Remplie de ta gloire est toute la terre

 

Le Temple de Jérusalem était le siège de la présence manifeste de son créateur dans le monde matériel selon la tradition juive.

 

Un principe fondamental de notre foi héritée du judaïsme est que "La terre entière est remplie de Sa présence " -Isaïe 6, 3- et "Il n’existe pas un endroit vide de Lui " -Tikounei Zohar 57-. Nous chantons à l'office divin: "Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu des Armées célestes, le ciel et la terre sont remplis de ta gloire et de ta splendeur. Tu es Saint, trônant parmi les saints, tu es Saint dans les cieux, résidence de ta majesté; tu es Saint sur la terre, œuvre de ta toute-puissance; tu es Saint à jamais dans tous les siècles et dans l'éternité; remplie de ta gloire est toute la terre. Bénie est la gloire du Seigneur en son sanctuaire".

 

Mais la présence et l’engagement du Seigneur dans sa création sont masqués par les mécanismes, fruits de la chute d'Adam, en apparence indépendants et arbitraires de la nature et de l’histoire.

Le Temple constituait une ouverture dans le voile, une fenêtre à travers laquelle Dieu projetait sa lumière dans le monde. Là, Dieu se montrait à l’homme et l’homme se présentait devant Dieu. Jésus nous a montré que son corps est le véritable temple.

 

Pendant le temps pascal, nous lisons le livre de l'apocalypse, et  notre âme contemple, cachée derrière l'effroi des temps de l'antéchrist, une vision d’un monde en paix avec lui-même et avec son Créateur, un monde dont la lumière est celle des énergies divines. C’est une vision du trône de Dieu et de l'Agneau dans les cieux. C’est également une vision qui porte une promesse: la vision de la Jérusalem céleste prête à descendre sur terre, une vision qui nous inspire et nous engage à nous convertir, nous tourner vers Dieu, et ainsi hâter le jour où cette vision spirituelle deviendra une réalité concrète.

Il s'agit d'une nouvelle création, non pas par disparition du cosmos mais par sa transfiguration.

À travers ces visions répétées, vivre avec la présence divine devient de plus en plus une seconde nature pour nous, nous élevant progressivement au niveau d’être dignes de vivre notre vie quotidienne par le Christ, en Christ, dans l'Esprit Saint. Dans l'attente, Dieu choisit de révéler sa présence en nous et dans notre monde dans une demeure, l'Eglise sainte qui appelle à la bénédiction, la transfiguration du cosmos par les sacrements, mystères de l'Esprit qui nous sont distribués à partir d'objets concrets de notre monde: eau, pain, vin, huile, ornements et architecture sacrés. 

Chaque nouvelle année liturgique avec nos prières d'action de grâces pour la création, http://coptica.free.fr/dimanche_de_la_creation_1151.htm nous recevons une vision de notre monde comme résidence divine, un lieu où toutes les créatures de Dieu jouiront de sa présence.

Mais c’est aussi la vision du vêtement  sacré du baptême, le discernement d’une relation personnelle avec Dieu parfaitement adaptée à notre hypostase unique, que nous connaîtrons tous et chacun, quand Dieu sera tout en tous. 

                                                                            +  Elias-Patrick

 

L'homme & le cosmos

Le mystère de l’être créé.

 

Pour le christianisme, le monde n’est pas orphelin; il n’est pas davantage une simple émanation de l’absolu. Il jaillit neuf des mains du Dieu vivant, et le voici, voulu par Dieu, jubilant de cette allégresse adorante que décrivent les psaumes et le livre de Job où les constellations crient de joie, – une " ordonnance musicale ", un " hymne merveilleusement composé ", disait saint Grégoire de Nysse dans son commentaire des Psaumes (PG 44, 441B).

 

 

 

La créature, passage perpétuel du néant à l’être dans l’aimantation de l’infini, est ce mouvement dans lequel sont simultanément donnés le temps, l’espace, les structures de la matière : " Ce monde est un semi-être toujours fluent, en devenir et vibrant, et, au-delà, l’oreille sensible perçoit une autre réalité " (Paul Florensky).

