La rémission des péchés et la confession
Au cours de nos offices, nous prions pour le pardon (ou rémission) des péchés.
S'il est un concept complètement ignoré par nos contemporains, et obscur pour les croyants, c'est bien celui de péché, souvent confondu avec "une certaine culpabilité judéo-chrétienne". Assurément certains discours religieux, quelques articles vieillis de catéchisme et leçons de morale, n'ont pas facilité son entendement. Du péché donc, on n'en parle pas, trop, ou approximativement.
La vraie signification du mot français péché
De nombreux termes hébreux, dans notre bible, recouvrent la réalité de ce que le grec des septante et du Nouveau Testament réduira par un seul mot, "péché": "manquement, iniquité, rébellion, injustice, méchanceté". Toutefois celui qui résume ces situations est "hatta't" que les traducteurs juifs de notre septante ont rendu aussi par le grec "hamartia", ce qui nous donne en français: "égarement, détournement, erreur". Des lexicologues avancent que l'origine du mot serait un terme de tir: "manquer la cible". D'où l'idée de "manquer" à une règle, à un usage, à un engagement de l'Alliance. Le sens de " tordu, détourné [de Dieu]" "hanef" paraît aussi intéressant, en raison de son contraire qui est utilisé pour désigner la conversion du pécheur: "téchouva" le retour à Dieu".
Il faut être attentif aux significations du mot péché: il est employé par Christ et les chrétiens au singulier ou au pluriel pour marquer 1) son sens prototype: "le péché d'Adam", le péché premier (il faut d'ailleurs remarquer que le mot n'est pas prononcé dans le récit de la genèse) 2) les péchés, fautes, transgressions, dénoncés dans le pentateuque et par les prophètes.
Le péché d'Adam
Le péché d'Adam consiste essentiellement dans la volonté de l'humanité de se détourner de Dieu, pour décider "du bien et du mal", c'est-à-dire de se poser comme la mesure pour disposer à sa guise de soi et de la création. Ce détournement de l'homme de son créateur pervertit la relation d'amitié qui prévalait dans le paradis. Se détournant de Dieu, l'homme n'a plus accès à "l'arbre de vie". La rupture avec Dieu entraîne la rupture entre les membres de la société humaine et la création. –Gn 3,12sq – Gn 3,17sq – Gn 4,8). Bien plus, les pères voient dans l'exil d'Adam et Eve du jardin du paradis et la garde des portes par les chérubins, la perte du Souffle de vie, l'Esprit qui reposait en eux. Et disent les rabbins: nous sommes tous Adam et Eve!
Le Logos de Dieu a prit chair, Jean Baptiste le présente comme "l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde" Jn 1,29-, Lui-même lors de la cène, annonce le sacrifice de la croix et institue l'eucharistie, donne le calice en disant " Buvez-en tous, ceci est mon sang, le sang de l'Alliance versé pour la multitude en rémission du péché". -Mt.26,28- La mort sur la croix et la résurrection de Jésus, libère les croyants du péché d'Adam. Car récapitulant en lui l'humanité, lui exempt du péché, se solidarise avec les pécheurs, et il communique à ses disciples sa victoire sur la mort due au péché. Saint Jean ose affirmer que " quiconque est né de Dieu cesse de pécher, la puissance de Dieu est en lui, il ne peut plus pécher parce que né de Dieu"; 1 Jn 3,9- Jean parle certainement de l'abolition de la conséquence primordiale du péché d'Adam par le baptême, qui nous fait cohéritiers du Christ et nous rend la communion du Saint Esprit. Celui qui reçoit le baptême et le conserve en son cœur n'est plus enfant du péché mais, en Christ, avec le Christ Jésus, enfant du Père céleste. Saint Paul nous dit la même chose autrement: "il n'y a maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Christ Jésus. <> la loi de l'Esprit de vie en Jésus Christ m'a libéré de la loi du péché et de la mort. <> Dieu, en envoyant en sacrifice pour le péché son propre fils dans une chair semblable à celle du péché, a condamné le péché dans la chair. <> L'Esprit est votre vie à cause de la justice. Si l'Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité le Christ Jésus d'entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous;<> Tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont enfants de Dieu.<> Vous avez reçu un Esprit d'adoption par lequel nous crions: Abba Père. L'Esprit lui-même rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu <> héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d'être aussi glorifiés avec lui". –Rm 8,1-17. Jésus ôte le péché du monde en l'âme des fidèles en communiquant l'Esprit. La communion et la communication avec Dieu est ouverte et rien ne peut nous éloigner de l'amour de Dieu et nous arracher au Christ. Ici est la grande grâce du Salut offerte en Jésus le messie. Ceci est acquis une fois pour toutes et définitivement par le baptême.
