Aperçus sur l'art copte

 

Jusqu'au 3 septembre 2000, l'Institut du monde arabe à Paris a présenté une exposition   sur l'art copte en Egypte. Cette exposition a été coproduite avec la ville d'Agde, aussi,  à  partir du 30 septembre et jusqu'au 7 janvier 2001, la même exposition a été présentée dans notre Languedoc au musée de l'Ephèbe du Cap d'Agde.

                                                                     affiche expo à Lattes

 

L'exposition montre les divers visages de l'art et de la culture copte avec l'ambition de couvrir les 2000 ans de christianisme égyptien, bien que la part réservé au 20è.siècle soit, sauf distraction de l'auteur de ces lignes, limitée dans le magnifique catalogue, à une modeste contribution du maître du renouveau iconographique copte, Isaac Fanous.

 

Les commissaires de l'expo ont ainsi  ouvert une toute petite brèche dans l'attitude occidentale qui ne pose qu' un regard historique ou anthropologique sur la culture copte. Cette tendance conduit beaucoup de coptes  à déserter les sociétés savantes occidentales de coptologie qui traitent la tradition égyptienne comme si elle était morte et fossilisée. 

Heureusement la tendance s'inverse peu à peu grâce au travail de l'Institut des études coptes du Caire et des coptes hors d'Egypte; pour la France, il faut rendre grâce au comité de rédaction de l'indispensable revue "le Monde copte"; il serait injuste de ne pas mentionner aussi madame le Conservateur en chef, chargée de la section copte au musée du Louvre, qui n' épargne aucun effort pour faire connaître et rayonner la production artistique de ce que nous n'hésitons pas à appeler la civilisation copte.  

 

L'exposition et son superbe catalogue rappelleront à la mémoire  de l'occident les chrétiens d'Orient d'aujourd'hui , et à celle des Eglises que l'Eglise copte est autre chose  qu'un  exotique parent pauvre .

 

L'art copte est celui de la population indigène d'Egypte après  la grande civilisation pharaonique. Il s'étend en effet, dans le temps sur le bi-millénaire du christianisme de la période gréco-romaine à aujourd'hui , et dans tous les domaines de la création, qu'elle soit cultuelle, artistique ou vernaculaire, objets de tous les jours.

 

Malgré ce qu'on peut lire ici et là sur l'influence byzantine ou islamique, l'art copte atteint un niveau et une originalité qui forcent l'attention et l'admiration. Bien entendu,  ce sont des cultures que le christianisme trouve sur son chemin et travers lesquelles il trace son propre chemin pour s'incarner. Aussi l'art copte ne surgit pas de rien, il est le témoignage d'un nouvel esprit qui chaque jour naît de la vieille humanité. Tout ce qui est bon, ce qui est beau, est transfiguré pour devenir sacré et devenir une image de jubilation en raison du dessein bienveillant de Dieu.

 

Les historiens de l'art verront donc plusieurs périodes à notre art copte qui est pourtant unique dans son génie embrassant tout le champ du patrimoine culturel: L'écriture et l'enluminure bien sûr, la sculpture sur pierre et sur bois, les textiles somptueusement décorés, surtout l'art noble, l'architecture avec la peinture murale, et aussi l'écriture des icônes (on ne peint pas une icône liturgique, la tradition dit l'écrire) et encore la céramique et l'orfévrerie. Nous avons appris aussi  à ne pas dédaigner les objets de la vie courante qui par la perfection de leur forme utilitaire ou leur décor sont aussi des oeuvres d'art.

 

1. Du 3èS. au 4è.S.

 

En Egypte comme dans le reste de la chrétienté, les témoignages artistiques sont rares avant la fin du 3è.S. ; L'ère des martyrs est peu favorable à la création artistique. Les chrétiens d'Egypte se sont installés dans les temples pharaoniques.

