Saint Clément de Rome

 

Nous allons faire plus ample connaissance avec le pape de Rome Clément 1er.

                                           

 

Pour expliquer sa présence parmi les co-célébrants de notre sanctuaire, quelques mots sur l'arrivée de ses reliques à Saint Elie: lorsque j'exerçais une profession, j'avais pris l'habitude de porter une petite croix pectorale, car je pensais que mes interlocuteurs seraient plus libres au plan professionnel et humain en apprenant comme cela mon identité ecclésiastique, plutôt que par des rumeurs.

Ainsi un jour, un homme me posa la question de savoir si "ma confession reconnaissait le culte des saints". A ma réponse positive, il me dit qu'à son prochain rendez-vous, il m'apporterait quelque chose. Plus tard, il me remit un petit  paquet en disant " ma famille possède ceci depuis la révolution, mes enfants n'en feront rien, votre Eglise saura en faire bon usage". Il s'agit d'un petit cadre en bois doré contenant des reliques de saint Clément et d'autres martyrs romains.

 

 

 

Ce que dit le synaxaire local au 25 novembre:

 

Le bienheureux Clément fut un des premiers évêques de Rome. Il est possible qu'il ait connu saint Pierre. Par son enseignement et la douceur de sa vie, il convertissait un grand nombre de personnes. Il nous a laissé une magnifique épître aux corinthiens, par laquelle il ramenait la paix dans cette Eglise et affirmait la règle sacerdotale. Il fut envoyé en exil par l'empereur Trajan dans le Pont Euxin, puis dans le désert de Cherson (Crimée). Il fut jeté à la mer, une ancre attachée à son cou. Il reçut la couronne du martyre en 101.

 

Ce que dit la légende:

 

Outre quelques mentions chez les auteurs ecclésiastiques des premiers siècles, Origène, Irénée de Lyon, Eusèbe de Césarée que nous étudierons dans la partie historique, il existe deux sources différentes de légendes sur la vie de Clément de Rome: "le roman syrien" et " la passion romaine".

 

Le roman syrien a pour base les textes dits "clémentins" qui sont des apocryphes certainement, mais aussi un précieux témoignage sur les mouvements plus ou moins orthodoxes judéo-chrétien. (ce sera l'objet d'une autre lettre).   Il peut être daté du début du 3è siècle, voici ce qu'il raconte:

 Clément entreprend un grand voyage, il parcourt le monde en quête de vérité. En route il s’égare, perd la trace de tous ses parents, et demeure seul. Il rencontre alors à Césarée de Palestine saint Pierre et devient son disciple. Il retrouvera successivement ensuite tous ses parents perdus (d’où le titre de "Reconnaissances" de l'ouvrage).

 

La passion romaine plus tardive date de la fin du 5è siècle,  elle est retenue par le bréviaire romain:

"Clément  naquit à Rome et eut pour père Faustinus; il habitait la région du mont Cœlius. Il fut disciple du bienheureux Pierre. C'est de lui que Paul fait mention dans son épître aux Philippiens,  quand il dit : "Je vous prie aussi, vous mon fidèle compagnon, d'aider celles qui ont travaillé avec moi pour l'Evangile, ainsi que Clément et  les autres qui ont  été mes aides,  dont les noms sont au livre de vie ".  Il partagea la Ville en  sept   secteurs les attribuant à sept Notaires chargés en chacune de  rechercher et recueillir avec grand soin les Actes des Martyrs. Lui-même  écrivit d'une plume châtiée beaucoup d'utiles ouvrages qui firent honneur au christianisme. Mais comme par sa doctrine et la sainteté de sa vie il convertissait beaucoup de monde à la foi du Christ, l'empereur Trajan le relégua au delà du Pont-Euxin dans la solitude de Cherson, [aujourd'hui la Crimée] où se trouvaient déjà deux mille chrétiens condamnés par ce même empereur. Employés à extraire et à tailler le marbre, ils souffraient du manque d'eau, Clément, ayant prié, monta sur une colline qui était proche, et vit à son sommet un Agneau marquant de son pied droit le lieu d'où jaillissait une source d'eau douce où tous éteignirent leur soif. A la suite de ce miracle, un grand nombre d'infidèles se convertirent et vénérèrent Clément comme un saint. A cette nouvelle, Trajan irrité envoya dans ce lieu des gens chargés de jeter Clément à la mer, une ancre au cou, ce qui fut fait.

