Le concile de Constantinople en 381

 

Les pères de Nicée avaient cru mettre un terme aux erreurs sur l'origine divine du Seigneur Jésus sans laisser de côté la réalité de l'incarnation, hélas, question de méthode ou permanence malicieuse de l'erreur, la question fut débattue de plus belle et des pans entier de l'empire furent gagnés à l'arianisme qui s'organisa avec un épiscopat tantôt d'une certaine qualité intellectuelle, tantôt compères du pouvoir sans scrupules.  Les orthodoxes cherchaient aussi à tous prix des alliés. 

La situation de l'Eglise catholique  était bien autre chose qu'idyllique. Saint Basile de Césarée comparait dans son traité sur le Saint Esprit, la situation de l'Eglise à "une bataille navale nocturne. Tout va en tous sens, amis et ennemis ne peuvent plus être distingués dans une ténèbre complète et dans des clameurs confuses et incessantes". 

                                                                        

Pour couronner le tout, l'arianisme se trouva bientôt doublé d'une autre hérésie: celle qui porte le nom d'un évêque de Constantinople Macédonius élu en 342 puis déposé; Retiré dans un monastère, il se piqua à expliquer sans retenue l'origine de l'Esprit saint.

Le Saint-Esprit était, dans le discours de Macédonius, une simple créature, tout comme, pour les ariens, le Fils était une créature. Le développement du macédonisme n'avait rien de surprenant. Ce n'était que la conséquence logique de l'arianisme ambiant. En effet, quoi de plus logique et prévisible que de nier la divinité du Saint-Esprit, après avoir rejeté la divinité du Fils.

Les grands docteurs de l'Eglise saints Basile, Grégoire de Naziance et Grégoire de Nysse ont défendus la foi orthodoxe par leurs écrits et aussi  par la sainteté de leur vie. Ils restèrent toutefois d'une grande prudence dans l'expression de la foi.

 

                                                                

 

Grégoire de Naziance est au cœur des conflits à l'origine du concile de Constantinople.

Trois évêques ariens se sont succédés sur le siège de Constantinople, il ont réduit la communauté catholique-orthodoxe à quelques fidèles. Pour mettre fin aux troubles, l'empereur Théodose, ne trouva personne plus propre à relever l'Église de Constantinople que Grégoire de Nazianze, célèbre partout déjà depuis longtemps, pour sa vertu, son savoir et son éloquence.  En fait Grégoire fut nommé par son Métropolite saint Basile évêque de Sasimes mais il ne put ni ne voulut prendre possession de son siège disputé par les ariens, il se retira dans la ville de Naziance où après la mort de son père, l'évêque Grégoire l'ancien, il gouverna l'Eglise.  Il fallut lui faire violence pour le tirer de sa solitude de Naziance pour le transférer à Constantinople. 

Il se rendit à Constantinople dans le cours de l'an 379. Comme les ariens occupaient encore alors toutes les églises de la ville, et qu'ils ne permettaient pas que les catholiques s'assemblassent en aucun lieu, saint Grégoire célébra les Saintes Oblations  dans la maison de l'un de ses parents. Les catholiques accommodèrent cette maison en église, et on lui donna depuis le nom d'Anastasie ou de Résurrection, à cause que la vraie foi, qui était comme morte dans Constantinople, avait commencé à revivre dans cette maison, et y était comme ressuscitée.

                                                                 

Saint Grégoire s'appliqua à réfuter les hérétiques et à les gagner par sa douceur, à instruire les catholiques des vérités de la foi et les conduire dans la juste pratique des vertus évangéliques.

Mais il eut la douleur de voir épiscopat troublé par l'ordination irrégulière de Maxime le Cynique. C'était un Égyptien, né à Alexandrie, d'une famille qu'il disait avoir été honorée du martyre; dès sa jeunesse il avait embrassé avec la religion chrétienne la philosophie des cyniques. Saint Grégoire, trompé par les dehors de piété qu'il affectait, le reçut au nombre de ses amis, le logea dans sa maison, et le fit compagnon de sa table, de ses études et de ses desseins avec une entière confiance, lui donnant partout de grands éloges. Hélas, Maxime trahit la confiance de Grégoire et se mit dans la tête de prendre sa place sur le siège de Constantinople. Il parvint à se faire ordonner clandestinement avec dit-on la complicité de l'évêque Pierre d'Alexandrie. Ce qui est certain, c'est que son ordination est irrégulière pour ne pas dire une turlupinade en raison des circonstances (dans la nuit, en secret, avec le concours d'ivrognes sensés représenter le peuple royal) et que des évêques égyptiens  y participèrent.

