"RENDEZ GLOIRE AU SEIGNEUR

             POUR SON NOM"

 

PETITE ETUDE DE LA DOXOLOGIE DANS LE CULTE ORTHODOXE

                                                             Par l'higoumène Elias-Patrick

 

L’ACTION DE GRACES :

 

 

La prière liturgique trouve sa source dans la joie du Père céleste glorifié par son Fils qui a mené à bonne fin l’oeuvre qu’Il lui a donnée à faire.

Le père est glorifié en ce que le Fils, ayant reçu de Lui autorité sur toute chair, donne à cette chair la vie éternelle. Jean 17, 1-4.

Cela, Christ l’a accompli en étant obéissant jusqu’à la mort, et à la mort même de la croix, c’est pourquoi Dieu l’a exalté au-dessus de tout nom. Phil.2, 8-9.

Nous qui sommes greffés au Christ par le baptême et incorporés à lui par l’Eucharistie, nous glorifions Dieu le Père par notre vie et par notre prière.

 

Notre prière éclate essentiellement en louanges à Dieu pour ses bienfaits.

 

LA BENEDICTION :

 

Cette louange est action de grâce des oeuvres du Créateur dont le type est la bénédiction juive.

Sur des éléments plus anciens, elle s’est fixée au IIIè siècle sous la forme suivante :

- a - une bénédiction introductive :

                              Béni es-tu, Seigneur, notre Dieu, Roi du Monde

- b - une anamnèse :

                                Qui formes la lumière et crées les ténèbres

                                Qui fais la paix et crées toutes choses

                               Qui dans ta miséricorde, donnes la lumière à la terre et à ceux qui y habitent ...

- a’ - reprise finale facultative de la bénédiction :

                                 Bénis, es-tu, Seigneur notre Dieu.

 

Nos anaphores eucharistiques ont hérité de cette structure fondamentale.

 

LA DOXOLOGIE :

 

La louange peut aussi appartenir à un autre genre littéraire attesté par  I chronique 29, 11-12 :

A Toi, Seigneur, la grandeur, la puissance, la magnificence, la splendeur et la gloire ...”.

 

Le roi David, contemple les matériaux préparés pour édifier le temple et prononce une des premières doxologie.

La doxologie consiste en la proclamation que toute Seigneurie, toute grandeur, toute gloire reviennent à Dieu seul, et que de lui seul l’homme peut recevoir puissance.

Elle n’exprime pas un voeu pieux mais elle est cri de reconnaissance du croyant (2).

Dans la doxologie, le croyant dépasse l’action de grâces pour les bienfaits du Seigneur, il loue Dieu pour lui-même.

C’est une reconnaissance des attributs propres de Dieu. Outre I chronique 29 cité plus haut, le texte le plus explicite de la Première Alliance avec le Trisagion de la vision d’Isaïe (3), est celui de l’apparition Divine à Ezéchiel : “L’Esprit m’enleva, et j’entendis derrière moi retentir un grand fracas : Bénie soit la gloire du Seigneur en son lieu”.

 Ez.2, 12.

J.M.Sallès (4) remarque que “toutes ces formules doxologiques ont en commun d’être des paroles de louange adressées à Dieu. Ces louanges proclament sa gloire et sa sainteté, sans jamais être reportées vers le fidèle qui les prononce, en faisant par exemple, mémoire d’un bienfait de Dieu envers lui”.

La doxologie est en quelque sorte, une réponse de la créature à une théophanie du créateur. Le Tout Autre se montre à sa créature dans la gloire. La doxologie comme “l’orthodoxie représente le mouvement de la créature et de l’Eglise qui  reconnaissent en la Gloire, la Présence de Dieu... Dieu n’a nul besoin d’être flatté, encensé ; Il n’a aucun besoin de soutien mais sa Présence, sa Gloire, sa Splendeur créent ce mouvement de la création et de l’Eglise, font éclore leur émerveillement jaillissant en action de grâce.” (5)

 

LE CULTE DE LA SYNAGOGUE :

 

 

“Le sacré n’est point ce que l’homme a décidé, ajoute Monseigneur Jean (Kowalesky), mais là où réside un élément de la présence de Dieu”.

C’est probablement pour cette raison que les doxologies sont relativement rares dans l’Ancien Testament et quasi absentes du culte de la synagogue: la Gloire de Dieu résidait dans le temple de Jérusalem, les doxologies étaient réservées au culte sacerdotal du temple et sont devenues exceptionnelles après la chute du temple par suite de l’impossibilité de pouvoir acclamer la gloire dans son lieu.

