Saints Abdon & Sennen

 

 

Sur les murs du sanctuaire du prophète Elie, les icônes, pourtant peu nombreuses, ne sont pas toujours vénérées avec ardeur par les fidèles, les visiteurs en revanche manifestent une juste curiosité pour les saints qui avec l'Assemblée participent à la liturgie.

 

Parmi les grands de l'Eglise universelle et d'Egypte avec les saints locaux, deux saints  qui bien que proches sont, peut-on dire, des implantés: saint Abdon et saint Sennen.

Le synaxaire inscrit leur fête à la date du 30 juillet.

Ils nous viennent du Roussillon, après avoir vécu en Perse et martyrisés à Rome.

 

         

 L'été est propice aux pèlerinages donc à l'hagiographie. Voici donc l'histoire et la légende de nos deux persans.  

 

Une peinture murale des catacombes de saint Pontien sur la voie qui mène de Rome à Porto, représente les saints Abdon et Sennen couronnés par le Christ jaillissant d'une nuée.

 

 

          

 

Abdon est un nom d'origine sémitique que nous pouvons rapprocher de l'arabe Abdallah "serviteur de Dieu". le nom de Sennen reste encore énigmatique.

Il semble que l'origine de nos saints soit la frontière de l'actuel Irak et Iran.

 

Nous ne possédons pas les actes des deux martyrs aussi nous devons rechercher le témoignage des martyrologes anciens.

 

Voici ce qui parait garanti:

 

L'empereur Dèce, après avoir soumis "la Babylonie" et d'autres provinces, amena à Cordoue les chrétiens qu'il y trouva. Là, il en fit périr en grand nombre.

Les deux princes Abdon et Sennen, libres de leur mouvement en raison de leur dignité, se chargèrent de donner une sépulture aux martyrs et d'organiser les repas funéraires d'honneur. Dénoncés, ils furent conduits à Rome pour être condamnés par l'empereur s'ils refusaient de sacrifier aux idoles. Ils manifestèrent le plus grand mépris du culte des idoles et furent condamnés à l'amphithéâtre. On lâcha sur eux deux lions et quatre ours, ils refusèrent de maltraiter les deux saints étrangers. Les saints furent égorgés par les gladiateurs.

 

Un peu plus tard, après la paix constantinienne, une basilique fut érigée sur leur sépulture du cimetière saint Pontien vers 354. On dit qu'une source coulait près de leur tombeau, un baptistère y fut érigé. Ceux qui y étaient plongés recevaient la guérison du corps en même temps que la filiation divine.

 

Dans la première moitié du 9è siècle, leurs corps (une partie certainement?) furent transférés en la basilique saint Marc à Rome. 

Voici, si on peut dire ainsi, la première partie de l'histoire de nos saints.

 

Tandis qu'à Rome leurs corps étaient transférés, dans le Roussillon une abbaye dédiée à sainte Marie commençait à s'édifier sur la base d'un ancien monastère construit vers 778 sur les ruines des anciens bains romains d'Arles sur le Tech.

                  

 

Vers l’an 960, Arnulf, abbé de la communauté partait pour Rome afin de solliciter de la part du Pape Jean XIII l’attribution de reliques d’un saint. Il espérait ainsi à la fois assurer le rayonnement spirituel de son abbaye et obtenir la fin d’un fléau : « les Semiots » bêtes féroces dont les victimes, hommes et bêtes ne se comptaient plus.

 

La suite nous est racontée par Prosper Mérimée:

 

"Arrivé à Rome, Arnulphe exposa au Saint-Père la misère de ses concitoyens et lui présenta sa requête. Le pape, touché de compassion, l'accueillit avec bonté, et lui permit de choisir parmi les reliques conservées à Rome, exceptant toutefois celles de saint Pierre et d'un certain nombre de saints, dont il eût été imprudent de se dessaisir.

