L'incarnation du Logos

selon saint Cyrille d'Alexandrie, le Pilier de la foi

 

"Après avoir préparé le domaine où il voulait le placer, Dieu créa l'Homme, le chef d'œuvre de tout ce qui se voit dans l'univers. Il lui donna un corps matériel et une âme spirituelle. Il le fit raisonnable, pour qu'il lui fût capable de comprendre la beauté du monde et de connaître son créateur. Il le fit libre et maître de sa volonté, afin qu'il pût mériter et se rendre digne de récompense. Il le créa parfait, heureux. Il le créa à son image et à sa ressemblance, intelligent, vertueux, maître de l'univers; et il le dota de privilèges plus grands que ceux de sa constitution.

Par nature, l'homme, comme toute créature, était corruptible, mais il reçut l'Esprit divin qui le vivifia et lui donna l'incorruptibilité. L'âme n'est pas le Souffle divin qui fut insufflé à l'homme au premier jour, lequel n'est autre que le Saint-Esprit lui-même. Elle n'est pas engendrée comme le corps, mais unie par Dieu au corps que la mère a engendré, elle n'a pas préexisté dans le ciel, comme le spéculait Origène. Elle n'a  donc pas péché avant d'être unie au corps.

 

Pour bien montrer à l'homme qu'il n'était pas indépendant, et qu'il devait obéissance à son créateur, Dieu lui avait imposé un commandement. Mais Adam, dont la nature n'était pas encore fixée dans le bien, se laissa tromper par le tentateur, abusa de sa liberté et transgressa l'ordre qu'il avait reçu. Aussitôt le péché détruisit en lui l'image de Dieu; le Saint-Esprit s'en alla, et avec lui disparurent les vertus et les privilèges gracieusement accordés par le Créateur: La mort et la corruption firent leur entrée dans le monde.  La domination du démon et du péché commença.

Par suite de la faute du premier homme, tous ses descendants furent pécheurs et dominés par la convoitise. Cependant notre nature n'a pas été viciée dans ses parties essentielles. La liberté particulièrement, malgré la force des passions, n'a pas été supprimée.  Lorsqu'Adam fut tombé sous l'empire du péché et eut été soumis à la corruption, aussitôt les passions impures s'emparèrent de la nature de la chair. Notre nature devint malade de la maladie du péché par la désobéissance d'un seul, c'est-à-dire d'Adam. Et ainsi plusieurs ont été constitués pécheurs, non pas qu'ils aient péché avec Adam, puisqu'ils n'existaient pas encore, mais parce qu'ils ont cette même nature qui est soumise à la loi du péché.

 

Dieu décida de restaurer sa créature dans son état primitif, ou plutôt, Dieu, qui avait prévu de toute éternité la faute d'Adam, avait de toute éternité résolu de le sauver.

Ce plan de restauration, annoncé à l'avance par les prophètes, fut exécuté quand le monde sentit bien sa misère et son impuissance.  C'était là de la part de Dieu une faveur toute gratuite; rien ne l'obligeait à la faire, sinon sa bonté infinie.

Pour restaurer l'homme, pour le rétablir dans son état primitif, pour réparer le péché et  pour réconcilier le monde avec Dieu, il fallait l'incarnation du Fils de Dieu. Par ce moyen, par ce moyen seul, la nature humaine pouvait retrouver son état naturel primitif et la possession du Saint-Esprit".-Centon extrait des œuvres de saint Cyrille-

 

" Et nous disons  que c'est  le Logos lui-même, le Fils unique engendré d'une manière ineffable de l'essence de Dieu le Père, l'auteur des siècles, celui par qui et en qui tout existe, la lumière véritable; la .nature qui vivifie tout, qui dans les derniers temps, par la bonne volonté du Père, pour sauver la race humaine tombée dans la malédiction et soumise à cause du péché à la mort et à la corruption, a pris la semence d'Abraham, selon, les Écritures, et a communié au sang et à la chair, c'est-à-dire est devenu homme.

Ayant pris la chair et l'ayant faite sienne, il a été engendré selon la chair par la  sainte et  Théotokos [mère de Dieu] Marie. Mais bien qu'il fût devenu semblable à nous et qu'il eût par Economie revêtu la forme de serviteur, il demeura dans divinité et la majesté qu'il avait par nature; car il n'a pas cessé d'être Dieu, en se faisant chair,  c'est-à-dire homme semblable à nous. Immuable par nature en tant que Dieu. il est resté ce qu'il a toujours été, ce qu'il est, ce qu'il sera toujours, et en même temps il a été appelé Fils de l'Homme. -symbole de la foi orthodoxe aux impératrices-

 