Ainsi, dans la vision chrétienne, la nature est une réalité neuve, vraie, dynamique, animée, disent les Pères, par une force " lumineuse " que Dieu met en elle comme tension vers la transcendance. C’est pourquoi, comme l’a souligné Florensky, seul le christianisme a permis d’interpréter correctement le sens du créé, de sorte que toute exploration scientifique de la nature présuppose la révélation biblique: "Alors seulement les hommes ne virent plus dans le créé la simple coquille du démon, une sorte d’émanation, de mirage de la divinité, tel l’arc-en-ciel dans une goutte d’eau, alors seulement on a pu concevoir le monde comme une créature de Dieu, autonome dans son être, sa justification et sa responsabilité."

 

Simultanément, la gloire de Dieu se découvre à la racine même des choses. Dans son être vrai, la créature a des racines célestes. Selon son logos, son " nom ", la vivante parole par laquelle et dans laquelle Dieu la suscite, la créature exprime à sa façon, par son être même, la gloire divine. Car " autre est l’éclat du soleil, autre celui de la lune, autre celui des étoiles, et même une étoile diffère en gloire d’une autre étoile " --1 Co 13, 41-.

À la rencontre de ces approches complémentaires naît une conception chrétienne du symbole. Le monde n’est pas Dieu mais son temple, son " lieu ", comme disent du " cœur " les Silencieux. <>

 

L’homme prêtre et roi de l’univers.

 

Si l’univers se tient devant l’homme comme une première révélation, c’est à l’homme qu’il appartient de déchiffrer d’une manière créatrice celle-ci, en rendant consciente la louange ontologique des choses.

Dans le rapport secrètement nuptial qui l’unit à l’homme, le monde, comme une impersonnelle féminité, à la fois " se tient devant " lui et forme avec lui une seule chair. L’univers sensible tout entier prolonge notre corps. Ou plutôt, comme nous l’avons dit, qu’est-ce que notre corps sinon la structure qu’imprime notre personne, notre " âme vivante ", à la " poussière " universelle, pour employer deux expressions bibliques ?

Il n’y a pas de discontinuité entre la chair du monde et celle de l’homme, le monde est le corps de l’humanité. L’homme est un " petit monde ", un " microcosme ", qui résume, condense, récapitule les degrés de l’être créé, et peut ainsi connaître l’univers de l’intérieur. <>

 

                                   

 

L’homme toutefois, nous le savons, est beaucoup plus qu’un microcosme: il est une personne à l’image de Dieu. Dans sa liberté personnelle, il transcende l’univers, non pour l’abandonner mais pour le contenir, dire son sens, lui communiquer la grâce. L’univers, par l’homme, est appelé à devenir l’" image de l’image " (saint Grégoire de Nysse). Les Pères ont interprété dans ce sens le second récit de la création (Gn 2, 4-25), qui situe l’homme au principe du monde créé. Seul l’homme est animé par le Souffle même de Dieu et, sans lui, les " plantes " ne pourraient croître, comme si c’était en lui qu’elles s’enracinaient. Et c’est lui qui " nomme " les animaux, déchiffrant leurs essences spirituelles. Seul l’homme – non seulement roi mais prêtre – peut permettre à l’univers de correspondre à sa secrète sacramentalité. Adam fut placé dans le monde pour le " cultiver ", pour parfaire sa beauté. Vladimir Soloviev disait profondément que l’humanité doit devenir un Messie cosmique collectif appelé à " soumettre la terre ", c’est-à-dire à la transfigurer.

 

L’homme, pour l’univers, c’est donc l’espoir de recevoir la grâce et de s’unir à Dieu, c’est aussi le risque de l’échec et de la déchéance car, détourné de Dieu, l’homme ne verra des choses que l’apparence et leur imposera un faux " nom ". Rappelons le texte fondamental de saint Paul qui correspond à une situation de déchéance et de rédemption que nous évoquerons plus loin, mais où l’on voit, en Christ, se rouvrir la vocation médiatrice de l’humanité : " La création attend la manifestation des [hommes comme] fils de Dieu. Car elle a été soumise au vide, non de son plein gré, mais par l’intermédiaire de [l’homme] qui l’y a soumise, avec toutefois l’espérance que la création elle aussi sera délivrée de la corruption asservissante pour participer à la liberté glorieuse des enfants de Dieu " (Rm 8, 19-21).

