LE BUISSON ARDENT L'ESSENCE DE
Les chrétiens assiégés par la "modernité" éprouvent parfois quelques difficultés à accepter le fait que l'expérience liturgique est fondamentale pour ancrer la foi et entrer en communion par la prière avec le Dieu trois fois saint. Certains mêmes, pour justifier leur peu de goût de l'Office divin ou leur manque d'appétit à la rencontre ecclésiale, posent la question de savoir si l'expérience sacramentaire appartient bien à l'essence du christianisme.
Il faut tout de même s'étonner de ces deux attitudes, comment se dire croyant et ne pas éprouver le besoin de rencontrer Celui en qui on remet sa foi? Le problème se situe probablement dans la perte du sentiment du sacré et de la mise en doute de l'utilité de l'action rituelle. Ce qui reste de religion en occident appartient au domaine cérébral de la connaissance théorique; même dans notre Eglise orthodoxe, souvent on privilégie le sens "discours" de doxa (la juste doctrine) à celui de "gloire" (la juste glorification). La vraie orthodoxie englobe l'orthopraxie, la "juste pratique" qui n'est pas seulement la conduite morale en harmonie avec les commandements divins, mais aussi le comportement de toute la vie dans l'esprit de sainteté. Et ne peut installer notre existence toute entière dans l'esprit de sainteté si l'on n'a pas la conscience de notre vocation sacerdotale qui fait de chacun de nous des enfants de l'Action de grâces dans des lieux et des temps privilégiés pour exercer le sacerdoce du peuple de Dieu. La liturgie ne relève pas de la pensée, du discours, mais bien de l'agir. Là où la théologie s'adresse en grande partie à l'intellect, le rite s'adresse à toute la personne médiatisée par son corps intégré dans tout le cosmos. La liturgie est intelligente, dans le sens où elle a sa source dans l'esprit, elle n'est pas intellectuelle dans la mesure où elle ne vise pas à discourir sur Dieu, la création, l'humanité et son devenir. L'Office divin est rencontre, communication entre le monde céleste et celui de la terre. Pour cela, la liturgie n'utilise pas un langage analytique mais un langage symbolique qui s'adresse à ce qui a de plus profond dans le coeur de l'homme, elle fait venir à sa conscience ce qui est caché dans le secret de sa nature. C'est elle vraiment qui relie ce qui séparé, éclaté, dans l'individu et dans l'humanité. Les rites sacrés transmis par la tradition des apôtres constituent le fondement de la religion. Etre chrétien, contrairement aux idées reçues, ce n'est pas être un honnête homme ne faisant aucun mal, comme si les non-chrétiens ou non-croyants en étaient incapables! Le chrétien s'émerveille de la bonté du Créateur, de la beauté de la création, de l'admirable échange entre la divinité et l'humanité par l'incarnation du Logos. Il sait que le Dieu vivant entre en communion mystérieusement avec sa créature pour l'amener librement dans son Royaume à venir. Devant toute l'Economie du salut, la gratitude, la grande joie , s'exprime par la doxologie, la louange, la bénédiction. Curieusement nos pères ont appelé cette prière de l'assemblée chrétienne Opus Dei, l'Œuvre de Dieu, Office Divin, comme pour bien dire que malgré les apparences, c'est bien Dieu qui a l'initiative de la liturgie. On pourrait dire aussi Opus Christi, Œuvre du Christ, action théandrique, action à la fois divine et humaine. La liturgie manifeste cette mystérieuse présence du Ressuscité parmi ces amis.
La liturgie, œuvre commune pour le bien de tous, forme et façonne par son expression le fond le plus secret de la conscience individuelle et collective. Une Eglise locale existe réellement par sa liturgie qui est la forme corporelle de sa foi. Il n'est pas indifférent de célébrer selon les rites alexandrins, syriaques, byzantins, ou occidentaux, car chacun de ces rites légitimes, tout en puisant à la même source, véhiculent la pensée théologique et l'attitude ecclésiale particulière de chaque Eglise. La liturgie est en quelque sorte éducatrice du cœur selon une tradition spirituelle filiale. En s'inscrivant dans une unique tradition (on ne peut servir deux maîtres) et en l'acceptant dans sa plénitude, on unifie son cœur, son esprit, sa pensée et acquiert la liberté intérieure. Le culte célébré par la communauté est justement appelé Mystère, non en raison de son caractère ésotérique, c'est évident, mais parce qu'appelés par le Seigneur en Eglise (Qahal, équivalent hébreu d'Eglise, signifie bien "Assemblée par l'appel de Dieu"), les fidèles participent à l'Economie du salut. Les mystères sont la transmission de l'ineffable et paradoxalement la tradition de l'intériorité de la foi tout en étant l'intériorité de L'Eglise dans ses mystères n'annonce pas une doctrine, mais le message du Sauveur, bien plus, le Sauveur lui-même qui est venu jadis mais demeure vivant et présent dans ce temps et ce lieu où deux ou trois, ou plus, se réunissent en son Nom. L'Offrande de l'encens bi-quotidienne, à l'aurore et au déclin du jour, de notre Eglise copte-orthodoxe rappelle cette vérité en faisant dire au prêtre selon la formule de l'apôtre Paul: "Le Christ est le même, hier et aujourd'hui, demain et dans l'éternité, à lui la gloire dans les siècles des siècles". Le Christ préside mystérieusement l'Assemblée chrétienne. Il est le seul grand-prêtre, aussi par sa médiation la grâce, (c'est à dire la force divine donnée gratuitement) est distribuée. Moïse a vu en image dans le buisson ardent l'Eglise sacrement qui révèle son identité cachée, celle de Corps du Christ théanthropos. Le fidèle est appelé à s'unir avec et dans ce Corps sacré et pénétrer dans le feu de
Les mystères ici et maintenant, nous font entendre l'Inouï, voir l'Invisible, toucher l'Immatériel.
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essence de la liturgie Chrétienne |