La figure de Jean le Baptiste

 

 

Dans le sanctuaire des églises orthodoxes, surtout byzantines, nous avons le Précurseur devant les yeux dans l’attitude de la Deesis, intercession de Marie la Vierge et Jean, devant le Christ en majesté.

 

 

 

     Avec la liturgie de l’Avent, engageons  une réflexion sur Jésus et Jean Baptiste.

La figure et le message du Précurseur sont précisément au cœur de l’Evangile du deuxième et du troisième dimanche de l’Avent (lectionnaire œcuménique année B).

 

Il y a une progression dans l’Avent: la première semaine, la voix qui domine est celle du prophète Isaïe qui annonce le Messie de loin " ah! si tu déchirais les cieux, si tu descendais"; la deuxième et la troisième semaine, c’est celles de Jean Baptiste qui annoncent le Christ présent: "au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas"; la dernière semaine, le prophète et le Précurseur laissent la place à la Vierge Mère recevant l'annonce de la naissance du Fils de Dieu dans ses entrailles (annonciation).

 

    Le texte le plus complet dans lequel Jésus s’exprime sur sa relation avec Jean Baptiste est le passage de l’Evangile, où de sa prison, Jean envoie ses disciples demander à Jésus: "Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? " -Mt 11, 2-6 ; Lc 7, 19-23-.

Jean a l’impression que la prédication du rabbi de Nazareth qu’il avait lui-même baptisé et présenté à Israël, prend une direction bien différente de la direction flamboyante à laquelle il s’attendait. Au lieu de la sévérité du juge souverain, Jésus prêche davantage la miséricorde, présente, offerte à tous, justes et pécheurs, que le jugement imminent de Dieu.

 

      Le passage le plus significatif de tout le texte est l’éloge que Jésus fait de Jean Baptiste après avoir répondu à sa question: "Qu’êtes-vous allés voir? Un prophète ? Oui, je vous le dis, et bien plus qu’un prophète. Amen, je vous dis: Parmi les hommes, il n’en a pas existé de plus grand que Jean Baptiste; et cependant le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui. Depuis le temps de Jean Baptiste jusqu’à présent, le Royaume des cieux subit la violence, et des violents cherchent à s’en emparer. Tous les Prophètes, ainsi que la Loi, ont parlé jusqu’à Jean. Et, si vous voulez bien comprendre, le prophète Élie qui doit venir, c’est lui. Celui qui a des oreilles, qu’il entende. "-Mt 11, 11-15-.

Une chose apparaît clairement dans ces paroles: entre la mission de Jean Baptiste et celle de Jésus, il s’est passé une chose décisive qui représente une ligne de séparation entre deux époques. L’élément le plus important ne se trouve plus dans un avenir plus ou moins imminent, mais est "maintenant et ici", dans le Royaume qui est déjà à l’œuvre dans la personne du Christ.

Ce thème de l’accomplissement et du tournant décisif est confirmé dans de nombreux autres passages de l’Evangile. Il suffit de rappeler la parole de Jésus: "Mais vous, heureux vos yeux parce qu’ils voient, et vos oreilles parce qu’elles entendent. Amen, je vous dis: beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez, et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez, et ne l’ont pas entendu. -Mt 13, 16-17-.

Avec Jésus, l’heure décisive de l’histoire a sonné, l'Heure du Salut est advenue. Il est évident que Jésus occupe le centre du temps. Par sa venue, il a divisé l’histoire en deux parties, créant un avant et un après  absolus. Quoique cette heure n'est pas celle de l'horloge, elle est celle du –Kairos- du moment unique à saisir, elle appartient à l'éternité de Dieu tout en se présentant à chaque moment de notre temps.

 

 

     La comparaison entre Jean Baptiste et Jésus est cristallisée dans les Ecritures par la comparaison entre le baptême de l’eau et le baptême de l’Esprit. "Moi, je vous ai baptisés avec de l’eau, mais lui vous baptisera avec l’Esprit Saint." -Mc 1, 8 ; Mt 3, 11 ; Lc 3, 16- "Et moi, je ne le connaissais pas, dit Jean Baptiste dans l’Evangile de Jean, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, celui-là m’avait dit: ‘Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint". -Jn 1, 33-.

 

 

 

Que signifie dire que Jésus est celui qui baptise dans l’Esprit Saint? Cette expression ne sert pas seulement à différencier le baptême de Jésus de celui de Jean, elle sert aussi à distinguer toute la personne et la mission du Christ de celles de son Précurseur.

