L'âme du juste est le trône de la Sagesse
Aujourd'hui, une vierge mère porte le Seigneur du temple dans le temple du Seigneur, et Joseph vient offrir à Dieu, non pas son fils à lui Joseph, mais le Fils même de Dieu, en qui le Père a mis toutes ses complaisances. Siméon, le juste, reconnaît celui qu'il attendait, Anne, la veuve, le confesse. Ces quatre personnages sont les premiers qui ont célébré, en ce jour, une procession qui devait ensuite être l'objet d'une fête joyeuse, fête pour tous les peuples de la terre, et dans tous les endroits du monde.
Ne vous étonnez point si cette procession fut petite, celui qui en était l'objet était si petit lui-même! Mais, dans ses rangs, il n'y avait point de place pour un seul pécheur, ceux qui la composaient étaient tous justes, saints et parfaits. Mais Seigneur, ne sauveras-tu que ceux-là? Tu grandiras et ta compassion grandira aussi, et, quand ta miséricorde se sera multipliée, tu ne sauveras pas seulement les hommes, Seigneur Dieu, tu sauveras les animaux même.
Dans une seconde procession [le jour de l'entrée à Jérusalem aux rameaux], le Sauveur marche précédé et suivi de la foule, mais alors ce n'est plus une vierge, c'est un âne qui le porte. Il ne dédaigne donc personne, pas même ceux qui se sont corrompus, comme les animaux qui pourrissent dans leurs propres ordures. -Joel. I, 17-
Non, il ne rejette personne, mais à condition qu'on ait les vêtements des apôtres, qu'on soit rempli de leur doctrine. Si on est de mœurs pures, si à l'obéissance, on joint la charité qui couvre une multitude de péchés, alors on sera jugé digne de l'honneur de suivre sa procession. Je vais plus loin et je trouve que cette procession même, où il semble n'avoir admis qu'un si petit nombre de personnes, nous est réservée, à nous aussi. Et pourquoi n'aurait-il pas réservé, pour la postérité, cet honneur qu'il a accordé à nos devanciers ?
David, le Roi prophète, a désiré avec ardeur voir ce jour, et il l'a vu, et il en a été comblé de joie -Jn. 8, 56- car s'il ne l'avait point vu, comment aurait-il pu dire dans ses chants: "Nous avons reçu, ô mon Dieu, ta miséricorde au milieu de votre temple" -Ps XLVII, 8- . Cette miséricorde du Seigneur, David l'a reçue, Siméon l'a reçue, nous-mêmes et quiconque est invité à la vie éternelle l'avons reçue, puisque Jésus était hier, est aujourd'hui et sera demain -Hébr. 13, 8-. De plus, ce n'est pas dans un coin, mais au milieu même du temple qu'elle se trouve, attendu qu'il n'y a en Dieu acception de personne. Elle est donc placée en commun, elle est offerte à tous les hommes, et nul n'en est privé que celui qui refuse d'en prendre sa part.
Les eaux de ta miséricorde se répandent au dehors, Seigneur mon Dieu, la source ne t'en appartiendra pas moins à toi seul et les étrangers ne pourront y puiser pour en boire -Prov. 16 et 17-. Quiconque est tien ne connaîtra point la mort qu'il n'ait vu le Christ du Seigneur auparavant, afin qu'il meure en paix et en sûreté. Et pourquoi ne mourrait-il pas en paix celui qui a l'Oint du Seigneur dans son cœur ? N'est-il pas lui-même ta paix, lui qui par la foi habite dans nos âmes ? <> " Seigneur Dieu, nous avons reçu ta miséricorde au milieu de ton temple.- Ps 48, 10.- Quelle parole de reconnaissance, différente de ce gémissement : " Ta miséricorde, ô mon Dieu, est dans le Ciel, et ta vérité s'élève jusqu'aux nues . –Ps 36, 6-" Eh quoi, en effet, trouvez-vous que la miséricorde était au milieu du temple, lorsqu'elle ne se rencontrait qu'au milieu des seuls esprits célestes ? Mais lorsque le Christ se fut abaissé un peu au dessous des anges, et se fut fait médiateur entre les hommes et Dieu, et que, par son sang; il pacifia et réunit ensemble, comme la pierre angulaire, les choses du ciel et celles de la terre, on peut dire que c'est alors que nous avons reçu ta miséricorde, ô mon Dieu, au milieu de ton temple. Nous étions auparavant des enfants de colère, mais nous avons obtenu miséricorde. Comment étions-nous enfants de colère, et quelle miséricorde avons-nous reçue ? Nous étions des enfants d'ignorance, de lâcheté et de servitude, et la miséricorde que nous avons reçue est une miséricorde de sagesse, de force et de rédemption. <>
Embrassons donc la miséricorde que nous avons reçue au milieu du temple, et ne nous éloignons pas plus du temple que la bienheureuse Anne ne s'en éloignait elle-même. " Car le temple de Dieu est saint, mais ce temple n'est autre que vous-même, -I Cor. III, 17-, dit l'Apôtre. Par conséquent, cette miséricorde n'est pas loin de. vous, la Parole de Dieu n'est point éloignée de vous, elle est dans votre bouche, dans votre cœur. -Rom. 10, 8- D'ailleurs, le Christ habite dans vos cœurs par la foi, voilà quel est son temple, quel est son trône; car je ne pense pas que vous ayez oublié ces paroles [des pères]: " L'âme du juste est le trône de la sagesse". Aussi, s'il est une chose que je veux rappeler souvent à mes frères, que je veux leur rappeler toujours, et que je leur demande aujourd'hui avec instance, c'est que, dans cette chair, nous ne vivions point selon la chair, si nous ne voulons point déplaire à Dieu. Ne soyons pas amis de ce siècle, si nous ne voulons être ennemis de Dieu. <> Or, c'est dans le cœur que nous recevons la miséricorde, c'est dans le cœur que Jésus-Christ habite, c'est dans le cœur enfin qu'il parle de paix à son peuple, à ses saints, à ceux, en un mot, qui se retirent dans leur cœur.
+ Bernard de Clervaux, abbé cistercien, première homélie sur la purification |
Bernard, homélie 1 sur la purification |