           

 Or, pendant que les chrétiens priaient sur le rivage, la mer se retira à trois milles, et approchant ils virent un édicule de marbre en forme de temple où, dans un sarcophage de pierre, était enseveli le corps du Martyr; auprès se trouvait l'ancre avec laquelle on l'avait précipité. Les habitants du pays, émus d'un pareil prodige, embrassèrent la foi chrétienne. Une église lui fut aussi dédiée à l'endroit de l'île d'où avait jailli la source miraculeuse.

 

  

Le corps de Clément fut transporté à Rome par la suite, sous le pontificat de Nicolas Ier, et déposé dans l'église de son nom. Il vécut dans le pontificat neuf ans, six mois, six jours. En deux ordinations au mois de décembre,  il créa dix prêtres, deux diacres, quinze évêques pour divers lieux"

 

Curieusement la préface du canon romain pour la fête de saint Clément ne reprend pas ce récit mais trouve sa source dans le roman syrien des "reconnaissances":

 

"Il est digne et juste que nous te rendions grâces, en célébrant le jour natal de saint Clément, ton martyr. Il abandonna famille et patrie; séduit par ton  Nom, courant à ses parfums, il traversa les terres et les mers, se renonçant lui-même, il porta la croix de ces pérégrinations afin de te suivre sur les pas de tes Apôtres. Or, voici que d'abord disciple du  bienheureux Pierre, il est par toi ensuite, ô Seigneur, substitué comme remplaçant et successeur à son maître. Cette ville de Rome, dont pour toi il avait dédaigné les grandeurs, tu décides de lui en donner la principauté; il n'a point voulu d'un éclat qui passe, et tu l'ennoblis devant les cieux. Enfin,   l'élevant à la gloire du martyre, tu l'honores, pour ses travaux dans le temps, d'une couronne éternelle".

 

Ce que dit l'histoire:

 

Les sources historiques sont relativement confuses et doivent être examinées avec circonspection.

Le témoignage le plus important est celui de saint Irénée, évêque de Lyon jusqu’en 202.

Il indique que Clément occupe la troisième place dans l'épiscopat de l'Eglise de Rome et qu'il faut retenir de son pontificat la lettre aux corinthiens envoyée à cette Eglise par celle de Rome pour rétablir la paix et rappeler la tradition apostolique:

 

"Donc, après avoir fondé et édifié l'Eglise [de Rome], les bienheureux apôtres [Pierre et Paul] remirent à Lin la charge de l'épiscopat ; c'est de ce Lin que Paul fait mention dans les épîtres à Timothée. Anaclet lui succède.

Après lui, en troisième lieu à partir des apôtres, l'épiscopat échoit à Clément. Il avait vu les apôtres eux-mêmes et avait été en relations avec eux: leur prédication résonnait encore à ses oreilles et leur Tradition était encore devant ses yeux. Il n'était d'ailleurs pas le seul, car il restait encore à cette époque beaucoup de gens qui avaient été instruits par les apôtres.

Sous ce Clément, donc, un grave dissentiment se produisit chez les frères de Corinthe; l'Eglise de Rome adressa alors aux Corinthiens une très importante lettre pour les réconcilier dans la paix, renouveler leur foi et leur annoncer la Tradition qu'elle avait naguère reçue des apôtres, à savoir: un seul Dieu tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre, qui a modelé l'homme, fait venir le déluge, appelé Abraham, fait sortir son peuple de la terre d'Egypte, conversé avec Moïse, donné la Loi, envoyé les prophètes, préparé un feu pour le diable et ses anges. Que ce Dieu-là même soit annoncé par les Eglises comme étant le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, tous ceux qui le veulent peuvent l'apprendre par cet écrit, tout comme ils peuvent connaître par lui la Tradition apostolique de l'Église, puisque cette lettre est plus ancienne que les actuels fauteurs d'erreur qui imaginent faussement un autre Dieu au-dessus du Créateur et de l'Auteur de tout ce qui existe". (Adv. Hæreses, 3, 3, 3).

 

La réputation de Clément est t'elle qu'il est nommé par de nombreux auteurs anciens: Origène, Tertullien, Eusèbe de Césarée, Jérome et Rufin qui a traduit en latin les "reconnaissances".

