Ecclésiologie: les quatre notes de l'Eglise

                 Unité, Sainteté, Catholicité, Apostolicité

            par abouna Elias-Patrick, higoumène du sanctuaire du prophète Elie, Montpeyroux

 

 

 

 

L'Eglise une-unique

 

Au cours de la liturgie alexandrine de saint Basile, nous demandons à plusieurs reprises au  Seigneur de se souvenir, d'édifier ou de donner la paix à "l'Eglise Une-Unique, Sainte, Catholique et Apostolique".

 

Chacun reconnaîtra ce que les théologiens appellent les "notes" de l'Eglise, c'est à dire les critères que l'on est en droit d'exiger des communautés chrétiennes.

 

Bien que cela ne soit pas si facile, on sait grosso modo ce qu'est la sainteté, la catholicité et l'apostolicité de l'Eglise mais "l'unité de l'Eglise, que représente ces mots? On confond souvent union et unité. <>

L'union concerne les institutions, rechercher l'union  c'est plutôt du domaine de la bureaucratie théologique. L'unité de l'Eglise concerne la vie des hommes, leur mode d'existence lié à la vérité et à l'authenticité humaine".- 1-

 

Depuis que le concile de Constantinople de 381 a introduit dans la confession de foi les quatre notes de l'Eglise, il est à craindre que les concepts d'unité et de catholicité soient neutralisés par un provincialisme étriqué marqué par le sectarisme.

 

"Chaque chrétien se forge une idée théologique de la nature de l'Eglise telle que son unité semble enfermée dans les frontières de sa propre confession <> l'esprit de clocher fait perdre de vue la réalité de la nature infinie de l'Eglise, qui dépasse aussi bien la pensée de l'homme que tout son univers terrestre" écrit le père Matta el Maskîn. -2- 

 

Mais il ne reste pas sur cette triste constatation, instruit par la liturgie et la pratique de l'ascèse monastique, abouna Matta rapporte la recherche de l'unité à la recherche de Dieu: On sent l'unité présente en son âme dans la mesure où on y sent la présence de Dieu.

 

"Le principe de l'unité découle initialement d'une maturité de la foi et d'une spiritualité débordante qui franchit les barrières de la haine, les divergences de la pensée, les dissensions de l'âme, les artifices de l'intelligence et la sollicitude de la chair." 3

 

 Il faut avoir unifié son être pour pouvoir envisager l'unité de l'Eglise car la source de l'unité est dans l'unité des personnes de la divine Trinité et dans celle des noces du Christ et de l'Eglise, de la communion de l'homme avec l'Esprit très Saint.

 

A l'image de la Trinité:

 

Mais avant d'aller plus avant, examinons ce que les pères réunis à Constantinople entendaient par Eglise une.

 

Il semble bien que le sens premier est l'unicité de l'Eglise.

"Nous croyons en un seul Dieu le Père... en un seul Seigneur Jésus Christ, en une Eglise unique". 

La foi consiste à confesser qu'il n'y a qu'une seule Eglise tout comme il n'y a qu'un seul Dieu, qu'un seul  Seigneur. Il est probable que la volonté des pères fut d'exprimer l'unicité de l'Eglise à l'image de l'unicité de chacune des personnes de la divine Trinité. Comme nous disons dans la confession de foi de l'office divin copte-orthodoxe:  un est le Père de tout être... un est le Fils, ... un l'Esprit Saint ..., nous pouvons ajouter : une est l'Eglise.

 Cette manière de comprendre l'Eglise est attestée par une lettre d'Alexandre d'Alexandrie – 4- datée de 324. L'expression "une" donc renvoie principalement à l'unité de Dieu et à son Economie dont l'Eglise est le sacrement plutôt qu'à une notion d'union ou de communion.

Saint Irénée -5- a probablement partagé cette opinion. L'unité de l'Eglise est celle d'un organisme vivant. Un seul  Dieu, une seule foi, un seul baptême. L'unité de la foi baptismale  en  seul Dieu, créateur et Père, en un seul Christ, vrai Dieu et vrai homme, et en un seul Esprit de prophétie et d'adoption, fonde l'unité de l'Eglise catholique et apostolique, l'unité des Alliances et de l'Economie du salut et l'unité de l'homme vivant.

Un seul Dieu le Père, un seul Christ, vrai Dieu et vrai homme, un seul Esprit qui a inspiré les prophètes de la première Alliance, qui s'est répandu sur les apôtres et qui donne aux fidèles l'adoption, une seule nature de l'homme, une personne unique de l'homme à l'image et ressemblance de Dieu, une seule eucharistie, une Eglise corps du christ animée par l'Esprit, toutes ces formes d'unité sont liées et l'ont ne peut pas rompre l'unité sur un point sans rompre l'unité sur le tout.

"Là où est l'Eglise, là aussi est l'Esprit de Dieu; et là où est l'Esprit de Dieu, là est l'Eglise et toute grâce. Et l'Esprit est Vérité".

 

Communion des assemblées chrétiennes:

 

L'Eglise est là où les croyants rassemblés par L'Esprit Saint se réunissent pour former l'unique corps dont le Christ est la tête car le Ressuscité est mystérieusement présent au milieu de ses disciples jusqu'à la fin du monde.

 

Chaque communauté locale est donc l'Eglise une. Elle partage toutefois avec d'autres  la foi une, la même Parole, les ministères de l'unique Ministre, l'unique Eucharistie.  Une Eglise ne peut vivre isolée, elle ne peut être vraiment Eglise qu'en communion avec d'autres Eglises locales.

En ce sens "l'Eglise une" du symbole de foi signifie aussi "'unité de toutes les saintes Eglises". La petite eucharistie de la Didaché - 6 - parle de l'Eglise une au singulier et montre la diversité locale des communautés:

"Souviens-toi, Seigneur de ton Eglise, pour la délivrer de tout mal, pour la rendre parfaite dans ton amour. Rassemble-la des quatre vents, cette Eglise sanctifiée, dans le royaume que tu lui as préparée."

 

Il y a pluralité d'Eglises locales dans lesquelles se manifeste l'Eglise une. Les Eglises de chaque ville et de chaque village se reconnaissent mutuellement comme l'unique et sainte Eglise, elles maintiennent les liens de la communion par l'ouverture de l'Eucharistie aux membres des unes aux autres.

 

Diversité des cultures:

 

Mais l'unité n'est pas l'uniformité; Les épîtres catholiques et les actes des apôtres nous montrent que l'Eglise du Christ ignore l'uniformité sans joie et sans liberté. L'histoire des Eglises apostoliques est riche de la diversité des liturgies, d'une discipline ecclésiale respectueuse de la culture des peuples et même d'une théologie qui accepte les différences d'opinion    et de vocabulaire -7- pourvu que l'essentiel de la foi soit vécu avec sincérité.

 

Ce qui  risque de rompre l'unité et la paix est le refroidissement de la charité, le désordre ecclésiastique venant de l'égoïsme ou de mobiles individuels qui n'ont rien à voir avec l'esprit de l'Evangile.

Pour éviter des querelles d'idées et de mots, l'Eglise une a hérité d'une tradition qui lui permet d'exprimer sa foi et de régler l'art de vivre en disciple du Christ.

 

"Ayant reçu la prédication <évangélique> et la foi <apostolique> l'Eglise bien que dispersée dans le monde entier, les garde avec soin, comme n'habitant qu'une seule maison; elle y croit d'une manière identique comme n'ayant qu'une seule âme et qu'un seul coeur, elle les prêche, les enseigne et les transmet d'une voix unanime, comme possédant qu'une seule bouche; car si les langues diffèrent à travers le monde, le contenu de la tradition est un et identique. et ni les Eglises établies en Germanie n'ont d'autre foi ou d'autre tradition, ni celles qui sont chez les ibères, ni celles qui sont chez les celtes, ni celles de l'Orient, de l'Egypte <> De même que le soleil est un et unique dans le monde entier, de même la lumière de la prédication de la vérité brille partout et illumine tous les hommes qui veulent parvenir à la connaissance de la vérité."-  -Saint Irénée- 8-

 

Aujourd'hui , d'une part en raison du mépris de cette tradition apostolique, d'autre part,  à cause de la fureur théologique qui a voulu dogmatiser à outrance, et surtout par le refroidissement de l'amour, les communautés chrétiennes se déchirent l'Eglise une.

 

"Le Christ ne demande pas <dans sa prière sacerdotale Jean 17>pour nous l'unité de la lettre, mais selon l'Esprit, non l'unité de la pensée intellectuelle, mais l'unité de l'amour <> il va droit à notre unité en lui: "Que soit en eux l'amour dont tu m'as aimé et que je sois en eux". 

La vie en  Christ est le seul moyen de débloquer la division pour s'ouvrir à la vie divine. "Lorsque Dieu habite le coeur de l'homme et s'y manifeste, le coeur saisit l'unité en sa profondeur et en sa vérité". -9-  Alors la vision de l'Eglise une-unique devient réalité.

 

Notes & bibliographie:                                          

1 Diane Lorans-Nény, quelques réflexions sur l'unité de l'Eglise, manuscripto 1995

2 P. Matta el Maskîn, un seul  Christ et une seule Eglise universelle, al Nour 1972 ou lettre de saint Elie S.18

3 P. Matta el Maskîn,  l'unité chrétienne , in le monde copte, N°1, 1977

4 citée par E.  Lanne, l'Eglise une, in Irénikon, 1977

5 contre les hérésies, traduct. Rousseau, Paris Cerf 1984

6 texte liturgique chrétien le plus ancien, daté d'environ 150; S.C. 248,1978

7 "Il est permis de philosopher  au sujet du monde ou des mondes, de la matière, de l'âme, des natures spirituelles, de la résurrection, du jugement, de la rémunération, des souffrances du Christ, en ces matières il n'y a pas de danger de pécher."

                                                               saint Grégoire de Naziance, discours 27

8 Irénée, op. cit. en note 5, II, 25,2

9 P. Matta el Maskîn, l'unité véritable in Irenikon 1991 ou lettre de saint Elie S.14

 

 

 

Eglise sainte   

 

Le Seigneur règne. L'Eglise, le grand corps du Messie,  est remplie de sa vie, l'Esprit très Saint habite en  elle.

