Soleil invincible

 

Les  disciples du Christ sont dans le monde et non du monde. Paradoxe ou comme le dit la théologie orthodoxe, antinomie: Etrangers à l’esprit mondain, ils sont pourtant incarnés dans un lieu, une histoire, une culture, séparés de tout ce qui est ténèbres, ils sont en communion avec tous.

C’est aussi exactement ce que fit le Logos divin lorsqu’il prit chair de Notre Dame, Marie, vierge et mère de Dieu, en vérité.

                                                    

Il est venu à nous, Christ n'est pas un mythe initiateur, un symbole constructeur de vie mystique, un modèle philosophique,  mais il est né dans un peuple, une tradition et aux temps fixé par Dieu son Père. Le Christ dont l’hypostase est éternelle est venu dans le temps de l’histoire des hommes. Sa naissance dans la chair est celle d’un Homme (Adam) nouveau et d’un temps nouveau, celui du Royaume, venu en lui, et à venir dans toute la création.

 Notre fête de la Nativité du Sauveur s’est formée aussi à partir du dialogue de l’Eglise et du monde.

La date du 25 décembre est fictive, elle ne repose sur aucun document historique, ni même sur aucune tradition de l’Eglise apostolique qui ne connaissait que la fête de Pâques annuelle et celle hebdomadaire, le dimanche.

Noël n’est donc pas un anniversaire mais une fête théologique  qui présente le mystère du Dieu fait chair. Je dis bien qui présente et non qui expose, car les théologiens n’auront jamais fini d’épuiser le  "mystère, toujours nouveau, toujours ancien"  selon l'expression d'une anaphore wisigothique.

 

Les premiers témoignages de la fête de la nativité nous montrent une seule fête regroupant des évènements de la manifestation de la venue du messie dans l'histoire sainte: la naissance, l’adoration du Seigneur par les mages, son Baptême dans les eaux du Jourdain (ou Théophanie) ainsi que le miracle des Noces de Cana. Elle était nommée fête des Epiphanies. Sous l'influence de la tradition égyptienne, elle se célébrait le jour de la fête du Nil vers notre 6 janvier.

Rome a probablement célébré la nativité séparée des autres épiphanies vers 330.

En Egypte, c'est notre Père saint Athanase l'apostolique qui introduit vers 346, la fête de la nativité le 29 Kyhak soit le 25 décembre, hélas à la suite du maintien du calendrier julien en Egypte, le 25 décembre est  transféré dans notre calendrier grégorien  au 7 janvier.  

Au calendrier local, en occodent, nous célèbrons dans la nuit du 24 au 25 la naissance du Sauveur et l'adoration des bergers, et le jour du 25 celle des mages. La fête de la théophanie, baptême du Sauveur, est reportée deux dimanches plus tard.

 

C’est  donc à Rome, en 330, que la fête de la Nativité, la naissance du Sauveur, fut solennisée au 25 décembre afin de contrebalancer l’influence de la fête populaire mithriaque du "Soleil invaincu" fixée à cette date par l’empereur Aurélien en 274.

 

                                                          Mss de Marmoutiers, 9è S.

 

Le Sol Invictus, Dieu solaire syrien fut introduit par Caracalla en 211 et son culte organisé par l'empereur Elagabal, d'origine syrienne. Le caractère universaliste et monothéiste du Soleil était une image et une garantie de l'unité de l'empire.

 

                                                   

 

On célébrait  particulièrement la renaissance du soleil qui reprend sa course et apporte, par la plus grande longueur du jour, à la terre une vie nouvelle et ainsi relie l'homme au rythme de la nature, au cycle des saisons.

Les Pères corrigeront ce qui est excessif dans cette théorie: l'idée que l'Homme est esclave et prédéterminé  par des éléments du cosmos.  Le chrétien et avec lui toute l'humanité n'est pas à la merci des cycles de la création mais libéré du déterminisme et à la mort par le véritable soleil invincible, le Christ, Logos et Maître de toutes les forces qui gouvernent le cosmos.

 

Le Soleil invaincu n’est pas le dieu solaire, mais le Seigneur et Sauveur Jésus le Christ, "Véritable Soleil de Justice" dont parle  le prophète Malachie -3,20-, la Lumière du monde.  "Moi je suis la lumière du monde, celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres,  il aura la lumière de la vie". -Jean. 8, 12- 

L’Eglise, en ce jour, reçoit la manifestation glorieuse du Seigneur et est illuminée des rayons du véritable Soleil de Justice, le Christ, et manifeste dans liturgie la foi du concile de Nicée : le Christ est vrai Dieu issu du vrai Dieu, engendré et non créé, de même nature que le Père.