Nos péchés personnels
L'histoire et notre histoire, nous montre toutefois que bien que né de Dieu, le chrétien peut retomber dans le péché, mais saint Jean 1Jn 2,1 nous dit que "nous avons un intercesseur auprès du Père, Jésus-Christ le juste". Pendant son ministère, nous l'avons vu remettre les péchés et les fautes pour annoncer le Salut. La nouveauté de l'Évangile, en ce qui concerne la lutte contre le péché, c'est le pouvoir du Fils de l'homme de remettre les péchés sur la terre. Jésus n'est pas seulement, comme Jean, un prédicateur de la pénitence; il apporte au paralytique, à la femme adultère, la certitude du pardon. Les paroles "Tes péchés te sont remis" ne sont pas seulement paroles d'exhortation et d'encouragement. Elles opèrent ce qu'elles disent, apurant de manière définitive le "compte" de l'âme pécheresse avec Dieu. Enfin, au soir du jour de sa résurrection, il communique la puissance de l'Esprit aux apôtres pour remettre les péchés –Jn 20,22-
S'ouvre le temps de l'Eglise avec ses gloires, et aussi ses égarements, de ses saints (qui d'ailleurs n'ont pas toujours été parfaits) et de ses corrompus appelés à la conversion.
La guérison et le pardon de nos péchés
Les pères ont bien entendu le commandement du Seigneur aux apôtres: "Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus". Ils ont compris que le pouvoir donné ici aux apôtres est très général, et ouvert à l'initiative, quoique la tradition première y voyait premièrement la rémission des péchés dans et par le baptême. Mais une simple lecture du texte permet de lui trouver un sens beaucoup plus large.
Le grand Origène parle du péché après le baptême comme d'une "blessure de l'âme":
"Chaque fois que l'âme pèche, elle reçoit une blessure. Les péchés sont autant de flèches et de glaives qui la déchirent".
Ainsi nos manquements et nos inadvertances favorisent le partage de notre cœur, qui non unifié, pose un voile qui cache plus ou moins l'habitation divine en nous. Origène ajoute:
" Chacun de nous écrit dans son âme, et Dieu y écrit également. Nous y écrivons de notre propre main la cédule de nos péchés, tandis que la lettre du Christ s'imprime sur les tables charnelles de notre cœur, non avec de l'encre, mais avec l'Esprit du Dieu vivant. Cette cédule, qui contenait le montant de notre dette, le Christ l'a attachée à sa croix, les eaux du baptême l'ont effacée. Cessez donc d'écrire de nouvelles cédules, ne relevez plus de ce qui est détruit, bornez-vous à la lettre de Dieu, à l'Ecriture de l'Esprit Saint".
En face du pécheur repentant qui vient faire appel à la miséricorde divine, l'Église n'est pas plus désarmée que ne l'était le Sauveur. Ainsi l'Eglise propose la pénitence aux pécheurs, à ceux qui ont manqué aux commandements, à la charité, et commis ou prémédité des actions indignes de la condition d'enfants de Dieu.