Dans certaines circonstances solennelles la doxologie se maintient dans l’office de la synagogue. On peut citer par exemple la troisième prière du Kaddish :

 

“Béni, loué, honoré, célébré, exalté, magnifié, vénéré, glorifié soit le Nom du  Saint, béni soit-il-, bien au-dessus de toutes les bénédictions, hymnes, louanges, paroles de consolation, qui puissent s’exprimer dans le monde, - et dites Amen.”(6)

 

Le corps du Christ ressuscité remplace le temple. Son grand corps, l’Eglise, désormais est le lieu de rassemblement et d’unité du peuple des rachetés. La Gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, la gloire de  l’homme c’est Dieu, selon la belle formule de saint Irénée.

 

LA NOUVELLE ALLIANCE :

 

La doxologie retentit désormais en tous lieux et rayonne joyeusement dans les écrits de la nouvelle et éternelle Alliance.

La Gloire bien entendu est attribuée à Dieu seul. La Doxologie intègre toutefois les données de la nouvelle révélation. C’est vers le Père céleste, source de toute vie et de tout bien que la prière s’élève, c’est Lui qu’on adore et à qui on rend gloire par son Fils bien aimé, Jésus le Christ.

A lui aussi, le messie, icône de la Gloire du Père, est rendu un culte, on le loue ou l’adore, on le prie.

 

La doxologie Chrétienne se divise en trois schéma :

a) le destinataire de la louange est le Père seul mentionné :

* ”Oui, de lui (le Seigneur Dieu), par lui et pour lui sont toutes choses. A Lui la gloire, dans les siècles . Amen.” Rom. 11,36.

*”A Dieu qui est notre Père, gloire dans les siècles des siècles. Amen” Phil.4,20.

* “Amen!  La bénédiction, la gloire, la sagesse, l’action de grâce, l’honneur, la puissance et la force, sont à notre Dieu pour les siècles des siècles. Amen.” Apoc.7,11.

b) L’hommage s’adresse au Père par le Christ

Jésus est intégré en tant que médiateur. La formule par le Christ s’introduit dans la doxologie habituelle de la première Alliance :

* A Dieu, seul sage, par Jésus Christ, à lui la gloire pour les siècles des siècles. Amen Rom.16,27.

* Au Dieu unique, notre Sauveur, par Jésus Christ notre Seigneur, sont la gloire, la grandeur, la force et la puissance, de toute éternité, et maintenant, et pour les siècles des siècles. Amen Jude 25.

 

c) Le Christ partage la gloire et la divinité avec son Père.

Le Fils seul est nommé :

* “(des patriarches), est issu selon la chair, le Christ qui est au-dessus de tout, Dieu béni dans les siècles. Amen.” Rom.9,5.

* “Grandissez dans la grâce et la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ. A lui la gloire maintenant et dans le jour éternel. Amen. II Pierre 3,18.

* A celui qui nous aime et qui nous a délivré par son sang .... à lui la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen.” Apoc.1,5-6.

 

Ces exemples ne sont pas exhaustifs mais suffisent à caractériser les éléments constitutifs de la doxologie de la période apostolique :

1. Le destinataire de la louange est Dieu,

le Père seul,

ou le Père par le Christ

ou le Christ lui-même (7)

2. Le titre de “gloire”, unique ou accompagné d’autres attributs divins comme la puissance, la bénédiction.

3. La mention de l’éternité exprimée par le “jour éternel” ou l’expression “aux siècles des siècles”.

4. L’Amen scelle les trois éléments précédents et leur donne du poids non dans l’absolu mais dans la vie du fidèle qui confesse leur réalité expérimentale.

Avant de quitter les écrits des apôtres, j’ai mis à part la doxologie de la très belle prière de Saint Paul dans l’épître aux éphésiens 3,14-21 :

A lui, (le Père), est la gloire dans l’Eglise et dans le Christ Jésus, dans toutes générations et aux siècles des siècles. Amen”.

 

Le cercle de feu se referme. La Gloire du Seigneur, d’Ezechiel, en Son lieu, est explicitement montrée, non plus présente dans le temple, mais dans l’Eglise, corps du Christ Jésus.