Le clergé et le peuple indignés, contraignirent Maxime à sortir de la ville. Saint Grégoire voulut lui-même se retirer mais un des orthodoxes lui ayant dit que s'il sortait de la ville, il bannissait avec lui la foi de la sainte Trinité, cette parole le toucha si vivement, qu'il consentit à demeurer.

Maxime chassé par l'empereur, se retira à Alexandrie, où, secondé de quelques vagabonds qu'il avait gagnés par argent, il pressa l'évêque Pierre de le faire jouir du siège de Constantinople, le menaçant de s'emparer du sien propre. (Si Pierre était vraiment dans le coup, le voilà bien pris!)  Mais le préfet d'Égypte, craignant des troubles  fit sortir Maxime de la ville.

Tout cela n'empêcha point que l'ordination de Maxime, tout illégitime qu'elle était, ne causât de l'embarras dans Constantinople, et qu'elle ne fournît aux ennemis de saint Grégoire un prétexte de chicane. Car, quoiqu'il fût chargé du gouvernement de l'Église de la ville impériale, il n'en avait pas encore été reconnu évêque dans une assemblée solennelle, son transfert de siège en siège pouvant poser question au regard du 15è canon du concile de Nicée qui interdit cette pratique.

 

Les motifs de la convocation du concile par l'empereur Théodose  furent

1. de confirmer la foi de Nicée,

2. d'établir un évêque à Constantinople,

3.  d'examiner la doctrine des Macédoniens et confirmer la foi sur le Saint Esprit,

4. de faire des règlements dont l'Église avait besoin pour affermir la paix.  

                                                                   

 

Le concile se réunit donc à Constantinople de mai  à juillet 381. 

                

Cent cinquante pères orthodoxes s'y présentèrent parmi eux: les saints Mélèce d'Antioche, Grégoire de Naziance, Grégoire de Nysse, Cyrille de Jérusalem, saint Pierre de Sébaste.

Il est inutile de s'attarder sur la présidence qui passa successivement de saint Mélèce d'Antioche, à saint Grégoire de Naziance, puis à Nectaire de Constantinople après la démission de Grégoire, et dans quelques sessions, à la présidence commune de Timothée d' Alexandrie (successeur de Pierre décédé) avec Mélèce et Cyrille de Jérusalem. (dixit  l'historien Sozomène).

Il faut remarquer qu'aucun évêque d'Occident n'y prit part. Encore plus curieux, le prochain concile d'Ephèse ne fait pas mention de ses décisions dogmatiques et canoniques; il faut attendre Chalcédoine pour voir reconnue la valeur normative du concile.  Il est intéressant de savoir que toutes les Eglises, même celles absentes ou refusant Chalcédoine, ont adopté son symbole et considèrent aujourd'hui ce synode de Constantinople parmi les conciles œcuméniques.

 

La première chose à faire, avant même de s'occuper des questions de la doctrine,  fut de donner un évêque à l'Eglise de Constantinople. Les prétentions de Maxime le Cynique furent examinées et rejetées. Grégoire de Naziance fut confirmé et intronisé solennellement sur le trône de Constantinople. Pierre d'Alexandrie, étant mort, on décida de ne pas enquêter plus outre dans son rôle sur le simulacre d'ordination de Maxime.

La joie de l'intronisation de saint Grégoire fut bientôt troublée par la mort de saint Mélèce. Les querelles reprirent de plus belles pour nommer un évêque au siège d'Antioche et contester l'établissement de Grégoire sur celui de Constantinople.

Saint Grégoire  commença à ne plus fréquenter les assemblées, où il ne voyait que confusion, prenant pour prétexte ses fréquentes infirmités. Il changea même de maison et quitta celle qui tenait à l'église, c'est-à-dire, la maison épiscopale, où l'on tenait le concile. On ne douta plus, après cette démarche, qu'il ne fût dans le dessein de quitter le siège de Constantinople, comme il l'avait dit dans l'assemblée.

