Le sens des fêtes: le Carême de Pâques

 

Se tourner vers Dieu

 

Le temps de carême est le temps béni où nous considérons objectivement, sans repentance maladive, ni bonne conscience  hypocrite, l'état de notre cœur, de notre vie spirituelle. C'est le doux moment où la liturgie de l'Eglise nous met face à notre cœur et lui parle avec la simplicité d'un ami véritable.

 

Si la liturgie ne remplit pas toute l'activité de l'Eglise, est en est le cœur, la source d'où coule toute la force et toutes vertus inébranlables du chrétien. En effet, lorsque les fidèles se rassemblent en Eglise, c'est le Christ lui-même qui célèbre pour eux le mystère –"Grand Prêtre et Oblation, lui qui distribue et qui est distribué,  toujours au milieu de nous, sans jamais être épuisé" - dit l'anaphore de saint Athanase, - "lui qui offre et qui est offert, qui reçoit et est distribué"- dit la prière d'apologie de saint Sévère.

 

Dans chaque anaphore de la Sainte Eucharistie et tout au long de l'année liturgique, l'Eglise fait mémoire de tout le mystère du Christ, de l'incarnation à la descente du Saint Esprit à la Pentecôte en mettant l'accent sur la mort et la résurrection du Sauveur; Elle attend le second et glorieux second avènement. L'Eglise "fait mémoire", ce qui sous entend le vocable grec "anamnèse", il signifie précisément que les mystères sont rendus présents maintenant et toujours pour les fidèles mis en contact avec eux pour leur sanctification. L'agent de l'anamnèse est le Saint Esprit qui donne la Vie.

 

Au sommet de l'année liturgique brillent les saints jours de la Pâque. Toute la confiance des chrétiens tient dans cette parole: Le Christ est ressuscité, Amen, il est ressuscité!

A partir de Pâque, source de lumière, le temps nouveau de la résurrection emplit toute vie de sa clarté. A chaque Oblation de l'encens, la tradition copte-orthodoxe dit avec saint Paul: "le Christ est le même, hier et aujourd'hui, demain et dans l'éternité, à lui la gloire et l'adoration dans les siècles des siècles". Un texte ancien de la tradition occidentale amplifiait la confession de Paul par ces mots: "Le Christ, hier et aujourd'hui, commencement et fin de toutes choses, Alpha & Oméga, à lui le temps et l'éternité".

 

Si la nuit pascale est un sommet de l'histoire de notre Salut, les quarante jours qui précèdent constitue la montée vers Pâque et récapitulent les moyens que le Seigneur met à notre disposition pour que nous faisons nôtre le projet de Dieu. Le carême de Pâque est un grand moment de l'année liturgique, non pour nous encourager à des macérations héroïques mais pour reprendre souffle et évaluer nos habitudes; Notre pesanteur est telle que bien vite notre existence spirituelle tombe dans une routine qui risque d'enfouir la grâce divine au fond de notre cœur et la laisser là, bien profondément recouverte par les soucis du monde, ainsi elle ne peut donner les fruits de l'Esprit qui sont la paix profonde, la mansuétude, la charité et la joie parfaite.

 

Faire métanoïa, changez d'état d'esprit, se convertir, c'est se détourner de ce qui  nous attire trop facilement en ce monde et nous masque l'essentiel, c'est se tourner vers Dieu. Le mot hébreu qui désigne la conversion  téchouva signifie "retour vers Lui", vers la source de vie.

 

Le temps de carême est le temps propice pour approfondir notre connaissance du projet de Dieu sur nous-mêmes et sur le monde. La liturgie nous y aide en présentant un condensé de l'histoire du Salut.

Les tropaires font défiler les personnes archétypes de la première et seconde Alliance et nous amène à examiner notre vie à l'éclairage de leur biographie:

 

Moïse ouvre la série, et nous conduit directement à l'initiation de la contemplation divine par l'image du buisson ardent:

"Le  grand Moïse a habité le désert, je viens donc imiter son abnégation, afin d'arriver un jour à contempler le buisson ardent ô mon sauveur, éclaire-moi.

 

Puis vient Job, l'icône du juste qui dans les épreuves de la vie, n'accuse pas Dieu et refuse aussi une conception archaïque de la souffrance comme punition des fautes. Nous ne pouvons nous prévaloir de la justice de Job mais comme lui, dans les épreuves de la vie, nous confessons: "qu'importent la douleur, la dureté du malheur qui nous éprouve, Dieu ne nous abandonne pas".