Le Royaume de Dieu est accessible à chaque fidèle, il ne lui est pas extérieur mais se communique à partir de son propre coeur. Abba Shénouda nous dit que ce Royaume doit être complet en nous et non partiel.

Le Royaume est proche de nous, il réside dans l'Eglise mais ne doit surtout pas être confondu avec l'Eglise.

 

Beaucoup de fidèles, parmi les meilleurs, posent leurs yeux sur la réalité de l'Eglise, et par une sorte de myopie, remarquent surtout son  incapacité de montrer le vrai visage du Christ, à vivre de l'absolu de l'Evangile, à être le lieu de la joie et de l'amour. Ils constatent avec justesse que l'histoire de l'Eglise est profondément humaine, trop humaine, avec de graves déficiences des personnes.

L'histoire ancienne de l'Eglise peut aussi s'écrire en décrivant les manques de foi et charité, les abus de pouvoir, l'envie, la mauvaise foi aveugle couplée à la petitesse d'esprit génératrice d'hérésies et de schismes.

Hélas, rien ne manque à ce catalogue à notre époque, avec en sus la sécularisation: à la  désinvolture de beaucoup de baptisés répond l'arrogance des clercs avec les querelles désormais dérisoires de primauté et d'hégémonie. 

 

D'autres fidèles se réfugient dans des communautés "traditionalistes" qui se présentent comme la "vraie Eglise des saints" ou encore " des vrais chrétiens orthodoxes". Outre une religion étriquée, à l'exemple des novatiens, donatistes et montanistes des premiers siècles,  ces groupes ont la tentation  d'exclure de l'Eglise les membres pécheurs ou non accordés à des prescriptions qui n'ont rien à voir avec l'Evangile et la tradition des apôtres, afin qu'il ne reste plus que des saints dans l'Eglise sainte.

Aussi, il n'est pas inutile de poursuivre notre étude de la formule du symbole de foi:  "Nous croyons, en l'Eglise, une, sainte et catholique et apostolique", et tenter de comprendre ce qu'entendaient en 381 les 150 pères du concile de Constantinople par l'Eglise sainte.

 

Nous chercherons chez les pères apologètes l'usage du qualificatif sainte accolée au substantif église,  puis nous montrerons que l' Eglise est sainte en raison de son union avec le Christ et de l'habitation  du Très Saint Esprit.  Alors  nous verrons que la sainteté de l'Eglise est subordonnée à sa fidélité à Dieu, la sainteté apparaissant comme la propriété de Dieu, l'Eglise étant sainte parce que appartenant à Dieu. Nous constaterons que si tous ses membres ne sont pas une image parfaite de la sainteté, l'Eglise possède en elle tous les outils pour les amener à cette gloire. C'est à la fin, à la parousie, au Jour du Seigneur, que l'Eglise qui jusque là est le sacrement du royaume , se transformera en Royaume de Dieu, le Christ régnant afin que Dieu soit tout en tous. 1 Corint. 15, 28

 

Sainte, parfaite:

"Sainte" est la première note qu'on ait jointe à notion d'Eglise.

Dans l'Ecriture, l'Eglise est appelée sainte une seule fois par saint Paul:

"Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Eglise, et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier par la Parole, après l'avoir purifiée par un baptême d'eau, afin de paraître devant lui Eglise glorieuse, sans tache ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible" Ephésiens 5, 25-27.

Dans ce texte, l'Eglise est personnifiée sous les traits d'une épouse. Sainte peut signifier parfaite; et cette sainteté est l'effet du bain de baptême, communion à la Pâque du Seigneur.

 

Mon maître M. Pierre Nautin -2- a recensé l'usage du vocable Eglise sainte dans la littérature des pères apostoliques.

 

Saint Ignace d'Antioche sur la route de son martyre vers 107, adresse ainsi une de ses lettres à la sainte Eglise de Tralles :

"Ignace, dit aussi le Théophore, à celle qui est élue et aimée de Dieu le Père de Jésus-Christ, à l'Eglise sainte qui est à Tralles d'Asie, vivant en paix dans la chair et dans l'esprit, par la passion de Jésus-Christ, espoir pour nous d'une résurrection qui nous conduira à lui..."  -3-

Ici aussi l'Eglise est personnifiée et l'attribut sainte parait dans sa place dans la phrase plus  profondément liée à l'être même de l'Eglise que les autres épithètes élue et aimée de Dieu.

 

Le récit du martyre de saint Polycarpe vers 156, nous est transmis par une lettre de l'Eglise de Smyrme aux Eglises dont voici  la suscription:

"L'Eglise de Dieu qui demeure à Smyrme à l'Eglise de Dieu qui séjourne à Philoménium et à toutes les assemblées de la sainte et catholique Eglise qui demeurent en tous lieux: Que la miséricorde, la paix et l'amour de Dieu le Père et de notre Seigneur Jésus-Christ vous soient données en plénitude." -4-

Nous rencontrons probablement pour la première fois ici l'expression Sainte et Catholique pour désigner non seulement une communauté locale mais la plénitude de l'Eglise constituée par les assemblées de tous lieux. 

 

Sainte, pure:

 

Vers 140-145, Hermas, frère du pape de Rome Pie 1er  compose une série d'instructions sous le titre de "Pasteur" pour  dire la nécessité et l'efficacité de la pénitence. Il constate les défaillances graves chez lui,  autour de lui chez les fidèles et jusque dans le clergé. Il reçoit la confession de foi en l'Eglise sainte et montre par  ses "visions, préceptes et similitudes" qu'il faut avoir en horreur le péché et les moeurs  laxistes, mais aussi éviter de décourager les pécheurs en refusant le pardon aux pénitents. Il  compare la construction de l'Eglise à celle d'une tour: Il convient d'utiliser que de belles et bonnes pierres pour les parements, les saints qui ont conservé la grâce du baptême, les pierres moins bonnes qui restent inemployées sont les pécheurs qui seront retaillés par la pénitence pour s'ajuster à l'édifice, d'autres sont rejetées de la construction mais laissées aux abords en attendant d' accepter la grâce. Hermas utilise l'expression Sainte Eglise trois fois  pour indiquer non la pureté morale de l'Eglise mais son caractère céleste. -4-

"Dieu qui  habite dans les cieux, qui du non-être a créé les êtres, les a multipliés et les a faits croître en vue de la sainte Eglise est irrité contre toi..."

Les rabbins personnifiaient la Torah et disaient que toute la création n'avait pour but que de lui servir d'écrin. Hermas transpose ce thème à l'Eglise. Toute la finalité de la création réside dans l'accomplissement de l'Eglise. Ainsi "Malkut", le Royaume préexiste en quelque sorte dans la pensée de Dieu à la création et lui est ordonnée.

 

Saint Théophile d'Antioche, un peu avant 180 dans son discours à Autolycus fait la comparaison suivante:

" Comme dans la mer il y a des îles habitées, pourvues d'eau potable et de fruits, munies d'abris et de ports pour fournir  à ceux qui sont pris dans la tourmente un refuge chez elles, ainsi Dieu a donné au monde, ballotté et tourmenté par les péchés, des lieux d'Assemblées, c'est à dire les Eglises saintes, dans lesquelles, comme dans des ports abrités des îles, il y a des écoles de vérité, où se réfugient ceux qui veulent se sauver, qui sont amoureux  de la vérité..."

La sainteté de l'Eglise a bien ici un caractère moral, puisqu'elle s'oppose aux flots des péchés du monde. Cependant saint Théophile insiste aussi et surtout sur le privilège des Eglises de posséder la vérité, leur sainteté est donc en relation avec l'enseignement de la foi orthodoxe.

 

Un premier bilan de notre enquête chez saint Paul et les pères apologètes nous livre les matériaux  suivants: L'Eglise doit être appelée sainte

* En raison  du baptême qui en fait l'épouse et la chair du Logos-incarné

* La sainteté est une vertu de la nature même de l'Eglise;

* La sainteté est exprimée par l'unité ontologique de toutes les Eglises en Christ,

* Elle est sainte avant la création du monde en tant que Royaume  de Dieu à venir;

* le Royaume se construit avec des pécheurs pardonnés;

* C'est la Vérité qui libère et fait participer à la sainteté divine.

 

Notes & bibliographie:

 

2* P. Nautin, Je crois à l'Esprit Saint dans la Sainte Eglise,

                       Coll. Unam sanctam N°17, Cerf 1947

3* Ignace d'Antioche, Polycarpe de Smyrme, Lettres et martyre de Polycarpe,

                                   traduct. P. Th. Camelot, SC N°10,  1958

4* Hermas, Le Pasteur, traduct. R. Joly, SC N° 53, 1958

 

 

Eglise sainte    -2-

 

Quand nous disons avec le symbole de Nicée-Constantinople, "nous croyons en l'Eglise sainte", nous qui sommes réunis en Eglise, nous n'avons pas la prétention d'être des justes, ni la hardiesse d'exclure de notre communauté les faibles, Dieu seul est le juge des coeurs!

Nous proclamons l'union indissoluble du Christ avec l'Eglise.

 

Epouse sainte:

 

Saint Paul pour expliquer ce mystère de notre communion avec le Christ et entre nous, utilise deux métaphores:

*la première, celle de l'unité du corps, la tête et les membres ne pouvant être dissociés et vivre indépendamment l'une des autres sous peine de mort, pour expliquer que le baptême nous unit véritablement au Christ et nous donne par cette unité la filiation divine par adoption;

*la seconde, l'image de l'époux céleste -le Christ- et de l'épouse -l'Eglise-, montre que cette union qui peut être parfaite est le fruit de deux volontés qui s'unissent librement dans la tendresse et le labeur de l'amour.

Ainsi en Ephésiens 5, 26-27, la sainteté de l'Eglise est étroitement liée à l'union sponsale avec le Logos divin. Le Christ a trouvé l'humanité abîmée par le péché, il l'a rendue pure et en a fait l'Eglise sainte.