Un nouvel incident le détermina tout à fait à se retirer. Les évêques d'Égypte et de Macédoine, qu'on n'avait pas encore appelés au concile, furent invités d'y venir, dans l'espérance qu'ils pourraient contribuer à la paix. Ils y vinrent, les évêques d'Égypte ayant à leur tête Timothée, évêque d'Alexandrie, et ceux de Macédoine, saint Ascole, évêque de Thessalonique, ils se plaignirent que l'on eût violé les canons dans l'intronisation de saint Grégoire, en le faisant passer de l'Église de Nazianze à celle de Constantinople. Saint Grégoire, voyant les Égyptiens murmurer de son élection, saisit avec joie ce moment pour rompre les liens qui l'attachaient à Constantinople et s'en retourna à Naziance.

Nectaire de Tarse en Cilicie, bien qu'il n'avait pas encore reçu le baptême,  fut donc enlevé par le peuple, et porté sur le trône de Constantinople par le commun consentement des Pères du concile, en la présence de l'empereur Théodose et avec le suffrage du clergé et de tout le peuple.

 

Le symbole de la foi:

 

Les Pères du concile de Constantinople travaillèrent ensuite à établir la foi contre diverses hérésies, dont quelques-unes avaient pris naissance depuis peu. Ils ne se contentèrent pas d'approuver ce qui avait été fait à Nicée, ils firent encore un tome qui était une profession de foi assez étendue, dont le symbole que nous disons aux Offices de l'Eglise fait partie. Ce symbole destiné tout d'abord à la confession de foi lors du baptême, complète celui de Nicée, il est plus étendu en ce qui regarde le mystère de l'incarnation et la divinité du Saint-Esprit.      

                    

Les historiens anciens avancent que le symbole de Constantinople ait été composé par saint Grégoire de Nysse. Les modernes ont trouvé un certain air de famille avec celui de saint Epiphane, l'évêque de Chypre, et estiment qu'il en est à l'origine.  En fait, il semble bien que les cent cinquante pères de Constantinople n'avaient pas l'intention de rédigé un nouveau symbole et se sont contentés de compléter celui de Nicée par des incises qui existaient déjà dans des symboles de différentes Eglises locales.

Voici les adjonctions de Constantinople sur le symbole de Nicée sur l'incarnation du Logos et le Saint Esprit:

 

Symbole de Nicée

Symbole de Nicée -Constantinople

Il est descendu des cieux, s'est incarné

 

et fait homme,

a souffert, est ressuscité le troisième jour,

 

 

est monté aux cieux,

 

et viendra juger les vivants et les morts ;

 

 nous croyons aussi au Saint-Esprit

Il est descendu des cieux et s'est incarné du Saint-Esprit et de la Vierge Marie, et s'est fait homme ; il a été crucifié pour nous sous Ponce Pilate ; il a souffert [est mort] et a été enseveli; et il est ressuscité le troisième jour, suivant les Écritures; il est monté aux cieux ; il est assis à la droite du Père, et il viendra encore avec gloire juger les vivants et les morts; son Royaume n'aura point de fin.  "Nous croyons aussi au Saint-Esprit, Seigneur et donne la vie, qui procède du Père, qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils; qui a parlé par les prophètes. "

 

Le symbole de Nicée n'avait rien dit de l'Église ; celui de Constantinople en parle ainsi:

 

" Nous croyons en une seule Église sainte, catholique et apostolique ; nous confessons un baptême pour la rémission des péchés; nous attendons la résurrection des morts et la vie du siècle futur. Amen ".

 

 

 C'est selon la formule plus tardive de notre saint Vincent de Lérins, "la foi de toujours, de partout".

