Paroles de saint Isaac le Syrien

 

Pour avancer dans notre carême de pâques, je vous propose de nous mettre à l'école de saint Isaac par un florilège des centuries spirituelles.

 

Vous pourrez aussi trouver les "sentences", un autre florilège sur

ici centurie de saint Isaac

 

 

       Brève biographie extraite du synaxaire à la date du 28 janvier:

  

 

Le juste Isaac le syrien, évêque de Ninive, célèbre père spirituel  du 7è siècle,  est connu dans toutes les Eglises pour sa vertu, ses œuvres ascétiques et sa charité.

Né dans l'actuel Qatar (golfe Persique), il devint moine alors qu'il était très jeune.

Son renom de sainteté se répandit dans l'Empire perse, au point que les habitants de Ninive le réclamèrent comme évêque. Il fut consacré, vers 660, par le catholicos de l'Église de l'Orient. Il abdiqua seulement cinq mois plus tard pour se retirer comme anachorète au mont Matout parmi les ascètes du Nord, probablement au Khûzistân, Iran, une région à forte population syriaque orientale jusqu'à la conquête musulmane.

 

 

Les raisons de son départ de l'épiscopat restent incertaines.

Selon les sources, on peut soit penser à un départ volontaire:

- on raconte que deux fidèles, qui lui avaient demandé de trancher leur différend, repoussèrent ses conseils évangéliques en lui disant: "Laisse ton Évangile en dehors de cette affaire. " Isaac aurait dit:" S'ils ne sont pas disposés à se soumettre aux préceptes du Christ, qu'ont-ils besoin de moi ? "

- D'autres avancent que quelques uns de ses confrères évêques étaient contrariés par la doctrine spirituelle d'Isaac, aussi ennemi de la dispute, saint Isaac se serait retiré.

Dorénavant, il vécut dans la solitude, puis pratiquement aveugle, il se retira au monastère de Rabban Shabbour (Saint-Sapôr), où il dicta ses œuvres à ses disciples.

Le fait qu'Isaac ait été évêque de l'Eglise syriaque d'Orient considérée à tort comme nestorienne, ne l'empêche pas d'être un des écrivains spirituels les plus célèbres et les plus influents de tout l'Orient chrétien. Il est reçu en qualité de saint ascète par l'Église orthodoxe syriaque occidentale. 

Ses écrits inspirèrent Syméon le Nouveau Théologien et plus tard exercèrent leur influence importante sur la mystique russe par l'intermédiaire notamment de Théophane le Reclus. Les moines d'Egypte les lisent avec ferveur.  

 

Pour Isaac, la connaissance de Dieu s'acquiert par la foi, la prière, l’humilité, la purification de l’esprit et son union avec le cœur. Alors le cœur s’élève jusqu’à ce qu’il atteigne les hauteurs de l’amour et que la joie demeure au fond de lui. Par la prière l’homme est sanctifié, "qu’il mange, boive ou dorme, le parfum de la prière s’exhale spontanément de son âme ".

Abba Isaac dit: "Je veux un cœur qui s'enflamme de charité pour la création entière, pour les hommes, pour les oiseaux, pour les bêtes, pour les démons, pour toutes les créatures. Priez aussi pour les animaux et même pour les reptiles, dignes eux aussi d'une pitié infinie".

"Voici, mon frère, un commandement que je te donne: que la miséricorde l’emporte toujours dans ta balance, jusqu’au moment où tu sentira en toi-même cette miséricorde que Dieu éprouve envers le monde".

 

 

                 Quelques sentences pour accompagner le carême de Pâques

 

Dieu est véritablement Père pour tous les êtres doués d'esprit d'intelligence qu'il a engendrés par la grâce, afin qu'ils deviennent héritiers de sa gloire au temps à venir pour qu'il puisse leur faire voir ses trésors qui seront leurs délices sans fin.

 

Les natures qui ont reçu l'esprit d'intelligence ont très tôt appris par leur créateur, le son sensible de la parole pour leur usage. Or le premier usage en fut la louange offerte au créateur de leur part.<> Nous aussi, nous avons reçu du créateur dans nos sens de faire usage de cette parole [de louange] par transmission de père en fils.

 

Ceux qui disent que la vision de notre Sauveur en ce monde est d'une autre nature que celle de la contemplation sont les compagnons de ceux qui disent que dans le monde futur, les délices de son Royaume seront d'ordre sensible, et que l'on y fera usage d'éléments matériels et de substances grossières. Les deux ont dérapé hors de la vérité.

