L’Incarnation du Logos selon saint Hilaire
Saint Hilaire évêque de Poitiers après avoir exercé un riche et tumultueux ministère est mort vers 368. Il subit l’exil en Phrygie en raison de son attachement à la foi de Nicée qu’il défendit dans ses œuvres et par la prédication. Son autorité morale fut si grande qu’il est appelé l’Athanase de l’Occident. Jérôme plus sensible aux talents d’écrivain ecclésiastique le qualifia "d’imitateur des pères grecs en y ajoutant un petit quelque chose de lui " mais aussi "Le Rhône de l'éloquence latine" et enfin " le grec en godillots gaulois". A la lumière de notre connaissance de l'acrimonie de Jérôme nous pouvons prendre ces gracieusetés pour des compliments. Hilaire fut bien certainement influencé par les pères grecs, il connait les œuvres d'Origène, celles de saint Athanase, toutefois le fameux petit quelque chose qu'il apporte n'est pas négligeable.
Pour regarder sa manière de comprendre l'incarnation du Logos, nous examinerons à notre habitude d'abord l'explication de la création et de la chute. "Dieu, être souverainement parfait et heureux lui-même crée le monde par pure bonté pour communiquer quelque chose de sa propre béatitude". Hilaire n'utilise pas la formule "créé du non être à l'être" mais ex nihilo "du néant". "Tout vient du créateur, toutes les créatures demeurent existantes du néant, par la grâce. Rien ne peut subsister sans qu'une action divine continue lui conserve l'existence". Contingent par sa nature créée, le monde ne peut de fait demeurer éternel sans la volonté créatrice de Dieu qui ne cesse d'agir pour maintenir la création.
L'évêque de Poitiers met à part la création de l'homme. Sa formation présente une particularité dépeinte dans le livre de
L'Adam primordial est destiné à partager la béatitude même de Dieu, mais doit s'associer au plan divin en faisant bon usage de sa liberté en se servant des créatures pour connaître et vénérer son créateur avec reconnaissance (Piétas). L'Homme atteindra le terme suprême de sa destinée, quand par la pleine amitié de Dieu, il obtiendra la parfaite image divine. Il ne semble pas que, pour Hilaire, le Logos joue un rôle particulier dans la création. D'où le peu d'importance du mode de la création dans son enseignement sur le Logos incarné.
Sa doctrine sur la chute reste aussi dans la limite du texte biblique, Hilaire ne se lance pas dans d'autres spéculations: il envisage l'homme tel qu'il est maintenant, dans l'état d'une nature qui n'est pas ce qu'elle doit être. L'origine de cette déchéance réside dans la faute d'Adam qui s'étend à tous ses descendants. La nature de l'homme déchu a pour conséquence évidente le désir désordonné du corps, ignorance de l'âme, aucune bonté parfaite, ni parfaite observance des commandements de vie ne se rencontrent maintenant en personne dans ce monde. Le Salut ne peut venir que de la miséricorde divine qui propose le don de la foi, confiance absolue qui rend juste le croyant. "Dieu propose la justification par la foi, don gratuit". Il est l'auteur de la fameuse formule "la foi seule justifie." – commentaire sur saint Mathieu, IX,2- A la foi doit s'ajouter la prière et la charité.