 

En ce qui concerne le Saint Esprit voici la formule de saint Epiphane:

 

"Nous croyons au Saint Esprit, qui a parlé dans la Loi, qui s'est fait entendre par les prophètes, qui est descendu sur le Jourdain, qui parle par les apôtres, et qui a établi sa demeure dans les saints. Nous croyons en En ce qui concerne le Saint Esprit voici la formule de saint Epiphane: 

"Nous croyons au Saint Esprit, qui a parlé dans la Loi, qui s'est fait entendre par les prophètes, qui est descendu sur le Jourdain, qui parle par les apôtres, et qui a établi sa demeure dans les saints. Nous croyons en lui, parce qu'il est l'Esprit Intercesseur, incréé, qui procède du Père, que nous recevons par le Fils et en qui par le Fils nous avons foi".

 

Il convient de remarquer que pour exprimer la foi de toutes les Eglises, les pères de Nicée et ceux de Constantinople utilisent le pluriel "Nous croyons". Ce "nous" communautaire signifie l'adhésion de chacun et de tous à la foi de toujours et de partout:  Nous croyons avec les pères anciens, avec toutes les Eglises de partout et de tous temps, celles des apôtres et celles d'aujourd'hui et demain.

L'usage liturgique de l'Eglise copte orthodoxe a gardé ce pluriel (gare aux traductions!). C'est la seule Eglise avec celle d'Espagne dans son rite wisigothique encore célébré dans la province de Tolède à avoir conservé cette forme.

Les autres Eglises, certainement à la suite des modifications des rites du baptême ayant perdu sa solennité ecclésiale pour devenir un sacrement plus personnel, sont passés du "nous" au  "Je" singulier.

Pour la mention de l'Eglise, il est bien de se souvenir que la confession de foi préalable au baptême dans la tradition de saint Hippolyte posait la question: "Crois-tu au Saint Esprit dans la Sainte Eglise?"

 

 

Les canons:

 

1." La profession de foi des 318 pères réunis à Nicée ne doit pas être abrogée, elle doit conserver toute sa force, et l'on doit anathématiser toute hérésie:… "

 

Voilà bien exprimée la volonté des pères de ne rien imposer de nouveau sur la foi. Les ajouts au symbole doivent être considérés comme une explicitation de la foi de toujours et non une nouveauté.

 

2. "Les évêques qui sont à la tête d'un diocèse ne doivent pas intervenir dans les Eglises qui ne sont pas dans leur circonscription, ni mettre du désordre dans les Eglises. Conformément aux canons, l'évêque d'Alexandrie doit administrer seulement des affaires de l'Egypte, les évêques de l'Orient gouvernent le seul Orient, tout en gardant les prérogatives reconnues par les canons de Nicée à l'Eglise d'Antioche; Que les évêques d'Asie administrent les affaires d'Asie, ceux du Pont, celles du Pont, ceux de Thrace, seulement celles de Thrace. A moins d'être appelés, les évêques n'interviendront pas au-delà de leur diocèse pour une ordination ou pour tout autre acte d'Administration ecclésiastique. Si on observe ce qui est écrit dans ce canon au sujet des diocèses, il est clair que le synode de l'éparchie traitera les affaires de chaque éparchie, conformément aux décisions de Nicée. Quant aux Eglises de Dieu qui sont parmi les peuples barbares, il faut qu'elles soient administrées selon la coutume mise ne vigueur au temps des pères".

 

Il n'est pas impossible que les manœuvres de Pierre d'Alexandrie dans la pseudo ordination de Maxime le Cynique sur le siège de Constantinople aient été à l'origine de ce canon. Il répète le canon 6 de Nicée. Il est clair selon l'expression du canon que la paix des Eglises repose sur la non intervention d'une Eglise dans les affaires d'une autre.  Il faut faire confiance à l'Esprit Saint qui, comme le dit saint Cyprien de Carthage, est bien capable de traverser les mers et de donner à chaque Eglise ce qui est nécessaire à sa croissance dans la foi. Le principe des primats reste sauvegardé et sera bientôt confirmé dans les patriarcats apostoliques.  Les Eglises "des peuples barbares" sont celles n'appartenant pas à l'empire romain et qui ont reçu la foi et leurs premiers évêques d'une grande Eglise étrangère. Elles sont encore trop peu nombreuses et aguerries pour former une province ecclésiastique, aussi les pères de Constantinople estiment sages de les laisser sous la tutelle de leur "Eglise Mère". Nous pouvons citer l'exemple de l'Abyssinie gouvernée par Alexandrie.

