Le grand-prêtre, protecteur de nos âmes

 

Car c'est toi, Maître, Roi des Cieux pour les siècles, qui donne aux fils des hommes la gloire et l'honneur et le pouvoir sur les choses de la terre. Toi donc, dirige leur conseil selon ce qui est bien et agréable à tes yeux, afin qu'en exerçant dans la paix, la mansuétude, avec piété, l'autorité que tu leur as donnée, ils obtiennent ta grâce.

Toi seul peux faire cela et nous en accorder bien plus encore. 

Nous t'en rendons grâces par le grand prêtre et protecteur de nos âmes, Jésus-Christ, par qui gloire et magnificence soit à toi, maintenant, de générations en générations, et dans les siècles des siècles. Amen.

 

              

 

Cette prière de saint Clément de Rome nous accompagne pendant le carême de Pâques.  Outre qu'elle résume notre vocation de chrétiens:

 - exercer notre activité dans le monde dans la paix, la mansuétude, la piété et le conseil de Dieu

-, elle nous invite à rendre grâces par le grand prêtre et protecteur de nos âmes, Jésus-Christ.

 

Ce titre de prêtre attribué à Jésus n'est pas familier dans les Ecritures.

Seule l'épître de saint Paul aux hébreux nous invite à considérer la mission du Logos incarné comme un ministère sacerdotal. (Peu importe pour nous de savoir si l'épître est de la main de Paul, ou d'un autre, l'important est que nos pères et toute l'Eglise ont considéré que cette lettre communique la foi apostolique).

"Le grand prêtre est toujours pris parmi les hommes, et chargé d’intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu ; il doit offrir des dons et des sacrifices pour les péchés. Il est en mesure de comprendre ceux qui pèchent par ignorance ou par égarement, car il est, lui aussi, rempli de faiblesse ; et, à cause de cette faiblesse, il doit offrir des sacrifices pour ses propres péchés comme pour ceux du peuple. On ne s'attribue pas cet honneur à soi-même, on le reçoit par appel de Dieu, comme Aaron. Il en est bien ainsi pour le Christ : quand il est devenu grand prêtre, ce n'est pas lui-même qui s'est donné cette gloire ; il l'a reçue de Dieu, qui lui a dit:Tu es mon Fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré,  et qui déclare dans un autre psaume: Tu es prêtre pour toujours selon le sacerdoce de Melkisédek. Pendant les jours de sa vie mortelle, il a présenté, avec un grand cri et dans les larmes, sa prière et sa supplication à Dieu qui pouvait le sauver de la mort ; et, parce qu'il s'est soumis en tout, il a été exaucé. Bien qu'il soit le Fils, il a pourtant appris l'obéissance par les souffrances de sa Passion; et, ainsi conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du Salut éternel. Car Dieu l'a proclamé grand prêtre selon le sacerdoce de Melkisédek." Hébreux 5-1,10

 

Dans la Première Alliance, l'accent portait sur la relation privilégiée du prêtre avec Dieu, il s’agissait d’être prêtre pour Dieu -Ex 28,1 ; 29,1- et cela semblait exiger la rupture des liens de famille -Dt 33,9- et  surtout une sévérité impitoyable envers les pécheurs -Ex 32,26-29 ; Nb 25,6-12-.

L’auteur de l’épître aux Hébreux renverse la perspective: il affirme que le prêtre l’est "pour les hommes ", tout en démontrant que cet aspect était déjà présent dans le sacerdoce lévitique. Les prêtres étaient alors chargés d’offrir des sacrifices pour l'expiation des fautes -Lv 4,1-5 ; 16,3-34-.

 

Lors de la cérémonie solennelle du Kippour (le Grand Pardon), le prêtre offrait un premier sacrifice d’expiation pour lui-même et pour sa maison -Lv 16,6.11-, et il en offrait un second pour les péchés du peuple -Lv 16,14-16-.

Ce double sacrifice, pour lui et ses proches puis pour tout le peuple, le mettait en situation de comprendre ceux qui pèchent par ignorance ou par égarement, lui aussi placé dans le même statut de pécheur.

 

Le sacerdoce était un grand honneur, mais cet honneur devait être reçu avec humilité, c’était un don de Dieu. Tout cela est appliqué au Christ. C’est son Père qui l’a nommé grand prêtre. Et le Christ a accueilli ce sacerdoce dans l'humilité.