En d’autres termes, dans toute son action, Jésus est celui qui baptise dans l’Esprit Saint. Baptiser signifie plonger, envelopper de toutes parts, comme fait l’eau avec les corps qui y sont immergés.

Jésus "baptise dans l’Esprit Saint" dans le sens où il reçoit et donne l’Esprit "sans mesure"  - Jn 3, 34-, il répand son Esprit -Ac 2, 33- sur toute l’humanité rachetée.

 

L’expression "baptiser dans l’Esprit" définit donc l’action essentielle du Messie qui, déjà dans les prophètes de la Première Alliance, se présente comme orientée à régénérer l’humanité à travers une grande et universelle effusion de l’Esprit de Dieu - Jl 3, 1 sq.-.

Jésus ressuscité ne baptise pas dans l’Esprit Saint uniquement à travers le sacrement du baptême et de chrismation mais, certes de manière différente, également à d’autres moments: dans l’écoute de la Parole, et surtout dans l’Eucharistie où le contenu du saint calice, sang vivifiant du Logos fait chair, est rempli de l'Esprit Saint, selon la formule de plusieurs anaphores eucharistiques notamment celles selon saint Jacques et selon saint Basile alexandrine.

                                            

Toutes les prières et les hymnes à l’Esprit Saint contiennent une épiclèse, "Viens":

                                       "Viens Esprit Saint Dieu Créateur"

                           "Roi céleste, Esprit de Vérité, viens et demeure en nous".

 

Et pourtant, celui qui prie ainsi a déjà reçu l’Esprit par le baptême et la chrismation. Notre prière indique que l’Esprit nous l'avons reçu, et que nous devons recevoir toujours à nouveau pour lui laisser de plus en plus de la place dans nos âmes.

 

 

     A travers ce que Jean Baptiste appelle baptême de l’Esprit, nous faisons l’expérience de l’onction de l’Esprit Saint dans la prière, de sa puissance dans le ministère sacerdotal, de son réconfort dans l’épreuve, de sa présence comme feu de l'amour de Dieu en nous.

 

   Avant même de le percevoir dans la manifestation des charismes, on le perçoit comme Esprit qui transforme intérieurement, donne le goût de la louange de Dieu, ouvre l’esprit à la compréhension des Ecritures, enseigne à proclamer Jésus Seigneur,  et donne le courage d’assumer des tâches nouvelles et difficiles, au service de Dieu et de son prochain.

 

   L’aromathérapie est une thérapeutique aujourd'hui éprouvée. Il s’agit de l’utilisation des huiles essentielles pour maintenir en forme ou pour soigner certaines maladies.

Cette médecine possède aussi des parfums de l’âme comme ceux pour obtenir la paix intérieure. Pour nous, nous possédons une aromathérapie sûre, infaillible, celle qui est faite avec l’arôme spécial, le  saint chrême de l’âme  qui est l’Esprit Saint. "Le Seigneur a reçu sur la tête une onction parfumée (myron) pour répandre l’incorruptibilité sur l’Eglise". (Saint Ignace d’Antioche, lettre aux Ephésiens 17). Nous ne pourrons être à notre tour "la bonne odeur du Christ" dans le monde -2 Co 2, 15- que si nous recevons cet "arôme ".

 

 

     Jésus définit Jean Baptiste "plus qu’un prophète", mais où est la prophétie dans son cas? Les prophètes annonçaient un Salut à venir, le Précurseur n’annonce pas un Salut à venir; il indique un Salut qui est présent.

Par les paroles au sujet de Jésus: "Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas," -Jn 1, 26- Jean Baptiste a inauguré une nouvelle prophétie, celle du temps de l’Eglise, qui ne consiste pas à annoncer un Salut à venir et lointain, mais à révéler ici, maintenant, la présence cachée du Christ dans le monde, à arracher le voile qui se trouve devant les yeux des personnes, "en effet, il est répandu dans tout cet univers, et en pénètre toutes les parties, tout ce qui est créé ne l'est que par lui; car toutes choses ont été faites par lui. Il était donc évidemment au milieu de ceux qui demandaient à Jean-Baptiste: "Pourquoi baptises-tu?". <> "Il est, il se tient au milieu de vous", car de même que le Père reste toujours immuable et au-dessus de toute vicissitude, ainsi le Logos se tient aussi toujours prêt à nous sauver, c'est dans ce but qu'il s'est incarné, et qu'il se tient au milieu des hommes comme invisible et sans en être connu".  (Origène, cité dans la chaîne d'or sur Jean, chap 1)

 

  

                                                                                

Lettre aux amis du sanctuaire du prophète Elie N° 348 novembre 2017

Jean-Baptiste