuscité des morts.

Aujourd’hui, l’ange assis sur la pierre, aux saintes femmes porteuses de parfums demanda d’une voix joyeuse de rapporter ces paroles aux apôtres: Tressaillez de joie, aujourd’hui, le Christ est ressuscité des morts. Aujourd’hui, la pierre de la foi et Jean le bien-aimé, rivalisèrent à la course vers le tombeau du Ressuscité; ils virent et ils annoncèrent: Christ est ressuscité des morts.

Aujourd’hui, joyeux nous aussi, soyons radieux en ce jour de fête: Dans la paix de Dieu embrassons-nous tendrement les uns les autres, et proclamons ensemble : Christ est ressuscité des morts.

 

Source: D'après la traduction (revisitée) du R. P. Ch. RENOUX O.S.B. parue dans Présence d’En Calcat 10, 1966

Le canon arménien  de Pâque est un précieux témoin de l'antique liturgie de l'Eglise de Jérusalem

Lettre de saint Elie N° 198,  mai  2005

 

              Homélie de saint Jean Chrysostome:

 

Que tout homme pieux aimant le Seigneur vienne goûter à cette belle et lumineuse fête!

Que tout serviteur fidèle entre dans la joie de son Maître.

Que celui  qui a porté le poids du jeûne reçoive maintenant son denier!

Que celui qui a travaillé dès la première heure reçoive aujourd'hui le juste salaire!

Que celui qui est venu à la troisième heure célèbre cette fête en rendant grâces!

Que celui qui est arrivé à la sixième heure n'éprouve aucun doute, car il ne perdra rien!

Que celui qui a tardé jusqu'à la neuvième heure s'approche sans hésitation  et sans crainte!

Celui qui n'est apparu qu'à la onzième heure ne souffrira pas de son retard!

Car le Seigneur est généreux.

Il reçoit le dernier comme le premier.

Il accorde le repos à l'ouvrier de la onzième heure comme à celui qui, dès l'aube, s'est mis au travail.

Il fait grâce au dernier et soulage le premier.

Il donne à celui-ci sans oublier celui-là.

Il reçoit l'œuvre, il complète l'intention, il honore le travail et il loue le bon propos.

Entrez tous dans la joie de votre Maître.

Recevez la récompense, les premiers comme les derniers; riches et pauvres, célébrez la fête ensemble,  abstinents et négligents, honorez ce jour;

Vous qui avez jeûné et vous qui n'avez pas jeûné, réjouissez-vous aujourd'hui!

                                                               

 

Le festin est prêt, venez donc tous!

Le veau gras est servi, nul ne s'en ira affamé.

Que tous prennent part au banquet de la foi.

Venez tous puiser aux  richesses de la grâce!

Que nul ne regrette sa pauvreté, car le Royaume commun  est apparu!

Que nul ne pleure ses fautes, car le pardon s'est levé du tombeau!

Que nul ne craigne la mort, car la mort du Seigneur nous a libérés!

Il l'a terrassée alors qu'elle le tenait enchaîné;  Il a rempli d'effroi l'enfer, celui qui y est descendu; Il a rendu amère la mort, celui qui l'a goûtée dans sa chair.

 

Tout cela, Isaïe l'a prédit:

L'enfer, dit-il, a été rendu amer lorsqu'il t'a rencontré sous la terre.

Il est devenu amer parce qu'il a été réduit à l'impuissance. Il est devenu amer parce qu'il a été trompé: L'enfer a saisi un corps, et c'est un Dieu qu'il a rencontré.  Il a saisi la terre et il a rencontré le ciel.  Il a saisi le visible et s'est écroulé sur l'invisible.

 

O mort, où est ton aiguillon; enfer où est la victoire?

Christ est ressuscité et tu as été terrassé!

Christ est ressuscité et les démons sont tombés!

Christ est ressuscité et les anges sont dans l'allégresse!

Christ est ressuscité et les morts quittent le tombeau!

Christ est ressuscité, prémices de ceux qui sont endormis!

A lui, gloire et honneur aux siècles des siècles. Amen!

 

                                                                                    Office de la nuit de Pâque

 

 

Jours saints de la Pâque