 

La théologie orthodoxe présente l'incarnation du Logos comme l'union du Logos avec toute la nature humaine. En prenant chair dans un homme particulier, c'est toute l'humanité que le Logos a épousée par son union hypostatique, il a contracté pour ainsi dire avec l'Eglise une union qu'il a scellée par le sang de la croix, et qu'il consommera dans le Royaume à venir.

 

Les pères distinguent trois étapes dans l'union du Christ et de l'Eglise:

* l'incarnation où le Logos a pris l'initiative de s'unir à la nature humaine, Marie la vierge acceptant pour l'humanité ce projet,

 * la croix, où le Logos incarné donne à tous son propre sang, l'Eglise recevant  par la foi et l'amour la vie divine,

* enfin le Jour du Seigneur, où l'union parfaite sera réalisée dans la gloire du Royaume.

 

La sainteté de l'Eglise est celle de sa tête, de son époux. Certaines liturgies  eucharistiques font répondre par le peuple lors de l'élévation des dons consacrés par le prêtre disant "Ce qui est Saint, aux saints" le cri du coeur: "Un seul est Saint, un seul est Seigneur, Jésus-Christ à la gloire de Dieu le Père".

Le Christ est "le Saint de Dieu"  Marc 1,24 & Luc 4, 34 non seulement parce que sa volonté est une avec le Père, mais parce que "habite en lui corporellement toute la plénitude de la Divinité".  Col. 2,9.

 

Du Christ, la tête ou le Chef de l'Eglise, la sainteté, se répand dans tout le corps. L'Eglise est sainte parce que Dieu habite en elle et elle en Dieu. C'est le Christ Fils de Dieu, qui avec le Père dans l'Esprit Saint, est proclamé seul saint.

Ce même Christ a aimé l'Eglise comme son épouse, il s'est livré pour elle à la croix et l'a comblée du don du Saint Esprit. Il s'est sanctifié lui -même pour que les fidèles soient aussi sanctifiés par la Vérité. Jean 17, 19.

Nous sommes tous appelés à la sainteté, la sanctification que nous avons reçue au baptême, qui est fortifiée en nous par l'Eucharistie, il nous faut, avec la grâce de Dieu, la conserver et l'achever en vivant "comme il convient à des saints" Eph. 5,3.

 

Sainteté, grâce divine:

 

Ceci est notre programme de vie, mais nous confessons,  en disant "Un seul est saint"  ou encore selon la liturgie alexandrine de saint Basile: "béni est le saint Seigneur Jésus Christ, sanctificateur l'Esprit Saint", que c'est Dieu qui sanctifie son Eglise.

 Les hommes d'Eglise ne sont pas saints par eux-mêmes, ils ne rendent pas l'Eglise sainte. Ni l'institution, ni la bonne volonté de chacun ne créent la sainteté. Tout dans l'Eglise est saint par la grâce de Celui qui rend apte à recevoir sa volonté et son action, et qui se donne lui-même. Est saint celui qui accueille le don merveilleux.

 

Sainte par l'Esprit Saint:

 

M. Pierre Nautin, a mis l'accent sur le lien évident mais rarement explicite entre l'Esprit Saint et l'Eglise sainte  comme le témoigne le plus ancien euchologe, celui de la Tradition Apostolique présenté par saint Hippolyte de Rome.

Nous devons nous interroger sur la signification exacte du mot saint.  Dans le grec des Septante - agios - saint  est appliqué à tout ce qui concerne la divinité et ce qui lui appartient.

Les membres de l'Assemblée sont appelés par Dieu, ils répondent à cette invitation et forment l'Eglise. Aussi Dieu  qui est fidèle à ses promesses, habite et anime le corps ecclésial. Dès que le catéchumène est introduit dans l'Assemblée, la Tradition Apostolique dans les différents témoignages laissés par les textes, l'interroge sur son discernement de la présence de l'Esprit:

                       "Crois-tu en l'Esprit Saint dans la Sainte Eglise?"

Les textes qui amplifient celui de la Tradition Apostolique sont encore plus explicites:

"Crois-tu à l'Esprit Saint, bon et vivifiant, qui purifie l'univers dans l'Eglise sainte? (version copte).

 Les Constitutions apostoliques donnent la réponse:

" Je suis baptisé aussi en l'Esprit Saint <> qui a agi en tous les saints depuis toujours, puis a été envoyé aux apôtres par le Père selon la promesse de notre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ, et après les apôtres, à tous ceux qui croient dans la sainte, catholique et apostolique Eglise".

 

Si nous faisons confiance à Hippolyte, le lien entre l'Esprit Saint et l'Eglise est une donnée évidente de la foi apostolique. Quatre fois, il donne la petite doxologie  de la prière de l'Eglise selon une formule originale:

             "Gloire au Père, et au Fils, avec l'Esprit Saint dans la Sainte Eglise".

 

Dans l'action essentielle de l'Eglise, la sainte Anaphore, la Tradition Apostolique ne dit pas autre chose. L'épiclèse fait monter la prière vers l'autel céleste en disant:

"Nous te demandons d'envoyer ton Esprit Saint sur l'oblation de ton Eglise Sainte, rassemble dans l'unité tous ceux qui participent à tes saints mystères; Qu'ils soient remplis de l'Esprit Saint".

 L'action de grâce se termine par la doxologie:

" Par ton Enfant Jésus-Christ par qui, gloire à toi, et honneur, avec l'Esprit Saint dans ton Eglise sainte..."

 

L'Eucharistie est le moyen par lequel l'Esprit agit.  La seconde partie de l'épiclèse présente comme fruit de l'Oblation mystique, l'union de tous ceux qui communient, c'est à dire les membres de l'Assemblée actuelle et tous ceux qui font partie de l'Eglise depuis l'origine des siècles jusqu'à la consommation du royaume.

 

Nous pouvons conclure que l'Eglise est sainte parce que l'Esprit Saint repose en elle, comme il reposa sur le Logos incarné, Jésus le messie. Prenons bien garde tout de même de penser que la présence et l'action du Saint Esprit sont limitées au contour de l'institution-église. L'Esprit souffle où il veut pour réaliser l'Economie du Père, guider vers la vérité totale  -Jean 16-  en annonçant le mystère du Logos-incarné. Quand les hommes répondent à cette révélation, ils construisent en eux l'Eglise Sainte.

Le maître de saint Hippolyte, saint Irénée de Lyon enseigne que l'Esprit pousse vers l'Eglise,  et pour participer pleinement à l'Esprit, il faut courir à l'Eglise.

"là où est l'Eglise, là est aussi l'Esprit de Dieu; et là où est l'Esprit de Dieu, là est l'Eglise de toutes grâces. <> Tous ceux qui ne courent pas à l'Eglise, n'ont pas part à l'Esprit"                               Contre les hérésies III, XXIV,1

 

Sachant cela, la désinvolture des fidèles qui se privent de l'Eucharistie pour un tas de mauvaises bonnes raisons est absolument déconcertante. On ne peut expliquer cet abandon de la Vie que par l'absence de foi véritable ou l'influence du mauvais. 

Les misères de l'institution ecclésiastique, schismes, hérésies, abus de pouvoir, furie dogmatique ou absence de courage pour annoncer la Parole de Vérité, ne sont pas des excuses. Elles sont le fait des hommes qui usurpent  la fonction de l'Esprit Saint avec la complicité de ceux que ça arrangent ou qui s'en désintéressent. Le peuple chrétien est un peuple royal, gardien de la foi et de la pratique orthodoxe. Il ne devrait jamais renoncer à exercer la mission de son ordre.

 

Quant aux péchés personnels de chacun de ses membres, l'Eglise sainte a reçu du Sauveur le ministère de lier et de délier, pour qu'ils puissent par la métanoïa,  être purifiés et devenir saints parce que Dieu est Saint et ne peut cohabiter dans l'âme de ses élus avec les ténèbres.

 

Bibliographie:

*Hippolyte de Rome, La Tradition Apostolique, traduction B Botte, SC

* Yves Congar, L'Eglise, une, sainte, catholique et apostolique, collection  Mysterium salutis  15, 1970

* Hans Kung, L'Eglise, DDB 1968

la rédaction de ce N° repose en grande partie sur le travail de

*Pierre Nautin, Je crois à l'Esprit Saint dans la sainte Eglise, collection Unam Sanctam, N°17, 1947.

 

                                         

 

Eglise catholique   

 

 

Dans le symbole de foi du concile de Nicée-Constantinople, après avoir confessé l'Eglise, une,  sainte, nous l'appelons aussi catholique.

 

En raison du poids de l'histoire et des habitudes qui consacrent le mot "orthodoxe" aux Eglises d'Orient et celui de "catholique" à l'Eglise d'occident, certains traducteurs de la liturgie orthodoxe diminuent la portée du symbole de la foi en substituant l'adjectif "catholique" par "universelle". C'est une grave dérive, nous espérons en rendre évidentes les raisons. La foi est orthodoxe, l'Eglise est catholique.

La notion de catholicité est supérieure à celle d'universalité. Nous ne devons pas partager l'être de l'Eglise en Eglise catholique et Eglises locales mais bien en Eglises locales et Eglise universelle qui ne sont que deux dimensions de l'Eglise catholique. L'Eglise catholique dépasse le principe d'universalité et de localité pour s' étendre vers le Royaume dont elle est le sacrement.

 

Afin d'éclaircir la question, je vous propose d'examiner l' étymologie du mot catholique, son emploi  chez les pères et dans la liturgie, puis d'utiliser nos yeux spirituels pour contempler la réalité mystique avant de retourner sur terre pour apprécier comment s'accordent dans la seule Eglise une-unique, catholique, l'Eglise universelle et les Eglises locales. Nous terminerons probablement l'exposé en débordant sur la dernière note, celle de l'apostolicité, pour donner les critères d'ecclésialité d'une communauté.

 

Encore une question de diversité dans l'unité:

 

Notre adjectif catholique vient de l'adverbe grec -cath olou- qui signifie "orienté au tout".  Olos est généralement employé quand on parle de choses dont les parties ne sont concevables qu'en fonction  du tout, où les divers éléments sont unis entre eux par des liens physiques ou spirituels. Le tout est parfaitement représenté par toutes les parties.