 

Tous les frères du Sauveur finiront par lui ressembler, ceux qui se tiennent à sa droite comme ceux qui se tenaient à sa gauche, sauf qu'il y aura des degrés différents dans leur gloire. Ils seront élevés jusqu'à la ressemblance, à partir de leur forme terrestre à une forme très glorieuse, mais sans que le corps soit rejeté, parce que celui-ci sera dans l'honneur à cause de la mutation qu'il aura reçu, exalté, il sera à l'aspect de sa forme précédente.

 

La grâce, qui est la providence de nos vies, prévoit de mettre dans le cœur de ceux qui, dans la liberté de leur comportement et à cause de la noblesse de leurs désirs et de leur empressement ont été jugés dignes de devenir ses enfants, des élans qui les font s'adresser à lui comme à leur père. Mais ceux qui, dans leur ascèse se comportent comme des esclaves, il met des élans comme envers un maître. Et aussi, en ceux qui, dans leurs diverses actions se comportent comme des étrangers, il met des élans comme envers un juge, à cause de sa majesté. Regarde donc comment l'Evangile du Salut présente ces trois catégories, lorsqu'il traite les relations avec Dieu: ici Dieu est appelé Père, là maître de maison, ailleurs maître et juge.

 

L'homme reçoit l'illumination en vertu de la qualité de son comportement envers Dieu. Dans la mesure où il est attiré vers la connaissance, il a l'âme de plus en plus libre, et dans la mesure où il a la compréhension [des mystères] de plus en plus libre, il passe d'une connaissance à une autre, toujours plus élevée.

 

Ne discute pas de la vérité avec quelqu'un qui ne la connaît pas, à quelqu'un qui aspire à connaître, ne lui cache pas la Parole.

Celui qui ne peut profiter de la connaissance, fais-lui profiter davantage de ton silence que de la parole de la connaissance. Abaisse-toi à la hauteur de sa faiblesse et, selon le degré auquel l'oiseau se trouve, parle-lui un langage semblable au sien, afin de le capturer à bon escient pour la vie.

 

Ne te trouble aucunement pour celui qui discute contre la vérité, non par endurcissement, ni pour celui qui dit du mal, non par méchanceté, mais parce que l'ignorance leur est un handicap, que leurs paroles pénètrent par la porte de tes oreilles comme le babil d'un bébé.

 

Une fois le commandement transgressé, Dieu apparut au genre humain comme un juge. Lorsqu'il est apparu au temps [de l'Alliance première], il se révéla  avec rang de seigneur. <> Mais avec la venue du Christ et après lui, les révélations ont fait connaître son rang de Père tel qu'il est vraiment, n'ayant plus aucun désir d'être pour nous, ni seigneur ni juge.

 

"Tu es prêtre pour toujours". Ce toujours signifie que maintenant aussi le Christ célèbre en tant que prêtre, accomplissant l'œuvre sacerdotale pour notre purification et cela sans interruption, jusqu'à ce qu'il nous ait fait tous monter auprès de lui…

 

Le sacerdoce du Christ consiste en la prière qu'il offre à la nature divine habitant en lui, en faveur de toute la nature des êtres doués de raison. S'il le faisait avec ferveur lorsqu'il habitait sur terre <> il le fait d'autant plus encore aujourd'hui. <> C'est en faveur de tous qu'il est monté le premier, qu'il est assis à la droite de Dieu, et qu'il intercède en notre faveur. <> Nous, nous sommes en communion avec lui, par notre âme et par notre corps. Ce n'est pas en vain que Dieu a pris les prémices parmi nous et à partir de nous, le Christ nous a fait monter [en lui] au ciel avant le temps et nous fait asseoir à côté de lui, à sa droite. Ainsi c'est par lui aussi qu'il nous donnera les biens, qui abondent dès à présent pour que nous les connaissions par les sens du corps et les élans de l'âme. Car Dieu les révèle déjà par l'Esprit en ceux en qui il se complaît.

 

Ils volent la connaissance ceux qui s'attaquent à elle sans l'ouvrage des observances. A la place de la vérité, ils ravissent un semblant de vérité. Mais celle-ci vient habiter spontanément dans les élans [du cœur] de ceux qui crucifié leur vie, et qui, de l'intérieur de cette mort, ont aspiré à la vie véritable.