 

En 861, ses reliques ou du moins une partie d'entre elles, ont été ramenées de Crimée à Rome par les saints évangélisateurs des slaves Cyrille et Méthode.  Elles ont été déposées dans la Basilique Saint Clément, édifice ancien mentionné dès le 4è siècle. La désignation titulus Clementis (littéralement propriété de Clément) apparait pour la première fois dans les actes de l'évêque de Rome Sirice (384-398).

 

Saint Clément de Rome est particulièrement vénéré dans les Eglises orthodoxes,  il est le saint patron de la Crimée et aussi des canonistes, (spécialistes du droit de l'Eglise) en raison de la douceur évangélique, associée à la fermeté  de la tradition, avec laquelle il a ramené la paix à Corinthe.

 

Ce que nous devons en retenir:

 

Il convient de laisser de côté le roman syrien  qui puise ses informations dans les écrits apocryphes judéo-chrétiens, non sans quelquefois malmener l'orthodoxie. L'examen de la lettre authentique aux corinthiens permettra de mieux découvrir la personnalité attachante du 3è évêque de Rome.

 

La passion romaine, malgré quelques invraisemblances,  ne peut être complètement écartée. Elle est la source primaire de la relation du martyre de Clément retenue par les synaxaires orthodoxes et l'iconographie.

 

Avec Irénée, nous devons mettre en avant le doux prédicateur de l'Evangile, le sage interprète des Ecritures, l'artisan de paix sans autoritarisme.

 

Saint Clément de Rome - L'épître aux Corinthiens

 

Des troubles avaient éclaté, on ne sait pas au juste pourquoi, dans l'Église de Corinthe. Des membres du collège presbytéral avaient été déposés. L'Église de Rome, instruite de ces troubles, jugea bon d'intervenir.

Elle fit partir pour Corinthe deux de ses membres, porteurs de la lettre qui nous occupe.

Saint Clément, dans la première partie, prémunit contre l'envie et la jalousie, appelle à la pénitence, recommande énergiquement l'humilité, la soumission, et, d'une façon générale, la pratique de toutes les vertus chrétiennes. Partout il emprunte à la Première Alliance des exemples ou des figures de ces vertus.

Avec la seconde partie, l'auteur serre de plus près son sujet: Il y met en relief l'institution divine de la hiérarchie ecclésiastique et le précepte de l'obéissance à l'autorité légitime dans l'Église; il adjure les fidèles de s'entr'aimer, aux fauteurs des désordres, de se repentir et de se soumettre.

 

Le motif premier de la lettre offre à l’évêque de Rome la possibilité d’une ample intervention sur l’identité de l’Église et sur sa mission.

Si à Corinthe il y eut des abus, observe Clément, la cause est à rechercher dans l’affaiblissement de la charité et d’autres vertus chrétiennes indispensables. Et c’est pour cela qu’il rappelle les fidèles à l’humilité et à l’amour fraternel, les deux vertus vraiment constitutives de l’être de l’Église : " Nous sommes une portion sainte, les admoneste-t-il, il nous faut donc accomplir tout ce qu’exige la sainteté " (30, 1).

C’est parce que la foi s’est affaiblie que la paix s’est éloignée. "Ainsi se sont éloignées la justice et la paix, depuis que chacun a délaissé la crainte de Dieu, affaibli les lumières de sa foi." (3, 4)

 

L'auteur en appelle  tour à tour, selon la marche de sa pensée et les besoins de sa cause, aux dogmes de l'unité et de l'infinité de Dieu, à ceux de la création, de la Trinité, de l'incarnation, de la rédemption, de la grâce et de l'Église.

 

Ainsi il nous offre un tableau de l'expression de la foi chrétienne vers la fin du premier siècle. Nulle préoccupation chez Clément, d'imposer aux Corinthiens ses idées personnelles.

Pour convaincre, il ne commande pas, il ne menace pas, avec grande modération, il se contente d'exhorter: "Vous nous causerez joie et allégresse, si vous obéissez aux conseils que nous vous avons donnés par le Saint Esprit, si vous coupez court à l'emportement coupable de votre  rivalité, selon l'invitation à la paix et à la concorde que nous vous faisons par cette lettre." (52,3 & 63,2)

Saint Clément, en parlant de Dieu, fait ressortir ses principaux attributs, sa bonté, sa miséricorde sa puissance créatrice; c'est un Dieu prodigue de son amour et de ses bienfaits, (21), un père (23), en même temps qu'un maître. Non  content de combler l'homme de ses dons, il prépare aux justes une récompense qui sera un épanouissement des biens de la grâce. (25)  Avec saint Pierre et saint Paul, les justes iront aussitôt après la mort dans le lieu saint, (7), et leurs œuvres seront manifestées au jour du jugement. Les corps ressusciteront au dernier jour.