L'appel à la conversion met à nu et dénonce la superficialité facile qui caractérise très souvent notre façon de vivre. Se convertir signifie changer de direction sur le chemin de la vie: parfois par un simple ajustement, d'autres fois une véritable inversion de marche. La conversion signifie aller à contre-courant, le " courant " étant le style de vie superficiel, mondain, incohérent et illusoire, qui nous entraîne souvent, nous domine et nous rend esclaves du mauvais, ou tout au moins prisonniers d'une médiocrité morale.
Le pardon des péchés dans le sacrement de pénitence a bien évolué dans ses formes au cours des temps, il a toutefois gardé trois éléments essentiels: la conversion/ metanoïa, le désir de réparation des erreurs et des fautes, le ministère de l'Eglise. Certains y ajoutent l'aveu. Nous verrons plus loin ce qu'il en est.
La conversion et la pénitence
Metanoia que le latin a traduit par paenitentia exprime le changement d'avis sur une action ou une disposition intérieure. Metanoïa est la traduction par les septante de l'hébreu niham qui exprime un regret douloureux et aussi de sûb qui, lui, rend le sens de "changement pour l'avenir". Ainsi le repentir conversion peut se tourner vers le passé qu'il regrette et vers un avenir meilleur qu'il prépare.
L'Eglise comprend la metanoia d'abord comme disposition de l'âme qui, affligée d'une faute commise, s'efforce d'en réparer les conséquences, et se tourne vers Dieu pour recevoir le pardon, et aussi comme rite sacramentel, pour réconcilier avec Dieu par son intermédiaire le baptisé coupable de quelque faute grave. La metanoia est le commencement et la condition sine qua non de la rémission des péchés. Elle suffit généralement, mais quelques fautes graves, pour la communion des fidèles, la cohérence de la foi et de la vie, l'union à Dieu, exigent la réconciliation du pécheur par le rite de la confession et de l'absolution.
Toutes les fautes, inadvertances, transgressions, n'exigent pas de passer par le sacrement, c'est pourquoi dans nos offices, aussi bien ceux de l'encens que dans la sainte Oblation, des prières de pardon et d'absolution sont adressées au Seigneur, en faveur de ceux qui présentent dans leur cœur les dispositions de métanoïa. La confession
Toutefois, le sacrement de pénitence avec la confession est ouvert à tous. La confession est ainsi proposée pour objectiver la racine du péché afin de l'arracher du cœur. C'est aussi la certitude, en confessant la faute devant le Christ et son témoin, le prêtre, de ne pas tomber dans l'obsession peccamineuse ou la position du faux juste. Un ancien ordo explique la bonne pratique: "Le pénitent s'examine et confesse ses péchés objectivement et sans donner de précisions indiscrètes. Il met surtout en avant les fautes contre la foi et la pratique orthodoxe, les doutes, craintes, et les atteintes à la charité qui brisent l'unité du Corps du Christ, il se souvient que tous hommes sont à l'image de Dieu et doivent être considérés en tant que tels; que les dettes sont remises par Dieu dans la même mesure avec laquelle lui-même remet à ses débiteurs".
Les moyens de l'Eglise pour la pardon des péchés
Puisque, maintenant, nous avons fait la part des choses entre le péché d'Adam qui, il faut bien le dire, est encore bien partagé par notre monde, dont le prince n'a pas encore perdu toute sa force d'influence, et, sur les fautes, transgressions, égarements, nous pouvons étudier d'un œil neuf quelques éléments de la discipline de l'Eglise dans le sacrement de la rémission des péchés.