Nous verrons plus loin l’aboutissement de cette doxologie en celle de la Tradition Apostolique d’Hippolyte. Pour le moment, elle nous servira de frontière entre le Nouveau Testament et les pères apostoliques dont nous  recenserons seulement les doxologies christologiques ou trinitaires, laissant de côté, celles à un seul terme : Dieu le Père.

 

LES PERES APOSTOLIQUES :

 

 

Saint Clément de Rome (+début IIè siècle)

 

L’occasion de la première épître aux corinthiens, fut le trouble jeté dans la communauté par la déposition injuste de presbytres par une faction de la communauté de Corinthe. Saint Clément écrit pour rétablir la paix. Il dit clairement que les ministres ne peuvent être déposés de leur fonction par la communauté parce qu’ils ne tiennent pas d’elle leur établissement ; Ils ont reçu leur fonction des apôtres qui, de leur côté ont agi conformément aux “instructions” du Seigneur. (8)

Les Eglises catholiques décèlent dans cette lettre la première affirmation du caractère permanent du ministère sacerdotal et diaconal.

La première épître se termine par une magnifique prière d’action de grâce que nous pouvons appeler anaphore car elle ramasse tous les motifs de  louanges du Très Haut et les porte vers le haut  (anaphore = porter vers le Haut). Elle est conclue par la doxologie :

 Seul, tu as la faculté de dispenser ces faveurs, et d’autres,  plus belles encore. Nous te rendons grâces, par le grand prêtre et protecteur de nos vies, Jésus Christ. Par lui sont à toi, la gloire et la splendeur, aujourd’hui et de génération en génération, et aux siècles des siècles. Amen”. (9)

 

Chez saint Clément la doxologie est presque toujours adressée au Père avec le rappel que c’est par Jésus Christ que Dieu est éternellement glorifié.

L’épître s’achève sur une dernière bénédiction :

 

 La grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit avec vous et avec tous ceux qu’en lui  Dieu a partout appelés. Par lui, gloire à Dieu, honneur, puissance, majesté, éternelle royauté, depuis les siècles jusqu’aux siècles des siècles. Amen.” (10)

 

Saint Polycarpe (+177)

 

Saint Irénée rapporte que Polycarpe fut disciple des apôtres et vécut avec beaucoup  de ceux qui avaient vu le Seigneur et fut établi par les apôtres évêque de Smyrne. Lui-même l’avait vu dans son enfance (11). Polycarpe subit le martyr en 177,  condamné à être brûlé vif. Mais le feu présenta la forme d’une voûte,  l’évêque, docteur de l’Asie, Père des chrétiens était au milieu comme un pain qui cuit, non comme une chair qui brûle. Alors, il fut percé par le poignard. (12)

Avant de témoigner sa foi pour le sacrifice de sa vie, saint Polycarpe prononce une prière que je retranscris in extenso en raison de son importance théologique et liturgique : (13)

 

Seigneur Dieu tout puissant, Père de ton enfant bien-aimé et béni, Jésus-Christ, par qui nous avons reçu la connaissance de ton nom, Dieu des anges et des puissances et de toute la création, et de toute la race des justes qui vivent en ta présence. Je te bénis pour m’avoir jugé digne de ce jour et de cette heure, -de prendre part, au nombre de tes martyrs, au calice de ton Christ pour la résurrection de la vie éternelle de l’âme et du corps, dans l’incorruptibilité de l’Esprit Saint. Avec eux puissé-je être admis aujourd’hui en ta présence comme un sacrifice gras et agréable, comme tu l’avais préparé et manifesté d’avance, comme tu l’as réalisé, Dieu sans mensonge et véritable. Et c’est pourquoi pour toutes choses je te loue, je te bénis, je te glorifie par le grand prêtre éternel et céleste Jésus-Christ, par qui soit  la gloire à toi avec lui et l’Esprit Saint, maintenant et dans les siècles à venir. Amen”. (14)

 

Comme chez Clément de Rome, le Père est glorifié par le Grand Prêtre Jésus-Christ. La doxologie se développe en trois termes coordonnés : à toi, avec lui (Jésus Christ) et l’Esprit Saint. (14) C’est la première fois que l’Esprit Saint reçoit avec le Père et le Fils même adoration et même gloire.

 

Origène (+253)

 

C’est au IIIè siècle, que se répand la doxologie à trois termes : Le Père, le Fils, le Saint Esprit.