 

La lumière de la contemplation va de pair avec une hésychia (paix profonde) ininterrompue et avec le retranchement des influences venant de l'extérieur. Lorsque l'esprit est vide, il se tient continuellement dressé dans l'attente que quelque contemplation se lève en lui. Celui qui conteste cela, non seulement conduit les autres dans l'erreur, mais lui-même a dévié du chemin sans s'en apercevoir, il poursuit une ombre dans les illusions de son esprit (noùs).

 

L'impassibilité ne consiste pas dans le fait de ne pas ressentir les passions, mais de ne pas les accueillir, en raison de l'ivresse de la connaissance [de Dieu et des mystères]causée par la gloire de l'âme.

 

La distraction aveugle l'homme parce qu'il ne regarde pas les choses de Dieu avec crainte et émerveillement, et aussi les examine par une recherche vaine.

Médite délicieusement sur les Ecritures qui te font connaître l'intention de la création de Dieu, et qui au temps de la prière attirent ton esprit (noùs) vers l'émerveillement…

 

Vaniteux n'est pas celui qui prend plaisir aux louanges qu'on lui décerne, mais celui qui en prépare lui-même les occasions. Humble est celui qui, même loué, ne s'y complaît pas. 

 

Avoir acquis et découvert la sagesse spirituelle dans la connaissance se voit au fait que l'on aperçoit vite de ses défauts…

 

Celui qui a goûté à la vérité ne dispute plus à son sujet. L'homme qui prend feu et flamme à cause de la vérité n'a pas encore appris la vérité telle qu'elle est.<> Le don de Dieu et la connaissance accordée par ce don ne sont jamais motif à se troubler ou élever la voix, car le lieu où habite l'Esprit avec l'amour et l'humilité est un lieu où ne règne que la paix…

Si le zèle avait été utile pour le redressement des hommes, pourquoi Dieu aurait-il revêtu un corps et employé la douceur et l'humilité pour convertir le monde à son Père? Et pourquoi se serait-il étendu sur la croix pour les pécheurs, et aurait-il livré son corps très saint à la souffrance en faveur du monde? <> Dieu ne l'a fait que pour une seule raison: faire connaître au monde son amour, pour que notre capacité d'aimer <> soit captive de son amour à lui.

 

Le motif de l'existence du monde et celui de la venue du Christ au monde sont identiques: la manifestation du grand amour de Dieu…

 

O caractère insondable et impénétrable de l'intention du Seigneur. Il est tout entier douceur qui ne change pas et qui demeure pour toujours. Tel est son amour et elle est la miséricorde répandue dans sa nature, en même temps que son action créatrice qui prévoyait tout à l'avance? Quelle est la raison de cette question difficile de la géhenne?<> Que l'on puisse attribuer à la nature divine quelque chose comme la colère, le courroux, ou la jalousie, ou autre chose semblable, se serait une grande horreur à nos yeux.  <> Nous ne pouvons pas dire non plus qu'il se comporte ainsi comme s'il s'agissait de donner une rétribution, même si cela est dans la lettre des Ecritures. <>  Tout en laissant paraître qu'Adam reçut la mort en châtiment pour sa faute, il en cacha le véritable mystère.<> Même si, en un premier moment la mort est violente, ignominieuse et dure, elle est notre passage vers un monde merveilleux et plein de gloire. Sans elle, il n'y aurait pas moyen de passer d'ici-bas vers là-haut, puisqu'il y avait le péché.<> Car il savait d'avance notre inclinaison à nous tourner vers la mal sous toutes ses formes. Il se comporta donc d'une façon habile: des dégâts qui allaient en sortir il fit la porte d'entrée des biens et du redressement de notre état corrompu. <> je suis donc d'avis que ce glorieux créateur procurera une solution étonnante à ce sujet difficile que sont les tourments de la géhenne, et qu'il en fera un geste de grande et ineffable miséricorde.<> Ce n'est pas le propre de ce créateur miséricordieux que de créer des êtres afin de les garder en réserve en vue de tourments sans fin et sans merci, à cause d'actes qu'il connaissait fort bien avant qu'ils ne fussent commis, au moment où il allait les créer. <> Dieu ne fait pas payer pour le mal, mais il le redresse. Faire payer quelqu'un pour le mal est le propre des méchants, le redresser est le propre d'un père. <> Dans tout ce que fait Dieu, il n'y a rien qui ne soit tout entier miséricorde, amour et clémence; c'est là le commencement et la fin de tout ce qui le porte vers nous. <> Que son Nom soit béni. Amen

 

 

Lettre aux amis du sanctuaire du prophète Elie N° 340  Mars 2017 

                                                                             

Isaac