 

Ainsi dès que nous pensons catholique nous comprenons l'unité mais aussi la multiplicité. Appliquée à l'Eglise, nous discernons une identité de l'unité avec la multiplicité qui fait que l'Eglise est catholique dans son ensemble, aussi bien que dans chacune de ses parties.  La plénitude du tout ne provient pas de la somme des parties, chaque élément possédant la même plénitude que le tout.

Il semble bien que l'adjectif catholique soit pour la première fois appliqué à l'Eglise par saint Ignace d'Antioche vers l'an 110:

 

"Là où l'évêque se montre, là doit être aussi le peuple, de même que là où est Jésus-Christ, là est l'Eglise catholique"

                                                                                Smyrn. 8,2.

Nous pouvons comprendre cette admonestation dans le sens que de même que l'Eglise toute entière est réunie en Christ, de même l'Eglise locale est assemblée en Christ invisiblement présent dont l'évêque est le représentant visible.

Là où est le Christ un  là aussi tous les fidèles forment une unité. Le Christ est le seul principe intérieur unifiant tous les fidèles de toutes les assemblées locales réunies autour de leur évêque.

 

Quelques années plus tard vers 156, la lettre encyclique de l'Eglise de Smyrme annonçant le martyre de son évêque Polycarpe dit:

 

"L'Eglise de Dieu qui est à Smyrne, à l'Eglise de Dieu qui est à Philoménion et à toutes les communautés séjournant en tous lieux de la sainte Eglise catholique." 

 

Les "communautés séjournant en tous lieux" expriment l'Eglise universellement répandue dans l'oecuméné, dans ce sens nous pouvons la nommer "Eglise universelle",  la "sainte Eglise catholique" la dimension spirituelle des Eglises unies entre elles par le lien de la foi et de l'amour dont Christ nous a aimés.

 

L'Eglise locale est toute l'Eglise catholique:

 

Les chrétiens des deux premiers siècles de l'Eglise entendent aussi "catholique" dans le sens d'une communauté locale dans la mesure où cette Eglise locale est unie aux autres communautés locales par le lien de la charité. 

 

L'assemblée locale  possède en elle la plénitude de l'Eglise, il ne lui manque rien pour se manifester le vrai corps du Christ et communiquer le salut à ses membres. L'Eglise locale parce qu'elle est catholique est Eglise tout entière, parfaite, mais elle n'est pas toute l'Eglise.

Il est nécessaire qu'elle soit en communion avec les autres Eglises, qu'elle ne se referme pas sur une fausse plénitude, qu'elle apporte aux autres Eglises son expérience et les dons de Dieu,  qu'elle reçoive aussi  des  autres Eglises leur expérience et la vérification fraternelle. Aucune Eglise ne doit et ne peut se suffire à elle-même. Toutes les Eglises locales non  additionnées mais unies par le même Père et Dieu vivant, le même Seigneur et Sauveur, le même Esprit Sanctificateur, le même Evangile du salut, le même baptême d'eau et d'Esprit et la même eucharistie repas du Seigneur,  sont ensemble et chacune en particulier l'Eglise catholique.

 

Avant que le symbole de Nicée-Constantinople soit introduit dans les rites de l'Eucharistie dans le courant du 5è siècle les anaphores eucharistiques dans leur diversité, aiment déjà honorer l'Eglise de l'adjectif catholique.

Egypte: anaphore de saint Marc (2è.S.) "Souviens-toi, Seigneur, de ta sainte et unique Eglise catholique et apostolique qui s'étend d'une extrémité à l'autre de l'univers."

       anaphore de saint Sérapion  (4è.S.): "Comme ce pain, autrefois disséminé sur les collines, a été recueilli pour devenir un, rassemble ainsi ta sainte Eglise, de toutes  races, de tous pays, de toutes cités, de tous bourgs, de toutes maisons,  et fais d'elle l'Eglise, une, vivante, catholique".

               anaphore alexandrine de saint Basile (4è.S.): "Rends-nous dignes de participer <à ton corps très saint, ton sang très précieux pour la sanctification de l'âme, du corps et de l'esprit, afin  que nous devenions un Corps et un Esprit, et que nous trouvions part parmi tes saints qui t'ont plu depuis toujours. Souviens-toi , Seigneur de ta Sainte Eglise, une-unique, sainte, catholique et apostolique qui s'étend d'une extrémité à l'autre de l'univers".

Rome: canon romain (2è.4è.S.): "Ces offrandes saintes et sans tache,  en premier lieu, nous te les présentons pour ta sainte Eglise catholique <> daigne à travers le monde entier, lui donner la paix, la protéger, la rassembler dans l'unité et la gouverner."

Jérusalem et Syrie: anaphore de saint Jacques (4è.S.): "Nous t'offrons, Seigneur , le sacrifice pour les lieux saints que tu as rendus célèbres par la présence de ton Christ et par la venue de ton Esprit très Saint, <> pour toutes les Eglises, pour ton Eglise sainte, catholique et apostolique, qui est répandue dans le monde entier. "

 

Voici ce que par la liturgie sacrée, l'Eglise dit d'elle-même. Ces intercessions ne sont pas,  contrairement à ce que certains peuvent penser,  un élément secondaire de l'Eucharistie. Il s'agit probablement d'un des éléments les plus anciens  de la structure de la prière chrétienne. Elles remontent certainement par Christ et les apôtres à l'intercession de la prière juive de l'action de grâce du repas appelé Birkat Ha Mazon.

 

Aux dimensions du Corps du Logos:

 

Mis à part le canon romain, dans nos liturgies chrétiennes, les intercessions pour l'Eglise suivent l'épiclèse, l'appel du Saint Esprit. Ce qu'on attend de la communion aux saints dons et à l'Esprit, (parfaitement exprimé par notre liturgie de saint Basile) c'est en premier lieu l'unité de la communauté célébrante et l'union indéniable de cette communauté à l'Eglise catholique.  

Chaque membre de la communauté qui célèbre le Repas du Seigneur dans l'Esprit Saint, s'unit,  par la communion,  au Corps sacré du Christ ressuscité pour être transformé intérieurement et devenir capable de sanctification; "Rends-nous dignes de participer  à ton corps très saint, ton sang très précieux,  pour la sanctification de l'âme, du corps et de l'esprit."  (prière de communion de la liturgie alexandrine selon saint Basile)

Cette  communion intime n'est pourtant pas un acte individuel privé.

La sanctification de tout l'être du communiant exige l'incorporation  mystique mais véritable au Christ manifesté  par l'Esprit dans l'Eglise qui est son Corps. (afin  que nous devenions un Corps et un Esprit).

Cette belle Eglise est parfaitement vivante par l'union de tous ceux qui ont accompli leur vocation et qui par la grâce ont gardé l'Esprit de sainteté; "Que nous trouvions part parmi tes saints qui t'ont plu depuis toujours". (liturgie alexandrine selon saint Basile)

 

Voici que notre Eglise locale,  que l'assemblée soit composée de milliers de fidèles ou d'une poignée, s'élargit à toute "l'Assemblée des élus, la Jérusalem céleste" (anaphore de St. Jacques).

La Jérusalem céleste descend sur terre et englobe "l'Eglise des Premiers Nés", les fidèles vivants dans leur corps de chair ou libérés de la chair, ceux qui sont saints et ceux qui sont en  voie de sanctification.  Voila une autre dimension de l'Eglise catholique, elle dépasse les dimensions de notre temps et de notre espace. Elle est dans la mémoire éternelle de Dieu. "Souviens-toi , Seigneur de ta Sainte Eglise, une-unique, sainte, catholique et apostolique qui s'étend d'une extrémité à l'autre de l'univers".

 

Eglise catholique    ou "Grande Eglise"

 

Bien que l'adjectif catholique se rapporte d'abord à l'expansion  de l'Eglise dans l'espace et le temps à partir de la communauté eucharistique locale, très rapidement le terme évolue dans le langage théologique pour devenir un synonyme d'orthodoxe bien que la liturgie n'enregistre pas cette inflexion. En effet, l'union des communautés, l'Eglise universelle se définit comme "la grande Eglise" par rapport aux divers courants hérétiques  et groupes schismatiques. Elle a la conscience d'être la véritable Eglise du Christ, totalisante,  qui confesse la foi orthodoxe et dont la pratique sacramentelle et disciplinaire est conforme à la foi des apôtres.

 

L'Eglise catholique confesse la foi orthodoxe:

 

Vers 410, saint Vincent de Lérins unit définitivement la notion de catholicité à celle d'orthodoxie: dans l'Eglise catholique repose la foi orthodoxe de toujours:

 

"Dans l'Eglise catholique même, il faut veiller avec grand soin à tenir pour vrai ce qui a été cru partout, toujours et par tous. Car n'est vraiment catholique, au sens fort du terme, que ce qui saisit le caractère universel de toute chose. <> Nous confessons qu'il n'y a qu'une seule foi, vraie, celle que récite l'Eglise entière, répandue sur toute la terre".

 

Ainsi la note de catholicité inclut le critère de la foi parfaite sans changement dans son contenu, même si l'expression peut varier selon les cultures et dans le temps selon la maturité de la conscience théologique.

 

Une Eglise est catholique quand elle exprime la Vérité parfaite sans omission ni ajout et réalise par sa foi et sa pratique sa vocation à la sainteté, manifestant l'aspect visible du Royaume.

Pour reprendre la formule de saint Vincent, chaque Eglise locale ne peut manifester sa catholicité qu'en accord avec toutes les Eglises de tous les lieux et de tous les temps.

 

Le critère de l'orthodoxie ne sera donc pas la définition d'un dogme ou d'une doctrine par une instance, même aussi importante qu'un primat ou un concile,  mais par la réception par le peuple de Dieu d'un enseignement qu'il reconnaît comme l'expression de l'unanimité des pères en accord avec la foi des apôtres tenue partout, toujours et par tous.

Ce qui n'a pas reçu l'unanimité ne doit pas être systématiquement rejeté mais éprouvé et tenu, s'il y a lieu, comme "opinion théologique" recommandable et utile pour certains mais ne devant s'imposer à tous.