Les homélies d’Origène se terminent généralement par une doxologie à un, deux ou trois termes. Dans le traité sur la prière, Origène propose une structure en quatre parties, nécessaire pour faire une prière complète :

 

1- Au début comme prologue de la prière, il faut glorifier Dieu par le Christ qui est glorifié avec lui dans le Saint Esprit qui est loué avec lui.

 

2- Après chacun fait de communes actions de grâces en rappelant les bienfaits reçus de Dieu

 

3- Après, la reconnaissance des péchés et la demande de la guérison...

 

4- puis la demande des biens grands et célestes, particuliers et universels...

 

1’- enfin la prière doit s’achever par la glorification de Dieu par le Christ dans le Saint Esprit. (15)

 

Origène propose un modèle de prière parfaite qui termine par une doxologie une oraison commencée par une doxologie.

Il se démarque, semble-t-il, de la tradition dite judéo-chrétienne qui débute la prière par la bénédiction (16) et conclut par la doxologie.

 

LA TRADITION LITURGIQUE :

 

 

La Didaché ou doctrine des douze apôtres (fin Ier siècle ou début IIè siècle).

 

La didaché occupe une place charnière entre les écrits du Nouveau Testament et les Pères apostoliques. L’écrit est une compilation de diverses traditions d’origines différentes dont l’essentiel est un enseignement moral présenté sous la forme de deux voies, celle qui mène à la vie, celle qui conduit à la mort.

Cet enseignement est d’origine juive légèrement modifié par les chrétiens. Sa haute antiquité est attestée par le fait qu’il ne cite jamais le Nouveau Testament textuellement. Les citations appartiennent une tradition indépendante parfois plus archaïque que les documents canoniques.

Les chapitres 7 à 10 et 14 à 16 contiennent une partie liturgique sur le baptême, le jeûne, la prière, le repas eucharistique, qui elle aussi possède une souche juive, peut-être même influencée par Qumram.

Le notre Père, de la Didaché (17) se termine par la doxologie

 

Car c’est à toi qu’appartiennent la puissance et la gloire dans les siècles”.

 

Cette doxologie est à rapprocher de la version sahidique (Haute Egypte, version copte ancienne) du Notre Père dans l’Evangile de Mathieu , que l’on peut calquer sur notre texte. Elle étonne par l’absence de la mention du royaume, troisième terme de tous les autres manuscrits offrant une doxologie à la prière dominicale.

Le repas eucharistique, s’ouvre par la bénédiction “Nous te rendons grâce, notre Père” et s’achève par la même doxologie que celle de notre Père (sans mention du royaume) et s’adresse au Père par la médiation du Fils.

A partir de la didaché, la doxologie s’épanouit dans tous les textes liturgiques. Dom Cabrol observe justement que “la doxologie dont la forme varie dans les livres gallicans, mozarabes, romains ou orientaux, est employée d’ordinaire dans les mêmes rites et dans les mêmes circonstances.” Ce qui autorise à conclure que leur origine est antérieure à celle où les liturgies commencèrent à se diversifier (18)

La doxologie se retrouve dans toutes les liturgies d’Orient et d’Occident, à la fin des collectes, des ecténies (litanies), de l’anaphore eucharistique, de la prière dominicale, de toutes bénédictions. Elle couronne les homélies, les hymnes et cantiques, puis les psaumes de l’office divin.

Afin de ne pas fatiguer le lecteur, la présente étude se limitera aux anaphores eucharistiques.

 

Saint Justin (+ vers165)

 

Le philosophe Justin a expédié à l’empereur Antonin de Pieux (138-161) une apologie dans laquelle il proteste de l’attitude de l’empire à l’égard des chrétiens. Il veut les laver des accusations d’athéisme, d’ennemis de l’Etat et de criminels. Il justifie la vérité chrétienne et montre la pureté des “assemblées des frères”.

“On apporte à celui qui préside l’assemblée des frères du pain et une coupe de vin trempé d’eau. Il les prend et loue et rend gloire au Père de l’univers par le nom du Fils et du Saint Esprit, puis il fait une longue eucharistie pour tous les biens que nous avons reçus de lui. Quand il a terminé les prières et l’eucharistie, tout le peuple présent acclame : Amen Amen “ (19)

La doxologie semble ici ne pas être à la fin de l’eucharistie. Il ne s’agit pas d’un texte liturgique mais d’une présentation succincte du culte à un païen. Il est probable que Justin ne suit pas scrupuleusement l’ordo.