Arnulphe était embarrassé pour se décider, après avoir passé tout un jour en prières, il s'endormit et eut un songe dans lequel deux jeunes hommes lui apparurent: « Nous sommes, dirent-ils, Abdon et Sennen, saints tous deux. De notre vivant, nous étions princes. La Perse est notre patrie. Nous avons été martyrisés à Rome, et nos corps sont enterrés en tel lieu; exhume-les et porte-les dans ton pays, ils feront cesser les maux qui l'affligent. »

Le lendemain, Arnulphe, accompagné d'une grande foule du peuple, et suivi de travailleurs pourvus d'instruments convenables, fit fouiller l'endroit indiqué. On trouva bientôt les corps des deux jeunes gens, parfaitement conservés, reconnaissables pour saints à l'odeur. Il les exhuma en grande pompe, et se disposa à les emporter.

 

Arnulphe était un homme prudent ; il pensa que, pendant le long voyage qu'il avait à faire pour retourner dans son pays, il pouvait trouver bien des gens qui voudraient s'approprier le trésor qu'il portait, car on se faisait peu de scrupule alors de s'emparer, même par force, des reliques de vertus bien constatées. Pour détourner les soupçons, il mit ses saints dans un tonneau enfermé dans un autre beaucoup plus grand, qu'il remplit d'eau. Dès qu'il fut en mer, les matelots firent un trou au tonneau, croyant qu'il contenait du vin; mais, s'étant aperçus qu'il n'y avait que de l'eau, ils ne poussèrent pas plus loin leurs recherches.

Je passe rapidement sur les évènements du voyage, tempêtes apaisées, vents favorables et le reste. Arnulphe, débarque à Reuss avec ses reliques en double futaille, entendit toutes les cloches sonner d'elles-mêmes et se garda bien d'expliquer la cause de la merveille.

Le chemin de Reuss à Arles était alors extrêmement mauvais et praticable seulement pour les mulets. Le tonneau est donc chargé sur un mulet, et le saint homme, avec un guide, se met en route. Dans un sentier dangereux, bordé d'affreux précipices, le muletier, homme grossier et brutal, crut qu'il fallait donner du courage à sa bête et lâche un gros juron. Soudain, le mulet tombe dans le précipice et disparaît. On juge du désespoir d'Arnulphe. Retrouver le mulet était impossible ; retourner à Rome en quête d'autres reliques ne l'était pas moins. Il prit le parti de poursuivre sa route et de rentrer dans sa ville. Quelle est sa surprise et sa joie en rentrant en Arles, d'entendre sonner les cloches et de voir, sur la place de l'église, tout le peuple à genoux entourant le mulet et son tonneau qui avait déjà opéré la guérison des pestiférés et fait déguerpir les lions et autres bêtes féroces.

 

Arnulphe tira d'abord les saints de leur tonneau et quant à l'eau, il la versa bonnement dans un tombeau vide pour s'en débarrasser, où un lépreux, qui vint s'y laver fut guéri dans l'instant. D'autres malades vinrent bientôt constater la vertu de cette eau miraculeuse. Avertis de sa propriété, les moines du lieu la renfermèrent avec soin et n'en donnèrent plus que pour de l'argent. Elle coûte encore vingt sous la fiole, mais on n'en donne pas à tout le monde. Il faut en demander en catalan pour en obtenir, et pour avoir parlé gavache, j'ai eu le chagrin d'être refusé. »  Prosper Mérimée (Notes d'un voyage dans le Midi de la France, 1835)

 

 

Selon la version arlésienne, l'abbé Arnulf disposa provisoirement les reliques des saints dans un sarcophage de marbre blanc datant du IVème siècle et conservé dans l’abbaye depuis sa fondation.

Depuis ce jour et jusqu'à aujourd'hui, ce sarcophage appelé "la sainte Tombe" se remplit d'une eau incorruptible dont aucune analyse n'a pu déterminer ni son origine, ni sa composition physico-chimique exacte même si certains savants parlent, sans convaincre vraiment, de phénomène exceptionnel de condensation.

                                                 

Depuis les premiers signes, dont la guérison de la lèpre de Guilhem Gausselme (dont nous pouvons voir la pierre tombale au dessus de la sainte tombe à l'entrée de l'abbatiale), l'eau de la Sainte Tombe des martyrs Abdon et Sennen, par la grâce de Dieu et leur intercession produit de nombreuses guérisons.  J'en ai été personnellement témoin.

 

                                                                                                       + E-P

 

                                                                        

Lettre aux amis du sanctuaire du prophète Elie  N°176, Juillet 2003                                                                                 
Abdon & Sennen