 

L'Eglise catholique récapitule tout en elle:

 

L'Eglise, en raison de son caractère catholique est plus grande que l'homme, que ses concepts, ses structures, ses hiérarchies et même ses dogmes. Sa dimension catholique lui vient du Christ, qui est le seul qui emplit  tout en tous.  Elle est catholique, parce qu'elle est en Dieu et que Dieu est au-dessus de tout, en Lui rien de limité ou d'étroit. L'Eglise doit entrer sincèrement dans la largeur des vues divines et déposer tout égoïsme mesquin.

 

Les enfants de l'Eglise doivent sortir des limites affligeantes de l'égotisme étroit et élargir leur coeur par l'amour vaste comme le monde divin à la disposition de tous.

L'Eglise est totale, catholique, dans la mesure où elle accueille ensemble, dans le corps du Christ qui la remplit, tout ce qui appartient à l'homme et tout ce qui appartient à Dieu, en un seul être, à la fois visible et invisible, fini et infini,  existence limitée par le temps et l'espace mesurable mais aussi éternelle  et ineffable.

 

 L'Eglise selon saint Cyrille d'Alexandrie est la cité sainte qui n'a pas été sanctifiée par la Loi mais en devenant conforme au Christ et en participant à la nature divine par la communication de l'Esprit Saint.

 

L'Eglise se manifeste essentiellement mais pas seulement dans ses sacrements. Par le baptême et l'Eucharistie, tous les fidèles sont unis entre eux, unis dans le corps mystique du Christ, devenant tous ensemble un seul Corps, un seul Esprit, accédant ainsi  à la nature de l'Eglise une et catholique. Abouna Matta el Maskîn enseigne que si le corps du Christ dans l'Eglise est le secret de sa catholicité, sa personne unique est le secret de son unité. L'Eglise est catholique parce qu'elle est le corps du Fils immolé par amour pour le monde entier, qui rassemble en lui toutes choses.

 

L'Eglise catholique reçoit les ministères apostoliques:

 

L'Eglise parce qu'elle est le corps du Logos est le coeur de l'univers; tous sont destinés à entrer dans l'Eglise d'une manière ou d'une autre, car si l'homme a été appelé microcosme, l'Eglise est un macro-anthropos où la vie divine se communique dans son amour, y circule avec une spontanéité qui agit d'une manière mystérieuse dans l'innombrable multiplicité des personnes et des communautés ayant chacune sa vocation propre.

 

La réalité ecclésiale est centrée sur l'Eglise locale  où est célébrée sous la présidence du Christ sauveur son mémorial, l'Eucharistie. En tant que Corps du Christ, l'Eglise se manifeste parfaitement et complètement dans l'Assemblée eucharistique de l'Eglise locale, parce que le Christ est présent dans l'Eucharistie dans la plénitude de son corps.

 

Pour que cette eucharistie soit régulière,  elle doit être présidée par un évêque légitimement ordonné et reconnu dans son assemblée et par les autres Eglises comme successeur des apôtres, fidèle dispensateur de la Parole de Vérité.  Les prêtres ordonnés et envoyés par l'évêque participent à son charisme sacerdotal. L'Eglise locale est régit par une seule loi organique, à savoir, le ministère apostolique des évêques et des prêtres dans une communauté de fidèles sans discrimination de race et de nationalité, de sexe, de langue, de statut social ou de culture.

Saint Irénée "ne pouvant énumérer les successions de toutes les Eglises" pour affirmer "la tradition apostolique manifestée dans le monde entier" nous donne en décrivant "l'Eglise de Rome très ancienne et connue de tous", la parfaite définition de l'Eglise locale:

 

"Car l'Eglise, à laquelle en raison de sa puissance plus forte (NDLR: en raison de sa fondation sur la double fondation des apôtres Pierre et Paul) il est nécessaire que se réunisse toute l'Eglise, c'est à dire les fidèles de partout, c'est celle en qui, toujours, par les gens de partout, a été conservée la tradition qui vient des apôtres".

 

L'Eglise locale est donc essentiellement l'Assemblée de tous les chrétiens d'un lieu, venant de tous les horizons géographiques et culturels qui,   ensemble pour le bien de tous, conserve et vit de la tradition apostolique.

 

Communion des Eglises:

 

Aux premiers jours du christianisme, chaque Eglise locale s'affirmait comme autonome et indépendante des autres sauf les liens de la charité et de la foi . Ainsi la multitude des Eglises n'était cependant pas dispersée, puisque les fidèles de partout pouvaient et devaient s'intégrer à l'Eglise locale. Chaque Eglise locale ne pouvait vivre isolément des autres et ne se permettait pas de rester étrangère à ce qui se passait dans d'autres Eglises. En acceptant tout ce qui s'accomplit dans une autre Eglise, une ou plusieurs autres Eglises témoignent que tout ce qui se passe en elle est conforme à la volonté de Dieu et à la tradition des apôtres.

 

En principe, chaque acte ecclésial d'une Eglise est soumis à la réception des autres Eglises. Cela engage chaque Eglise à ne rien entreprendre qui puisse scandaliser la conscience des autres et briser la concorde. Cela peut arriver, aussi, la non-réception d'un acte mettant en cause la foi et la pratique apostolique peut aller jusqu'à la rupture de communion et l'abandon de la communauté responsable  hors de l'Eglise catholique. La conséquence de la rupture de communion est que les actes et la confession de foi de la communauté en rupture ne sont plus reçus  et certifiés par les autres Eglises comme énergie déifiante. Ce qui ne veut pas dire que l'on pose l'irréalité devant Dieu des sacrements de la communauté dissidente mais que l'on ne peut pas assurer avec la certitude de l'Esprit, s'ils correspondent bien ou non à l'Economie du Salut selon la volonté divine. Une communauté privée de communion avec les autres Eglises cesse pour ainsi dire d'exister pour ces dernières qui remettent à Dieu  le groupe qui malgré sa rupture de communion désire garder  son caractère ecclésial et son appartenance au Christ. Tout alors doit être entrepris pour retrouver l'union.

 

L'accord des Eglises locales entre elles se reconnaissant comme Eglise catholique, est manifesté en premier lieu par l'accord de leurs évêques qui sont ordonnés par les évêques des Eglises voisines, qui s'échangent les "lettres de communion"  et qui  s'informent de leurs décisions pour la gestion du troupeau du Christ. Puis très concrètement, les fidèles d'une Eglise sont reçus par les autres Eglises et admis à la communion eucharistique sans réserve comme enfants de ma même mère Eglise.

 

 

Notes et Bibliographie:

* don Casel, le mystère de l'Eglise, Mame, 1965

* Matta el  Maskîne, Un seul Christ, une seule Eglise universelle, Al Nour 1992 & Lettre saint Elie S.18, 1992

* J.A. Moehler, l'unité dans l'Eglise, unam sanctam N°2, Cerf 1938

* H. Kung, L'Eglise, Desclée 1968

* V. Lossky, Théologie mystique de l'Eglise d'orient, Aubier, 1944

* E. Mélia, le mystère de l'Eglise, in Lumière & Vie,  N° 55, 1961

* Vincent de Lérins, le Commonitorium,  trad. Meslin, le Soleil levant, 1960

* saint Irénée, contre les hérésies, paragraphe difficile traduit par P. Nautin  in Rev. d'histoire des religions, N° 101, 1957

 

     Organisation de l'Eglise catholique

 

Nous avons examiné le paradigme de l’Eglise catholique: En tant que Corps du Christ, l’Eglise se manifeste dans toute sa plénitude dans l’assemblée eucharistique locale, parce que le Christ est présent dans l’Eucharistie dans la plénitude de son Corps réel et mystique. Et aussi aucune Eglise locale ne doit se complaire en elle-même mais être en communion de foi et de charité avec les autres Eglises locales.

 

Là commencent les difficultés liées non à la réalité du Corps du Christ, ni aux principes ecclésiologiques, mais à la dimension humaine de l’organisation ecclésiastique.

 

La ferveur de la foi des martyrs s’est quelque peu refroidie par l’entrée des masses dans le christianisme consécutive à la conversion de l’empereur Constantin, puis à la proclamation du christianisme comme religion de l’empire. II a fallu poser des règlements qui rapidement ont pris le pas sur la dimension spirituelle de l’Eglise. Il fut nécessaire d’organiser les relations entre les Eglises locales et leurs évêques. Ainsi la hiérarchie de l’Eglise universelle fut décalquée sur celles des représentants de l’Etat: Les évêques des grandes villes prennent spontanément, en raison de la présidence des synodes, un pouvoir plus grand que celui des petites cités, ils regroupent leurs hiérarques dans une nouvelle entité, les métropoles.

Le synode ou concile a pour objet de favoriser la communion, la concorde et d’harmoniser (uniformiser parfois) la pratique liturgique et canonique, il a aussi pour mission à nombreuses reprises de rappeler ou définir la foi apostolique.

 

Patriarcats & métropoles:

 

Les grands centres qui ont reçu la foi de la bouche des apôtres prennent une place éminente dans l’organisation de l’Eglise, sièges d’appel et de référence, ils constituent la Pentarchie; les cinq patriarcats traditionnels: Rome, Alexandrie, Antioche, Ephèse (qui par un tour de passe-passe sera éliminée au bénéfice de Constantinople) et Jérusalem bénéficient d’une certaine primatie dans leur zone géographique.

 

Les décisions conciliaires au sujet des personnes n’étant pas toujours impartiales et l’entente entre les cinq patriarcats n’étant pas toujours évidente, un concile à Sardique en 344 auquel participa notre père saint Athanase l’apostolique, donna à l’évêque de Rome l’instance de recours de l’appel. Celle ci devait se limiter à casser le jugement et renvoyer le plaignant à un autre synode provincial; si ce dernier ne donnait pas satisfaction, une deuxième session pouvait être tenue devant le même synode en présence de prêtres romains.

 

Rome:

 

A partir de là, s’est développé l’idée d’une primauté (d’honneur ou de droit, peu importe) du siège de Rome sur les autres sièges patriarcaux. Il faut bien avouer que les protagonistes des luttes christologiques (dont notre père saint Cyrille) par leurs flagorneries en vue de capter la bienveillance romaine ont favorisé l’émergence de la revendication de Rome à la primauté universelle. Celle-ci s’est manifestée en se mêlant de tout partout, l’évêque romain prenant l’initiative, arbitrant lui même sans discussion ni concertation.