 

En fait, la nouveauté de l'Alliance établit que le Christ est à la fois le grand-prêtre et la victime, car il s'offre lui-même en se laissant diriger par le Père.

Le Christ a offert des demandes et des supplications avec un grand cri et des larmes, à Gethsémani Jésus a accepté de s'en remettre à Dieu et de souffrir la passion et il l'a porté jusqu’à Dieu dans une prière suppliante. Un peu avant, ce même soir de la cène, il a offert le pain et le vin consacrés en son corps et son sang, nouvelle Alliance pour la multitude et la rémission du péché. –Mt 26,26-28-

 

Dans une attitude de "soumission", Jésus laissait à son Père le soin de décider la façon de l’exaucer. Le terme grec traduit par soumission, eulabaeia signifie "discrétion", "retenue ", " mesure ". Littéralement, il renvoie au fait de "bien "eu" prendre "labein"  "les choses". On pourrait alors dire : le Christ a été exaucé pour son offrande parce qu’il a " bien pris " ce qui se présentait à lui – ce qui est de bien plus de poids que simple "soumission".

Cette attitude qui faisait de la prière une offrande de soi, a ouvert la perfection de notre vocation humaine: par sa résurrection Jésus a été sauvé de la mort pour toujours. Le Logos-Fils a assumé une nature semblable à la nôtre, notre nature humaine qui avait besoin d’être radicalement transformée pour pouvoir entrer dans l’intimité de Dieu, et en entrant par la croix avec son corps dans le sanctuaire qui est le lieu de cette intimité, il nous entraîne avec lui.

 

Il nous faut revenir sur l'affirmation de la lettre aux Hébreux, "quand il est devenu grand prêtre, ce n'est pas lui-même qui s'est donné cette gloire ; il l'a reçue de Dieu, qui lui a dit:Tu es mon Fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré,  et qui déclare dans un autre psaume: Tu es prêtre pour toujours selon le sacerdoce de Melkisédek.

 

Le  nom de Melkisédek ne se retrouve dans les Ecritures que deux fois: en Genèse 14,18 où ce personnage mystérieux bénit Abraham et offre le pain et le vin en sacrifice, et au psaume 109 septante 110. Son sacerdoce est compris comme figure du sacerdoce du Christ, sacerdoce éternel, sans limites dans le passé comme dans l'avenir, tandis que le sacerdoce juif d'Aaron, eut un commencement et une fin.

 

Assurément  Melchisédek n'est pas juif. Pourtant il est roi, et même "roi de justice" -Melki = roi /  Tsedek = justice-, et "roi de paix" -Salem =  paix-.

Sa mission de roi est donc de faire régner la justice et la paix. En plus, il est "prêtre du Dieu très haut" d'un sacerdoce qui est antérieur à celui qui naîtra  d'Abraham dans le peuple juif (les Cohanim).

Cette figure mystérieuse semble donc indiquer qu'avant le grand prêtre juif, il a existé un prêtre-roi dont le sacerdoce n'était pas d’offrir des sacrifices d'animaux, mais du pain et du vin.  

Toute la tradition chrétienne a reconnu en Melchisédek l'annonce de l'unique grand prêtre qu’est le Christ: à travers le pain et le vin, Jésus s'offre lui-même.

Dans l'eucharistie Jésus s'offre à son Père dans la communion d'amour de l'Esprit. Il nous incorpore à lui, nous associe à l'offrande qu'il fait de toute sa personne à son Père, afin que nous devenions en lui, par lui, "une vivante offrande à la louange de la gloire du Père dans l'Esprit Saint".

 

La "paix et la justice" apportées dans l'eucharistie ne le sont pas à la manière des hommes, mais à la manière du Ressuscité, à l'image de Melchisédek roi de justice et de paix. Une justice qui sauve et non pas qui condamne. Une paix qui est donnée à partir de la victoire sur toutes les forces de mort qu'est la Pâque du Christ Sauveur.

                                                                                                                         + E-P

 

Christ, Grand-Prêtre & Offrande

 

Une fois par an, le grand prêtre, quittant le peuple, entre dans le lieu où est le propitiatoire, surmonté des chérubins, où se trouvent l'arche d'alliance et l'autel des parfums, lieu où nul n'a le droit d'entrer, sinon le grand prêtre seul.