 

3. "L'évêque de Constantinople doit avoir la primauté d'honneur après l'évêque de Rome, car cette ville est la nouvelle Rome".

 

Oullàlà, les pères de Constantinople ont ouvert une boîte de Pandore avec cette primauté d'honneur. Des discussions interminables jusqu'aujourd'hui posent la question de savoir à quoi peut bien correspondre une primauté d'honneur sans préséance de juridiction, c'est-à-dire un pouvoir d'intervention et de présidence sur une province. S'agit-il d'un simple ordre protocolaire? Il est probable que les pères ont voulu d'une part calmer les velléités d'Alexandrie à se mêler des affaires hors de son territoire et d'autre part, honorer l'empereur et sa nouvelle Rome. Ce qui n'est pas illégitime. Une rupture s'annonce avec les Eglises de Rome et d'Alexandrie qui envisagent leur préséance sur leur fondation apostolique et leur ouverture sur l'ensemble de l'empire "par les fidèles de partout", et non sur la puissance civile de la cité. Constantinople a fini par se rapprocher de la théorie romaine et alexandrine en inventant un peu tard l'origine apostolique de la ville de Byzance par l'apôtre André. Puis à la suite du grand  schisme de 1054, revenir sur la justification de puissance de la ville impériale pour contrer une vision abusive  de la primauté romaine. Moscou a prétendu avoir succédé à Constantinople tombée aux mains des turcs.  Bref nous n'avons pas fini de parler de ce 3è canon.

 

4. A propos de Maxime le Cynique et des désordres qui se sont produits à Constantinople à cause de lui.  Maxime n'a jamais été  et il n'est pas évêque, n'y ceux qu'il a ordonnés à quelque degré du clergé que ce soit; tout ce qui a été fait à son égard ou qu'il a fait lui-même est sans valeur."

 

Nous avons l'impression que les pères y sont allés un peu fort dans ce  "tout est sans valeur". Nous sommes mal renseignés sur ce qu'ils savaient de cette ordination épiscopale, et ce qu'avaient voulu faire les évêques consécrateurs, s'ils étaient évêques? Rome avec le pape Damase, et Milan avec saint Ambroise, dans un concile tenu la même année que notre synode de Constantinople (381) ne voulaient rien savoir du transfert de Grégoire de Naziance ni de son successeur Nectaire. Ces deux sièges d'Occident ne tenaient pas sans valeur l'ordination de Maxime. Ils se rangèrent bien plus tard à la décision de Constantinople.

La décision définitive des pères de Constantinople présente une jurisprudence importante sur les ordinations obtenues par stratagème ou convenances pour s'emparer d'un pouvoir ecclésial hors des règles apostoliques et canoniques: "tout est sans valeur" même si par Economie, on peut considérer pour le bien des fidèles trompés, que les sacrements délivrés ne soient pas vides de réalité. L'Eglise ne reconnaît pas les sacrements de tels individus,  et laisse le jugement à Dieu sur la grâce liée à la célébration des Mystères.   Il ne s'agit pas ici de question de validité mais de reconnaissance ecclésiale. 

 

5. "Nous recevons les gens d'Antioche qui confessent l'unique divinité du Père du Fils et du Saint Esprit"

 

Probablement une allusion à un schisme au sein de l'Eglise d'Antioche, on en sait pas plus.

 

6. Comme dans le but de troubler et de détruire l'ordre des Eglises, plusieurs imaginent, par un esprit de haine […] des accusations contre les évêques orthodoxes […] ne se proposant par là que de porter atteinte à l'honneur  du sacerdoce et d'agiter le peuple […]le saint synode des évêques réunis à Constantinople a décidé qu'à l'avenir on ne reçut pas les accusateurs sans leur faire subir une enquête. Mais lorsque quelqu'un porte une accusation  personnelle ou d'une plainte personnelle contre l'évêque soit qu'il ait été desservi par lui ou traité injustement, on ne regardera ni la personne de l'accusateur, ni sa religion, parce qu'il faut faire justice à tout le monde. Si c'est une affaire ecclésiastique, un évêque ne pourra être accusé ni par un hérétique ou un schismatique, ni par un laïque excommunié, ou par un clerc déposé. Celui qui est accusé ne pourra accuser un évêque ou un clerc qu'après s'être purgé lui-même. Ceux qui sont sans reproche intenteront leur accusation devant tous les évêques de la province. Si le concile de la province ne suffit pas, ils s'adresseront à un plus grand concile, c'est-à-dire à celui du diocèse.  L'accusation ne sera reçue qu'après que l'accusateur se sera soumis par écrit à la même peine en cas de calomnie. Celui qui, au mépris de ce décret, osera importuner l'empereur ou les tribunaux séculiers, ou troubler un concile œcuménique, ne sera point recevable en son accusation, mais sera rejeté comme violateur des canons et de l'ordre de l'Église. "