Nous confessons notre Seigneur Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, Dieu parfait et homme parfait composé d'une âme raisonnable et d'un corps, engendré avant les siècles par son Père selon la divinité, et engendré et dans les derniers  jours, le même à cause de nous et pour notre Salut,  de la Vierge Marie selon l'humanité. Le même, consubstantiel au Père par sa divinité et consubstantiel à nous par son humanité. Car l'union des deux natures a eu lieu; et c'est pourquoi nous confessons un seul Christ, un seul Fils, un seul Seigneur. Dans cette même pensée de l'union sans mélange, nous confessons la sainte Vierge mère de Dieu, parce que le Dieu Logos s'est incarné, s'est fait homme, et s'est uni, dès le moment de la conception,  le temple qu'il a pris dans ses entrailles. Quant aux paroles évangéliques et apostoliques sur le Seigneur, nous savons que les théologiens appliquent les unes, sans faire de distinction, à la personne unique, et divisent au contraire les autres suivant les deux natures, entendant de la divinité du Christ celles qui conviennent à la divinité et de son humanité; celles qui marquent la kénosis [l'abaissement]. 

                                   -Symbole d'union avec les Antiochiens de 433- à colliger avec l'anathématisme 3 &4 ci-dessous:

3. Si quelqu'un dans le Christ un, divise les hypostases, après l'union les associant par une simple association de dignité, ou d'autorité et de puissance, au lieu d'admettre  entre elles une union physique, qu'il soit exclut.

4- Si quelqu'un divise entre deux personnes ou hypostases les expressions employées au sujet du Christ dans les écrits évangéliques et apostoliques, par les saints ou par le Christ lui-même, et attribue les unes à l'homme considéré à part du Logos de Dieu, le Père, et les autres au seul Logos de Dieu le Père, qu'il soit exclu.

 

Bibliographie:

J. Mahé, article Cyrille d'Alexandrie in Dictionnaire de Théologie Catholique

 

Commentaire & Notes

 

L'attention de notre père saint Cyrille se porte toujours sur le Logos fait chair qui nous communique ses grandeurs en nous unissant à lui et à son Père, comme l'enseignait saint Irénée et saint Athanase; mais saint Cyrille essaie d'expliquer ce qui en Christ le rend capable de nous contenir tous, mystiquement pour nous rendre dignes du Royaume et nous déifier. Pour cela, il met en évidence l'unité réelle, étroite, "physique" de l'humanité et de la divinité, la chair et le Logos, dans l'unique personne de Jésus.

La formule adoptée par saint Cyrille d'Alexandrie "une nature du Logos de Dieu fait chair", veut dire que le Logos, n'a pas seulement emprunté la chair, il s'est fait chair, et si parfaitement qu'à vouloir considérer, même en théorie, en lui l'humanité séparée de l'humanité on le représente comme il n'est pas. Assurément, en Christ, dans cette unité, la nature divine ne subit aucun changement, et la nature humaine ne cesse de nous être parfaitement semblable. Il ne faut pas entendre nature (fusis  fusis) dans un sens philosophique de principe ontologique, mais plus simplement dans le sens commun de physique; le mot qui traduirait le mieux "nature" serait "réalité" comme saint Hilaire de Poitiers l'a  compris. C'est grosso modo le sens du concept théologique d'hypostase. Cyrille veut dire qu'en Christ, il n'y a qu'un seul agissant, le Dieu-homme Theanthropos.

L'humanité du Christ ne fait qu'un avec le Logos, or le Logos est la vie même, la vie incorruptible, éternelle, subsistante. La chair et le sang du Christ Théanthropos sont donc chair et sang de la vie et vivifiants. La naissance, les événements de la vie du Christ sont eux aussi force vivifiante: "Toutes choses qu'a souffertes le Christ  sont arrivées à cause de nous et pour nous, et elles ont la vertu d'écarter et de détruire les maux qui nous viennent." Tout ce qui est en Christ doit passer en nous, sa naissance, son ministère, sa mort et sa résurrection, sont le patrimoine commun de l'humanité. "L'enfant grandissait et se fortifiait, se remplissant de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui" Luc 2,40. Le Logos voulut que son humanité progressât, parce que le progrès s'impose à tous les hommes.

Ce que le Christ opérait par une action visible pendant son ministère , il l'opère aujourd'hui de façon invisible mais bien réel dans l'Eucharistie. L'Eucharistie comme l'incarnation est semblable à un feu qui envahit la matière froide et la rend ardente. Ce qui c'est passé à l'incarnation, se  reproduit en nous à la communion. "De même que le Corps du Logos par l'union est vivifiant, nous qui y entrons en participation de sa sainte chair et de son sang, nous sommes complètement vivifiés, car le Logos demeure en nous, d'une façon divine par le Saint Esprit, et d'une façon humaine par sa sainte chair et son précieux sang. En devenant participants de l'Esprit, nous sommes unis au Sauveur de tous et les uns les autres."

 

                                                                                                     Elias-Patrick.    Noel 2006

 

incarnation du Logos selon saint Cyrille