                          

Les témoins de la première période sont limités à des objets de la vie quotidienne comme les instruments de couture et de tissage, des flûtes, des tuniques et autres pièces de vêtements.

                                                      

Il faut signaler la célèbre tapisserie aux poissons provenant d'Antinoé;

Tissé en laine, grâce à l'habileté de l'artisan du 2è ou 3è.S, elle peut être regardée à l'endroit comme à l'envers; le dégradé des couleurs permet de reproduire le reflet des poissons dans l'eau.

                                                        

Cette image a été souvent reprise par les mosaïstes romains. D'autres tapisseries en lin et laine portent des sujets de la mythologie ou des représentations anthropomorphes du Nil, de la Terre et autres éléments divinisés.

                                

 

Les premiers manuscrits  en copte sur parchemins font leur apparition.

 

Quelques églises ont été construites dans le milieu du 3è.S. On ne conserve que leur souvenir, il n'y a quasiment aucun vestige archéologique.

                                             

 

2. La première moitié du  5è.S.

 

Ce siècle est marqué par la construction de l'église d'abou Sarga de la ville de Babylone devenu notre vieux Caire. Les monastères de saint Chénouti (Shénouda) sont peu ou prou de la même génération, ces édifices ont un plan basilical à trois nefs.

 

De nombreux reliefs sur pierre ou sur bois nous présentent des motifs géométriques et figuratifs. La feuille d'acanthe donne partout une note de fraîcheur aux décors. Les frises et les tympans de facture douce offrent la vision de la joie de vivre par le choix de leur thème: la naissance d'Aphrodite , le triomphe de Dionysos, des banquets dionysisaques, l'enlèvement d'Europe.

 

                                              

Les tissus portent les mêmes motifs. Bien que l'empereur Théodose ait imposé en 391 le christianisme comme religion d'Etat, les chrétiens ne se sont pas effarouchés de ces images. A la suite de saint Clément d'Alexandrie, ils ont voulu y voir une préparation à l'Evangile et des allégories de la vie mystique: Aphrodite naissant des eaux sur une conque évoque la nouvelle créature engendrée par le baptême d'eau et d'Esprit, le banquet de Dionysios, la vigne de l'Eucharistie et le banquet éternel, les représentation du Nil et de Gê, la providence divine...

                        

Ainsi la thématique mythologique en pleine période du christianisme triomphant parfois hélas avec quelques violences, a pu se maintenir jusqu'à la fin du 5è.S. où elle sera remplacée par un programme de scènes vétéro-testamentaires ou de saints isolé ou en groupe.

 

3. de la seconde moitié du 5è. au 7è.S.

 

Une architecture de plan basilical à chevet carré à l'extérieur et au sanctuaire intérieur semi circulaire ou tréflé se répand dans toute l'Egypte. Des temples et des tombeaux pharaoniques sont aussi transformés en église sans autre modification que la gravure de croix et le recouvrement de sculptures et de hiéroglyphes par une couche de plâtre. Le décor des églises et des monastères montre une prédilection pour l'arcade et ou la niche sur colonnes.

 

                                             

Nous ne possédons peu de peintures murales figuratives de cette troisième période mais de grande qualité comme celles des monastères blanc et rouge du Baouît avec le Christ trônant entouré des apôtres

 

                                                 

 et de saints, la vierge allaitante, celle de saint Collutus et de la vierge à Antinoé.

                                                       

De nombreux modèles de croix ornées des cellules indiquent l'orient.

        

En ce temps apparaissent les portraits peints sur bois qui deviendront nos icônes.

Plus encore que les portaits funéraires du Fayoum, le visage iconique copte à l'image des séraphins, devient oeil contemplant l'invisible. Le corps s'épure et la posture hiératique exprime la retenue et l'humilité devant la grâce divine. L'icône copte se reconnait immédiatement par l'impression de douceur et de sérénité des personnages. Même les saints cavaliers brandissant leur lance, expriment la paix qui exclut toute violence physique;

                                                         

Bien que le synaxaire ne cache rien des tourments des martyrs, jamais ils ne sont représentés dans la douleur, mais toujours sereins et glorieux. Seule l'image alongée des ascètes montre la violence spirituelle de la tension de l'âme vers le créateur.