 

Je remarque comment mon véritable grand prêtre, le Seigneur Jésus Christ, dans sa chair mortelle, était toute l'année avec le peuple, cette année dont lui-même a parlé : Le Seigneur m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres et annoncer une année de bienfaits accordée par le Seigneur, et le jour du pardon. Remarquez aussi comment une fois pour toute, le jour de l'expiation, il entre dans le Saint des Saints. C'est à dire qu'après avoir accompli l'Economie du Salut, il pénètre dans les cieux auprès du Père, afin de le rendre favorable envers le genre humain et d'intercéder pour tous ceux qui croient en lui.

 

C'est parce qu'il connaissait cette expiation par laquelle Jésus intercède auprès du Père, que l'Apôtre saint Jean disait : Mes petits enfants, je vous écris pour que vous évitiez le péché. Mais, si l'un de nous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père, Jésus Christ le Juste. Il est l'Oblation pour nos péchés.

Paul, lui aussi, fait mention de cette expiation quand il dit, au sujet du Christ: Dieu a exposé le Christ sur la croix, afin que, par l'offrande de son sang, il soit le pardon de tous ceux qui croient en lui.

Donc, le jour de l'expiation dure pour nous jusqu'à ce que le monde finisse.<>

 

 Il est écrit dans le livre saint : Aaron mettra l'encens sur le feu devant le Seigneur; il recouvrira d'un nuage d'encens le propitiatoire qui est sur l'Arche du Témoignage, et il ne mourra pas. Puis il prendra du sang du taureau et en aspergera avec le doigt le côté oriental du propitiatoire.

On enseignait ainsi chez les anciens comment célébrer le rite de propitiation. Mais vous, qui êtes venus au Christ, le véritable grand prêtre qui vous a rendu Dieu propice et vous a réconciliés avec le Père, ne vous attachez pas à ce sang charnel. Apprenez plutôt à considérer le sang du Logos, et écoutez-le qui vous dit lui-même: Ceci est mon sang, versé pour vous, en rémission du péché.<>

 

L'aspersion du sang vers l'orient ne doit pas vous paraître un détail inutile. C'est de l'orient que vient la propitiation. C'est de là que vient l'homme dont le nom est Orient, qui est devenu médiateur entre Dieu et les hommes. Par là vous êtes donc invités à toujours regarder vers l'orient, où se lève pour vous le Soleil de justice, où la lumière apparaît toujours pour vous; ainsi vous ne marcherez jamais dans les ténèbres et ce dernier jour ne vous saisira pas dans les ténèbres, ainsi la nuit et l'obscurité de l'ignorance ne vous surprendront pas.  

 

Mais vous vivrez toujours dans la lumière de la connaissance, vous garderez le jour de la foi, vous posséderez toujours la lumière de l'amour et de la paix.  

                                                                               ? Origène, homélie sur le Lévitique

 

Mange ton pain, bois ton vin, de bon cœur

 

 

Va, mange ton pain dans la joie et bois de bon cœur ton vin, car déjà Dieu a agréé ta conduite.-Ecclésiaste-

 

 Si nous vivons avec droiture, si nous sommes attachés à la doctrine d'une foi pure envers Dieu, nous mangerons notre pain dans la joie et nous boirons notre vin de bon cœur. Alors nous ne tomberons pas dans des doctrines mauvaises ni dans une conduite perverse. Au contraire, nous aurons toujours des pensées droites et, de tout notre pouvoir, nous accorderons notre miséricorde et nos bienfaits aux malheureux et aux pauvres. Car, évidemment, Dieu se complaît en ceux qui ont de tels soucis et qui agissent de la sorte. <>

Mais l'interprétation spirituelle nous élève à des réflexions plus hautes. Elle nous fait penser au pain céleste et sacramentel qui descend du ciel et qui donne la vie au monde; de même, elle nous invite à boire de bon cœur le vin spirituel, c'est-à-dire celui qui a jailli du côté de la vraie vigne, lors de la Passion qui nous sauve.  

 

                            ? Saint Grégoire, évêque d'Agrigente en Sicile, (6è siècle)

 

Lettre aux amis du sanctuaire du prophète Elie n°352  Mars 2018          

Jésus, le grand prêtre de nos âmes