Ainsi tout ce qui se passe en l’homme a une signification universelle et s’imprime sur l’univers. Le destin de l’homme détermine le destin cosmique.

La révélation biblique, prise dans sa portée symbolique, nous place devant un anthropocentrisme résolu, non pas physique mais spirituel. L’homme, parce qu’il est à la fois " microcosme et microthéos ", résumé de l’univers et image de Dieu, et parce qu’enfin Dieu, pour s’unir au cosmos, s’est fait homme, l’homme est l’axe spirituel de tout l’être créé, de tous ses plans, de tous ses mondes.

Les saints voient l’univers en Dieu, pénétré de ses énergies, ne formant qu’un tout – mais un tout minuscule – dans sa main. <>

 

Certains Pères grecs, comme Grégoire de Nysse, et certains théologiens russes de la première moitié de notre siècle, qui furent parfois, comme Paul Florensky, de grands physiciens, ont élaboré une théorie dynamique de la matière qui permet de rendre compte des données scripturaires concernant la portée cosmique de la chute, les miracles du Christ, sa corporéité spirituelle après la résurrection, la résurrection des corps et son anticipation dans la sainteté.

Pour Grégoire de Nysse, par exemple, la matière provient de la convergence de structures intelligibles. Soulignons immédiatement que Grégoire attribue une certaine matérialité à l’intelligible, Dieu seul étant immatériel. Ce qu’il veut dire, c’est que la " matière " est la concrétion de " pensées " " perceptibles par l’esprit et non par les sens ", et que ces structures créées sont le lieu de rencontre de l’Intelligence divine et de l’intelligence humaine.

On pourrait se demander si la science contemporaine, quand elle découvre les " systèmes ", les " structures ", prodigieusement complexes, qui seuls font exister l’univers, n’aboutit pas à des conclusions analogues.

Or, pour les Pères et pour les grands ascètes – qui parlent d’expérience –, cette conception montre qu’il existe des états spirituels fort divers de la matérialité, dont on pourrait dire qu’ils sont, de la part de l’homme, des états de contemplation ou d’aveuglement. C’est dire que la situation du cosmos, sa transparence ou son opacité à la lumière divine dépendent de la propre transparence ou opacité de l’homme.

Du moins initialement et maintenant en Christ, dans l’Esprit Saint, car l’homme, en asservissant l’univers au " vide ", s’est lui-même asservi à un état " contre nature " de la matière

 

La chute comme catastrophe cosmique.

 

Les Pères, approfondissant de nombreuses données bibliques, ont montré dans la chute une véritable catastrophe cosmique, l’occultation de la modalité paradisiaque et l’apparition d’un nouvel état de l’existence universelle. L’homme, fils de Dieu, a voulu tuer le divin Père pour s’emparer de la terre mère.

"L’Homme, dit Maxime le Confesseur, a voulu s’emparer des choses de Dieu sans Dieu, avant Dieu et non selon DieuC’est pourquoi  il livra la nature entière comme une proie à la mort." (PG 91, 1156C).

L’homme a cessé alors de percevoir réellement le monde vrai, tel que Dieu le porte dans sa gloire, car la création ne s’impose pas davantage à nous que le Créateur.

Il voit l’univers à l’image de sa propre déchéance, dans le mouvement de sa convoitise et de son dégoût, et par là l’obscurcit, le durcit, le morcelle. Ainsi naissent les modalités meurtrières du temps, de l’espace et de la matière, le temps de l’usure et de la mort, l’espace qui sépare et emprisonne, la matérialité opaque, déterminée, miroir de notre mort spirituelle. La terre violée devient tombeau pour l’homme, Œdipe aux yeux ensanglantés.

 

Dieu cependant, même exclu du cœur de l’homme, c’est-à-dire du cœur du monde, maintient celui-ci du dehors, introduit un certain ordre pour éviter une totale désintégration, permettre l’histoire et finalement le Salut.

Les lois de la nature, par la continuité qu’elles assurent, témoignent de l’Alliance cosmique conclue par Dieu avec l’humanité au lendemain du déluge, cette crue, à travers la méchanceté humaine, des eaux originelles où la création déchue a failli se dissoudre : " Tant que la terre durera, semailles et moissons, froid et chaud, été et hiver, jour et nuit ne cesseront plus " -Gn 8, 22-.