 

Ce canon consacre  le droit d'appel à la justice d'un synode, il veut aussi écarter les mauvais plaideurs qui condamnés justement par leur évêque, refusent la soumission et se portent en accusateurs pour justifier leur désobéissance. Le canon est à l'origine de la pratique de l'Eglise orthodoxe qui veut que celui qui est frappé d'une sanction, même injustement à ses yeux, s'y soumette avec humilité puis seulement dans cet esprit fasse appel au synode sans revendication excessive ni arrogance.

 

7. Ceux qui passent de l'hérésie à l'orthodoxie et au nombre des élus, doivent être admis de la manière suivante:   Les ariens, les macédoniens, les sabbatiens, les novatiens, qui se nomment eux-mêmes cathares ou purs et vrais, les quartodécimans et les apollinaristes, sont reçus en donnant un acte d'abjuration, et en renonçant à toute hérésie. On leur donne premièrement le sceau ou l'onction du saint chrême au front, aux yeux, aux narines, à la bouche et aux oreilles; et en faisant cette onction, on dit : Le sceau du don du Saint-Esprit. Mais pour les eunoméens, qui sont baptisés par une seule immersion, les montanistes ou phrygiens, les sabelliens et les autres hérétiques, principalement ceux qui viennent de Galatie, nous les recevons comme des païens. Le premier jour nous les faisons chrétiens, le second, catéchumènes; le troisième nous les exorcisons, après leur avoir soufflé trois fois sur le visage et sur les oreilles. Ainsi nous les instruisons, nous les tenons longtemps dans l'Église à écouter les Écritures; et enfin nous les baptisons."

 

Le septième canon  considère la réalité ou non du baptême pour  recevoir ceux qui viennent à l'Eglise. Les communautés séparées qui pratiquent le baptême comme l'Eglise catholique orthodoxe et qui par là, même avec quelques défaillances, confessent leur volonté de faire ce que fait la grande Eglise en utilisant la formule de foi du baptême dans le  nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, voient la réalité de leur baptême reconnue. Ceux qui viennent de là à l'Orthodoxie n'ont plus qu'à être accomplis par l'onction de l'Esprit qui comble toutes défaillances. Selon la formule du symbole de Nicée, il n'y a qu'un seul baptême et il ne doit pas être réitéré. Cette pratique est solide dans les Eglises orthodoxes avec quelques contestations de circonstances qui ne sont pas appelées à durer.  Pour les communautés qui possède un baptême inaccordable  à la confession catholique par la foi et le rite, les pères considèrent qu'il est vide de réalité et pour  recevoir leurs membres qui veulent s'agréger à la grande Eglise procèdent à l'unique baptême.  

 

 

Pour résumer l'acquis de notre concile œcuménique de Constantinople en 381, nous devons retenir que les cent cinquante pères en précisant le symbole de Nicée et conservant la formule 'nous croyons" n'ont pas ajouté une nouvelle définition de foi mais ouvert la conscience des fidèles à la nature trinitaire de la divinité en posant clairement la nature et le rôle du Saint Esprit. Le Saint Esprit est celui "qui vivifie". Envoyé par le Père, il se mêle à notre esprit autant que nous lui laissons de place, et pose en nous le germe de la déification.

 

 

 

                               Confirmation de la foi de Nicée-Constantinople lors d'un                                  

second synode à Constantinople en 382

 

Une année plus tard, en 382, un second synode fut convoqué à Constantinople par l'empereur Théodose en raison des protestations des synodes de Rome et Milan au sujet des canons 3 & 4 de Constantinople.