Un dans sa nature; le Dieu de la lettre aux Corinthiens n'est pas le Dieu solitaire du monothéisme juif mais celui de la Trinité chrétienne.

De ce mystère de la Trinité, la lettre parle en termes aussi simples que nets, comme d'un dogme connu de tous les fidèles: "Dieu est le Vivant et le Seigneur Jésus-Christ, et le Saint-Esprit aussi". Au côté de Dieu Père, il place Jésus-Christ et le Saint-Esprit. C'est par cet Esprit qu'ont parlé les écrivains sacrés; c'est par cet Esprit que Clément lui-même écrit: "Nous n'avons, dit-il, "qu'un Dieu, un Christ, un seul Esprit de grâce répandu sur nous. "

Jésus-Christ, exempt de péché, nous a été sur la terre un modèle achevé de toutes les vertus, par sa mort sanglante, il a racheté tous les hommes, La mort de Jésus-Christ n'a pas été seulement un modèle d'humilité, de patience, elle a été le grand sacrifice de réconciliation entre le ciel et la terre, un sacrifice que le messie a librement offert à Dieu et dans lequel il était à la fois prêtre et offrande;. Par son sang Jésus a racheté tous les hommes. Il est donc "notre Salut, le pontife de nos offrandes, l'avocat de nos faiblesses, notre grand-prêtre". "C'est par lui que nous rendons gloire à Dieu et que nous le prions, Nous devons aussi l'honorer lui-même". (26,6).

La résurrection du Sauveur est la clef de voûte du christianisme, par là Jésus est glorifié, et, à la fin des temps, il jugera souverainement le monde.

Le sang de Jésus-Christ, procure à tous ceux et à ceux-là seuls qui ne le rejettent pas, le pardon des péchés, la sainteté, l'amitié de Dieu.

L'homme peut toujours faire pénitence et se repentir.

La foi, telle que le saint l'entend, est au premier chef un acte d'obéissance, qui implique l'espérance et la charité. La foi est la base de notre justification, mais elle n'y suffit point. Sans la foi, pas de Salut pour l'homme. Mais la foi requiert et inspire les œuvres. Les œuvres sont la preuve extérieure de la foi, l'attestation de sa vitalité.

 

Voici les caractères généraux de l'Église: unité foncière, visibilité, indestructibilité, nécessité pour le Salut,

La lettre aux Corinthiens met en pleine lumière la tradition ecclésiastique. Les apôtres, dépositaires de l'autorité de Jésus-Christ, se sont donné des successeurs, afin d'assurer dans l'Église la perpétuité du ministère confié par le Christ.

Saint Clément, parle des évêques et des diacres, et il se sert indifféremment des termes d'évêque et de prêtre (presbytre), dont l'office principal est de présenter l'offrande des dons. Les diacres sont préposés au soin des choses extérieures, et sont aussi les ministres de l'autel.

 

Il faut honorer les presbytres au lieu de les priver sans raison de l'exercice de leur charge, comme ont fait les Corinthiens. C'est l'envie qui a produit chez eux les dissentiments, l'obéissance et la charité, s'imposent à tout chrétien.

Clément présente les vertus nécessaires à la concorde d’une façon négative: d’abord bannir la jalousie (chap. 4 à 6) puis faire pénitence (ch. 7 et 8)

Puis elles sont présentées aussi d’une façon positive:

-Pratiquer l’obéissance, la foi, la piété, l’hospitalité (ch.9 à 12) "Obéissons donc à la volonté magnifique et glorieuse, prosternons-nous en suppliant sa piété et sa bonté, recourons à sa compassion, quittons les besognes vaines, les querelles, la jalousie qui mène à la mort. Fixons nos regards sur ceux qui ont été les serviteurs accomplis de sa magnifique gloire"

-Pratiquer l’humilité à l’exemple du Christ et des saints (ch.13 à 19): "Soyons bons les uns pour les autres, à l’exemple de notre miséricordieux et doux Créateur".