Toutefois cette Alliance, conclue non seulement avec l’homme mais avec " tous les êtres animés ", inclut désormais la mort, un rapport d’extériorité et de violence entre l’homme et l’univers. La tâche cosmique de l’homme est rappelée, mais il sera " craint et redouté ". <>

 

Le cosmos secrètement transfiguré en Christ.

 

Existence personnelle plénière, le Fils de Dieu, quand il devient Fils de la Terre, non seulement se laisse contenir par l’univers en un point de l’espace et du temps, mais contient en réalité l’univers.

Il ne veut pas s’approprier à travers son corps le monde comme une proie mais, par son attitude constamment eucharistique, il le fait corps d’unité, chair à la fois cosmique et eucharistique. En lui le monde devient corporéité spirituelle, non pas dématérialisée mais vivifiée par l’Esprit. Il enfouit volontairement sa corporéité lumineuse dans notre corporéité souffrante et laborieuse, afin que sur la Croix, et dans l’aube soudain radieuse de Pâques, tout s’illumine: non seulement l’univers, mais tout l’effort humain pour le transformer.

C’est pourquoi le corps et le sang du Christ ne sont pas seulement raisin et blé, mais pain et vin. En lui, autour de lui, la matière déchue n’impose plus ses déterminismes et ses limitations, elle redevient moyen de communion, temple et fête de la rencontre. En lui, autour de lui, le monde " gelé " par notre déchéance fond au feu de l’Esprit, retrouve son dynamisme originel. En lui, autour de lui, le temps et l’espace ne séparent plus, une dimension de résurrection les métamorphose.

       

De fait, la résurrection et l’exaltation du Christ dans la gloire ont revêtu, dans la première pensée chrétienne, une portée cosmique. La Croix devient le nouvel arbre de vie, elle rend accessible aux hommes la modalité ressuscitée de l’être créé.

"Cet arbre monte de la terre aux cieux. Plante immortelle, il se dresse au centre du ciel et de la terre, ferme soutien de l’univers, lien de toutes choses, entrelacement cosmique. Dans son ascension, le Christ rendit vie et force à toutes choses comme si, par le sacrifice de la Croix, la divine extension avait tout pénétré ", ( attribué à Jean Chrysostome, PG 59, 743-746).

Tout désormais, jusqu’à ces antinomies que la physique contemporaine doit entrecroiser pour approcher l’étoffe même du monde, est marqué du signe de la croix.

Toutefois, cette transfiguration est à la fois secrète et offerte, "sacramentelle". Illuminé en Christ, le monde reste figé dans son opacité par l’opacité des hommes.

La libération définitive du cosmos exige non seulement que Dieu se fasse homme, mais que l’homme se fasse Dieu. Le Christ a rendu les hommes capables de recevoir l’Esprit, c’est-à-dire de coopérer à l’avènement du Royaume.

 

Les Pères élucident cette transfiguration en cours en utilisant le langage du caché et du découvert. "Le feu caché et comme étouffé sous la cendre de ce monde éclatera et embrasera divinement l’écorce de mort " (saint Grégoire de Nysse, PG, 45, 708B). Maxime le Confesseur donne ici une signification cosmique à l’épisode du Buisson ardent et annonce qu’à travers la communion des saints se manifeste et se manifestera " ce feu ineffable et prodigieux caché dans l’essence des choses comme dans le Buisson " (PG 91, 1148C)

 

Église et cosmos.

Entre la première et la seconde venue du Seigneur, entre le Dieu-homme et le Dieu-univers, entre la modalité déchue de l’être et sa modalité transfigurée, il y a l’Église, comme " limite " et comme " passage ".

Chaque chrétien, par sa communion aux Choses Saintes, c’est-à-dire à l’eucharistie, et dans la communion des saints, devient lui-même une vivante " limite ", où la mort passe dans la vie.

L’histoire cosmique de l’Église est l’histoire d’un enfantement, celui du cosmos comme corps de gloire de l’humanité déifiée. L’Église est la matrice divino-humaine où se tisse ce corps universel de l’homme nouveau, des hommes nouveaux : " La création tout entière... souffre les douleurs de l’enfantement... jusqu’au moment de sa régénération " (Ro 8, 20-22).