Remarquons que la doxologie, en ce milieu du IIè siècle est trinitaire de type que nous pouvons appeler subordonné, elle s’adresse au Père par le nom du Fils et du Saint Esprit.

 

Saint Hippolyte de Rome (début du IIIè siècle)

 

Hippolyte dans la tradition Apostolique (20) nous livre le document liturgique le plus ancien. Désormais toutes les liturgies d’Orient et d’Occident se développeront sur le schéma de celle présentée par la Tradition Apostolique. Il ne lui manque dans l’eucharistie que l’irruption du trisagion pour être une liturgie “moderne”. Les doxologies d’Hippolyte sont profondément originales et évoquent celle de l’épître aux éphésiens 3, 14-21.

 

Celle de l’oblation :

“afin que nous te louions et glorifions par ton Enfant Jésus-Christ, par qui, à Toi gloire et honneur avec le Saint Esprit dans la Sainte Eglise, maintenant et dans les siècles des siècles. Amen”.

 

En toute bénédiction la Tradition Apostolique veut qu’on dise

“Gloire à toi, Père et Fils avec le Saint Esprit dans la Sainte Eglise, maintenant et toujours et dans tous les siècles. Amen”.

 

Outre la précision que le lieu de la gloire est l’Eglise, cette doxologie revêt un grand intérêt pour nous car les trois personnes de la Trinité y apparaissent pour la  première fois dans un texte liturgique dans une formule où la coordination des trois membres marque explicitement l’égalité et l’unité du Père, du Fils, du Saint-Esprit.

Cette confession de foi orthodoxe ne peut s’épanouir que dans l’Eglise catholique comme l’écrit saint Hilaire de Poitiers:

“le nom de Dieu n’était point ignoré (dans la loi chez les païens). Et pourtant si, il était complètement ignoré !”.

Car personne ne connaît Dieu s’il ne confesse à la fois, et le Père, Père du Fils unique, le Fils unique, le Saint-Esprit déificateur.

 

Quelques autres liturgies du IVè siècle.

 

Toutes les autres liturgies connues ont été rédigées peu ou prou au IVè siècle et contiennent une doxologie exceptée celle de Sérapion.

L’anaphore de saint Basile puis celle de saint Jean Chrysostome se terminent par la même doxologie :

 

“Et donne-nous de glorifier et de chanter d’une seule bouche et d’un seul coeur ton Nom sublime et plein de majesté, Père, Fils et Saint Esprit, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles, Amen”.

 

Le canon romain conclut “Par le Christ, notre Seigneur... par lui, avec lui, en lui, à toi Dieu le Père tout puissant, dans l’unité du Saint Esprit, tout honneur et toute gloire dans tous les siècles des siècles, Amen”.

 

Les liturgies gallicanes utilisent la même doxologie ou un texte relativement proche. Elle est précédée d’une oraison “post épiclèse” appelée post mysterium dans le missale Gothicum, “post secreta” dans le missale Gallicanum vetus. Cette formule variable tient lieu tout ensemble, ou tour à tour, des prières complémentaires de l’Amnanèse, d’épiclèse et d’introduction à la doxologie.

 

L’évêque Jean Kowalesky dans le texte de sa liturgie restaurée selon l’ancien rite des Gaules (21) propose, à la suite d’une post épiclèse variable, une bénédiction fixe des éléments suivie de la doxologie.

 

A toi, Père tout puissant et au Verbe fidèle et véridique, et à l’Esprit Saint sanctificateur, conviennent tout honneur, gloire et adoration, maintenant et toujours et aux siècles des siècles, Amen”.

 

LA DOXOLOGIE, CONFESSION DE FOI TRINITAIRE :

 

 

Nous avons essayé de montrer que la “liturgie chrétienne procède pour une très large part, de la liturgie juive et n’en est même que la continuation” (22) et que l’adoption généralisée de la doxologie en conclusion des bénédictions ou de l’action de grâce est le premier élément de passage de la judaïté au christianisme.

Le second élément est, à partir de la glorification du Nom, l’évolution de la doxologie adressée au Père seul à la doxologie trinitaire coordonnée avec comme médiante la doxologie subordonnée. (23) Les fidèles baptisés au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit contemplent et manifestent la Gloire de l’Un en trois hypostases égales et coéternelles.