Les évêques qui avaient participé au premier concile reçurent une lettre de l'Eglise de Milan qui les invitait à un grand synode à Rome.  Ils écrivirent au pape romain Damase, à l'évêque Ambroise de Milan et à plusieurs évêques d'Occident, pour leur expliquer qu'ils ne pouvaient pas prendre part au concile de Rome en raison du délai trop court de convocation et de l'impossibilité de recueillir de leurs Eglises les pouvoirs nécessaires. Ils envoient cependant trois d'entre eux à Rome. Ils ajoutent:

"Quant à nous, nous avons supporté des persécutions, des oppressions, des menaces royales, les cruautés des princes, et encore bien d'autres épreuves de la part des hérétiques, pour la foi évangélique qui a été fixée avec une autorité souveraine à Nicée de Bithynie par les trois cent dix-huit pères.

Cette foi, à vous, à nous et à tous ceux qui ne tordent pas la parole de la foi véritable, elle doit nous convenir à tous ensemble, puisqu'elle est plus ancienne, elle est la conséquence du baptême, elle est homogène (de même nature)  à notre baptême. Elle nous enseigne à croire au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, étant bien entendu, évidemment, que la divinité, et la puissance et la substance est une, du Père et du Fils et du Saint Esprit; de même prix la dignité, coéternelle la royauté, en trois hypostases très parfaites, ou encore en trois parfaites figures prosôpoi). En sorte que la maladie de Sabellios ne trouve pas place: chez lui, les hypostases sont confondues, les propriétés sont détruites. Le blasphème des disciples d'Eunomius, et d'Arius et de ceux qui combattent contre l'Esprit Saint ne trouvent pas de force: dans leur doctrine, la substance ou la nature ou la divinité est découpée, et à l'incréée, consubstantielle et coéternelle triade est rapportée une nature née ultérieurement ou créée ou d'une autre substance. Quant à la doctrine de l'inhumanisation (enanthrôpèsis) du Seigneur, nous la gardons sauve, sans la tordre. Nous n'admettons pas que l'économie de la chair ait été privée d'âme, ni privée d'esprit noùs, ni imparfaite. Car nous savons que Dieu le Logos était parfait avant le temps, il est devenu un homme parfait à la fin des jours à cause de notre Salut.

L'Esprit Saint, c'est Dieu lui-même, qui est esprit, opérant, travaillant, créant dans le cœur, la volonté, l'âme, l'intelligence de l'homme, suscitant des initiatives de sainteté, d'action, de création, de connaissance, de science, de sagesse, d'intelligence, dans l'homme. Ce n'est pas un autre dieu que Dieu, qui est un. Ce n'est pas un dieu second ou secondaire. Ce n'est pas une créature. C'est Dieu lui-même opérant dans l'homme, et dont nous pouvons avoir l'expérience, non pas physique, ni physiologique, ni psychologique, mais spirituelle, chez les autres, et en nous-mêmes".

 

Nous ne possédons pas les actes du synode de Rome, nous n'en savons donc pas grand-chose. Il n'a pas dû bouleverser les données.

 

La profession de foi de ce second synode de Constantinople trouve un écho dans celle de notre Office divin aux laudes: " Un est Dieu, le Père de tout être. Un est le Fils, Jésus Christ, le logos/Parole qui a pris chair, est mort, est ressuscité des morts le troisième jour; il nous a fait ressusciter avec lui. Un est l'Esprit Saint consolateur, un lui aussi dans son hypostase, Il procède du Père, il sanctifie toute la création, il nous enseigne à adorer la Sainte Trinité dans une seule divinité et une seule nature. Nous la louons et la bénissons pour l'éternité. Amen".

Elle-même est en résonnance avec le traité sur le Saint Esprit de saint Basile: "Nous ne comptons pas par addition, en partant de l'unité pour aboutir à la pluralité…Selon la propriété ils sont un et un, mais selon la communauté de nature tous ne font qu'un".

                                                                                         +  E-P

 

 

Bibliographie: Charles-Joseph Héfélé, Histoire des conciles, Paris 1869

 

  

                                                                          lettre de saint Elie,  Eté  2008

Conciles oecuméniques: 2 Constantinople