Les Eglises d’Orient contestent à bon droit mais pas toujours pour des bons motifs cet exercice de la primauté. Les Eglises d’Occident, ralliées pour des raisons politiques civiles ou ecclésiastiques à l’idée de primauté universelle, ont été absorbées par l’Eglise romaine. Elles ont vu leur autonomie disparaître et leurs primats, par l'honneur de porter le pallium romain, devenir de simples collaborateurs du pontife romain.

 

Appareil bureaucratique et Eglises nationales:

 

Voici l’état du Corps du Christ. Aux yeux du monde, l’appareil ecclésiastique est plus représentatif de l’Eglise que l’Assemblée eucharistique locale des fidèles. Et l’expérience démontre que les ecclésiastiques, volens nolens, pour de bonnes raisons sans doute, en sont trop souvent à poser la question: “Qui est le plus grand?”

 

L’organisation ecclésiale décrite plus haut est le résultat de l’histoire et il faut faire avec, Dieu n’étant pas absent de l’histoire des hommes. Mais, il convient de savoir qu’elle n’est pas de droit divin, ni intangible, ni surtout qu’elle ne doit pas effacer la dimension spirituelle de l’Eglise eucharistique.

 

Nous devons aussi être très attentif à ne pas pervertir la notion d’Eglise locale en la remplaçant inconsciemment par celle d’Eglise nationale. C’est là une tentation de l’orthodoxie. S’appuyant fallacieusement sur la 34è (ou 35 selon les recensions) règle apostolique - signalons au passage que ce recueil de canons n’est pas au sens absolu d’origine apostolique; connu que depuis le 6èS, il a reçu force de loi dans les Eglises chalcédoniennes qu’en 792 par le synode in Trullo- un théologien byzantin a écrit: “L’Eglise locale est d’un lieu, d’un sol, d’un territoire, d’un peuple ~ chaque fois, c’est 1’Eglise d’une terre, d’un climat, d’une langue, d’une race, d’un patrimoine national”. Le vrai est mélangé à l’erreur. Heureusement un autre lui a répondu: “Le principe clé canonique de l’organisation de l’Eglise réside non dans l’alternative “territorial / national”, mais dans celui de l’unicité de l’évêque du lieu. Le principe territorial n’intervint et ne commença à s’imposer qu’après Constantin”. L’apostolicité, dernière note de l’Eglise détermine l’authenticité ecclésiale d’une communauté.

 

 

Eglise apostolique

 

Nous croyons en un seul Dieu, le Père, en un seul Seigneur Jésus-Christ, un seul Saint Esprit dans l' Eglise une-unique.

 

Il  ne peut y avoir qu'une seule Eglise car le Christ la tête de l'Eglise n'a  qu'un seul corps.

 

Cette Eglise est sainte en raison de sa parfaite union avec Christ et de l'habitation de l'Esprit Saint en elle. Ses membres sont saints en raison de l'union indissoluble du Christ et de l'Eglise; Ni l'institution ni la vertu des hommes ne créent la sainteté, elle est communiquée par le don gratuit de l'Esprit Saint. C'est cette bienfaisante gratuité qui se cache sous le mot grâce tant employé par les liturgies et les théologiens. 

 

L'Eglise est catholique parce qu'elle est l'icône du Royaume, l'Assemblée des élus dans la diversité. Elle dépasse les dimensions de l'histoire, du temps et de l'espace, elle exprime la plénitude de la Vérité parfaite. Elle récapitule en elle toute vie en Dieu et pour Dieu. L'Eucharistie de l'Eglise locale manifeste la catholicité de toutes les Eglises.

 

Beaucoup de communautés spirituelles revendiquent "mystiquement" les trois notes d'unité, de sainteté et de catholicité, la question est donc de savoir dans qu'elle mesure sommes-nous en présence de l'Eglise de Dieu? Le critère objectif décisif est la quatrième note: l'apostolicité.

Là nous sommes sur un terrain sûr, mais pas sans difficultés. Il  faut éviter l'écueil de réduire l'apostolique à une certaine forme d'établissement de la hiérarchie.  La note "apostolique" de notre symbole de la foi ne se rapporte pas seulement à la hiérarchie,  ni même à ses seules  origines.

 

Le critère de la foi

 

L'Eglise  est et  demeure apostolique parce qu'elle est fidèle à la foi confiée aux apôtres par le Logos fait chair. Elle n'a d'autres vérités que celle reçue des apôtres.  Tout le reste relève du discours de circonstance et d'opinion théologique. La Vérité n'est pas un concept mais la personne même du logos, Fils du Père.

"Ainsi " écrit saint Paul aux éphésiens 2, 19.22, "vous n'êtes plus des étrangers et des gens de passage; vous êtes concitoyens des saints, vous êtes la maison de Dieu , édifiés sur la fondation des apôtres et des prophètes , et pour pierre d'angle le Christ Jésus lui-même. En lui toute construction s'ajuste et grandit en temple saint dans le seigneur. En lui, vous êtes aussi intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu en Esprit".

 

Le Christ lui-même est la pierre d'angle qui domine, soutient et couronne l'édifice de l'Eglise. Il ne permet à personne de le remplacer dans cette fonction. Pour garder la mémoire de son enseignement et de sa résurrection, il s'est choisi des témoins en la personne des apôtres; Pour nous permettre d'être témoins nous aussi, de l'oeuvre du Salut, il nous promet l'Esprit Saint pour faire éclater le temps et entrer dès cette vie dans l'éternité.

Par l'anamnèse eucharistique, toutes les phases de l'Economie du salut, la promesse, l'incarnation, le ministère, la croix et la résurrection,  sont unies en un seul mystère et nous sommes présents à ces merveilles de Dieu pour nous.

Au jour de la pentecôte, avec l'Eglise nous exprimons cette doctrine à l'Office divin : "Après ta résurrection du tombeau, ô Christ et ta divine ascension à la droite du Père, tu as envoyé d'en haut ta gloire  ô Christ compatissant. En cette fête le feu du Paraclet a illuminé les disciples, et en a fait les révélateurs du ciel. La lumière du Paraclet est venue et illumine le monde. Tu es béni, Seigneur".

 

L'Eglise est apostolique quand elle garde en tous ses membres l'accord permanent avec le témoignage des apôtres, quand elle transmet à tous ses membres, (les petits et les humbles d'abord, les savants aussi), la conscience d'être ensemble un peuple saint, illuminé par la connaissance de l'Esprit,  quand elle  confie à tous ses membres la garde de la foi apostolique.

L'Ancienne anaphore de l'Eglise romaine et d'Aquilée offrait ainsi les dons  "Père très clément pour ta Sainte Eglise Catholique,  daigne sur toute la terre, lui donner la paix, la protéger, la rassembler dans l'unité et la gouverner: une, avec ton serviteur notre pape N. notre évêque, et avec tous les fidèles gardiens orthodoxes de la foi  catholique et apostolique".

Le substantif cultor que nous avons traduit par gardien ne signifie pas seulement conservateur ou même scrupuleux observateur des rites mais aussi qui cultive, qui soigne, fait pousser, grandir.

Ainsi chaque membre de l'Eglise est envoyé ou missionnaire.

 

L'apôtre:

 

Arrêtons-nous sur la signification du mot apôtre pour bien saisir le sens de la mission apostolique.

On fait généralement dériver le mot "apôtre" de l'hébreu  "shaliah" ce qui veut dire principalement "messager". La tradition rabbinique revêt ce messager, qui reçoit un mandat officiel de sa communauté ou d'un chef spirituel ou politique, de la personnalité et de la dignité de celui qui l'a envoyé. Le shaliah d'un homme est un autre lui-même. Jésus envoie les douze en mission  dans cette conception: " Qui vous accueille, m'accueille moi-même , et qui m'accueille, accueille Celui qui m'a envoyé." Mathieu 10, 40. Jésus lui même se présente comme le shaliah, l'envoyé du Père, présence de Dieu sur terre,  et lui aussi mandate ses disciples pour prêcher l'habitation de Dieu chez les hommes en Jésus.

 

Saint Paul, tout en revendiquant  les pleins pouvoirs d'apôtre, montre les limites de son  autonomie: Il établit des Eglises, mais sans empiéter sur la mission des autres apôtres; Il pose des règles de discipline de la vie de communauté, mais s'adapte à la réalité culturelle des lieux; Il  enseigne librement mais pas isolément, il sait et il affirme qu'il est en communion avec ceux qui aussi ont reçu la mission de témoigner. Sa vocation est particulière mais son témoignage n'est pas élucubration de visionnaire, le pouvoir  au nom du Christ qu'il a reçu,  ne peut s'exercer que dans l'Esprit. Il ne peut prêcher une doctrine propre mais que le message qui lui a été confié. "La Parole que nous vous avons fait entendre n'est pas parole d'homme, mais Parole de Dieu". 1 Thess. 2,13.

 

Les douze Marc 3, 14. 19, saint Paul  Romains 1, 1. et aussi les soixante-douze Luc 10,1. et bien d'autres ont reçu la mission d'enseigner la Parole de Vérité avec l'autorité du shaliah. "Qui vous écoute, m'écoute, qui vous rejette me rejette et qui me rejette, rejette Celui qui m'a envoyé"  dit le Seigneur aux soixante-douze. Luc 10.1.

 

L'usage liturgique orthodoxe nomme Marie-Magdeleine, l'apôtre des apôtres, car elle fut chargé par le Ressuscité d'annoncer aux apôtres que le crucifié était le Vivant aux siècles des siècles,  Marc 16,10.11. et ne craint pas de nommer apôtres les fondateurs d'Eglises locales. (Marie-Magdeleine n'est pas l'unique femme apôtre, sainte Nina est l'apôtre  de la Géorgie).  Mais toujours, la fonction d'apôtre reste unique et irréitérable. Ils sont les fondateurs d'Eglise dans le sens où ils ont semé la foi dans le coeur des croyants et évangélisé un sol particulier. Si l'histoire ne peut exprimer de certitudes sur les missions locales particulières des douze, la tradition liturgique et iconographique, nous montrent bien leur visage personnel et l'originalité de leur prédication. Cela donne fondement à l'unité de l'Eglise dans les diversités des traditions locales.