Le pardon des péchés a reçu dès les temps apostoliques plusieurs formes: L'onction d'huile et confession de sa foi dans le pardon divin La première est l'onction d'huile qui s'est probablement rapidement substituée à l'imposition des mains. "L'un de vous souffre-t-il? Qu'il prie. Est-il joyeux? Qu'il chante des cantiques. L'un de vous est-il malade? Qu'il fasse appeler les presbytres de l'Eglise et qu'ils prient après avoir fait sur lui une onction d'huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient; le Seigneur le relèvera et, s'il a commis des péchés, il lui sera pardonné. Confessez-vous donc vos péchés les uns aux autres et priez les uns pour les autres, afin d'être guéris. La requête d'un juste agit avec beaucoup de force". –Jacques 5, 13-16- Le mot grec traduit ici par "confesser" est "exomologèse". Sa signification en grec ancien se rapporte à l'aveu (de force ou de gré) devant un tribunal. Pour le grec de la koiné, il est plus près de "confesser" dans le sens " dire publiquement sa foi", (1) ici sa condition de pécheur pardonné. La "confession" recommandée par saint Jacques est ancrée dans la Première Alliance: profession de foi et glorification de Dieu au-delà du simple aveu. Dans le monde juif, une pratique ancienne d'exomologèse visait à la réconciliation avec Dieu via l'humilité, qualité des "anawim, pauvres du Seigneur". Cette idée pénètre profondément le christianisme grâce aux Ecritures.
La confession de la faute (ou du péril du fidèle) s'accompagne toujours dans la sagesse juive d'une louange et d'une prière de reconnaissance envers Dieu qui sauve. Le chant des psaumes a la charge d'exprimer à la fois l'aveu d'être tombé dans la faute, prémices d'une pénitence sincère, la profession de foi du Salut et l'action de grâce subséquente. La confession consiste à se reconnaître fondamentalement pécheur, donc de reconnaître que seul Dieu est le bon et corrélativement, que seul l'homme qui s'inscrit en dépendance de Dieu est capable de bien.
C'est en chassant de soi tout ce qui n'est pas divin, pour ne vivre que de la grâce, que l'homme va faire vérité et justice, et par là se mettre en mouvement vers la lumière qui est le Christ lui-même. Il faut bien reconnaître que ce n'est pas facile, et qu'il y a donc inévitablement des distorsions entre ce programme et la réalité médiocre de notre vie. Or, la confession exige bien, premièrement, un abandon de soi à la grâce qui passe, en particulier par le rejet du péché, et secondement une union à Dieu par les œuvres de la foi -Jc 2,14-26- et la venue à la lumière du pardon divin qui s'ensuit. Un évêque contemporain disait à propos de la confession "qu'essentiellement elle consiste à dire, je suis pécheur, j'ai commis des fautes, mais je ne suis pas d'accord avec mon péché". L'excommunication La seconde forme est plus pénible. Il s'agit de l'excommunication temporaire ou définitive. Pour un cas particulièrement grave et contre lequel l'Église locale n'avait pas osé ou pu sévir, Paul avait dû prendre une attitude très rigoureuse. -1 Cor., 5, 1-13- Le chrétien coupable d'inceste avec la femme de son père avait été, par lui, "livré à Satan pour la mort de la chair". Si le sens de l'expression "livrer à Satan " n'est pas clair, peut être, signifie-t-il renvoyer le pécheur dans le monde des ténèbres loin de la lumière du Christ? Une chose reste certaine, c'est que Paul entend exclure ce pécheur public de la communauté chrétienne. Nous ne savons pas, si cette exclusion est définitive ou provisoire jusqu'à la résipiscence du mauvais sujet. J'aime à croire qu'elle est provisoire comme le montrera plus tard, les canons ecclésiastiques de la privation de la fréquentation des mystères pour certains péchés particulièrement graves. Le but de l'excommunication est d'appeler le coupable à la metanoia et aussi à exercer la réparation de la faute. J'ajoute que les pères seraient bien surpris d'apprendre (comme on a pu le dire) que l'excommunication aurait un impact outre tombe pour le Salut du sujet. De même, la pratique de lier plutôt que de délier " le péché qui mène à la mort" -1Jn 5,16- se rapporte au fait que l'apôtre et l'évêque ne se sentent pas pouvoir "de délier" et réservent à Dieu le jugement. Que cela soit de l'excommunication ou du liement des péchés, il ne s'agit pas de condamnation définitive mais de l'aveu de l'impuissance à faire revenir le pécheur à une vie digne d'enfant de Dieu. Jeûne & larmes La troisième forme du pardon est le jeûne, la prière, les larmes de repentir: Une anecdote relative à saint Jean, rapportée par Clément d'Alexandrie, -Quis dives salvetur, 42- doit être signalée, car Clément la donne comme une "histoire religieusement transmise et confiée à la mémoire des fidèles".