                                

Les " mystères " de l’Église, c’est-à-dire les divers aspects de la vie de l’Église comme sacrement du Ressuscité, constituent le centre et le sens de la vie cosmique. Les choses n’existent que par les prières, les bénédictions, les transmutations de l’Église: " En tout cela, la matière auparavant morte et insensible transmet les grands miracles et reçoit en elle la force de Dieu " (saint Grégoire de Nysse, PG 46, 581B).

 

Tout culmine à la métamorphose eucharistique. Pour saint Irénée, c’est toute la nature que nous offrons, afin qu’elle soit " eucharistiée ".

Dans l’Offrande, rappelle Cyrille de Jérusalem, " on fait mémoire du ciel, de la terre, de la mer, du soleil, de la lune et de toute la création... " (Catéchèses mystagogiques, V, 6).

Si les sucs montent de la terre, si l’eau décrit son cycle fécondant, si le ciel et la terre s’épousent dans le soleil et dans la pluie, si l’homme laboure, sème, moissonne et vendange, si le cellier tressaille d’un noir parfum, si le vieux grain meurt dans la terre et le grain nouveau sous la meule, c’est pour qu’enfin une nourriture apparaisse qui ne transmette que la vie, c’est pour qu’enfin l’œuvre de l’homme fasse de la chair de la terre un calice offert à l’Esprit.

Pour et parce que: de ce centre lumineux en effet, de ce peu de matière introduite à l’incandescence du Corps de gloire, le feu gagne jusqu’aux rochers et aux étoiles dont la substance est présente dans le pain et le vin, la sanctification eucharistique protège le monde, sature lentement d’éternité le cœur des éléments, prépare la transformation du monde en eucharistie.

Ainsi l’Église apparaît comme le lieu spirituel où l’homme fait l’apprentissage d’une existence eucharistique et devient authentiquement prêtre et roi: par la liturgie, il découvre le monde transfiguré en Christ et désormais collabore à sa métamorphose définitive.

La mission cosmique de l’Église se multiplie activement dans le monde par l’humble royauté de l’homme liturgique. L’homme sanctifié est un homme qui sanctifie. <>

 

La Contemplation de la nature constitue ainsi un aspect majeur de la spiritualité chrétienne traditionnelle. Il importe, dit Maxime le Confesseur, de déceler les essences spirituelles des êtres et des choses pour les présenter à Dieu comme des offrandes de la part de la création " (Mystagogie, II).

L’homme, ici, cesse d’objectiver l’univers par sa convoitise et son aveuglement pour l’identifier au Corps du Ressuscité. Il comprend le langage de la création. " Tout ce qui m’entourait, dit le Pèlerin russe, m’apparaissait sous un aspect de beauté: tout priait, tout chantait gloire à Dieu! Je comprenais ainsi ce qu’on appelle la connaissance du langage de la création et je voyais comment il est possible de converser avec les créatures de Dieu."

Le monde se révèle alors comme une église dont l’autel est le " cœur-esprit " de l’homme spirituel. Une charité cosmique meut celui-ci: " Qu’est-ce que le cœur charitable? demande Isaac le Syrien. C’est un cœur qui s’enflamme d’amour pour la création tout entière. Celui dont le cœur est tel ne pourra se rappeler ou voir une créature sans que ses yeux se remplissent de larmes à cause de l’immense compassion qui le saisit. C’est pourquoi cet homme ne cesse de prier, même pour les reptiles, mû par la pitié infinie qui s’éveille dans le cœur de ceux qui s’unissent à Dieu " (Discours 81, 2). <>

    

Toute civilisation oscille entre le retour au paradis, par la fête, l’art, le loisir où l’homme s’émerveille gratuitement de la nature, et le travail comme humanisation de la matière du monde en un corps appartenant à tous les hommes. Là aussi l’homme est appelé à collaborer avec Dieu pour le Salut de l’univers.

Dans la connaissance de la nature comme dans sa transformation, il nous appartient de vivre la grande eucharistie cosmique: " Ce qui est à toi le tenant de toi, nous te l’offrons en tout et pour tout " [Anaphore des apôtres].

 

                      Olivier Clément (2009 †) -Extraits de : Questions sur l’homme, Stock, 1972 

 

Lettre aux amis du sanctuaire du prophète Elie. Septembre/octobre 2017

Cosmos et humanité