 

Le pouvoir apostolique:

 

La fonction d'apôtre est intransmissible mais l'apostolicité continue à travers le temps et l'espace. Car la prédication des apôtres contenue dans les livres de la Nouvelle Alliance ainsi que dans la Tradition orale nécessaire à une juste interprétation, demeure.  Les pleins pouvoirs de lier et de délier sont passés à l'Eglise dans la personne des évêques.  

 

Les  évêques sont l'icône de leur Eglise; dans cet office, ils sont successeurs des apôtres. Successeurs dans le sens où dans le temps, ils ont pris la place laissée vacante par la mort des apôtres, mais ils ne sont pas apôtres, ils sont ce qui vient après les apôtres.

 

Les évêques n'ont pas les prérogatives des apôtres, leur pouvoir souverain est lié par la "succession apostolique". A la suite de saint Cyprien de Carthage, l'Eglise orthodoxe tient que chaque évêque ne doit pas se réclamer exclusivement de l'apôtre fondateur de son diocèse mais de Pierre et de tous les apôtres. C'est un abus de langage de se dire successeur de Pierre, de Jacques ou de Jean.

Le pouvoir de l'évêque ne vient pas de sa fonction seule en tant que principe, mais de toute l'Eglise catholique en tant que source.

La succession apostolique implique de l'évêque, de son siège et des membres de son Eglise, l'identité de leur foi avec celle des apôtres. La foi fleurit dans le dogme et dans le culte. "Notre doctrine est conforme à l'Eucharistie et notre Eucharistie est conforme à notre doctrine", dit quelque part saint Irénée.

 

La succession apostolique permet à l'Eglise de se présenter comme le mystère-sacrement permanent de la Vérité. Tout acte de l'Eglise conforme au plan du Salut est un sacrement, qu'il soit sacrement proprement dit, bénédiction, décision canonique universelle ou décret épiscopal particulier.

 

L'apostolicité n'est pas donnée une fois pour toutes , elle est une dynamique sans cesse à réaliser dans l'histoire.  

                                     

Bibliographie:

2. Paul Evdokimov, L'orthodoxie, Delachaux, 1965

3. Hans Küng, L'Eglise, Desclées, 1968

 

L'Eglise apostolique repose sur le Logos incarné

 

Les trois premières notes de l'Eglise, l'unicité, la sainteté, la catholicité, procèdent du Théanthopos (Dieu-Homme). C'est seulement parce qu'elle est en rapport avec Jésus, le Logos fait chair, que l'Assemblée chrétienne peut soutenir ces prétentions d'être une-unique, sainte et catholique.

 

 L'Eglise est une-unique car elle est le Corps vrai du Christ, l'Esprit Saint la pénètre et veut l'emplir toute entière; c'est dans le Logos, en Dieu, qu'elle trouve son couronnement.

 

Elle est sainte, étant du Logos, "en lui  habite corporellement toute la divinité", avant d'être élevé sur la croix, Jésus prie son Père pour que s'accomplisse sa mission: "C'est pour eux que je me consacre, afin qu'ils soient eux aussi vraiment consacrés, qu'ils soient un comme nous sommes un, moi en eux et toi en moi, afin que leur unité soit parfaite."

 

L'Eglise est catholique parce sa destinée est en Dieu et Dieu est au-dessus de tout, en lui rien de limité ou d'étroit.

L'Eglise catholique reconnaît donc partout ce qui est divin, elle n'a pas de limite dans le temps et l'espace, ni dans son discernement. Elle embrasse toutes nations, tous peuples, toutes races, toutes cultures. L'Eglise de Dieu n'est jamais mesquine ni étroite, son coeur est large pour amener à Dieu les fidèles sans oppression des consciences ni compression des coeurs. Elle exige de ses ministres et de tous fidèles conscients de sa dignité, des esprits larges, élevés, ayant rejetés courageusement égoïsme et peur. Ils sont invités par l'Esprit à entrer sincèrement dans la largeur des vues divines.

 

De ces critères mystiques, on ne peut hélas pas déterminer quand on a à faire avec la véritable Eglise du Christ, car la plénitude de l'unité, de la sainteté et de la catholicité, est encore pour nous à conquérir, elle est comme le Royaume, déjà là et pourtant à venir. La note qui apporte la certitude est l'apostolicité.

 

Le Christ couronne de l'Eglise:

 

Quand nous exposons que l'Eglise est édifiée sur les apôtres, nous affirmons qu'elle repose sur le Christ. Car l'apôtre est mandaté par un plus grand que lui.

"Vous êtes les concitoyens des saints, vous êtes la maison de Dieu. Car la construction que vous êtes a pour fondation les apôtres et les prophètes, et pour pierre d'angle le Christ Jésus lui-même. En lui, toute construction s'ajuste et grandit en un temple saint dans le Seigneur; en lui aussi vous êtes intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu, dans l'Esprit" écrit saint Paul aux Ephésiens 2,19.22. Le Christ lui-même soutient, et couronne l'édifice de l'Eglise. Personne ne peut le remplacer dans cette fonction, "Quand à la fondation, personne ne peut en fonder d'autre que celle qui est en place: Jésus Christ". 1 Corinthiens, 3,11. Mais alors les apôtres?

 

Après sa résurrection, le Seigneur entretient les apôtres des mystères et avant l'ascension confirme leur mission: "Allez, enseignez toutes les nations et baptisez-les... Et moi je suis avec vous jusqu'à la fin des temps." Mathieu  28,19.20.

La finale courte de l'évangile selon saint Marc rapportée par certains manuscrits remplace les versets 9 à 20 du chapitre 16 par "Les femmes racontèrent brièvement aux compagnons de Pierre, ce qui avait été annoncé. Ensuite Jésus lui-même fit porter par eux , de l'orient à l'occident, la sainte et incorruptible proclamation (Kérigma) de l'éternel Salut. Amen".

 

Donc très rapidement le mot apôtre signifia pour les chrétiens celui qui est témoin de la résurrection et qui a reçu mandat du Seigneur pour annoncer la Parole du Salut. Le mandat apostolique concerne d'abord les douze et  les soixante-douze qui ont accompagné le Seigneur dans son ministère.

 

Le nombre douze a un rapport avec Israël, le peuple de la première Alliance au douze tribus. "Vous siégerez sur douze trônes pour juger les douze tribus d'Israël". Mathieu, 19,28 & Apocalypse 21,24.

Ce chiffre symbolique, comme la promesse à Pierre, "Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise" Mathieu 16,18,  a pour fonction de montrer l'unité de la mission apostolique. Les apôtres d'une seule voix doivent annoncer à tout l'univers: "Jésus est le Messie, le Fils du Dieu vivant" Mathieu 16,16. et  "pour qu'en croyant que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, vous ayez la vie par son Nom". Jean 20, 31.

 

Ce n'est point la dignité personnelle de tel apôtre, Pierre, Jacques, Jean ou un autre, qui est la source du pouvoir de sanctification de l'Eglise, mais l'unique  mandat du Seigneur aux douze.

Les douze ont pourtant un visage particulier, Pierre n'est pas Jean, Rome n'entend pas comme Antioche, Jérusalem comme les Indes, Alexandrie comme Ephèse. Le message de l'Evangile est unique néanmoins il est reçu dans un contexte culturel déterminent pour son épanouissement.

 

 L'Evangile n'est pas seulement annonce d'un message, il exige une réponse dans la conduite de la vie quotidienne. Aussi sans être dissemblables et opposées, les expressions théologiques et cultuelles peuvent avoir des visages particuliers comme l'exprime notre unique Evangile en quatre translations. L'apôtre n'agit pas isolément mais en communion.

 

La Tradition apostolique:

 

La fonction des apôtres est unique, ils ne peuvent être remplacés, et leurs successeurs le sont dans la mesure où ils s'inscrivent dans le temps après les apôtres et restent fidèles à leur prédication.

Le témoignage des apôtres est d'abord et avant tout les Ecritures de l'Alliance éternelle puis comme l'enseigne notre Père saint Basile, tout ce qui n'a pas été mis par écrit et qui a été conservé par toutes les Eglise dans ses mystères de vie. Ainsi se forme la Tradition apostolique.

 

"Nos pères les apôtres envoyés de Dieu et les disciples apostoliques qui virent le Seigneur de leurs yeux et furent les ministres du Logos, posèrent des principes pour les canons de l'Eglise et les doctrines de l'Eglise catholique apostolique <> Ces principes sont une base excellente, sur laquelle on peut bâtir, un beau modèle à imiter et à atteindre. Nos pères, les apôtres confièrent à leurs disciples, à leurs successeurs et à ceux qui viendraient après eux, le soin de développer les conséquences, de détailler l'ensemble de l'ordre posé <> Ceux qui suivirent, les pères éminents, les docteurs agissants, qui s'en chargèrent successivement, époque par époque, siècles par siècles, n'innovèrent pas; ils poursuivirent, édifiant sur le fondement des apôtres, achevant ainsi, avec le secours du Seigneur, l'économie de l'Eglise". (Abû'el Barakât, le livre de la lampe des ténèbres, traduit par E.Villecourt et E. Tisserand, Patrologi.Orientale N°99, 1974)

 

Ainsi après la disparition des apôtres, le service apostolique demeure. Toutes les générations de chrétiens restent attachées au Corps du Christ par la cohésion de la Tradition apostolique.

 

Concrètement, comme l'écrit au XIVè S. l'écrivain copte abou el Barakât, l'apostolicité est la confrontation vivante et renouvelée de siècles en siècles de l'agir des communautés avec le témoignage originel, fondamental et normatif des Ecritures de la Nouvelle Alliance et de la tradition apostolique.

 

La Tradition n'est pas enfermement dans des formes pétrifiées, elle est poursuite de jour en jour de la construction posée par les apôtres en tenant compte des réalités concrètes du temps.