Lors d'une visite à une Église voisine d'Éphèse, l'apôtre Jean remarque parmi les catéchumènes un beau jeune homme qu'il confie plus spécialement aux soins de l'évêque du lieu. Le catéchumène baptisé, l'évêque s'en désintéresse quelque peu, finalement, le protégé de l'apôtre tourne mal et devient un chef de brigands. -Venue inopinée de l'apôtre dans la ville en question. Il demande à l'évêque des nouvelles du jeune homme. Force est bien à celui-ci de confesser la triste vérité. Jean de partir aussitôt à la recherche de la brebis perdue. Il la découvre enfin et la ramène au bercail.
Quelques expressions sont à noter: le jeune homme "expie autant qu'il le peut ses crimes par ses sanglots; ses péchés, il les lave dans l'eau de ses larmes comme dans les eaux d'un second baptême". Ainsi ayant ramené son converti à l'Église, Jean "par des prières ardentes et continuelles, par des jeûnes austères qu'il partage avec le coupable, combattant le courroux de Dieu et implorant sa miséricorde, rassure cette âme effrayée, la persuade, la console par mille discours tendres et touchants et ne la laisse point qu'il ne l'ait réconciliée avec elle-même, rendue à l'Église, pleine de force et de confiance". Nous remarquerons que Jean rend à l'Eglise "l'âme réconciliée avec elle-même". De là la pensée que la metanoia possède aussi un effet thérapeutique pour le psychisme, l'âme retrouve son unité dispersée par le péché. L'aumône Un autre exercice pour acquérir le pardon divin se trouve dans de nombreuses homélies des pères: l'aumône. – La communion eucharistique Enfin, il ne faut pas oublier le rôle "pharmacologique" (saint Ignace d'Antioche) de la divine eucharistie. L’Eucharistie présuppose la conversion (métanoia) et la confession (exomologèse). La réception du corps du Christ remet et guérit certainement les péchés, puisqu’elle est le sacrement de l’amour déifiant du Père, par le Fils, dans l’Esprit Saint. Certains euchologes d'ailleurs portent la formule de communion: "Le corps très pur et le sang précieux de notre Seigneur Jésus Christ te sont donnés N pour la rémission de tes péchés et la vie éternelle" (Liturgie byzantine de saint Basile), "La braise purificatrice du Corps et du Sang du Christ, notre Dieu, est donnée au serviteur fidèle N. pour la rémission des fautes, le pardon des péchés, et la vie éternelle". (Liturgie syriaque des douze apôtres) Les rites d'occident tendent à la même formulation. Notre liturgie copte de saint Basile est beaucoup plus concise sur la formule de communion, mais elle commence par la grande absolution dite "des ministres" qui concerne tous les célébrants chacun à sa place, le clergé et le peuple: "Que Tes serviteurs les ministres de ce jour, l'évêque, l'higoumène, le prêtre, les diacres, le clergé, tout le peuple et moi ton humble serviteur, soient absous par la parole de la Trinité Toute Sainte, le Père, le Fils et le Saint-Esprit; par la parole de l'Eglise de Dieu…." Puis après la Prière du Seigneur, le célébrant- récite à voix basse- la "prière de l'Absolution du Père", dite de Saint Basile: ...Dieu miséricordieux et plein de clémence, ne prive pas tes fidèles de la grâce de ton Esprit Saint à cause de mes péchés et des impuretés de mon cœur, absous-nous et absous tout ton peuple. -à voix haute- Souviens-Toi, Seigneur, de nos assemblées, bénis-les." Que l'on ne vienne pas me dire que ces prières sont un simple appel à la pénitence et n'ont pas de valeur de rémission des péchés pourvu que l'on ait les dispositions de metanoia dans son cœur. Chaque parole de la