 

Les ch. 20 à 22 constituent la finale grandiose de cette exhortation aux vertus nécessaires à la concorde: Clément célèbre l’ordre qui règne dans l’univers:

"Les cieux mis en branle par son ordre, lui obéissent en paix. Le jour et la nuit accomplissent la course qu’il leur a prescrite, sans s’entraver l’un l’autre. Le soleil, la lune et le chœur des astres parcourent, d’après son ordre, avec harmonie et sans aucun écart, les orbites qu’il leur a marqués. La terre féconde, docile à sa volonté, fournit en abondance, dans les saisons convenables, leur nourriture aux hommes, aux animaux, à tous les êtres qui vivent à sa surface ; elle n’hésite pas, elle ne change rien à ses décrets". <>Le souverain Créateur et Maître de l’univers a disposé que toutes ces choses resteraient dans la paix et la concorde, bienfaisant qu’il est pour toutes ses créatures, mais plus que prodigue envers nous qui recourons à ses miséricordes par Notre Seigneur Jésus-Christ, à qui soit la gloire et la majesté dans les siècles des siècles. Amen.  20, 11-12

Le Père tout compatissant et bienfaisant se sent des entrailles pour ceux qui le craignent ; il répand ses grâces avec douceur et bonté sur ceux qui s’approchent de lui avec un cœur simple. Aussi, défaisons-nous de la duplicité, et que notre âme ne s’enfle point à cause de ses dons incomparables et magnifiques   23, 1-2

 

Le culte de l’Église se déroule selon l'ordre: "Or il nous a prescrit de nous acquitter des offrandes et du service divin non pas au hasard et sans ordre, mais en des temps et à des heures fixés. Il a déterminé lui-même par sa décision souveraine à quels endroits et par quels ministres ils doivent s’accomplir, afin que toutes choses se fassent saintement selon son bon plaisir, et soient agréables à sa volonté". 40, 2-3

 

Les apôtres nous ont laissé des successeurs pour assurer la vérité de la prédication évangélique: " Prêchant à travers les villes et les campagnes, ils[les apôtres] éprouvèrent dans le Saint-Esprit leurs prémices, et les instituèrent comme évêques et comme diacres des futurs croyants. 42, <> Ils instituèrent ceux que nous avons dits, et ensuite posèrent cette règle qu’après leur mort, d’autres hommes éprouvés succéderaient à leur ministère. 44, 2

 

L'épître de Clément ne peut s'achever sans une grande prière où se dégage la paix de l'esprit et du cœur de son auteur:

"Nous t'en prions, Maître, "fais-toi notre secours et notre protecteur " (Ps 118,114). Parmi nous, sauve les opprimés, aux humbles fais miséricorde. Ceux qui sont tombés, relève-les. A ceux qui sont dans la misère, montre ta face. Les faibles, daigne les guérir, Les égarés de ton peuple, veuille les ramener. <> " Que toutes les nations connaissent que tu es toi le seul Dieu " (1 R. 8, 60) Et que Jésus-Christ est ton Fils  Et " nous-mêmes, ton peuple et le troupeau de ta bergerie " (Ps 78, 13) C'est toi dont les œuvres ont fait apparaître l'immortelle harmonie du cosmos,

C'est toi, Seigneur, qui as fait la terre habitée, toi qui te montres fidèle dans toutes les générations, juste dans tes jugements, admirable dans ta force et ta majesté, sage dans ta création, <> Dirige notre marche" (Ps 118, 133), " afin que nous allions dans la sainteté du cœur" (1 R. 9, 4), Et que " nous accomplissions ce qui est bien et agréable à tes yeux" (Dt 13, 18) Et aux yeux de ceux qui nous gouvernent. Oui, Maître, " fais briller sur nous ta face " (Ps 66, 2) <> 

Donne-nous la concorde et la paix, à nous et à tous les habitants de la terre, comme tu les as données à nos pères lorsqu'ils invoquaient ton Nom dans la foi et la vérité. Et pour cela rends-nous soumis à ton Nom tout-puissant et très saint, <>

Car c'est toi, Maître, Roi des Cieux pour les siècles, qui donne aux fils des hommes la gloire et l'honneur et le pouvoir sur les choses de la terre. Toi donc, dirige leur conseil selon ce qui est bien et agréable à tes yeux, afin qu'en exerçant dans la paix, la mansuétude, avec piété, l'autorité que tu leur as donnée,  ils obtiennent ta grâce. Toi seul peux faire cela et nous en accorder bien plus encore. 

Nous t'en rendons grâces par le grand prêtre et protecteur de nos âmes, Jésus-Christ, par qui gloire et magnificence soit à toi, maintenant, de générations en générations, et dans les siècles des siècles. Amen.