Nous pouvons dire que tout ce qui est apostolique est essentiel à l'Eglise; ce qui n'est pas apostolique, est accessoire et contingence. Beaucoup de règles sont de circonstance, il convient donc d'examiner ce qui appartient à la Tradition apostolique et ce qui a été utile un certain temps et ne l'est plus. Un apocryphe copte met en garde:   "N'imposez aucune règle hormis celle dont je fus le témoin. N'ajoutez pas de loi à celle de Celui qui a donné la loi, afin de ne pas en devenir l'esclave." -Evangile copte de Marie-.

 

C'est à partir de l'apostolicité que l'on discerne la véritable unité, sainteté et catholicité d'une communauté ecclésiale.

C'est pour cela que nous ouvrons l'Office de l'encens du temps ordinaire par le chant:

"Gloire à toi, ô Christ, Dieu, Louange des apôtres, stabilité des Eglises et joie des martyrs qui ont prêché la Trinité en un seul Dieu".

 

Eglise de l'Eucharistie, Eucharistie de l'Eglise

 

L'Eglise, dont la mission est de rassembler l'humanité en Christ, construit dans le monde présent le Royaume de Dieu. Nous ne savons certainement pas à quoi ressemblera ce Royaume au jour de la Parousie. Mais, une idée peut en être donnée si nous entendons ce que l'Eglise dit d'elle même dans sa liturgie. Hélas, les chrétiens reçoivent son enseignement plus comme un  sujet de discours ou un beau morceau de poésie que comme un programme de vie.

Pourtant l'Eglise est déjà ce qu'elle est appelée à être, le grand Corps du Christ ressuscité, les croyants sont déjà les enfants de Dieu; au-delà de cette filiation reçue par le baptême, ils doivent s'appliquer à devenir les amis de Dieu.

 

Dans l'état actuel de sa condition, l'homme ne peut se faire une idée précise de ce qui sera la gloire réservée aux Enfants de Dieu. Tout ce que nous en disons n'est qu'approximation, image, ombre de la réalité à venir.

Le Royaume est offert par Dieu, il est présent au milieu de nous mais il est aussi encore objet de l'espérance.

 

Comme l'adoption des hommes au titre d'enfants de Dieu dans le Fils unique Jésus-Christ, le Salut est acquis, dans la mort et la résurrection du Christ, mais les hommes attendent encore sa pleine réalisation. Pour les pères apostoliques et saint Irénée, le Salut correspond au projet divin pour l'humanité: la vie éternelle en communion avec Dieu.

 

Dans l'état de sa condition terrestre, l'Eglise, elle aussi, attend la pleine réalisation de ce qui lui a été donné, elle possède cependant les prémices de l'Esprit Saint  répandu sur la multitude des croyants, depuis le jour de la Pentecôte.

Elle est tout entière dans cette tension dynamisante du déjà donné et de l'attente du don.

 

Le Christ lui-même est celui qui assure à tous ceux qui croient en lui l'union dans cette tension: il unit son Eglise par la grâce des Mystères: par le baptême qui incorpore le croyant à son Corps ressuscité et par l'eucharistie qui est communion à son même Corps pour la vie éternelle. Comme le dit Paul, dans la lettre aux Corinthiens :"La coupe de bénédiction que nous bénissons n'est-elle pas une communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons n'est-il pas une communion au corps du Christ ? Puisqu'il y a un seul pain, nous sommes tous un seul corps ; car tous nous participons à cet unique pain " 1 Co. 10, 16-17.

 

A la suite des affirmations apostoliques, les Pères de l'Eglise ont toujours considéré que l'Eglise est une union des hommes au Corps du Christ ressuscité, notamment par la participation à l'eucharistie. Elle est le lieu de la communion, de la koinônia, ce terme grec qui désigne la situation de quelqu'un qui a part avec d'autres à quelque chose.

 

La Koinônia, c'est premièrement l'union personnelle que les croyants ont avec le Christ Jésus; c'est aussi la communauté des biens qui sont propres à toute la communauté chrétienne: la foi, le corps et le sang du Christ; c'est encore la communauté que les fidèles peuvent former entre eux par une même communion au Christ et aux biens que celui-ci leur donne par sa grâce.

La communion apparaît ainsi comme le fondement même de toute l'existence chrétienne.

 

Les fidèles, entrant en partage avec Dieu par Jésus-Christ, entrent en communion les uns avec les autres, par celui qui les institue comme enfants de Dieu, comme ayant part à sa propre condition de Fils. Le signe de la communion est l'Eucharistie célébrée ensemble pour chacun et pour tous. L'eucharistie est le sacrement des sacrements, et l'Eglise est véritablement la koinônia eucharistique, célébrée en mémoire du Seigneur depuis la résurrection du Christ jusqu'à son retour dans la gloire à la Parousie.

 

Les pères considèrent que la qualité de membre de l'Eglise appartient à celui qui participe à la communion eucharistique, aussi pour ceux qui s'éloignent de la communion de la foi orthodoxe ou qui violent les règles de la paix ecclésiale par leur comportement subissent l'excommunication qui entraîne explicitement la privation d'une telle participation.

"Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur Jusqu'à ce qu'il vienne. C'est pourquoi celui qui mangera le pain ou boira la coupe du Seigneur indignement, se rendra coupable envers le corps et le sang du Seigneur. Que chacun s'éprouve soi-même, avant de manger ce pain et de boire cette coupe ; car celui qui mange et boit sans discerner le corps du Seigneur mange et boit sa propre condamnation " 1 Cor. 11, 2629. Cette condamnation que rapporte l'apôtre Paul ne s'applique pas en priorité à un état moral, mais à une faute de discernement, à un manque de foi.

Le discernement auquel appelle l'apôtre Paul concerne en premier lieu l'impérieuse obligation de ne pas confondre le Repas du Seigneur avec d'autres aliments puis la nécessité de découvrir toutes les exigences de la communion au Corps du Christ.

 

La communion des saints:

 

Et l'exigence qui rassemble toutes les autres est celle de vivre dans l'unité, puisque ceux qui communient à un seul et unique pain forment un seul et unique corps comme le rappelle avec insistance notre anaphore selon saint Basile.

" Rends-nous dignes, Maître, de participer à tes saints mystères pour la sanctification de l'âme et du corps et de l'esprit, afin que nous devenions un Corps et un Esprit et que nous trouvions part parmi tes saints qui t'ont plu depuis toujours".

Ainsi, la "communion des saints" désigne à la fois la communion des fidèles entre eux (déclarés "saints" parce que leur Père céleste est le Saint) et la participation aux mêmes "dons saints", le pain et le vin de l'eucharistie, qui font entrer les fidèles dans le mystère divin, par l'action de l'Esprit.

 

L'Eglise ne doit donc pas se définir seulement par son appareil ecclésiastique, mais essentiellement par le culte qui la rassemble, dans une communauté de table autour du Ressuscité. Et c'est lui-même qui convoque dans l'Esprit Saint la multitude des hommes autour de la table sainte pour rendre le culte en Esprit et Vérité au Père de toute gloire.

 

Plénitude du Corps

 

La présence divine dans nos Assemblées ne peut jamais être morcelée, même si les Églises locales sont différentes les unes des autres: toute Eglise locale est la totalité de l'Eglise du Christ : un évêque n'est pas l'évêque d'une partie de l'Eglise, il est l'évêque de toute l'Eglise du Christ une, sainte qui réside dans un territoire donné. Il a reçu l'épiscopat solidaire (in solidum: comme un tout partagé, on pourrait utiliser aussi le mot grec koinônia) avec tous les autres évêques.

Chaque communauté réalise, d'une manière sacramentelle, la plénitude du Corps du Christ, dans le mystère eucharistique.

De cette manière, chaque Eglise locale suppose toutes les autres; elle se rassemble, non pas isolément, mais avec toutes les autres, pour se réaliser dans son être profond, qui est le "Corps du Christ", qu'elles constituent toutes ensemble.

Elles sont unies par l'identité de leur foi et de leur témoignage, autour d'une même table eucharistique. Les intercessions de la divine anaphore de saint Basile complètent l'épiclèse (invocation de l'Esprit saint) sur la communauté et les dons présentés par la mémoire de toutes les Eglises et de toutes conditions dans l'Eglise:

"Souviens-Toi, Seigneur, de ta sainte Eglise, une-unique, sainte, catholique et apostolique qui s’étend d’une extrémité à l’autre de l’univers : donne la paix à celle que Tu as acquise par le précieux Sang de ton Christ. Garde-la dans la paix avec tous les évêques orthodoxes qui sont dans son sein. En premier lieu, Souviens-Toi, Seigneur, de notre Grand prêtre, notre patriarche abba Shénouda, accorde à tes saintes Eglises qu’il vive de longs jours en paix, en bonne santé, dans l’honneur, et qu’il soit fidèle dispensateur de ta parole de Vérité. Souviens-Toi, Seigneur, de tous les évêques orthodoxes qui dispensent fidèlement la parole de ta Vérité. Conserve-les à ton Eglise et donne-leur de conduire ton troupeau dans la paix. Souviens-toi, Seigneur, des higoumènes, des prêtres orthodoxes et des diacres, Souviens-toi de tous les ministres de l'autel, des moines, et de tout ton peuple fidèle.  Souviens-toi, Seigneur, de nous tous, et aie pitié de nous tous ensemble. Souviens-toi, Seigneur, du salut de ce lieu saint qui est à toi, de tous les lieux qui te sont consacrés et des monastères de nos pères orthodoxes; épargne-les. Souviens-Toi, Seigneur, de ceux qui T’ont offert ces Dons et de ceux pour qui, ils ont été offerts, donne à tous la récompense céleste."

 

L'Eglise est avant tout la communauté où Dieu est présent dans les Mystères célébrés, essentiellement dans l'Eucharistie, car c'est le moyen par lequel la mort et la résurrection du Seigneur Jésus Christ sont annoncées, commémorées, vécues et réalisées en toute vérité, jusqu'au jour où il viendra dans la gloire de sa seconde venue. C'est pourquoi nous pouvons affirmer :

" L'Eglise fait l'Eucharistie, l'Eucharistie fait l'Eglise."

                                                                          

 

 

 

                                        

 

 

 

 

 

 

 
Ecclésiologie