liturgie, comme celle du Sauveur, signifie bien ce qu'elle dit et a un effet véritable, sinon nous ne pouvons faire confiance en rien, même pas aux paroles de l'institution et de l'épiclèse. Réconciliation des pénitents Au cours de son histoire, les pasteurs et moralistes se sont posé des questions sur les conditions du pardon accordé dans l'Eglise. Le "Pasteur d'Hermas", vers 140, avance qu'une seule rémission peut être accordée dans la vie d'un fidèle, d'autres, contestaient aux évêques le pouvoir de remettre les péchés graves, saint Denis, évêque de Corinthe vers 171, engageait à "recevoir tous ceux qui se convertissaient, de quelque faute que ce fût, faute ordinaire ou même égarement hérétique"; les canons des conciles demandaient de réconcilier les pénitents, après une longue mise à l'écart de l'Eglise, et même parfois au lit de mort seulement. La confession auriculaire Sous l'influence monastique, à partir du 5è siècle, des listes de "péchés capitaux" (2) réclamant une confession auriculaire et l'absolution par un prêtre ont circulé, et cette forme de pénitence est devenue la pratique ordinaire. La confession auriculaire, devenue la norme au 8è siècle, est un adoucissement de la discipline sévère des conciles des premiers siècles. Cette modération a porté de beaux fruits, mais aussi quelques abus: l'aveu devenant le principal acte du "sacrement de pénitence", il s'ensuit chez quelques uns: l'oubli de la réparation des actes contre le prochain, la véritable metanoia perdue de vue, le sentiment de culpabilité aggravé par l'omission dans la confession de péchés par honte ou pudeur, et son contraire, une maladive inquiétude scrupuleuse. Je ne dis rien des confesseurs qui se sentent une vocation de directeurs de conscience sans y en avoir été appelé par l'évêque ou l'Esprit. Ceci dit, il ne faut pas négliger le sacrement selon l'appel du cœur, c'est un bienfait du Seigneur pour soigner les âmes. Il ne doit pas non plus être banalisé pour des peccadilles (quoique pour le spirituel, il n'y a pas de petites fautes).
Voici un autre ordo ancien des Eglises d'Orient qui montre la juste confession: "Aie pitié de nous, Seigneur, aie pitié de nous, nous avons besoin de protection; pécheurs, nous t'offrons nos prières, à toi, notre Seigneur, aie pitié de nous. Gloire au Père, au Fils, au Saint Esprit… Seigneur, aie pitié de nous, nous nous confions en toi; ne t’irrite pas contre nous, oublie nos fautes, regarde-nous avec miséricorde et sauve-nous de nos ennemis, car tu es notre Dieu et nous sommes ton peuple; nous sommes tous l'œuvre de tes mains, nous invoquons ton Nom… -le pénitent confesse principalement les fautes qui bouleversent sa conscience.- J'ai péché, Seigneur, pardonne-moi. Que Dieu me fasse miséricorde, à moi pécheur. Père, Seigneur, créateur du ciel et de la terre, je te confesse tous les secrets de mon cœur, mes pensées, tout ce que j'ai fait jusqu'à ce jour. J'en demande pardon, juge juste et miséricordieux, et la grâce de ne plus pécher.
¤ E-P
Notes: -1.d'où le titre latin de certains saints: "confesseur". Il fut d'abord réservé à ceux qui ont souffert pour le Christ dans les persécutions mais qui n'en sont pas morts, puis aux saints ni martyrs, ni évêques ou prêtres. -2 selon saint Jean Cassien: gourmandise, fornication, amour de l'argent, colère, tristesse (acédie = dégoût de soi ou négligence de la vie spirituelle), lâcheté de cœur, vaine gloire, orgueil
Lettre aux amis du sanctuaire du prophète Elie N° 327 & 328, février/mars 2016
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