 

 

Bibliographie:

-Clément de Rome, épître aux Corinthiens, traduction Annie Jaubert,, SC N° 167, 2000

                         Texte complet:  http://seigneurjesus.free.fr/epitreclement.htm

- Soeur Gabriel Peters,  manuel de patrologie

                         http://www.patristique.org/Les-Peres-apostoliques-I-Clement-de-Rome.html

 

 Saint Clément de Rome -  L'univers spirituel du pape Clément

 

Avec l'antiquité chrétienne nous croyons que saint Clément fut disciple de l'apôtre Pierre. N'oublions pas, quand nous lisons l'épître de Rome aux Corinthiens que nous sommes au premier siècle du christianisme, la mise par écrit de l'Evangile de saint Jean est contemporaine de la lettre de Clément. Pourtant toute la tradition est déjà présente dans le texte clémentin.

 

Selon un historien contemporain (Jean Colson, Clément de Rome - Clément et la tradition juive, Paris 1994) ,"en dépit de cet accent romain superficiel, la lettre dans son ensemble dénote une mentalité et une formation essentiellement juives".

La lettre comporte un très grand nombre de citations des Ecritures, qui constituent d'ailleurs sa trame. On y trouve de très nombreux hébraïsmes et le nom de Dieu y est remplacé par le pronom "Il ".  Les  expressions "notre père Abraham" "notre père Jacob ",  et surtout l'emploi de textes sacrés, qui seront plus tard  non retenus dans le canon  des Ecritures sélectionnées par les pères de l'Eglise,  ni d'ailleurs le canon juif des massorètes, laissent à penser que les catégories mentales de l'auteur et probablement sa formation sont étroitement apparentées à la foi judéo-chrétienne des premiers jours du christianisme.

 

Saint Clément est probablement juif d'origine, de ceux qui vivaient à Rome comme à Alexandrie et en Asie mineure,  et qui ont aussi reçu une bonne formation helléniste. Beaucoup de ces juifs ont entendu le message des apôtres, et, venus de la synagogue, ont formé les premières communautés chrétiennes.

Les directions spirituelles de saint Clément sont précises, fermes, pratiques mais toujours modérées. Clément insiste sur deux vertus essentielles de l'Evangile: l'obéissance et l'humilité. Comme saint Paul, il rapporte tout au Christ, les expressions "en Christ, par Jésus le Christ" sont répétées sans cesse.

 

J'emprunte à madame Annie Jaubert son analyse de l'héritage juif de Clément (op.cit.dans le N° 333 - introduction).

Alors que probablement les communautés d'origine juive se déchiraient au sujet de la Loi, entre la position de saint Paul et celle de saint Jacques, nous voyons ici Clément assumer l'héritage d'Israël toujours d'une manière positive, hardiment, mais sans polémique.  Saint Clément va vers son objectif de rétablir la tradition à Corinthe sans se laisser distraire par la querelle sur l'observance complète de la Torah. Il connaît bien les épîtres de saint Paul, il le cite très souvent: en homme doux et réfléchi, il établit son argumentation que sur des considérations spirituelles.

Pour saint Clément, il n'y a qu'une seule histoire humaine, une seule tradition, une seule élection, il n'y a pas de discontinuité entre une ancienne et nouvelle Alliance. C'est le Christ qui est déjà à l'œuvre dans la Première Alliance, il est celui qui dans sa chair conduit à la perfection la Torah.

 

 Il rappelle les paroles du Seigneur Jésus sur la miséricorde et le pardon:

"Frères, soyons humbles de cœur, déposons tous les sentiments de jactance, de vanité, de fol orgueil et accomplissons ce qui est écrit <> Souvenons-nous surtout des paroles du Seigneur Jésus, lorsqu'il nous enseignait la bienveillance et la longanimité <> Attachons-nous fermement à ce commandement  et à ces préceptes, afin de marcher dans l'obéissance à ses paroles sacrées, en humilité de cœur".  Chap 13.

 

L'amour fraternel est une catégorie essentielle des chrétiens fidèles à l'enseignement des apôtres, elle résulte de l'amour des membres du Peuple de Dieu qui forment l'Assemblée d'Israël, puis l'Eglise sainte.