 

                                                    

L'icône du Christ et d'abba Ménas prieur du Baouît, conservée au musée du Louvre, malgré son originalité, est l'archétype de l'image copte: Deux personnes aux grands yeux font face et  posent leur regard bienveillant sur le spectateur. Le Christ, l'Ami de l'Homme, entoure de son bras les épaules d'Abba Ménas dans un geste protecteur et fraternel tandis que le prieur désigne l'Auteur de toute grâce de sa main droite. Des archéologues reconnaissent dans le geste du Sauveur celui du dieu de l'ancienne Egypte introduisant le pharaon dans l'au-delà, d'autres l'intronisation de pharaon, nouvel Horus.  Nous y voyons aussi et surtout, la communion d'amour entre le Christ, son saint, et ceux qui vénèrent l'icône.

 

Les stèles funéraires délicatement sculptées à plat, présentent souvent des décors à motif architectural  mettant en valeur la représentation du défunt. D'autres stèles  représentent aussi,  héritage  de l'Egypte pharaonique, des fausses portes qui rappellent la porte par laquelle le "Ba" du mort pouvait sortir et entrer dans le tombeau. D'autres déclinent à l'intérieur d'un cadre architectural d'un fronton monté sur deux colonnes les symboles de victoire et de résurrection,  couronne,  croix ansée égyptienne, croix pattée, paons, raisins, aigles.

 

                                                                   

Du 8è. au 14è.S.

 

Malgré la récente occupation arabe, cette période est très productive. Les grandes peintures murales dont le style s'apparente à nos fresques romanes, ornent les monastères des déserts.

        

 

L'art ornemental  s'enrichit des iconostases en bois à décors géométriques d'ivoire. Des portes sont décorées de panneaux  sculptés représentants les épisodes de l'Evangile ou des saints.  

                                                               

Les arabes, peu habiles dans les arts, font appel aux artisans coptes pour construire la mosquée d'ibn Touloun au Caire et celles de Médine et de Damas.

 

Du 15è.au 20è.S.

 

La pression coercitive de l'islam  qui érode la communauté chrétienne n'est pas favorable à la création artistique. Si les temps ne sont pas favorables à de grandes réalisations, les coptes n'ont pas cessé de produire durant ces siècles de nombreuses et surprenantes enluminures de manuscrits liturgiques et des belles icônes traditionnelles. 

                                                                  

                                                                                                                       

 

Ils n'ont pas oublié non plus l'art du tissage.

                                                               

Comme dans tout l'orient chrétien, l'art du 19è.S. fut circonvenu par la peinture occidentale. Aujourd'hui, cette régression est en partie arrêtée par l'influence d'Isaac Fanous et ses disciples. L'icône copte nouvelle s'épure encore plus, et par son trait et ses couleurs à plat, retrouve sa source dans les peintures pharaoniques.

                    

Les architectes savent utiliser les matériaux modernes et construisent, quand les rares autorisations sont accordées,  de belles églises avec d'époustouflantes coupoles en béton. 

                                                                

 

                                          + Eliyâs-Patrick                                      lettre de saint Elie, N°141,Août 2000

 

 

 Bibliographie:

* Pierre du Bourguet, les coptes, Que sais-je N°2398, PUF 1988

* catalogue de l'expo Institut du Monde arabe &  musée de l'Ephèbe d'Agde, L'art copte en Egypte,   IMA-Gallimard, 2000

* Mahmoud Zibawi, Orients chrétiens, Desclée, 1995

* revue "Le Monde copte", N° 18 & 19, Limoges 1990,91

 

                                                     

 

                                      

 

 

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