 

 

 

Notes et Bibliographie :

 

(1) L’étude de dom Fernand Cabrol, la Doxologie dans la prière chrétienne des premiers siècles, Revue Recherches de Science Religieuse, fév.avril 1928, est un guide sûr pour l’étude du sujet. Une partie importante des matériaux de cet article lui appartient.

 

(2) La doxologie implique l’indicatif et non le subjonctif

 

(3) “Des séraphins... se répondant l’un à l’autre disaient : Saint, saint, saint est le Seigneur des armées, toute la terre pleine de sa gloire”. Isaïe 6,3.

 

(4) Jean Marie Sallès, bénédiction synagogale et doxologie, revue la maison Dieu n°175, 1988.

 

(5) Evêque Jean (Kowalesky) commentaire du prophète Ezechiel, ed. Présence orthodoxe, Paris 1974.

 

(6) Par ses parties les plus anciennes (non citées ici), le Kaddish pourrait être antérieur au christiannisme, toutefois la mention la plus ancienne de l’un de ses éléments est mise sur les lèvres de rabbi José, au IIè siècle de notre ère.

J’emprunte la traduction de l’araméen à J.B. Frey, le pater est-il juif ou chrétien, Revue Biblique 1915, p.557 sq.

 

(7) Une doxologie, importante pour l’histoire du dogme du la Sainte Trinité dans Apoc.4,13 “ A celui qui est assis sur le trône et à l’Agneau sont la bénédiction, l’honneur, la gloire et la domination pour les siècles des siècles, Amen”.

 

(8) Première épître aux corinthiens, folios 42 à 44 in l’Empire et la croix, collection ictus, Paris.

 

(9) Ibidem, folio 61,3

 

(10) Ibidem, folio 65,2

 

(11) Irénée de Lyon, contre les hérésies, III, 4, Cerf, Paris 1984.

 

(12) Martyre de saint Polycarpe, Sources Chrétienne (S.C) n°10, folio 14,15,16

 

(13) Le père Jules Lebreton, histoire du dogme de la Sainte Trinité ; Beauchesne, Paris 1928, consacre un long développement, t.2 p.197 à 200 à l’étude de cette prière.

Il y discerne un témoignage hors pair de la tradition apostolique, non sous une forme impersonnelle d’une règle extérieure, d’un formulaire reçu d’autorité, mais dans l’hommage d’un croyant dans la circonstance solennelle entre toutes où il va souffrir pour son Dieu.

 

(14) La formule coordonnée (avec, et) est exceptionnelle dans la littérature des deux premiers siècles et a parue suspecte à certains historiens qui y voient une interpolation née d’usage liturgique postérieur au récit du martyr de saint Polycarpe.

Il a bien fallu passer de la doxologie subordonnée ( par) à celle coordonnée (et). Pourquoi pas en ce dernier quart du IIè siècle ?

 

L’Ode 23 de Salomon (anonyme de la première moitié du IIè siècle) décrit une tablette écrite du doigt de Dieu.

“Le nom de Dieu était gravé sur elle avec celui du Fils et de l’Esprit Saint pour régner dans les siècles des siècles. Alleluia.” Pierre Batiffoll, in Revue Biblique 1911.

 

(15) Origène, de la prière, traduction Bardy, Gabalda, Paris 1932.

 

(16) L’Orient Chrétien, fidèle à cette tradition commence chaque office divin par la bénédiction : Béni soit notre Dieu, en tout temps, maintenant et toujours, et aux siècles des siècles, ou Béni est le règne du Père, du Fils, du Saint-Esprit...

 

(17) S.C. n°248, Paris 1978.

 

(18) op. cit. note 1

 

(19) Apologie I in la philosophie passe au Christ, collection ictus, Paris 1958.

 

(20) S.C. n°11 bis Paris 1968 - voir aussi Présence Orthodoxe n°84.

 

(21) Archiprêtre E.Kowalesky, le canon eucharistique de l’ancien rite des Gaules, Paris 1957.

 

(22) Louis Duchesne, origine du culte chrétien, Paris 1925.

 

(23) Les lecteurs intéressés par le problème, peuvent lire les passages que saint Basile consacre dans son traité sur le Saint-Esprit (P.G.32) à ce que nous appelons la petite doxologie : Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit, qui à son époque coexistait avec la formule gloire au Père, par le Fils dans le Saint-Esprit.

 

 

 
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