 

                                                  

 

Si le thème de l'illumination est bien accroché à la mémoire du Baptême du Seigneur, celui de la lumière vient se greffer naturellement à celle de la naissance de Jésus. 

Les lectionnaires syriaques proposent les lectures appropriées:

"Ce qui était dès le commencement ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nos mains ont touché, du Logos de vie, car la Vie a été manifestée, et nous l'avons vue, et nous lui rendons témoignage, et nous vous annonçons la Vie éternelle, qui est dans le sein du Père et qui nous a été manifestée - ce que nous avons vu et entendu, nous nous l'annonçons, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous, et que notre communion soit avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ. Et nous vous écrivons ces choses, afin que votre joie soit complète. Le message qu'il nous a fait entendre, et que nous vous annonçons à notre tour c'est que Dieu est lumière, et qu'il n'y a point en lui de ténèbres. -1 Jean 1, 1-5-

et Ephésiens 5, 8-11: 8

"Autrefois vous étiez ténèbres, mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur, marchez comme des enfants de lumière. Car le fruit de la lumière consiste en tout ce qui est bon, juste et vrai. Examinez ce qui est agréable au Seigneur; et ne prenez aucune part aux œuvres stériles des ténèbres, mais plutôt condamnez-le".

 

La lecture du premier chapitre de l'Evangile de saint Jean dirige l'attention vers la lumière vie qui vient habiter en nous." En lui était la vie de tout ce qui a été fait, et la vie était la lumière des hommes…. Le Logos est la vraie lumière qui en venant dans le monde, illumine tout homme".

 

Nous pouvons faire le récit de l'histoire du Salut en prenant la lumière comme fil rouge.

Par une admirable "inclusion", les premières et les dernières pages de la Bible présentent leur message au moyen de l'image de la lumière:  Dieu dit que la lumière soit,- Gen. 1,3-, et Apoc. 22,5 : Il n'y aura plus de nuit, nul n'aura besoin de la lumière du flambeau ni de la lumière du soleil, car le Seigneur Dieu répandra sur eux sa lumière, et ils régneront aux siècles des siècles".

 

La lumière de Dieu brille en Jésus-Christ. La lumière qui avait servi à annoncer dans la Première Alliance l'événement messianique à venir sert à décrire l'événement salvifique en Jésus-Christ et la condition nouvelle de ses disciples. On n'hésite pas à dire "lumière faite chair". La lumière, symbole d'une réalité divine entrevue, est maintenant une personne: Jésus.

 

Jésus est "l'astre levant venu d'en haut, apparu à ceux qui se trouvent dans les ténèbres et l'ombre de la mort" -Luc. 1,78-79-. A sa naissance, la gloire du Seigneur enveloppa de lumière les bergers de la contrée -2,9-. Siméon accueille l'enfant au temple en le proclamant lumière destinée à éclairer les nations -2,32-. Sur la montagne de la Transfiguration, Jésus change de visage et ses vêtements deviennent d’une blancheur fulgurante-9,29-. Sa Résurrection marque la victoire de la Lumière sur les ténèbres.

         

Dès l’origine de la Création, de l’une à l’autre Alliance il plait à Dieu de donner la parole à la lumière pour enseigner et toucher le cœur de l’homme. La lumière donne sa forme à tout ce qui existe. Elle met de l’ordre dans le chaos des choses indistinctes. Elle est une puissance d’ordre qui révèle les contours et les limites des choses, une puissance de vérité, qui permet de voir ce que sont les choses. Enfin, le rayonnement, l’expansion, la diffusion de la lumière sont l’image insurpassable de cette propriété de Dieu que l’homme doit s’efforcer d’imiter en tout: l'amour divin,  la charité.

 

                                     

 

Pas plus que l’amour divin, la lumière ne se corrompt pas. Elle est au-dessus de tout, hors de toute emprise terrestre. Quand l’homme se laisse enseigner par elle pour y découvrir quelque chose de sa propre vocation à l’Eternité, quand l’âme sait y reconnaître l’image de Dieu et sa beauté, alors l’œil écoute.

A Noël, comme à Pâques, l’Eglise célèbre en réalité l’unique mystère de l’économie de notre Salut: la filiation divine qui est donnée, communiquée à l’humanité par le Fils unique de Dieu devenu homme.

 

                                                             +  Elias-Patrick   lettre de saint Elie N°229  décembre  2007

 

Bibliographie :

-Mircea Eliade, Histoire des croyances et idées religieuses, Payot 1978

-RP. Patrick Bernardin, lettre  de l'AOC,  janvier 2006

-RP Thierry Maertens, commentaire et notes du missel de l'Assemblée chrétienne,  

                                                                                                     Biblica, Bruges 1964

Fête de la Nativité