Si l'homme juste et sans reproche, tel Job, ne put éviter les atteintes et les pièges du tentateur, que sera-ce de moi, infirme, triste jouet du péché, si tu ne viens à mon secours, ô Sauveur de la création.

 

Voici David, le roi comblé par Dieu, qui atteint le sommet de l'hypocrisie en faisant assassiner Urie le mari de Bethsabée pour cacher son adultère. 

David, le roi prophète fit du monument de son crime, un cantique et s'en accuse hautement en criant vers Dieu: "Prends pitié de moi, car j'ai péché devant toi seul". Avec lui, je crie: Dieu de l'univers, daigne me purifier.

 

Un autre sommet de la vie contemplative est présenté avec Elie         

Elie, reposant sur les chérubins comme sur un char de feu, s'élança jadis de la terre au ciel; accorde-moi de méditer sur cette ascension. Elisée ayant reçu autrefois le manteau d'Elie, obtient de Dieu le double de l'esprit de prophétie, mais, moi, je n'y ai point participé à cause de mes manquements. Purifie-moi, ô mon sauveur.

 

Tous ces personnages nous ont montré leurs grandeurs et leurs faiblesses, notre vie intérieure est plus ou moins à leur ressemblance; ce qui les rend éminents, c'est la grâce et la miséricorde de Dieu qu'ils ont su accepter. 

Je contemple, les modèles de tous ceux que nous fait connaître la Première Alliance, donne-moi de suivre l'exemple des justes et détourne-moi de celle des dépravés, ô mon Sauveur.

Voici maintenant les prototypes de la nouvelle Alliance. D'abord Jean le chantre du retour à Dieu, de la conversion

Jean le précurseur de la grâce habita dans le désert; toute la Judée et la Samarie accouraient à lui pour l'entendre et confesser leurs péchés et recevoir le baptême avec joie; je n'ai pas suivi leur exemple. Sauveur, purifie-moi.

 

Ascèse, travail sur soi, ne veut pas dire faire l'ange et renoncer aux joies légitimes, mais transformer la joie en action de grâces. Les mariés de Cana ont vu la banalité de leur vie transfigurée par la présence du Logos incarné.

Le mariage est digne d'être honoré, et le lit nuptial est saint, parce que le Christ les a bénis tous les deux, lorsque revêtu de notre chair, il prit part aux noces de Cana et changea l'eau en vin, accomplissant son premier miracle en vue de ma transformation. Sauveur, change l'amertume de mon péché en joie pascale.

 

Les grandes figures de l'humble publicain, du charitable et bon samaritain, sont pour nous l'exemple parfait de l'attitude du vrai croyant.

Sois-moi favorable, je t'implore comme le publicain, sois-moi favorable, Sauveur; guéris les ulcères de mon âme, toi qui es mon seul médecin, applique sur moi, l'huile et le vin: la douceur de ta loi et la tendre miséricorde.

 

Avec le paralytique, le fils de la veuve, le serviteur du centurion, c'est la guérison des corps et des cœurs que nous demandons, la réparation de notre humanité. Avec Claire la samaritaine, nous découvrons avec stupeur que Dieu ne réserve pas ses grandes révélations et sa grâce aux justes mais à ceux dont le cœur est grand et généreux.  

Le Christ redresse le paralytique et lui fait emporter son lit de douleurs, il ressuscite le fils de la veuve ainsi que le serviteur du centurion, puis se montre à la Samaritaine; par elle, il me montre l'adoration en esprit et vérité.

Répands de ton sein sur moi, une eau vive, car c'est de toi, ô Sauveur, qu'émanent les torrents de la vie.

 

Il ne faut perdre de vue notre condition de pécheurs mais compter  surtout sur la grâce divine.

Zachée le publicain obtint le salut; la femme pécheresse t'invoquait en versant des larmes comme le parfum d'une huile odoriférante et ses péchés furent remis. Accorde-moi, ô Sauveur, la conversion et la rémission du péché.

 

Chaque trope est rythmé par l'invocation: Souviens-toi de moi, ô Dieu, quand tu viendras dans ton Royaume. Souviens-toi de moi, Seigneur, quand tu viendras dans ton Royaume.  Souviens-toi de moi, ô Roi, quand tu viendras dans ton Royaume".

 

Ouvre-moi, les portes de ton glorieux royaume, comme au larron repentant et confessant ta divinité, ô très miséricordieux, toi qui as souffert la croix pour le salut de la création.

 

                                                    

 

La victoire définitive est présente dans "le scandale de la croix". L'arbre de la croix attire vers l'arbre de vie du Royaume céleste. Avec le larron, par le sang de la croix,  avec confiance  nous passons de la mort à la vie.

 

Carême