En prenant notre chair, le Fils de Dieu, Logos, un de la trinité, se présente comme le médiateur naturel entre Dieu et l'humanité. En vérité cette médiation s'articule autour de sa fonction de roi et prêtre, son Royaume est celui de
Le premier grand mot de saint Hilaire pour envisager l'incarnation du Logos est le verbe "assumer". Pour parler de l'incarnation, les latins se contentaient souvent du mot nativité qui deviendra notre Noël. Hilaire avec une parfaite expression christologique préférera donc assumer. Le sens du verbe latin assumo -assumer- est " prendre pour amener jusqu'à soi". Après avoir établi "le mystère de la foi: celui du Père, du Fils, du Saint Esprit en leur unité", précisé qu'entre les personnes divines, "il y a distinction car ils sont un, non pas une union de personnes mais une unité de substance" ( substance correspondant à nature ou réalité d'être) Hilaire défend le mystère de la présence du Fils de Dieu assumant la chair de l'homme en la personne unique de Jésus le Christ. Il ne s'embrouille pas l'esprit avec la question philosophique de nature qu'il entend toujours par réalité, aussi il n'emploie jamais de terme abstraits: pour lui, l'incarnation c'est: "assumer l'Homme, - assumer le corps, - assumer la chair, - le sacrement de l'incorporation, - le mystère de l'assomption de la chair, -l'Homme élevé par l'unique engendré de Dieu". L'unité de la personne physique du Sauveur, si chère depuis saint Cyrille à notre Eglise copte-orthodoxe est fortement accentuée: "un et unique Seigneur Jésus-Christ, Logos fait chair."La réalité de Jésus le Messie, c'est "le vrai et propre Fils unique du Père, subsistant de toute éternité comme Dieu, puis dans le temps comme Dieu et comme homme, ne faisant avant et après sa venue dans la chair, qu'un seul Fils de Dieu de par son origine et non pas par adoption". Ainsi donc en assumant la chair d'un individu particulier, le Logos sauve toute l'humanité en accomplissant une démarche qui a du poids: Il prend jusqu'à lui, le Logos élève jusqu'à la gloire divine l'homme déchu par le péché. "Christ a pris le corps de chacun d'entre nous, et par ce corps, il est devenu notre très proche, si bien que par son corps se trouve contenue en lui toute l'humanité. Par cette sorte d'union de tous les hommes en lui, il est comme une ville, et nous, par notre union à sa chair, nous sommes les habitants". Par là, Hilaire veut dire que tous les hommes sont devenus, d'une certaine et réelle façon, intérieurs au Sauveur. C'est par la chair du Logos incarné que nous devenons participants du Royaume: "Par union avec la chair qu'il a prise, nous sommes élevés (assumptae/ montés) dans le Christ. C'est là le mystère caché en Dieu depuis les siècles et les générations qui est révélé maintenant aux saints: Ils sont cohéritiers, con-corporels, coparticipants de la promesse de Dieu dans le Christ qui transportera leur humilité dans la gloire de sa chair, à condition que résistants aux passions et se purifiants, ils se souviennent n'avoir plus, après le baptême, d'autre chair que celle du Christ".
Le second mot important d'Hilaire pour exprimer le fruit de l'incarnation est assomption, élévation. "Jésus entièrement homme, entièrement Dieu". Ce mystère de l'unité en Jésus de Dieu et de l'homme, s'est fait pour nous. Notre évêque poitevin précise: "Ce mystère s'est fait pour nous, non pour Dieu. Lui ne gagne rien à notre assomption mais son abaissement volontaire devient notre exaltation: Lui ne perd rien de ce qu'est Dieu, et l'Homme acquiert de devenir Dieu". Le Christ est monté avec sa chair à la droite de Dieu, et par sa chair nous montons aussi, car "en nous plaçant dans le corps de sa chair, en lui est toute l'Eglise, par le mystère de son corps, il la contient toute entière".
Une conséquence accessoire mais éclairante pour la condition des âmes dans l'attente de la résurrection universelle est le repos des âmes dans le corps spirituel du Sauveur: "C'est dans ce corps en effet que nous monterons, après avoir habité l'Eglise, c'est en lui que nous reposerons dans la grandeur de Dieu". La glorification des saints peut se concevoir en deux étapes: Jusqu'à la résurrection générale, les âmes séparées de leur corps seraient unies au corps du Christ élevé aux cieux, puis après la résurrection universelle, réunis à leurs propres corps devenus spirituels. C'est une opinion à envisager.
Le moyen aujourd'hui pour nous de notre union au corps du Christ réside dans la sainte Eucharistie. "Le Logos s'est vraiment fait chair et nous dans le Repas du Seigneur, nous prenons vraiment la chair du Logos. Il nous donne à la fois la réalité de sa chair et la réalité de sa divinité. Il nous tient en lui, tout en demeurant lui dans le Père par la réalité de la divinité, et nous en lui par sa naissance dans la chair, et lui en nous par le mystère de l'Eucharistie. Il vit du Père et la façon dont il vit du Père, est la façon dont nous vivons de lui." + Elias-Patrick Bibliographie : Hilaire de Poitiers, commentaires sur saint Mathieu, PL IX
Lettre aux amis du sanctuaire d’Elie N°253 Décembre 2009
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