 

" Qu'allons-nous faire? Rester inactifs devant le bien? Délaisser la charité <> hâtons –nous au contraire avec zèle et ardeur d'accomplir toute œuvre bonne. Car le créateur lui-même, le maître de l'univers, se réjouit de ses œuvres.<> Devant pareil modèle, appliquons-nous sans retard à sa volonté, travaillons de toutes nos forces à l'œuvre de justice." Chap 33.

 

Saint Clément, ailleurs, avec saint Paul, déclare que la foi justifie et non les œuvres:

"Par sa volonté nous avons été appelés dans le Christ Jésus, nous ne sommes pas justifiés par nous-mêmes, ni par notre propre sagesse, piété ou intelligence, ni  par les œuvres que nous avons accomplies dans la pureté de cœur, mais par la foi" Chap 32.

 

L'expression "œuvres de justice" se trouve dans la Septante -Sir 16,22 & Isaïe 32,17- et aussi dans les écrits de Qumrân, au pluriel et appliquée à Dieu. Ainsi nous pouvons comprendre "le travail à l'œuvre de la justice"  par "mettons-nous au service de la justice". Dieu seul fait les œuvres de la justice, l'homme par la foi se met au service de l'œuvre de Dieu.

Nous pouvons ajouter que Clément dit que saint "Paul a enseigné la justice au monde entier". Il semble qu'ici le grec se calque sur l'hébreu "moré sedeq- enseignant de justice", qui ne met pas en avant la justice justifiante, mais la "véritable interprétation" de la Torah, Paul ainsi annonce la juste Torah éternelle aux nations.

 

Clément en bon juif n'aime pas prononcer le nom de Dieu, s'il le remplace souvent par un pronom, il utilise encore plus ce qui est devenu le nom commun de Dieu dans le judaïsme après la destruction du temple: HaShem –le Nom, sous entendu le Nom divin. Il ne dit pas -Le Nom- sans ajouter un qualificatif ou un complément: Nom glorieux, Nom suréminent, Nom magnifique et très saint. A ce Nom, on doit rendre un culte, adresser des invocations. En ce Nom il faut espérer:

"Espérer en ton Nom qui est à l'origine de toute créature <> car la vocation chrétienne, c'est d'avoir été appelé "à la connaissance de la gloire de son Nom". Chap 59.

 

Terminons cette trop brève étude par l'influence liturgique de saint Clément: Ses doxologies et intercessions, inspirées par la prière juive des dix huit bénédictions en particulier, sont entrées dans beaucoup de liturgies d'Orient.

 

Le traité canonico-liturgique  du 4è siècle appelé "Constitutions apostoliques" revendique saint Clément pour auteur. Il contient une grande anaphore sous son nom. La liturgie syriaque possède aussi une autre anaphore selon saint Clément. Ces attributions sont peu crédibles. 

                                                                                                   ¤  E-P       

 

 

Paroles de notre Père parmi les saints, Clément, évêque de Rome

 

Intercédons, nous aussi, pour ceux qui connaissent des défaillances, afin que leur soient données modération et humilité et qu'ils cèdent, non pas à nous, mais à la volonté de Dieu. Alors quand nous ferons mémoire d'eux en esprit de miséricorde devant Dieu et devant les saints, notre prière portera des fruits et sera parfaite. <>

Obéissons donc à son Nom très saint et glorieux, fuyant les dangers proférés par la Sagesse contre ceux qui lui résistent afin de nous reposer avec confiance sur le Nom très saint de sa majesté. Recevez nos recommandations et vous ne vous  en repentirez pas. Par la vie de Dieu, par la vie de notre Seigneur Jésus Christ et de l'Esprit Saint, foi et espérance des élus, celui qui aura pratiqué sans regret les préceptes et les commandements donnés par Dieu, avec humilité et en persévérant dans la douceur, celui-là sera rangé et compté au nombre de ceux qui sont sauvés.

                                       +  

        

 

Recherche la paix et poursuis-la. <>

Compatissant en tout et prodigue de bienfaits, le Père a des entrailles envers ceux qui le craignent.

Avec douceur et bonté, il répand ses grâces sur ceux qui s'approchent de lui avec un cœur simple.

Aussi n'ayons pas l'âme partagée et que notre esprit ne s'enfle pas à cause de ses dons incomparables et magnifiques.

                                                                 + saint Clément de Rome

 

 

Lettre aux amis du sanctuaire du prophète Elie  N° 332 à 334 Juillet-septembre 2016                                                                                                      

                                                                                                             

Clément de Rome